5 milliards de photos dans Flickr, mais guère plus d’ouverture…

La semaine dernière, on a appris que Flickr avait atteint le cap des 5 milliards de photos, grâce à un envoi de l’utilisateur yeoaaron. La progression du volume de la plateforme de partage est impressionnante, puisqu’elle a gagné près d’un milliard de clichés en moins d’un an ! Vous avez dit User Generated Content ?

Je me souviens d’ailleurs très bien l’année dernière avoir déjà écrit un petit billet dans les Eclats de S.I.Lex pour saluer le passage de la barre des quatre milliards. Mais j’avais été quelque peu frustré, car il m’était impossible de montrer cette photo à l’extérieur de Flickr, dans la mesure où elle avait été copyrightée par son auteur (tous droits réservés…).

Cette année, ce ne sera pas le cas, puisque le cliché (il s’agit d’un montage) a été placé sous licence Creative Commons CC-BY-NC-SA, qui en permet la réutilisation à conditions de ne pas en faire d’usage commercial.

La voici donc !

Woodwards Collage. Par yeoaaron. CC-BY-NC-SA. Source : Flickr

Le franchissement de ce cap est l’occasion de faire un point sur le taux d’usage des licences libres dans Flickr. Dans mon billet de l’année dernière, je relevais que 120 millions de photographies avaient été placées par leurs auteurs sous licence Creative Commons, correspondant à 3% de l’ensemble.

Cette année, l’addition des photos placées sous les 6 types différents de licences (dont on peut avoir une vue précise ici) élève le total à 160 034 107, soit 3.2 %. Il y a donc bien eu une progression du volume total de photographies réutilisables, mais la proportion reste quasiment identique, ce qui révèle hélas que l’adoption des licences Creative Commons ne s’est pas étendue.

La photographie est certes un domaine assez sensible en matière de droits d’auteur (on le voit bien aux crispations que soulèvent en ce moment dans l’hexagone la question des oeuvres photographiques orphelines et celle de l’emploi du « DR », qui nous vaudront même peut-être une loi d’ici peu… à surveiller de près…).

Flickr demeure quand même un espace de tout premier ordre pour favoriser le développement des biens communs sur la Toile, et à vrai dire, les choses seraient infiniment plus complexes si l’on ne pouvait disposer de la souplesse qu’autorise la combinaison des licences Creative Commons et de ses fonctionnalités de partage.

En ce qui concerne la photographie en ligne, la nouvelle frontière des contenus se situe à présent plutôt du côté des réseaux sociaux, et ceux-ci ont une position ambiguë quant à la réutilisation des contenus. Facebook est devenu la plus grande archive de photos en ligne, très loin devant Flickr (il y en avait 80 milliards en février dernier !). c’est une chose peu connue, mais il existe une application pour placer son profil sous la licence Creative Commons de son choix. L’usage est peu répandu et la granularité est insuffisante, car il faudrait pouvoir attacher une licence à chaque photo, ce qui n’est pas possible aujourd’hui. Twitter permet également de partager des photos grâce à des applications tierces pour l’instant. Des services comme Plixi ou Twitpic permettent la réutilisation des contenus en mettant à disposition des fonctionnalités d’embed, mais sans recourir au niveau juridique aux licences libres. Ils utilisent ce que j’appelle le dispositif du Copydown : le copyright est neutralisé de manière contractuelle par le biais des CGU. Les personnes qui chargent des photos sur ces plateformes sont réputées accepter que d’autres les réutilisent, à la simple condition de faire un lien hypertexte en direction de l’original. On a donc bien là des réservoirs de contenus réutilisables, mais ce type de procédés juridiques me paraît quelque peu douteux…

Une photo que je peux réutiliser. Et cela ne me coûte qu'un lien hypertexte...(Celia Cheng. Source : Plixi)

Pour en revenir aux licences Creative Commons, il existe en réalité un double mouvement assez paradoxal. Les plateformes de partage de contenus sont de plus en plus nombreuses à permettre l’utilisation des licences Creative Commons. On apprenait récemment que Viméo se lançait dans cette voie pour les vidéos et le site SoundCloud a également annoncé qu’il prévoyait de mettre en place une intégration plus poussée de ces licences à son service de partage de sons.

(Cliquez sur la perle ci-dessous pour voir une cartographie des plateformes et réseaux sociaux qui autorisent l’usage des Creative Commons). Impressionnant, non ?

Plateformes de contenus/Réseaux soc//

Pourtant si la surface des contenus susceptibles d’être placés sous licence Creative Commons progresse, la profondeur de l’adoption de ces outils semble demeurer limitée.

A mon sens, tout comme on peut parler de médiation numérique pour la promotion de contenus en ligne, c’est par le biais d’une médiation juridique auprès des internautes que l’on pourra espérer modifier les pratiques et provoquer un basculement. Le droit d’auteur pur et dur a pour lui cet avantage qu’il s’applique automatiquement à toutes les créations, sans même que les individus aient besoin d ‘en avoir conscience, alors que les licences libres nécessitent un acte volontaire d’adoption de la part des internautes. C’est ce qui en fait la valeur, mais là réside aussi la difficulté.

Le rôle pédagogique d’intermédiaires n’en est que plus nécessaire. Je vous renvoie comme exemple au travail exemplaire accompli par les services de la municipalité de Brest pour promouvoir les biens communs et les co-produire sur leur territoire avec les citoyens. La même approche est envisageable en bibliothèque et c’est déjà le cas dans certains établissements (voyez l’exemple des archives sonores de la BPI). Déployée à plus large échelle, une telle démarche serait l’opportunité de faire naître de véritables archives ouvertes de la création contemporaine.

A moins qu’un jour, le web tout entier ne finisse par passer sous licence Creative Commons par défaut… ce qui n’est pas tout à fait un rêve délirant.

Image trouvée sur le site Deviant Art, qui admet lui aussi les licences Creative Commons (Par BlancaDeLaTorre). Cette image représente un cas intéressant. Elle a en effet été copyrightée par son auteur (assez paradoxal pour une image qui a pour but de promouvoir les licences Creative Commons !). Paradoxal et sûrement... illégal ! Car les logos et icônes des Creative Commons sont protégés au titre du droit des marques...

2 réflexions sur “5 milliards de photos dans Flickr, mais guère plus d’ouverture…

  1. Bonjour
    merci de défricher le droit pour les collègues !
    j’étais justement à la pêche sur le flickr pour illustrer une note de blog. je tombe sur la photo d’un manuscrit avec un copyright ? impossible pour moi de l’utiliser, mais le photographe a t il lui le droit de diffuser une reproduction d’un manuscrit du 13 °?
    The Labours of the Months

  2. Il a le droit de le diffuser. Par contre je ne pense pas qu’il puisse revendiquer de droit sur sa reproduction de l’oeuvre en France.
    Le manuscrit est une oeuvre originale qui est tombée dans le domaine public.
    Sa reproduction ne présente pas de caractère d’originalité, c’est une photo, mais ça aurait pu être tout aussi bien un scan ou une photocopie.

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