I Have A Dream : une loi pour le domaine public en France !

Cela plusieurs fois que j’évoque le sujet dans S.I.Lex ces derniers temps, mais voici une première tentative pour déterminer ce que pourrait être une loi pour le domaine public en France.

L’idée d’un tel texte m’est venue lorsque j’ai appris que le Ministère de la Culture projetait de faire voter une loi sur le Patrimoine en 2013. Il m’a semblé qu’il était indispensable de saisir cette occasion pour militer pour l’adoption d’une loi qui porterait à la fois sur le Patrimoine Et sur le Domaine public.

I Have A Dream. Par Dr Case. CC-BY-NC. Source : Flickr.

Un tel projet vise deux objectifs complémentaires : l’un défensif et l’autre offensif.

Défensif, car il est urgent de protéger le domaine public à l’heure du numérique. Il a connu une lente érosion au fil du XXème siècle, du fait de l’allongement continuel de la durée des droits et de la mise en place des droits voisins. Mais avec la numérisation, il est également menacé par de nombreux stratagèmes mis en place pour faire renaître des couches de droits divers et variés (copyfraud). Alors que la numérisation devrait être l’occasion de diffuser largement le domaine public, en accord avec sa nature, les institutions culturelles (bibliothèques, musées, archives) qui assurent la numérisation portent dans leur immense majorité atteinte à son intégrité. La mise en place de partenariats public-privé pour la numérisation du Patrimoine est aussi une source grave d’atteintes potentielles, à cause des exclusivités consenties par les établissements publics aux firmes privées.

Pour ces raisons, si l’on veut que le domaine public ait encore un sens au XXIème siècle, il est essentiel de le consacrer et de le protéger par la loi. On ne peut plus laisser une question aussi essentielle relever du ressort des seuls établissements culturels et des collectivités dont ils dépendent, qui sont souvent mal armés pour aborder la question et engagés dans des logiques de dégagement de ressources propres qui peuvent les pousser à marchandiser le domaine public. Le domaine public doit être le même pour tous les citoyens en France, car derrière cette notion, c’est la liberté fondamentale d’accès à la Culture et le droit de créer à partir des oeuvres du passé qui sont en jeu.

L’autre objectif d’une telle loi serait de reprendre l’initiative et de passer à l’offensive sur de nouvelles bases en matière de réforme du droit d’auteur. Pour l’instant, c’est à partir de la question du piratage/partage des oeuvres en ligne que cette réforme est le plus souvent abordée, dans le climat de tension que l’on connaît. Des propositions structurées sont pourtant sur la table, autour de la reconnaissance du partage non-marchand, mais il est possible d’ouvrir un second front au sujet du domaine public, qui remplira un rôle complémentaire.

Il est bien entendu cependant que cette proposition vise le Parlement français et non le niveau européen. Cela a pour conséquence que l’on ne peut agir sur l’un des aspects essentiels qui concerne la réduction de la durée du droit d’auteur et des droits voisins. Une telle réforme, primordiale pour le domaine public, ne peut être mise en oeuvre que par les institutions européennes, car ce sont des directives qui fixent la durée des droits. Vous verrez cependant que cela n’empêche pas d’agir sur ce chapitre dans la loi française, mais seulement à la marge.

Les propositions qui suivent sont inspirées de plusieurs sources : le Manifeste pour le domaine public de Communia (texte essentiel), les Éléments pour la réforme du droit d’auteur de la Quadrature du Net, le rapport Open Glam pour l’ouverture des données et des contenus culturels ou le rapport du Comité des Sages européens sur les partenariats public-privé. On trouvera également des suggestions intéressantes dans le rapport récemment publié par la Fondation Terra Nova, qui consacre toute une partie à la question du domaine public à l’heure du numérique.

Je propose ici une liste d’une vingtaine de points de réforme législative. Il s’agit d’un premier essai et certains nécessitent encore d’être affinés, mais je voulais donner une vue d’ensemble du projet. Le projet est articulé autour de sept objectifs différents :

I) Consacrer explicitement la notion de domaine public dans le Code de Propriété Intellectuelle français

  • 1. Préciser la définition de l’œuvre de l’esprit en consacrant dans la loi les critères d’originalité et de mise en forme
  • 2. Inscrire explicitement la notion de domaine public à l’article relatif à la durée des droits.

II) Simplifier le régime du domaine public et unifier la durée des droits

  • 3. Supprimer les prorogations pour années de guerre
  • 4. Supprimer la prorogation de 30 ans bénéficiant aux auteurs « Morts pour la France »
  • 5. Supprimer le régime particulier des oeuvres posthumes
  • 6. Simplifier l’application internationale du droit d’auteur

III) Limiter le champ d’application du droit d’auteur

  • 7. Supprimer la protection spécifique des titres d’oeuvres
  • 8. Introduire en droit français la distinction oeuvres utiles/oeuvres artistiques
  • 9. Limiter le droit moral à la vie de l’auteur
  • 10. Préserver le domaine public incorporé dans des oeuvres composites
  • 11. Garder le domaine public réutilisable en cas de simples rééditions d’oeuvres
  • 12. Instaurer un « test en trois étapes à l’envers » pour prévenir les atteintes futures au domaine public

4) Empêcher les atteintes à l’intégrité du domaine public

  • 13. Les reproduction fidèles d’oeuvres en deux dimensions appartenant au domaine public doivent aussi être dans le domaine public
  • 14. Empêcher la neutralisation du domaine public par le droit des bases de données
  • 15. Empêcher que la réutilisation d’oeuvres du domaine public soit entravée sur le fondement de la loi du 17 juillet 1978 relative aux informations publiques
  • 16. Empêcher les interférences entre le domaine public au sens de la propriété intellectuelle et le domaine public au sens de la domanialité publique
  • 17. Empêcher que la réutilisation d’oeuvres du domaine public soit entravée par des clauses contractuelles
  • 18. Empêcher que la réutilisation d’oeuvres du domaine public soit entravée par des DRM
  • 19. Empêcher que les reproductions d’oeuvres du domaine public soient interdites dans les emprises des institutions culturelles

5) Encadrer strictement les partenariats public-privé de numérisation

  • 20. Limiter les exclusivités concédées aux partenaires privés et introduire les préconisations comité des sages européens dans la loi du 17 juillet 1978

6) Élargir le domaine public par le versement d’oeuvres récentes

  • 21. Faciliter le versement volontaire au domaine public des oeuvres par leurs auteurs
  • 22. Faire entrer dans le domaine public les oeuvres produites par des agents publics dans l’exercice de leur mission de service public

7) Créer des mécanismes pour rendre effectif le domaine public

  • 23. Instaurer des sanctions en cas d’atteinte à l’intégrité du domaine public
  • 24. Donner compétence à la CADA pour rendre des avis sur la réutilisation des oeuvres du domaine public
  • 25. Créer un Registre national du domaine public
  • 26. Faire en sorte que les métadonnées correspondants à des oeuvres du domaine public soient elles-aussi automatiquement dans le domaine public

Je terminerais par des questions sur la portée d’un tel projet de loi, car le domaine public peut être conçu d’une manière plus ou moins extensive.

Tous ces points sont soumis à la discussion. Je n’ai bien entendu pas réponse à tout et je lance un appel à l’intelligence collective pour aboutir à la meilleure mise en forme juridique. N’hésitez pas à laisser des commentaires sous le billet pour critiquer certains points ou proposer des éléments supplémentaires.

J’ai un rêve ! Que la France, pays de Beaumarchais et du droit d’auteur, devienne aussi le premier à adopter une loi pour le domaine public !

***

I Consacrer explicitement la notion de domaine public dans le Code de Propriété Intellectuelle français

L’expression même de « domaine public » ne figure dans aucun texte de loi. Il s’agit en réalité d’une simple construction doctrinale que les juristes ont dégagé au fil du temps. Le domaine public ne dispose en l’état actuel que d’une définition négative, tirée du fait que les droits patrimoniaux sont limités dans le temps. Cette absence de définition expresse est une source de fragilité pour le domaine public et l’idée ici est de lui donner une définition positive pour le renforcer, en agissant sur différents articles.

1° Préciser la définition de l’oeuvre de l’esprit en consacrant dans la loi les critères d’originalité et de mise en forme

Le domaine public n’est pas seulement constitué des œuvres pour lesquelles les droits patrimoniaux sont arrivés à expiration. Y figurent également les créations qui n’accèdent jamais à la protection, faute de rentrer dans la catégorie des œuvres de l’esprit, telles que définies à l’article L.111-1 du Code. Les juges considèrent que les créations doivent remplir deux critères pour constituer des œuvres de l’esprit : être originales et bénéficier d’une mise en forme.

Pour consacrer explicitement la notion de domaine public, on peut agir sur l’article 111-1 en précisant explicitement les deux critères sus-mentionnés et en indiquant que les créations qui ne les remplissent pas appartiennent au domaine public.

Article L. 111-1 :

L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.

Modifications proposées :

Constitue une œuvre de l’esprit, la création originale, portant l’empreinte de la personnalité de son auteur et bénéficiant d’une mise en forme.

Une création ne satisfaisant pas à l’un de ces critères appartient au domaine public.

Il est important de consacrer explicitement le critère de l’originalité, car certains titulaires de droits comme les photographes demandent en ce moment sa suppression. Cela aurait pour effet que toutes les créations, même les plus banales, seraient protégées par le droit d’auteur et le domaine public se verrait diminué d’autant.

2° Inscrire explicitement la notion de domaine public à l’article relatif à la durée des droits.

Article L123-1

L’auteur jouit, sa vie durant, du droit exclusif d’exploiter son oeuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire.

Au décès de l’auteur, ce droit persiste au bénéfice de ses ayants droit pendant l’année civile en cours et les soixante-dix années qui suivent.

Modifications proposées :

Au terme de ce délai, l’oeuvre appartient au domaine public.

Simple, mais le dicton a raison, cela va toujours mieux en le disant ! Vous verrez par la suite que l’on a besoin que le domaine public soit mentionné dans le Code pour que la notion puisse produire des effets plus précis ailleurs.

II Simplifier le régime du domaine public et unifier la durée des droits

Un des problèmes qui affectent le domaine public et nuit à l’effectivité de la notion réside dans la difficulté à calculer la durée des droits. La loi française est en effet remplie d’exceptions au principe « vie de l’auteur plus 70 ans ». Il pourrait être simple d’agir à ce niveau pour supprimer ces complications et unifier le mode de calcul de la durée des droits au maximum.

3° Supprimer les prorogations pour années de guerre

Article L123-8

Les droits accordés par la loi du 14 juillet 1866 sur les droits des héritiers et des ayants cause des auteurs aux héritiers et autres ayants cause des auteurs, compositeurs ou artistes sont prorogés d’un temps égal à celui qui s’est écoulé entre le 2 août 1914 et la fin de l’année suivant le jour de la signature du traité de paix pour toutes les oeuvres publiées avant cette dernière date et non tombées dans le domaine public le 3 février 1919.

Article L123-9

Les droits accordés par la loi du 14 juillet 1866 précitée et l’article L. 123-8 aux héritiers et ayants cause des auteurs, compositeurs ou artistes sont prorogés d’un temps égal à celui qui s’est écoulé entre le 3 septembre 1939 et le 1er janvier 1948, pour toutes les oeuvres publiées avant cette date et non tombées dans le domaine public à la date du 13 août 1941.

Ces prorogations compliquent énormément le calcul de la durée des droits. Elles ont déjà été passablement neutralisées par la Cour de Cassation, mais elles subsistent dans le domaine de la musique. La proposition consiste ici simplement à supprimer ces deux articles.

4° Suppression de la prorogation de 30 ans bénéficiant aux auteurs « Morts pour la France »

Article L123-10

Les droits mentionnés à l’article précédent sont prorogés, en outre, d’une durée de trente ans lorsque l’auteur, le compositeur ou l’artiste est mort pour la France, ainsi qu’il résulte de l’acte de décès.

 Au cas où l’acte de décès ne doit être ni dressé ni transcrit en France, un arrêté du ministre chargé de la culture peut étendre aux héritiers ou autres ayants cause du défunt le bénéfice de la prorogation supplémentaire de trente ans

Là-aussi, ce bonus de 30 ans accordé aux auteurs « Morts pour la France » – unique en Europe – complique énormément le calcul de la durée des droits (on va d’ailleurs cruellement s’en rendre compte lorsqu’il s’agira de célébrer le centenaire de 14-18). Pour unifier le régime du domaine public, cet article est à supprimer.

5° Supprimer le régime particulier des oeuvres posthumes

Article L123-4

Pour les oeuvres posthumes, la durée du droit exclusif est celle prévue à l’article L. 123-1. Pour les oeuvres posthumes divulguées après l’expiration de cette période, la durée du droit exclusif est de vingt-cinq années à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle de la publication.

 Le droit d’exploitation des oeuvres posthumes appartient aux ayants droit de l’auteur si l’oeuvre est divulguée au cours de la période prévue à l’article L. 123-1.

 Si la divulgation est effectuée à l’expiration de cette période, il appartient aux propriétaires, par succession ou à d’autres titres, de l’oeuvre, qui effectuent ou font effectuer la publication.

Pour les oeuvres posthumes, non divulguées du vivant de l’auteur, la loi accorde un droit spécial de 25 ans, bénéficiant aux propriétaires du support physique en cas de publication, même lorsque l’oeuvre est dans le domaine public.

Ce régime est aberrant. Il conduit à des situations pathologiques, comme ce fut le cas avec Les Boréades de Rameau ou plus récemment avec des manuscrits inédits de James Joyce. Cette exception provoque également des effets choquants : c’est sur cette base par exemple que le département de la Dordogne revendique un copyright sur les peintures des grottes de Lascaux, au motif qu’il s’agirait d’oeuvres posthumes (!!!).

La justification de ce régime des oeuvres posthumes (inciter les propriétaires à publier les oeuvres) est insuffisante au regard de l’atteinte à l’intégrité du domaine public. Le bénéfice des droits durant 25 ans aux propriétaires en cas de publication après l’expiration des droits est à supprimer (enlever le dernier paragraphe).

6° Simplifier l’application internationale du droit d’auteur

La durée des droits varient selon les pays. En cas de mise en ligne, à quelle loi dont-on se référer ? La question s’était posée lorsque l’éditeur Gallimard avait demandé à Wikisource le retrait de textes qui avaient été mis en ligne sur la plateforme à partir du Canada.

A l’heure du numérique, où le domaine public a vocation à être numérisé pour être publié sur Internet, il est important de clarifier ces questions d’application internationale du droit d’auteur.

Pour résoudre ce problème, le manifeste de Communia propre la règle suivante :

Quand des œuvres tombent dans le domaine public structurel dans leur pays d’origine, ces œuvres doivent être considérées comme appartenant au domaine public structurel dans tous les autres pays du Monde. Quand dans un pays, une entité n’est pas soumise au droit d’auteur parce qu’elle tombe sous le coup d’une exclusion spécifique, soit parce qu’elle ne satisfait pas l’exigence d’originalité, soit parce que le terme de protection a expiré, il ne doit pas être possible pour qui que ce soit (l’auteur compris) d’invoquer le droit d’auteur dans un autre pays pour retirer cette œuvre du domaine public structurel.

A voir comment la traduire en droit et où l’insérer dans le Code (suggestions bienvenues en commentaires).

III Limiter le champ d’application du droit d’auteur

Le droit d’auteur, dans ses composantes patrimoniales et morales, s’applique très largement en France, alors que d’autres pays montrent l’exemple d’un champ d’application plus restreint. On peut s’inspirer de ces propositions pour élargir la sphère du domaine public et le rendre plus effectif.

7° Supprimer la protection spécifique des titres d’oeuvres

Article L112-4

Le titre d’une oeuvre de l’esprit, dès lors qu’il présente un caractère original, est protégé comme l’oeuvre elle-même.

Nul ne peut, même si l’oeuvre n’est plus protégée dans les termes des articles L. 123-1 à L. 123-3, utiliser ce titre pour individualiser une oeuvre du même genre, dans des conditions susceptibles de provoquer une confusion.

Aux Etats-Unis, les titres des oeuvres sont exclus de la protection du droit d’auteur et appartiennent donc au domaine public. Cela ne signifie pas qu’ils ne puissent faire l’objet d’aucune protection, mais les titulaires doivent pour cela recourir au droit des marques.

Eu égard à la nature informative des titres, il paraît plus logique de supprimer cette protection accordée au titre du droit d’auteur.

8° Introduire en droit français la distinction oeuvres utiles/oeuvres artistiques

Aux Etats-Unis encore, les articles utiles (useful articles) ne peuvent être protégés par le droit d’auteur :

A “useful article” is an object that has an intrinsic utilitarian function that is not merely to portray the appearance of the article or to convey information. Examples are clothing; automobile bodies; furniture; machinery, including household appliances; dinnerware; and lighting fixtures. An article that is part of a useful article, such as an ornamental wheel cover on a vehicle, can itself be a useful article.

Un même système existe en Angleterre pour les objets tridimensionnels, qui ne peuvent être protégées par le droit d’autreur que s’ils constituent des « oeuvres d’artisanat d’art » (works of artistic craftmanship) (voir la fameuse affaire des casques de Stormtrooper).

Cette distinction entre les articles utiles et les oeuvres fait que des domaines ne sont en principe pas protégeables par le droit d’auteur (les costumes, les articles de mode, etc). Cette conception de la protection, qui recentre le droit d’auteur sur les oeuvres de l’esprit au sens propre, élargirait le domaine public et empêcherait l’application du droit d’auteur dans une sphère pour laquelle il n’a manifestement pas été conçue (des juges ont par exemple déjà considéré qu’une notice d’aspirateur était une oeuvre de l’esprit !).

Cette réforme reprendrait aussi les idées de Richard Stallman, qui demande depuis longtemps de distinguer selon les différentes catégories d’oeuvres et que les « oeuvres utilitaires » reçoivent un traitement différent.

Pour introduire ce genre de raisonnement en droit français, il faut agir sur l’article L.112-1 qui consacre au contraire la théorie dite de « l’unité de l’art » :

Article L112-1

Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

Il faudrait ici supprimer « ou la destination » « et indiquer que les « oeuvres utiles » sont exclues du champ de la protection.

A voir cependant comment introduire exactement cette distinction et éviter que son application en justice ne soit trop aléatoire (commentaires bienvenus ici si vous avez des idées sur ce point).

9° Limiter le droit moral à la durée de la vie de l’auteur

En France, le droit moral est dit perpétuel et il dure par-delà de la mort de l’auteur, même une fois que l’oeuvre est entrée dans le domaine public. Après la disparition de l’auteur, ce sont ses ayants droit qui exercent le droit moral à la place de l’auteur réel.

Même si l’on peut comprendre la philosophie qui est derrière ce mécanisme, on a écrit des livres entiers sur les abus auxquels peuvent se livrer les ayants droit dans l’exercice du droit moral de leurs aïeuls.

Si le droit d’auteur est un droit lié à la personne de l’auteur,comme l’indique lui-même le Code, il serait bien plus logique, qu’à l’instar du droit à l’image par exemple, le droit moral soit limité à la vie de l’auteur et qu’il soit le seul à pouvoir l’exercer. Le régime du domaine public n’en serait que plus clair.

Ce système d’un droit moral limité à la vie de l’auteur est déjà appliqué par d’autres pays, en Allemagne par exemple ou au Canada.

Pour introduire cette conception en France, il faut agir sur l’article L. 121-1 :

Article L121-1

L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre.

Ce droit est attaché à sa personne.

Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.

Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur.

L’exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires.

Indiquer « Ce droit est attaché à sa personne et persiste pour la durée de sa vie ». Supprimer l’adjectif perpétuel et les deux dernières phrases.

10° Préserver le domaine public incorporé dans des oeuvres composites

Article L113-2

Est dite composite l’oeuvre nouvelle à laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière.

Article L113-4

L’oeuvre composite est la propriété de l’auteur qui l’a réalisée, sous réserve des droits de l’auteur de l’oeuvre préexistante.

Il faut éviter, quand des oeuvres du domaine public sont incorporées dans de nouvelles oeuvres par des créateurs, qu’elles soient à nouveau soumises au droit d’auteur. Je parle ici bien d’oeuvres composites, intégrant des oeuvres du domaine public sans les modifier, et pas d’oeuvres dérivées qui les transforment.

Pour ce faire, on pourrait ajouter à l’article L.113-4 la phrase suivante :

« Lorsque l’oeuvre composite incorpore une ou des oeuvres appartenant au domaine public, elles ne peuvent être considérées comme la propriété de l’auteur l’ayant réalisée.  »

(Suggestions bienvenues sur ce point pour améliorer la formulation)

11° Garder le domaine public réutilisable en cas de simples rééditions d’oeuvres

Lorsque des oeuvres du domaine public font l’objet de rééditions, il est fréquent que les mentions de copyright indiquent « Tous droits réservés » pour l’intégralité de l’ouvrage, bloquant toutes formes de réutilisation de l’oeuvre du domaine public « encapsulée » dans la réédition.

Sans nier qu’une réédition puisse apporter des éléments originaux protégeables (mise en page, maquette, polices de caractères, préface, notes, tables des matières, index, etc), il faut empêcher que les rééditions « neutralisent » complètement le domaine public et aboutissent à une réappropriation des oeuvres.

(Suggestions bienvenues ici aussi  pour traduire ces idées en droit).

12° Instaurer un « test en trois étapes à l’envers » pour prévenir les atteintes futures au domaine public

Le domaine public est juridiquement fragile et il ne suffira pas de faire entrer sa définition dans le Code pour le protéger. Il peut être menacé par l’allongement de la durée des droits (mais c’est au niveau européen qu’il faut agir sur ce point). Il peut aussi subir des attaques d’une autre nature, lorsque de nouveaux objets reçoivent une protection. Nous risquons d’en avoir un triste exemple en France si la fameuse Lex Google est adoptée qui créerait un nouveau droit voisin au profit des éditeurs de presse.

La prolifération de ces nouvelles couches de droit ne peut que nuire au domaine public et il faut au maximum encadrer la possibilité d’introduire de nouvelles restrictions.

Le manifeste du domaine public de Communia formule cette exigence de protection de cette façon, mais appliquée à la durée des droits :

Tout changement de l’étendue de la protection par le droit d’auteur (y compris toute définition de nouveaux objets protégeables ou toute expansion des droits exclusifs) doit prendre en compte ses effets sur le domaine public. Un changement de la durée de protection du droit d’auteur ne doit pas s’appliquer rétroactivement aux œuvres déjà protégées. Le droit d’auteur est une exception de durée limitée au statut de domaine public de notre culture et notre savoir partagés. Au 20ème siècle, l’étendue du droit d’auteur a été significativement étendue, pour satisfaire les intérêts d’un petit groupe de détenteurs de droits et au détriment du public dans son ensemble. De ce fait, la plus grande part de notre culture et notre savoir partagés s’est retrouvée soumise à des restrictions liées au droit d’auteur ou techniques. Nous devons faire en sorte que cette situation n’empire pas (au minimum) et s’améliore significativement dans le futur.

Il me semble que l’on pourrait introduire un mécanisme de protection dans la loi en introduisant une sorte de « test en trois étapes à l’envers », auquel serait soumis le législateur. Ce test limiterait la possibilité que la loi porte atteinte au domaine public, en allongeant les droits ou en accordant une protection à de nouveaux objets.

(Suggestions bienvenues pour donner corps à cette idée).

IV Empêcher les atteintes à l’intégrité du domaine public

C’est sans doute le point essentiel de ce projet, car il vise à empêcher les pratiques dites de copyfraud, qui consistent à revendiquer illégitimement des droits sur le domaine public pour se le réapproprier ou restreindre sa réutilisation. Ces nouvelles couches de droits utilisées pour recouvrir le domaine public peuvent avoir plusieurs natures : droit d’auteur (copyfraud proprement dit), mais aussi droit des bases de données, droit des informations publiques, domanialité publique, clauses contractuelles, etc.

Pour empêcher les atteintes à l’intégrité du domaine public, il va s’agir à chaque fois de « neutraliser » la possibilité d’utiliser des droits de nature différente pour imposer des restrictions à sa réutilisation.

13° Les reproduction fidèles d’oeuvres en deux dimensions appartenant au domaine public doivent aussi être dans le domaine public

Ce point renvoie aux pratiques des très nombreux musées, bibliothèques et services d’archives en France estimant qu’ils bénéficient d’un droit d’auteur sur les reproductions numériques d’oeuvres appartenant au domaine public qu’elles produisent et diffusent.

Normalement, un tel usage du droit d’auteur est sans valeur, car la reproduction numérique d’une oeuvre ne créée par une « nouvelle oeuvre », faute d’originalité.

Cela vaut pour une reproduction opérée automatiquement (scanner), mais des instituions culturelles, et notamment les musées, ont développé une « tactique » particulière plus difficile à contrer juridiquement : ils font effectuer les reproductions d’oeuvres par des photographes à qui ils reconnaissent un droit d’auteur et se le font céder pour pouvoir apposer un copyright « Tous droits réservés » sur les reproductions et en contrôler totalement l’usage. C’est ainsi par exemple que procède la RMN.

Le problème, c’est que les tribunaux en France sont partagés concernant ce type de pratiques. Certaines cours ont débouté des photographes qui revendiquaient des droits sur des clichés de tableaux, mais d’autres ont accepté leurs prétentions, y compris des cours d’appel.

Pour lever cette incertitude et empêcher que le droit d’auteur soit ainsi détourné pour verrouiller le domaine public, il faut indiquer explicitement dans le Code que les reproductions fidèles d’oeuvres en deux dimensions appartiennent au domaine public comme les oeuvres originales reproduites. Ce principe a déjà été consacré dans la jurisprudence aux Etats-Unis, à l’occasion de la décision Bridgeman Art library v. Corel Corp.

C’est aussi la position officielle de Wikimedia Commons, qui ne reconnaît pas la validité des copyrights apposés sur les reproductions d’oeuvres du domaine public :

les représentations fidèles des œuvres d’art du domaine public en deux dimensions sont dans le domaine public et les exigences contraires sont une attaque contre le concept même de domaine public

Pour consacrer ce principe en droit français, on peut imaginer introduire un nouvel alinéa à l’article L.111-1 qui donne la définition des oeuvres de l’esprit et dans lequel, j’avais imaginé inséré les termes « domaine public » (voir 1°). Cela donnerait :

Les reproductions fidèles d’oeuvres de l’esprit en deux dimensions appartenant au domaine public appartiennent elles-aussi au domaine public. La personne qui les réalise ne peut prétendre au bénéfice du droit de propriété décrit au présent article.

Pourquoi limiter cette règle aux oeuvres en deux dimensions ? Parce que les photographies d’objets (statues, monuments, etc) offrent plus facilement prise à l’originalité, le photographe bénéficiant d’une plus grande latitude dans le choix de l’angle de prise de vue. Mais  de telles photos doivent néanmoins être originales pour pouvoir bénéficier de la protection du droit d’auteur.

14° Empêcher la neutralisation du domaine public par le droit des bases de données

Le droit des bases de données pose un réel problème au domaine public, car il permet de faire renaître une couche de droits sur les oeuvres numérisées figurant sur un site internet, dans une bibliothèque numérique ou dans une base de données.

 Le droit dit sui generis reconnu aux producteurs de bases de données leur permet d’interdire des extractions substantielles du contenu ou des extractions non substantielles répétées visant à reconstituer le contenu de la base.

Dans la pratique, beaucoup d’établissements culturels utilisent le droit des bases de données de manière abusive, pour interdire purement et simplement toute utilisation des contenus numérisés qu’is diffusent, même quand il s’agit d’oeuvres du domaine public numérisées.

Pour que le droit des bases de données ne puisse être utilisé pour neutraliser le domaine public, on peut agir sur l’article L.342-1 :

Article L342-1

Le producteur de bases de données a le droit d’interdire :

1° L’extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit ;

2° La réutilisation, par la mise à la disposition du public de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base, quelle qu’en soit la forme.

Ces droits peuvent être transmis ou cédés ou faire l’objet d’une licence.

Le prêt public n’est pas un acte d’extraction ou de réutilisation.

Ajouter un alinéa précisant :

Lorsqu’une base de données contient des oeuvres appartenant au domaine public, le producteur de la base ne peut interdire, ni s’opposer à leur extraction et leur réutilisation.

15° Empêcher que la réutilisation d’oeuvres du domaine public soit entravée sur le fondement de la loi du 17 juillet 1978 relative aux informations publiques

Plusieurs institutions culturelles considèrent qu’en numérisant des oeuvres du domaine public, elles produisent des données (des suites de 0 et de 1) relevant du champ d’application de la loi du 17 juillet 1978 sur les informations publiques.

Cette interprétation a un effet redoutable, car cette loi de 1978 , si elle n’autorise pas en principe les administrations à s’opposer à la réutilisation des informations, leur permet de la soumettre au paiement d’une redevance, notamment pour les usages commerciaux (exemple). On peut donc dire que la loi de 1978 constitue une sorte de « voie royale » pour mettre en place un système de domaine public payant. De plus, les institutions culturelles bénéficient d’un régime dérogatoire complexe, dit exception culturelle, qui leur donne une plus grande marge de manœuvre pour poser des restrictions à la réutilisation.

Il n’est pas certain que cette application détournée de la loi sur les informations publiques tienne la route juridiquement, mais il paraîtrait plus sûr de la modifier afin qu’elle ne puisse plus servir à faire renaître une couche de droits sur le domaine public.

Voici l’article qui définit ce que sont les informations publiques :

Article 10

Les informations figurant dans des documents produits ou reçus par les administrations mentionnées à l’article 1er, quel que soit le support, peuvent être utilisées par toute personne qui le souhaite à d’autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus […]

Ne sont pas considérées comme des informations publiques, pour l’application du présent chapitre, les informations contenues dans des documents :

a) Dont la communication ne constitue pas un droit en application du chapitre Ier ou d’autres dispositions législatives, sauf si ces informations font l’objet d’une diffusion publique ;

b) Ou produits ou reçus par les administrations mentionnées à l’article 1er dans l’exercice d’une mission de service public à caractère industriel ou commercial ;

c) Ou sur lesquels des tiers détiennent des droits de propriété intellectuelle.

Deux stratégies sont possible pour protéger le domaine public : on peut modifier la loi pour faire en sorte que les informations produites à l’occasion de la numérisation du domaine public soient exclues de la définition des informations publiques.

Pour ce faire, il faut ajouter un d) à cet article, rédigé comme suit :

d) ou correspondant à des œuvres appartenant au domaine public

L’autre option serait de considérer que les informations produites à l’occasion de la numérisation du domaine public sont bien des informations publiques au sens de la loi (cela n’a pas que des inconvénients comme on le verra plus loin), mais d’empêcher les institutions culturelles de poser des restrictions.

On peut pour ce faire agir sur l’article 11 de cette loi, celui qui énonce la fameuse « exception culturelle ».

Par dérogation au présent chapitre, les conditions dans lesquelles les informations peuvent être réutilisées sont fixées, le cas échéant, par les administrations mentionnées aux a et b du présent article lorsqu’elles figurent dans des documents produits ou reçus par :

 a) Des établissements et institutions d’enseignement et de recherche ;

 b) Des établissements, organismes ou services culturels.

Il s’agirait de lui ajouter un alinéa, rédigé comme suit :

Néanmoins, s’agissant des informations contenues dans des documents correspondant à des œuvres du domaine public, les établissements mentionnés ci-dessus ne peuvent empêcher leur réutilisation, ni la soumettre au respect de conditions, hormis celles énoncées à l’article 13 de cette loi.

NB : article 13 = données personnelles

16° Empêcher les interférences entre le domaine public au sens de la propriété intellectuelle et le domaine public au sens de la domanialité publique

Il existe en réalité deux domaines publics différents en droit : un relevant de la propriété intellectuelle et un autre relevant de la domanialité publique. En droit administratif, ce domaine public s’entend des biens appartenant à l’État, à des collectivités locales et à des établissements publics et affectés à un service public.

L’article L.2112-1 du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques indique que « font partie du domaine public mobilier de la personne publique propriétaire, les biens présentant un intérêt du point de vue de l’histoire, de l’art, de l’archéologie, de la science ou de la technique ». Une liste figure ensuite qui inclut notamment dans cette catégorie les exemplaires du dépôt légal, les archives publiques, les archives privées entrées dans les collections publiques, les collections des musées, les collections de documents anciens, rares ou précieux des bibliothèques.

Ces ensembles peuvent donc tout à fait correspondent à des oeuvres du domaine public, compris au sens de la propriété intellectuelle cette fois. Or une partie de la doctrine estime que la propriété que possèdent les personnes publiques sur les objets physiques se « transmet »‘ aux versions qu’elles produisent à l’occasion de la numérisation du patrimoine. Sur ce fondement, elles seraient en mesure d’en conditionner la réutilisation.

Cette théorie, qui n’a pas été confirmée par la jurisprudence, est contestée par d’autres spécialistes de ces questions. Mais certains établissement sont déjà tentés d’utiliser la domanialité publique pour contrôler l’usage du domaine public numérisé. Les mentions légales de Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF, indiquent ainsi :

2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l’article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

Pour éviter que ce type de revendications ne dérive vers une nouvelle couche de droits recréés sur le domaine public, il faut modifier le Code de Général de la Propriété des Personnes Publiques afin d’empêcher les interférences entre les « deux » domaine publics.

Je ne suis pas assez spécialiste de ces matières pour proposer pour l’instant une solution, mais j’en appelle à ce qui pourraient faire des suggestions en ce sens.

17° Empêcher que la réutilisation d’oeuvres du domaine public soit entravée par des clauses contractuelles

Les sites qui diffusent des documents du domaine public numérisés peuvent comporter des conditions, assimilables à des clauses contractuelles, qui vont engager les utilisateurs et fixer des restrictions à la réutilisation du domaine public.

On trouve des clauses de ce type chez certaines institutions culturelles, mais aussi chez des personnes privées. Par exemple, c’est sur la base de simples clauses contractuelles (des CGU) que Google Livres interdit les réutilisations commerciales des ouvrages qui figurent dans sa bibliothèque numérique.

Par ailleurs, des établissements comme les musées peuvent indiquer sur leurs tickets d’entrée des conditions particulières, comme l’interdiction de prendre des photographies, qui sont assimilables également à des clauses contractuelles liant les visiteurs.

Pour éviter ce type de restrictions, on peut ajouter un article dans le chapitre du Code consacré au droit patrimoniaux.

Il serait rédigé comme suit :

Article L.122-13

Lorsqu’une oeuvre appartient au domaine public, la reproduction et la représentation sont possibles sans restriction et toute clause contractuelle s’opposant à de tels actes est considérée comme nulle et nulle d’effet.

18° Empêcher que la réutilisation d’oeuvres du domaine public soit entravée par des DRM

Le principe n°5 du Manifeste pour le domaine public de Communia évoque la question des restrictions issues de clauses contractuelles que nous avons examinée ci-dessus et il la rapproche de celle des DRM qui pourraient être utilisés empêcher l’usage d’une oeuvre du domaine public :

Les contrats et les mesures techniques de protection qui restreignent l’accès et la réutilisation des œuvres du domaine public ne doivent pas être mis en œuvre juridiquement.

Pour donner corps à ce principe, on peut agir sur l’article L. 331-5 du Code qui définit ce que sont les Mesures Techniques de Protection :

Les mesures techniques efficaces destinées à empêcher ou à limiter les utilisations non autorisées par les titulaires d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin du droit d’auteur d’une oeuvre, autre qu’un logiciel, d’une interprétation, d’un phonogramme, d’un vidéogramme ou d’un programme sont protégées dans les conditions prévues au présent titre […] :

Il contient un alinéa fixant des limites aux effets des DRM :

Les mesures techniques ne peuvent s’opposer au libre usage de l’oeuvre ou de l’objet protégé dans les limites des droits prévus par le présent code, ainsi que de ceux accordés par les détenteurs de droits.

Ajouter une phrase rédigée comme suit :

Les mesures techniques ne peuvent en outre s’opposer au libre usage d’une oeuvre appartenant au domaine public.

19° Empêcher que les reproductions d’oeuvres du domaine public soient interdites dans les emprises des institutions culturelles

L’affaire du Musée d’Orsay a montré que des établissements culturels pouvaient abuser de leurs pouvoirs pour empêcher que des photographies d’oeuvres du domaine public soient prises (même sans flash) par les visiteurs d’un musée. La RMN de son côté, tout en autorisant la photographie dans ses expositions, fixe des conditions restrictives à la réutilisation des clichés.

Pour contrer ce type de restrictions, le plus efficace serait sans doute de modifier le Code du patrimoine pour y introduire une disposition inspirée de la liberté de panorama (même si les deux choses sont différentes, car la liberté de panorama est une exception au droit d’auteur, applicable seulement aux œuvres protégées). On pourrait imaginer ajouter par exemple un article L.141-5 dans les dispositions générales relatives aux collections des musées de France :

Lorsque les collections des musées de France correspondent à des oeuvres appartenant au domaine public, les musées ne peuvent en interdire la reproduction par la peinture, le dessin, la photographie ou la vidéo, sauf pour des motifs strictement limités aux nécessité de conservation des oeuvres, ni empêcher la diffusion et la réutilisation de copies, y compris à des fins commerciales.

Une telle disposition permettrait de continuer à interdire la photographie avec flash, mais pas d’édicter des restrictions générales, comme l’a fait le Musée d’Orsay. Des articles similaires pourraient également être ajoutés en ce qui concerne les collections des bibliothèques et des archives.

Pour interdire la photographie en son sein, le Musée d’Orsay utilise en fait des mesures d’ordre intérieur (dont le fondement réside dans le pouvoir de police administrative dont dispose les administrations), mais une telle disposition légale me paraît de nature à les neutraliser (commentaires bienvenus si vous n’êtes pas de cet avis ou si vous pensez qu’il existe une meilleure solution).

V Encadrer strictement les partenariats public-privé de numérisation

Le contrat signé par la Ville de Lyon avec Google pour la numérisation des ouvrages de la Bibliothèque municipale avait mis en lumière le problème des exclusivités accordés par des personnes publiques à des firmes privées, à propos de l’usage des oeuvres du domaine public. L’Autorité de la Concurrence s’était alarmée de ces pratiques en 2010, en estimant que les exclusivités commerciales accordées à Google étaient trop longues et de nature à renforcer sa position dominante.

Depuis, cette question a encore rebondi, avec la révélation que la Bibliothèque nationale de France s’apprêtait à conclure des partenariats public-privé de numérisation avec des firmes privés, qui auront pour effet, non seulement de leur accorder des exclusivités, mais d’empêcher la mise en ligne de documents du domaine public, au profit de la commercialisation de bases de données.

Parallèlement, un Comité des sages européens a émis une série de recommandations concernant les partenariats de numérisation du patrimoine, dans un esprit d’équilibre. Il recommande que les exclusivités accordées aux entreprises ne dépassent pas une durée de 7 ans et qu’elles n’empêchent pas les établissements culturels de donner accès en ligne librement aux oeuvres du domaine public (les exclusivités ne peuvent donc porter que sur l’usage commercial).

20° Limiter les exclusivités concédées aux partenaires privés et introduire les préconisations du comité des sages européens dans la loi du 17 juillet 1978

La loi du 17 juillet 1978 sur les informations publiques contient déjà à vrai dire des dispositions relatives aux exclusivités :

Article 14

La réutilisation d’informations publiques ne peut faire l’objet d’un droit d’exclusivité accordé à un tiers, sauf si un tel droit est nécessaire à l’exercice d’une mission de service public.

Le bien-fondé de l’octroi d’un droit d’exclusivité fait l’objet d’un réexamen périodique au moins tous les trois ans.

Si l’on considère que la numérisation d’oeuvres du domaine public produit des informations publiques (et nous avons vu plus haut que c’était possible), on peut déduire de cet article 14 que les exclusivités accordées à des partenaires privés dans le cacdre de PPP sont déjà interdits (à moins d’affirmer que ce serait « nécessaire à l’exercice d’une mission de service public », ce qui me paraît en l’occurrence bien difficile !). Autrement dit, la BM de Lyon est déjà sans doute dans l’illégalité pour le contrat signé avec Google et la BnF s’apprête à refaire la même erreur de son côté.

Pour être certain toutefois qu’aucune exclusivité ne puisse venir entraver l’usage du domaine public, on peut reformuler l’article 14 de cette façon :

La réutilisation d’informations publiques ne peut faire l’objet d’un droit d’exclusivité accordé à un tiers, sauf si un tel droit est nécessaire à l’exercice d’une mission de service public. Aucune exclusivité ne peut être accordée pour la réutilisation  d’informations publiques contenues dans des documents correspondants à des oeuvres du domaine public.

Cependant, le Comité des sages européens a estimé que des exclusivités commerciales pouvaient accordées pendant 7 ans, afin d’inciter des firmes privées de s’impliquer dans la numérisation du patrimoine, tout en leur permettant un amortissement minimum de leur investissement. On peut estimer qu’il s’agit d’un compromis raisonnable (mais commentaires bienvenus si vous pensez le contraire).

Pour traduire cette vision dans la loi du 17 juillet 1978, on peut reformuler l’article 14 comme suit :

La réutilisation d’informations publiques ne peut faire l’objet d’un droit d’exclusivité accordé à un tiers, sauf si un tel droit est nécessaire à l’exercice d’une mission de service public.

Les informations publiques contenues dans des documents correspondants à des oeuvres du domaine public peuvent cependant faire l’objet d’un droit d’exclusivité accordé à un tiers, pour une durée de sept années maximum, à condition que l’exclusivité porte uniquement sur la réutilisation à des fins commerciales des informations.

Un établissement qui accorde une telle exclusivité ne peut être empêché de mettre en ligne et de rendre réutilisables sans restriction les informations publiques contenues dans les documents correspondant à des oeuvre du domaine public ayant fait l’objet de l’exclusivité accordée.

VI Élargir le domaine public par le versement d’oeuvres récentes

Le Manifeste pour le Domaine Public de Communia estime que le domaine public en devrait pas se limiter aux oeuvres pour lesquelles les droits sont échus à l’issue de la période de protection, mais que l’on devrait permettre aux auteurs qui le souhaitent de verser par anticipation leurs oeuvres dans le domaine public :

Les œuvres volontairement partagées par les détenteurs de droits. Les créateurs peuvent lever les restrictions d’usage de leurs œuvres en les soumettant à des licences libres, en utilisant d’autres mécanismes qui permettent de les utiliser sans restriction ou encore en les assignant au domaine public. Pour les définitions des licences libres, on se référera à la définition des logiciels libres (http://www.gnu.org/philosophy/free-sw.html), à la définition des œuvres culturelles libres (http://www.gnu.org/philosophy/free-sw.fr.html), ou à la définition des connaissances ouvertes (http://opendefinition.org/1.0/Francais).

[…] Le renoncement volontaire au droit d’auteur et le partage volontaire des œuvres protégées constituent des exercices légitimes des droits d’auteur exclusifs. De nombreux auteurs titulaires des droits d’auteur sur leurs œuvres ne souhaitent pas exercer ces droits en totalité ou souhaitent y renoncer totalement. Ces actions, dans la mesure où elles sont volontaires, constituent un exercice légitime des droits d’auteur exclusif et ne doivent pas être empêchées ou rendues difficiles par la loi, des dispositifs statutaires ou d’autres mécanismes, y compris le droit moral.

Le domaine public se trouverait ainsi « agrandi » par ces apports volontaires des créateurs. Par ailleurs, on pourrait imaginer que les oeuvres créées par les agents publics dans le cadre de leurs missions de service soient versées automatiquement dans le domaine public, comme c’est le cas actuellement aux Etats-Unis pour les oeuvres produites par les agents fédéraux.

21° Faciliter le versement volontaire au domaine public des oeuvres par leurs auteurs

Il existe déjà des instruments comme Creative Commons Zéro par exemple, qui permettent à un auteur de renoncer complètement aux droits qu’il détient sur son oeuvre et de verser sa création par anticipation au domaine public.

Néanmoins, certains soutiennent que la CC0 ne serait pas valablement utilisable en droit français, dans la mesure où le droit moral de l’auteur est dit inaliénable (c’est-à-dire qu’on ne peut y renoncer valablement par contrat). La CC0 précise bien cependant que le renoncement aux droits doit s’entendre « dans les limites prévues par la loi« .

Il n’en reste pas moins que l’articulation entre un instrument comme la CC0 et le droit moral à la française comporte en l’état du droit une part d’incertitude. On pourrait imaginer modifier la loi pour permettre explicitement le versement volontaire d’une œuvre dans le domaine public.

L’article L.122-7-1 précise déjà :

L’auteur est libre de mettre ses œuvres gratuitement à la disposition du public, sous réserve des droits des éventuels coauteurs et de ceux des tiers ainsi que dans le respect des conventions qu’il a conclues.

On pourrait ajouter une phrase formulée comme suit :

L’auteur peut également déclarer, par le biais d’une manifestation expresse de volonté, que son œuvre appartient au domaine public. Cette faculté s’exerce sous réserve des droits des éventuels coauteurs et de ceux des tiers ainsi que dans le respect des conventions qu’il a conclues.

Pour régler clairement les difficultés liées au droit moral, l’article L. 121-1 pourrait être modifié :

L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre.

Ce droit est attaché à sa personne.

Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.

Ajoutez :

Cependant, l’auteur peut déclarer, par une manifestation expresse de volonté, que son oeuvre appartient au domaine public. Dans ce cas, les droits mentionnés au présent article sont réputés éteints. Une telle déclaration effectuée par l’auteur est définitive.

On conserve ainsi le principe de l’inaliénabilité du droit moral pour protéger l’auteur dans ses rapports contractuels avec des tiers, mais on lui permet de déposer volontairement son oeuvre dans le domaine public, en renonçant à son droit moral de manière générale.

22° Faire entrer dans le domaine public les oeuvres produites par des agents publics dans l’exercice de leurs missions de service public

La loi prévoit actuellement un système complexe dans lequel les agents publics sont bien titulaires du droit d’auteur sur les oeuvres qu’ils créent dans l’exercice de leur mission de service public, mais dans le même temps, ils sont réputés en céder automatiquement les droits d’exploitation à l’administration et ne conserver qu’un droit moral limité au respect de leur nom.

Pour faire en sorte que les oeuvres créées par les agents publics soient automatiquement versées au domaine public, il est nécessaire de supprimer les articles L. 1313-1-1 , L.131-1-2 et L. 131-1-3 qui organisent ce système.

Il faut ensuite modifier l’article L. 111-1 :

Article L.111-1

L’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous […]

L’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une oeuvre de l’esprit n’emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa, sous réserve des exceptions prévues par le présent code. Sous les mêmes réserves, il n’est pas non plus dérogé à la jouissance de ce même droit lorsque l’auteur de l’oeuvre de l’esprit est un agent de l’Etat, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public à caractère administratif, d’une autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale ou de la Banque de France.

Les dispositions des articles L. 121-7-1 et L. 131-3-1 à L. 131-3-3 ne s’appliquent pas aux agents auteurs d’oeuvres dont la divulgation n’est soumise, en vertu de leur statut ou des règles qui régissent leurs fonctions, à aucun contrôle préalable de l’autorité hiérarchique.

Supprimer les deux dernières phrases et les remplacer par celle-ci :

Les oeuvres de l’esprit créées par agents de l’Etat, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public à caractère administratif, d’une autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale ou de la Banque de France appartiennent dès leur divulgation au domaine public.

En l’état, le dernier paragraphe de la loi fait que les professeurs d’université et les chercheurs restent titulaires des droits sur leurs créations (cours, articles, etc). Il conviendra d’examiner si on leur applique cette même règle du versement automatique de leurs oeuvres au domaine public. Il serait sans doute préférable que la loi organise plutôt une obligation de versement des résultats de la recherche dans des archives ouvertes.

VII Créer des mécanismes pour rendre effectif le domaine public

Une institution juridique n’est effective que si des mécanismes sont mis en place pour la protéger et permettre aux individus d’exercer les droits qu’elles leur confèrent. Le droit d’auteur est ainsi doté d’une multitude de mécanismes qui en assure l’effectivité. Il n’en est pas de même pour le domaine public, d’où son évanescence juridique.

Il est cependant possible de remédier à ce problème par une série de réformes.

23° Instaurer des sanctions en cas d’atteinte à l’intégrité du domaine public

Le Manifeste pour le Domaine Public de Communia prévoit ceci :

Toute tentative infondée ou trompeuse de s’approprier des oeuvres du domaine public doit être punie légalement. De façon à préserver l’intégrité du domaine public et protéger ses usagers de prétentions infondées ou trompeuses, les tentatives d’appropriation exclusive des œuvres du domaine public doivent être déclarées illégales.

Il ne suffit pas en effet de modifier les lois pour empêcher les atteintes à l’intégrité du domaine public, comme le point IV s’est efforcé de le faire. Il faut aller plus loin et ouvrir des voies de droits aux individus pour poursuivre en justice ceux qui continueraient à se livrer à des pratiques de copyfraud.

L’atteinte au domaine public étant aussi grave que la contrefaçon, il paraît nécessaire d’instaurer des sanctions à la fois au civil et au pénal. Néanmoins, les sanctions pénales de 3 ans de prison et 300 000 euros d’amendes prévues pour la contrefaçon sont bien trop élevées et de ce fait, rarement appliquées. Il convient d’instaurer des sanctions proportionnées, mais suffisamment dissuasives, pour les atteintes au domaine public.

Je ne suis pas pénaliste, mais il me semble qu’un an de prison et 100 00 euros d’amendes me paraîtrait raisonnable, sachant que les personnes publiques peuvent tout à fait voir leur responsabilité pénale engagée en France.

24° Donner compétence à la CADA pour rendre des avis sur la réutilisation des oeuvres du domaine public

Néanmoins, les recours en justice ne sont pas une panacée pour rendre des droits effectifs, car ils sont souvent coûteux et difficiles à exercer pour les individus. Le copyfraud est en général pratiqué par des administrations culturelles et on pourrait imaginer qu’avant d’en arriver au procès, les citoyens aient la faculté de se tourner vers des recours moins difficiles à mettre en oeuvre, à l’image de celui qui existe actuellement devant la CADA pour l’accès aux documents administratifs et la réutilisation des informations publiques.

Il faut pour cela modifier l’article 20 de la loi du 18 juillet 1978 :

Article 20

La commission d’accès aux documents administratifs est une autorité administrative indépendante […]

Elle émet des avis lorsqu’elle est saisie par une personne à qui est opposé un refus de communication d’un document administratif en application du chapitre Ier, un refus de consultation ou de communication des documents d’archives publiques, à l’exception des documents mentionnés au c de l’article L. 211-4 du code du patrimoine et des actes et documents produits ou reçus par les assemblées parlementaires, ou une décision défavorable en matière de réutilisation d’informations publiques.

Ajouter :

ou une décision défavorable en matière de réutilisation d’un document correspondant à une oeuvre du domaine public.

25° Créer un Registre national du domaine public

L’un des problèmes majeurs qui affecte le domaine public et nuit à son effectivité est la difficulté à savoir si une oeuvre donnée appartient ou non au domaine public.

Il existe déjà des outils qui permettent de calculer automatiquement le statut juridique des droits sur une oeuvre. C’est le cas par exemple du Public Domain Calculator d’Europeana ou du projet Arrow en Europe. Mais ces instruments ne sont pas pleinement satisfaisants, notamment pour Arrow parce que la base n’est pas ouverte au public.

Pour améliorer la situation, une solution serait sans doute de créer un Registre national du domaine public. Un tel outil pourrait par exemple être confié à la Bibliothèque nationale de France, qui serait chargée de maintenir une base de données, permettant de déterminer aussi finement que possible si une oeuvre appartient au domaine public ou non.

Tous les ans au premier janvier, la BnF aurait pour tâche de publier la liste des nouveaux auteurs entrant dans le domaine public. Par ailleurs, les auteurs pourraient également se manifester auprès de ce Registre pour indiquer leur volonté de faire entrer leur oeuvre par anticipation dans le domaine public et en garder trace.

Évidemment, ce registre devrait être ouvert au public et mis à disposition gratuitement. Les données qui l’alimentent devraient être placées sous une licence ouverte afin d’en permettre la réutilisation la plus large, dans le cadre d’une politique d’Open Data.

La loi pourrait aussi imposer aux différentes sociétés de gestion collective en France de mettre à disposition leurs propres données pour alimenter le Registre du domaine public.

Pour certifier l’appartenance d’une oeuvre au domaine public, le Registre pourrait utiliser à des fins d’étiquetage, la Public Domain Mark, mise en place par Creative Commons précisément à cette fin.

26° Faire en sorte que les métadonnées correspondants à des oeuvres du domaine public soient elles-aussi automatiquement placées dans le domaine public

Comme indiquer plus haut, il est vital pour que le domaine public soit effectif que l’on sache si les oeuvres en font partie ou non. Pour améliorer les données permettant d’effectuer ces calculs complexes, la meilleure manière de procéder est de les rendre interopérables et de les ouvrir pour permettre leur réutilisation et leur enrichissement.

Pour ce faire, il conviendrait d’instaurer une règle afin que les métadonnées associées aux oeuvres du domaine public soient automatiquement elles-mêmes placées dans le domaine public.

On peut arriver à ce résultat en modifiant la loi du 17 juillet 1978 sur les informations publiques. A l’article 11, ajouter cette phrase :

Les informations publiques produites par les administrations mentionnées au a et au b du présent articles afin de décrire des oeuvres du domaine public appartiennent elles-mêmes au domaine public. Leur réutilisation ne peut être empêchée, ni soumise à condition, exceptées celles fixées à l’article 13 de cette loi.

Questions sur le périmètre de la réforme

Pour terminer, des questions se posent quant à la portée d’un tel projet de loi pour le domaine public.

Le Manifeste pour le Domaine public de Communia a en effet une conception extensive du domaine public et lui fait également englober les exceptions au droit d’auteur :

Les prérogatives des utilisateurs créées par les exceptions et limitations au droit d’auteur, le fair use et le fair dealing. Ces prérogatives sont une part intégrante du domaine public. Elles sont une condition de l’existence d’un accès suffisant à notre culture et notre savoir partagés, permettant aux institutions sociales essentielles de fonctionner et aux individus ayant des besoins spécifiques (par exemple handicapés) de participer à la vie sociale.

L’idée peut paraître de prime abord étrange, mais il s’agit de considérer que le domaine public n’est pas limité aux oeuvres pour lesquelles les droits sont échus (domaine public structurel), mais qu’il s’étend aux mécanismes permettant d’élargirl’usage des oeuvres, même lorsqu’elles sont protégées (domaine public fonctionnel).

Si l’on adhère à cette conception, on peut imaginer incorporer dans la loi pour le domaine public en France un projet de refonte des exceptions au droit d’auteur. Je ne m’y lancerai pas ici, car cela m’amènerait trop loin. Il convient cependant de se demander si une telle extension est tactiquement opportune.

***

Ces propositions sont soumises à la discussion et tous les commentaires sont bienvenus.


123 réflexions sur “I Have A Dream : une loi pour le domaine public en France !

  1. très impressionné par ce travail juridique de fond pour éclaircir le quotidien – en tant qu’auteur ce serait aussi une bouffée d’air – plein soutien pour toute initiative à développer dans ce sens

    1. Merci François. Je suis très honoré que tu aies été le premier à laisser un commentaire de soutien sous ce billet.

      Chez Publie.net, vous illustrez parfaitement la valeur du domaine public, avec vos collections Nos Classiques http://www.publie.net/fr/list/collection-486-classiques/page/1/date ou ArchéoSF http://www.publie.net/fr/list/collection-3799-archeosf/page/1/date par le biais desquelles vous faites revivre des oeuvres anciennes sous forme numérique.

      Et tu as raison de souligner que c’est d’abord l’intérêt des auteurs que le domaine public reste ouvert.

      1. De manière payante et commerciale… C’est pas vraiment ce que l’on souhaite si ?
        Ferait mieux de les mettre en téléchargement gratuit et s’en servir comme appel d’offre pour leurs livres payants comme le font d’autre diffuseur.
        D’autre initiative existe : ebooksgratuit.com, http://classiques.uqac.ca ,etc certainement plus approprié.
        Les œuvres libre de droit devrait être libre…de droit et accessible facilement et gratuitement au public.

        Sinon excellent article, qui mériterait une pétition ?

  2. 1 – Pour la Seule France ! … Non il faut penser global … Europe, etc … Penser « France c’est le nombrilisme » d’un petit bout par petit bout qui ne fait que conforter les opposants !
    2 – Faire un résumé clair, lisible de façon transversale et rapide pour mieux rendre accessible au plus grand nombre et les y interesser plutôt que dégouter de devoir lire un pavé ( pas lu ) et arriver à ne pas vraiment cerner la globalité.

    1. Définir un projet à destination du Parlement français a tout son intérêt, car sinon, il faut s’attaquer à des directives européennes ou aux traités de l’OMPI, et cela peut très bien prendre 10 ans ou plus.

      Rien qu’au niveau français, il y a des choses intéressantes à faire pour commencer à aller dans le bon sens. Et ces progrès peuvent être obtenus dans des délais raisonnables.

      Sans compter que si la France, pays du droit d’auteur, est le premier à adopter une loi sur le domaine public, cela aura un retentissement politique certain. Cela n’a rien de « nombriliste », mais c’est tout simplement une approche réaliste.

      L’organisation Communia agit de son côté au niveau de l’OMPI et de l’Union européenne. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut délaisser le niveau national, surtout quand des titulaires de droits font des propositions pour un « domaine public payant ». Une telle défaite au niveau français verrouillerait toute évolution future.

      J’ai inséré un plan détaillé dans l’introduction du billet qui liste les 26 points. Si vous n’avez pas le temps de tout lire, cela vous permettra d’avoir une vue globale du projet.

      Par ailleurs, cette proposition sur le domaine public s’insère bien dans le cadre d’un projet plus large, dont une grande partie nécessite des réformes au niveau des directives européennes : http://www.laquadrature.net/fr/elements-pour-la-reforme-du-droit-dauteur-et-des-politiques-culturelles-liees

  3. J’applaudis des deux mains. Merci de penser aux auteurs versant volontairement leurs créations dans le domaine public ;) .
    Je pense que le meilleur moyen de faire mûrir cette proposition de loi déjà bien aboutie serait de l’attaquer, d’essayer de l’étirer, de la détourner, bref : de trouver ses faiblesses. Quel outil collectif peut-on mettre en place pour ce faire ? Forum ? Wiki ?
    Ne devrait-on pas engager le collectif SavoirsCom1 dans la discussion et la défense de cette loi ? Ça me semble rejoindre exactement le manifeste…

    1. Oui, ces points ne sont bien entendu que des pistes de réflexion et il faut en discuter largement. J’ai essayé de tracer une sorte de périmètre « maximum » pour cette loi. Il est possible que certains ne soient pas utiles ou moins urgents que d’autres. Et j’ai très bien pu en oublier également.

      Un forum pourrait être intéressant en effet. Tout comme l’outil Co-ment, très efficace pour l’annotation collaborative : http://www.co-ment.com/

      Ce texte sera bien évidemment proposé à SavoirsCom1, dont le Manifeste contient un point sur le domaine public : http://www.savoirscom1.info/manifeste-savoirscom1/

  4. ‘m’a l’air très impressionnant!!! :-)
    Constructif et apaisé/ant. (je viens de répondre à ton commentaire)

    1. Tu viens ici parler d’apaisement, mais tu en remets une couche sur ton blog, en faisant des commentaires sur la CopyParty, alors que cela n’a pas rien à voir avec le domaine public. Tu ne manques pas d’air !

      Pour ma part, je ne serai vraiment apaisé que lorsqu’il deviendra légalement impossible pour une bibliothèque de porter atteinte au domaine public.

  5. Bonjour Lionel,

    Bravo ! Vraiment impressionnant travail et certainement œuvre très utile. Qques petites remarques, modestes et rapides, d’un non-juriste :
    A l’heure des imprimante 3D, en rester à la reproduction 2D ne parait pas vraiment justifié.
    21 Je pense qu’il y a confusion. Un droit est inaliénable ou non. Il ne peut dans ce cas y avoir d’exception. Il faudrait revenir à la philosophie qu’il y a derrière. Sauf erreur, il s’agit de défendre l’auteur y compris contre lui-même et de le mettre à l’abri des pressions qu’il pourrait subir. Dans ce cas, il n’est pas envisageable qu’il dépose volontairement son œuvre dans le domaine public, cela n’empêche pas qu’il la mette à disposition, mais il aura le droit de repentir. Peut-être faudrait-il simplement préciser que le repentir ne peut être rétroactif.
    De même, il me semble que l’on ne peut confondre fair use (usage équitable) et domaine public. Le premier suppose une utilisation encadrée dans un contexte précis. C’est un peu la même différence entre bien commun et bien public en économie. Un bien commun est à usage d’une collectivité particulière qui en définit les règles pour le préserver, on ne peut restreindre l’usage d’un bien public, je parle ici du raisonnement économique, pas juridique..
    Peut-être serait-il déjà bien de pouvoir préserver le domaine public effectivement menacé paradoxalement par le numérique aujourd’hui avant de vouloir l’élargir.

    1. Bonjour,

      Merci pour ces observations.

      1) Impression 3D. Effectivement une très bonne remarque, mais pas simple à formuler. Il est vrai que si j’effectue impression 3D de la Vénus de Milo, je ne pourrai me prévaloir d’aucune originalité. Et donc, la reproduction 3D devrait elle aussi être dans le domaine public.

      Mais je peux tout à fait réaliser une photo originale de l même Venus de Milo en jouant sur l’angle de prise de vue, les lumières, etc. Du coup, comment faire pour étendre le principe aux oeuvres en trois dimensions, mais écarter que certaines reproductions pourraient être originales ?

      En tout cas, je note effectivement cette remarque.

      2) Inaliénabilité du droit moral. C’est une question délicate. Il existe des pays où les auteurs peuvent renoncer à leur droit moral (Canada par exemple), mais je n’ai pas voulu insérer une telle mesure dans le projet, car c’est effectivement une protection pour l’auteur de ne pas pouvoir aliéner son droit moral dans un contrat d’édition notamment. Cependant, je pense qu’on peut faire une distinction entre deux choses différentes : c’est une chose de renoncer à son droit moral vis à vis d’un tiers dans un contrat d’édition, mais c’en est une autre d’y renoncer de manière générale, non au profit de quelqu’un en particulier, mais erga omnes (comme disent les juristes), vis-à-vis de tous. En ce sens, le versement volontaire au domaine public ne devrait pas être assimilé à une aliénation (qui présuppose qu’un s’aliène au profit de quelqu’un), mais bien comme un renoncement à portée générale.

      Et pour que le versement au domaine public ait un sens réel, il doit à mon sens être irréversible. Sinon les utilisateurs n’auront aucune sécurité juridique et seront toujours à la merci d’un auteur qui changerait d’avis.

      3) Fair use/Exceptions. Je ne suis pas convaincu moi-même qu’il faille aller jusqu’à englober les exceptions au droit d’auteur dans un tel projet (pour des raisons tactiques, car cela soulèverait un tollé de la part des ayants droit). Cependant, je trouve très intéressante la conception de Communia domaine public fonctionnel. En effet, si les exceptions existent (et encore plus le fair use), cela montre en réalité que les oeuvres de l’esprit sont toujours un peu dans le domaine public, même quand elles sont protégées. La protection du droit d’auteur n’est en effet jamais absolue : es ouvertures ménagées par les exceptions constituent la marque du domaine public, toujours présente même durant la période de protection.

      Je note aussi cette intéressante question sur les relations entre domaine public, bien public et bien commun. Le domaine public est davantage du côté des biens publics que des biens communs, il me semble, mais ce sont des questions complexes à approfondir.

      1. Bonjour,

        Tout d’abord, toutes mes félicitations à Calimaq pour cet excellent billet, vraiment très intéressant et riche :-).

        Concernant le point 21
        JM Salaun écrit à propos de l’inaliénabilité du droit moral :
        « Il faudrait revenir à la philosophie qu’il y a derrière. Sauf erreur, il s’agit de défendre l’auteur y compris contre lui-même et de le mettre à l’abri des pressions qu’il pourrait subir. Dans ce cas, il n’est pas envisageable qu’il dépose volontairement son œuvre dans le domaine public, cela n’empêche pas qu’il la mette à disposition, mais il aura le droit de repentir. Peut-être faudrait-il simplement préciser que le repentir ne peut être rétroactif. »

        Calimaq répond :

        « c’est effectivement une protection pour l’auteur de ne pas pouvoir aliéner son droit moral dans un contrat d’édition notamment. Cependant, je pense qu’on peut faire une distinction entre deux choses différentes : c’est une chose de renoncer à son droit moral vis à vis d’un tiers dans un contrat d’édition, mais c’en est une autre d’y renoncer de manière générale, non au profit de quelqu’un en particulier, mais erga omnes (comme disent les juristes), vis-à-vis de tous. En ce sens, le versement volontaire au domaine public ne devrait pas être assimilé à une aliénation (qui présuppose qu’un s’aliène au profit de quelqu’un), mais bien comme un renoncement à portée générale. »

        Je confirme l’interprétation de Calimaq sur le sens de cette « inaliénation ». Je pense que l’esprit de la loi vise bel et bien à protéger l’auteur contre les pressions exercées par un tiers et non l’ensemble des usagers de son oeuvre. Il s’agit ici de protéger le droit qu’à l’auteur d’exploiter son oeuvre et non de protéger l’exclusivité de ce droit. Il est à noter que certaines licences Creatives Commons vont déjà dans le sens des proposition de Lionel : les licences ne comportant pas la clause « Non Derivated Work » font toutes tomber un droit moral inaliénable, celui du respect de l’intégrité de l’oeuvre. Je rappelle d’ailleurs que la jurisprudence belge, espagnole, néerlandaise et étatsunienne reconnaît la validité de ce type de licence (cf « In its decision, the court recognized the CC licence as a valid permissive copyright licence that has already been accepted by Dutch, Spanish and US courts » in http://www.edri.org/edrigram/number8.21/belgian-court-creative-commons-jurisprudence).

        Il est donc probable que cette inaliénabilité serve à garantir à l’auteur de toujours pouvoir lui-même jouïr des droits moraux. D’un point de vue pratique, l’auteur qui a placé ses créations sous une licence sans clause ND n’a PAS renoncé à son droit de modifier lesdites créations puisque tout le monde peut le faire (et il fait partie du « tout le monde » CQFD), il a seulement renoncé à l *’exclusivité* de ce droit de modification.

        Je trouve assez regrettable que l’état du droit français oblige l’auteur à passer par des contrats types (les licences CC) ou alors carrément complexes pour permettre aux tiers de modifier (remixer, sampler…) eux aussi ses oeuvres. Quelle carence du CPI il y a là à combler !

  6. pour le point 22 cela s’appliquerait aussi aux chercheurs je suppose, voilà qui rendrait bien plus simple les politiques nationales archivage en OA puisque ce sont les établissements universitaires qui en seraient les titulaires…

    1. Si les travaux des chercheurs étaient placés automatiquement dans le domaine public, les établissements de recherche ne seraient pas titulaires, puisque par définition quand une oeuvre est dans le domaine public, personne ne peut être titulaire.

      Je ne sais pas si c’est souhaitable. Si l’effet souhaité est que les établissements deviennent titulaires des droits, autant modifier la loi explicitement en ce sens (et ce n’est pas très compliqué à formuler). Mais le fait que les établissements universitaires deviennent titulaires ne garantie pas nécessairement l’ouverture… même si cela peut faciliter les choses, comme tu le soulignes.

    1. Oui, tout à fait. Ce type de base doit être le plus largement ouverte possible. Il y a le point 26 qui impose que les métadonnées d’une oeuvre dans le domaine public soient placées elles-même dans le domaine public = CC0, comme ce que demande Europeana.

  7. Superbe travail ! merci Lionel.

    Définir et protéger le domaine public, ne peut que contribuer à clarifier aussi le périmètre du domaine des communs et à dépasser les amalgames public/communs ou les approches romantiques des biens communs pour construire une culture des communs basée sur un équilibre les domaines relevant du marchand, du public et des communs.

    1. Merci Frédéric !

      Je me pose la question du rapport du domaine public avec la notion de biens communs. Le domaine public me semble pencher davantage du côté des biens publics que des biens communs.

      Mais les points que j’ai développé afin de prévenir les atteintes à l’intégrité du domaine public me semblent directement en lien avec la question des enclosures qui menacent les biens communs.

      Tout comme la notion de domaine public volontaire me paraît aussi en lien avec les biens communs.

  8. Bravo pour ce travail !
    J’aurais une question sur un détail : que veut dire « Le prêt public n’est pas un acte d’extraction ou de réutilisation. » quand on parle de bases de données ? Je crois comprendre que le titulaire ne peut l’interdire, mais est-ce que ça peut avoir des incidences sur une large mise disposition d’oeuvres artificiellement « protégées » par le droit du producteur des bases de données ?

    1. En me replongeant dans la loi sur les bases de données, j’ai découvert aussi cette phrase sur le droit de prêt public des bases de données et je me suis demandé ce que cela pouvait bien signifier.

      Il me semble que cela ne peut pas porter sur le « prêt » des données elles-mêmes. Cela n’aurait guère de sens.

      Mais peut-on imaginer que l’on va « prêter » des bases toutes entières à des usagers ? Du genre leur donner Lexis Nexis sur un disque dur, avec deux semaines pour le ramener…

      Du coup, cette mention d’un droit de prêt public des bases de données reste bien mystérieuse à mes yeux et ce d’autant plus que la loi ne dit pas à qui ce droit bénéficie (dans la loi sur le prêt public des livres, il est bien spécifié que ce droit bénéficie aux usagers des bibliothèques).

      Mais il y a peut-être quelque chose d’intéressant à creuser.

  9. Les oeuvres de l’esprit pose divers problèmes que tu ne manques pas de faire poindre au travers de ces textes que tu nous livres … Certes une réflexion est à mener … certes on fait gentiment mariner … quand aux droits d’auteurs dans la fonction publique … puis-je ricaner ? le domaine public est une grande chose bien vide , ceci étant … s’il ne considère pas les apports des uns et des autres . s’il ne pose pas la question du vivre en société et de l’accès aux services … dès lors que les populations, ou les espaces juridico-économiques ou les structures de tous ordres négationnent les êtres et le potentiel des individus par entrave , par coercitions, par calculs cyniques, … on peut se demander si cette réflexion n’est pas un canulart pour en-crier sur la blogosphère ? Accès pour tous, une place juste à chacun ? …. hilarant le débat qui vise à faire un texte et de laisser crever son semblable … / pierre D.

    Sinon j’apprécie le travail de Lionel /

    1. Je ne crois pas du tout que le domaine public soit une chose vide, mais au contraire un vecteur crucial pour l’accès à la culture et la constitution de la mémoire d’une société. J’y perçois plus d’un lien avec le vivre-ensemble.

      Après oui, j’écris des textes, mais de là à me reprocher de laisser crever mon semblable, je trouve cela complètement hors de propos et qu’en savez-vous ?

      La lutte pour une réforme du droit d’auteur est une question importante de ce début de siècle. Je ne doute pas qu’il y en ait d’autres, mais c’est celle que j’ai choisie.

      Il peut y avoir par ailleurs des liens entre la réforme du droit d’auteur et des questions comme celle du revenu universel (un des moyens de financer la création pouvant être de verser un revenu de vie à chacun).

      Quant à l’accusation de chercher à faire le buzz, voilà plusieurs années que j’écris sur ces sujets, que je creuse, que j’analyse. Je ne fais certainement pas ça pour le buzz et nous verrons bien les suites qu’auront ces propositions.

      Mais je vous prends un temps très précieux, vous qui êtes à n’en pas douter constamment en train de sauver des vies…

      1. Je vous trouve bien meilleur , tout d’un coup / Vos dernières remarques me font rire, très sérieusement / Un revenu minimum à la création : ce n’est pas un peu ce que un sens de certains des éléments que j’ai pu lire ? Mais plus encore , tu parles de buz’, c’est intéressant / A quoi tient ce texte de bon aloi, sérieusement ? A quoi tes années de travail et de recherche tiennent-elles (que tu nous fait partager -comme d’autres d’ailleurs- et rassure- toi je t’en suis sérieusement reconnaissant) ? / . le revenu minimum * , il est versé à qui, sérieusement ? .
        Ceci dit , et, j’en resterais là … Je ne suis pas là pour faire objet de polémique … Et j’en resterais à des commentaires bien précis , des questionnements sur les textes … Il s’agit bien de celà , n’est-ce pas ?

        Donc , je reprend : bien commun, bien public , domaine public … Attend , je réfléchis, … domaine public, et espace protégé , … place publique et partage des droits … droits économiques et valeurs de société …. Attend , je réfléchis / bien commun et accès aux bases de données … Attends, nous réfléchissons …Qui fait usage de cette question, à
        ton avis, sérieusement ? Personnellement, je suis plutôt heureux de voir cette question mis sur la place du marché de la ville … surtout lorsqu’on veut être placier / Ceci dit …. Attend nous réfléchissons … Droits d’auteur, d_oits d’artiste majeur ….

        Droits d’usagers et droits de bibliothèques … protection intellectuelle et droits d’exploitation … revenu des arts , sciences et techniques … lieux de savoirs et lieux d’épanouissement … nous travaillons bien ensemble et dans le même sens , c’est sûr !!,?

        Mais ton « travail » est très gratifiant pour moi et je t’en remercie /// je en sais pas pourquoi mais , c’est vrai , une partie de ces propositions vont être reprise , puisque … et je compte sur toi pour briller, briller , …Non, tu ne crois pas que ce serais logique après tout ce travail , en quelque part ? Mais , plus encore , ce joli travail de papiers aura-t-il encore sens envers les personnes que tu sembles prendre en considération et à coeur ? C’est sûr l’humanité commence aujourd’hui et maintenant . c’est mon « pote du quartier qui me l’a dit . et puis toi , aussi , pour ce travail de fond sur un joli thème pour bel esprit -que j’admire par ailleurs- ./// Car ton temps est précieux …..eeeuuuhhhh ?

        Je suis surpris de ton ton un peu pîqué . Est-ce vraiment la place à, de tels remarques dans ce site si prétendant / Car quand bien même, j’aurais des considérations qui porte ton débat, . je n’ai pas la prétention que tu as de toi même (dans ta réponse) ni par l’objet de ton site -si défaussé est la prétention contrarié que n’y aurait pas mis- . tu
        aurais sans doute était meilleur à … / Dommage pour l’intérêt de ton site , dommage pour la portée des thèmes , dommage que tu écornes avec une telle vitesse la grandeur de ces ébauches parlementaires . Ah . Ah . Ah . /

        1. Juste sur un point: les propositions concernant le revenu de vie sont très avancées. Il ne s’agit plus d’une utopie, mais d’une réelle alternative économique pour les sociétés post-industrielles. Vous devriez vous renseigner à ce sujet.

          Et il y a bien un lien fort avec les questions de financement de la création et de réforme du droit d’auteur.

          A lire ici par exemple : http://www.tetedequenelle.fr/2012/06/parti-pirate-revenu-de-base/

  10. Bon, je vais essayer de découper en deux :
    Cool ! merci de mettre le domaine public sur la place publique ! ^^

    Le domaine ne devrait même pas dépendre du pays, du continent, de l’astre, de la galaxie ou de tout autre univers (même imaginaire), que ce soit dans le web ou hors du web, dans quelque domaine (musique, vêtements, cuisine, peinture, didactique, scientifique, lecture, jeux, journalisme, etc.).

    Il serait peut-être temps que certaines personnes comprennent ce que d’autres ont déjà compris : elles peuvent mettre du marchand comme du non marchand, du monétisé comme du non monétisé dans leur « business plan ». Elles seront ainsi libre d’adapter l’un à l’autre.

    Pour ce qui est des 70 ans entre la mort de l' »auteur » (je n’aime pas ce mot, tout comme le mot « propriété » ; ce sont des mots fourre-tout), je trouve que cette durée devrait être réduire à 0. Je remet carrément le « copyright par défaut » en question. Pourquoi pas le domaine public par défaut ? Rien n’empêchera, par la suite, les personnes de faire les simples démarches pour mettre leurs oeuvres sous diverses licences. Les licences Creative Commons et Art Libre sont encore plus simples d’emploi que les licences privatrices (il n’y a qu’à jeter un coup d’oeil dans les CGU de tout contrat…). A l’inverse, on ne peut pas mettre une copie (non modifiée) sous une licence plus permissive que l’originale (sauf si accord de l’auteur). Voilà pourquoi je pense que le domaine public devrait par défaut. Chaque personne est libre d’y rester (de laisser les copies dans le domaine public) ou de s’en éloigner (de mettre les copies sous des licences plus restrictives). [Ainsi, aussi, les fichiers hébergés (notamment les images visibles, partageables) seront hébergés sur des sites « par défaut domaine public ». Mais bon… il y a toujours le risque qu’une personne y uploade du privateur, et que l’hébergeur soit fermé, comme MegaUpload. Le plus sûr est de mettre la main à la pâte (et non créer des articles de loi privateurs) : créer son propre site web de manière judicieuse (selon la manière dont on veut en partager le contenu.]

    Puis, comme le changement se passe aussi au niveau des « mentalités » (je préfère les mots « habitudes », « représentations » et éventuellement « normes sociales » ou encore « affordance »), nous pouvons envisager des événements de libre partage (sans monnaie, sans compter), comme les zones de gratuité sans propriétaire (fixe). [ http://www.bastamag.net/article2678.html ] J’avais par exemple pensé à l’idée des livres voyageurs (sans licence, sans numéro ISBN) en exemplaires uniques (ou limités), ces livres qui « veulent aussi voyager » au lieu d’être abandonné au placard. Enfin, il faudrait mettre à la poubelle cette notion de « ayant-droit ». Les personnes feraient mieux de créer au lieu de s’auto-proclamer, sous quelque prétexte, « ayant-droit ».

    1. Je réponds rapidement en allant droit au but.

      Domaine public par défaut, pourquoi pas ? Mais c’est impossible à faire dans le cadre de la loi française.

      Il faudrait réformer la Convention de Berne pour cela, qui prévoit que les auteurs bénéficient de droits sur leurs créations sans avoir à accomplir de formalités (enregistrement par exemple, comme pour les brevets ou les marques).

      C’est donc une mesure à défendre au niveau international, alors que ce projet vise le législateur français.

      Mais dans l’absolu, oui, une formule d’enregistrement serait la meilleure façon de promouvoir le domaine public.

      Là, la seule que l’on peut faire, c’est l’inverse : domaine public volontaire.

  11. Pour ce qui est du copyfraud et du whistleblowing, je m’y oppose aussi. Ce n’est à nulle autre personne de faire justice à la place de la personne créatrice – du moins si elle est majeure – d’une oeuvre. Comme il est difficile d’empêcher concrètement (encore plus à coup de lois) le copyfraud, une bonne mesure serait, pour chaque personne créatrice, de signer et dater ses oeuvres. Renoncer à l’anonymat est aussi un droit, pas un devoir ni une obligation.

    Pour le point 15, la deuxième option (« considérer que les informations produites à l’occasion de la numérisation du domaine public sont bien des informations publiques au sens de la loi ») me semble plus judicieuse. La première me semble mettre le domaine public (point d) et le copyright (c) au même rang. A mon bref et clair avis, il ne devrait y avoir aucune restriction d’usage des oeuvres dans le domaine public. Pas besoin alors d’exception culturelle ou didactique ou autre. Et, à bas les DRM !

    Pour ce qui est des dons – mais c’est hors-sujet – il serait bien que les sociétés et la poste permettent le virement international sans qu’on ait besoin de se créer une carte bancaire, eu égard à toutes les personnes qui ne veulent pas de Visa, MasterCard, Paypal, etc.

    « L’un des problèmes majeurs qui affecte le domaine public et nuit à son effectivité est la difficulté à savoir si une oeuvre donnée appartient ou non au domaine public. »
    Le problème serait grandement résolu si le « régime » domaine public était par défaut. Et ce serait bien moins compliqué qu’un registre national. C’est aux privateurs qu’il faut compliquer la tâche (s’ils veulent se faire un « registre des oeuvres privées »), pas aux partageurs.

    Les mots « propriété », « auteur » sont des mots que je n’utilise plus (tout comme « intelligence » et « mémoire »). Tous des mots fourre-tout ! D’ailleurs, dans ce commentaire (un peu long, mais il répond à un long billet), je crois n’avoir pas utilisé beaucoup d’adjectifs possessifs – essayez de vous en passer une semaine au moins. LOL ! Quant au mot « ayant-droit », je ne l’ai jamais utilisé que pour répondre à des personnes qui l’utilisaient.

    1. Sauf que pour le domaine public, la personne créatrice n’est plus là, par définition (elle est morte…). Il faut donc prévoir un mécanisme public, ouvert à tous pour organiser la défense du domaine public contre les tentatives illégitimes de réappropriation.

      Pour ce qui est des mots « propriété », « auteurs », etc, je suis juriste (positiviste) et pas philosophe. Ces mots sont dans le Code et je les emploie donc comme des notions consacrées par la loi.

      Pour changer la loi, la première chose est de l’accepter telle qu’elle est et non telle qu’on voudrait qu’elle soit…

  12. « 9. Limiter le droit moral à la vie de l’auteur » Ce serait déjà une bonne chose que d’en enlever la paternité. Cela dit, je préfèrerais que le droit moral ne soit pas inaliénable. Du point de vue scientifique, la croyance en un monde juste (sous-tendue par des notions comme : méritocratie, propriété, auteur) s’explique par divers biais, en plus d’être propre à chacune et chacun. Et, du point de vue éthique, son universalisation est vraiment à remettre en question, puisqu’elle empêche tant la liberté que l’authenticité. Un droit, y compris le droit à la vie, ne doit pas devenir un devoir (une obligation juridique ou une norme sociale ; cf. les « pro-vie » qui s’opposent au droit à l’euthanasie). On a le droit d’y renoncer (comme à traverser le passage piéton quand une voiture fonce à toute allure) : (se) poser le moins d’obligations et d’interdictions. Le droit moral, tout comme la morale, ne devrait pas primer sur la volonté. De ce point de vue, je cautionne bien plus l’éthique que la morale, parce que cette dernière, tout comme le droit, fait intervenir une forme d’autorité (non authentique). La vie me semble un sujet différent de celui du droit d’auteur et ne devrait pas avoir besoin de découdre avec celui-ci.

    (si ça passe, le problème venait d’une adresse url trop longue)

    1. Ce projet vise à défendre le domaine public, pas à abolir le droit d’auteur.

      Ce serait un grave erreur tactique de s’attaquer à des fondamentaux comme le droit de paternité.

      Beaucoup d’auteurs, je pense, peuvent adhérer à un projet autour du domaine public. Mais pas si on les attaque de plein fouet, en leur retirant le droit de paternité.

  13. Excellente, même au niveau tactique. Je suis d’accord que c’est nécessaire à commencer au niveau nationale, sans oublier les niveaux européen et internationale. Personnellement, je suis convaincu que le droit d’auteur – même en France – est un ‘privilège’ accorde par l’état, et pas un droit ‘naturel’ (quelque chose démontre par la histoire de le développement de le droit en France)

    « Même si l’on peut comprendre la philosophie qui est derrière ce mécanisme, on a écrit des livres entiers sur les abus auxquels peuvent se livrer les ayants droit dans l’exercice du droit moral de leurs aïeuls. »

    Vous pouvez recommandes livres sur la histoire du droit moral en France? Même si je comprends la philosophie, je ne suis pas convaincu que ce aussi bien enracine dans le droit d’auteur que on prétende…

      1. Ce plutôt le histoire et politique de le droit moral que m’intéresse…Comment le droit moral a développé dans le tribunal pendant le 18/19e siècle pour arriver dans le code dans le 20e siècle

  14. En préparant mon dernier livre, qui est bourré d’illustrations dûment payées par l’éditeur, j’ai découvert des petites choses amusantes sur les agences qui vendent les reproductions :
    – il peut leur arriver de vendre des choses sans en avoir le droit, non pas par malice mais en s’étant fait tromper par les auteurs. Par exemple on a voulu me fourguer une image intéressante mais un peu étrange de Tsunami à Haïti. J’ai fait une petite vérification avec Tineye et je suis tombé sur la même image en noir et blanc,datant des années 1940, à Hawaï. Une ancienne image avait donc été recadrée (en perdant au passage un très beau détail) et colorisée. Les gens de l’agence étaient mortifiés.
    – les éditeurs paient les agences avant tout pour se couvrir : si le copyright est fallacieux, c’est la faute de l’agence, et donc il est préférable de payer pour une image, même si on la trouve pour rien et au même niveau de qualité sur Commons ou FlickR.
    – les images de plasticiens contemporains protégés par des agences de recouvrement de droits sont très chères. Si les artistes sont bien défendus, il y a un effet secondaire qui est qu’il faut renoncer à certains (y compris dans mon cas une amie intime), tout simplement parce que ça imposerait d’augmenter sérieusement le prix du livre.

    1. Merci pour ces informations !

      Avec le système que je propose, le copyfraud serait explicitement illégal (bien qu’il le soit déjà en principe), mais il pourrait surtout être poursuivi, tout comme peut l’être actuellement la contrefaçon, et je pense que cela peut dissuader les personnes qui débordent d’imagination pour revendiquer des droits sur le domaine public qu’elles n’ont pas.

      Il est clair qu’avec une diffusion du domaine public « à l’état pur », il serait beaucoup plus simple pour les chercheurs et les auteurs d’illustrer leurs ouvrages.

      Et c’est un grand problème actuellement pour les livres et les revues qui traitent de l’image.

  15. Quasiment parfait ! :) Quelques points de détail à préciser, comme – point III : la notion d’oeuvre utile ou artistique (l’art ne serait pas utile ?). Aujouter au point 7 : donner compétence et moyens à la CADA pour obliger les archives municipales / départementales à se conformer à la Loi (cf. la communicabilité immédiate des recensements). NB il est possible que j’ignore que la CADA a déjà ces compétences :)

  16. Bravo pour ce texte. Les mécanismes que tu proposes sont intéressants. Si ma mémoire est bonne, il existe une initiative hongroise (dont je dois retrouver la référence) qui est une sorte d’Académie des Lettres. Les auteurs qui sont élus le sont à vie et reçoivent, dès lors, une rente. En échange de cette rente, ils acceptent que toute leur oeuvre, passée, présente, future, soit placée en libre accès sur le site de l’académie. Je ne crois pas que les textes montent dans le domaine public à cette occasion, mais on pourrait l’imaginer, si celui-ci est prévu par la loi, et que l’auteur y consent. Ce serait véritablement une autre façon de financer la création. On peut aussi imaginer quelque chose qui couvrirait des périodes de vie plus courtes.

    1. Je ne connaissais pas cette initiative hongroise, qui est intéressante.

      Pour ce qui est du financement de la création, il est tout à fait possible d’envisager des opérations de crowdfunding dans lesquelles l’auteur s’engagerait à placer son oeuvre dans le domaine public, si le public le finance à la hauteur demandée. Ce serait une autre façon de « désengluer » les oeuvres, sur le modèle d’Unglueit.

      En faisant cependant attention à ne pas glisser dans un système de domaine public payant, quand même… On peut imaginer des modèles économiques à partir du domaine public (Print On Demand, rééditions, etc), à condition de ne pas l’enfermer à nouveau par le biais d’exclusivités.

      Concernant ta dernière phrase, on pourrait aussi imaginer des formules dans lesquelles l’auteur se réserve les droits pour une période donnée (10 ans, 5 ans), pour ensuite verser son oeuvre dans le domaine public.

      Beaucoup de choses restent à inventer, mais pour cela, il faut que la notion de « domaine public » entre explicitement dans le Code et qu’il sorte de l’évanescence juridique qui est la sienne actuellement.

      Beaucoup de choses sont possibles

  17. Pour ce qui est de la distinction d’une œuvre utile et d’une œuvre d’art, j’aimerais proposer une définition de ce style (on peut reformuler, hein ! ^^ ) :

    « Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression ou le mérite. »
    +
    Une œuvre d’art est une œuvre UNIQUE dans sa création ou sa disposition. Toute œuvre ayant DESTINATION à être dupliquée, par quel moyen que ce soit, ne peut être considérée comme étant inutile et ainsi n’entre plus dans la dénomination d’œuvre d’art et appartient dès lors au domaine public.

    La destination signifie plus le but de l’œuvre, je pense qu’on peut même se reposer dessus mais dans le deuxième paragraphe.

    Avec ma proposition, une poignée de porte peut être artistique si elle n’est pas faite pour être reproduite (car en cristal ou en métaux précieux par exemple) et ce serait ainsi reconnaître des œuvres unique d’artisanat. Une poignée de porte standard, aussi belle qu’elle soit, n’entrera jamais dans cette catégorie car aura pour vocation d’être reproduite lors de sa conception. Ainsi, une photo, un tableau, un texte peut être une œuvre d’art, lorsque à sa conception il n’a pour vocation que d’être unique. Une notice d’aspirateur respectant des normes d’affichages ne sera alors plus unique dès sa conception (en plus qu’elle a été créée uniquement pour être reproduite).

    Bon, il serait intéressant de chercher des exemples dans la plupart des domaines artistiques pour voir si ça colle… (J’ai un doute pour la photo par exemple… ^^’ )

    Qu’en pensez-vous ?

    1. L’édition est une forme de reproduction, non ? Les romans, la musique (sur CD) ne sont pas des œuvres artistiques ?

  18. Bonjour Lionel,
    A mon tour de te féliciter pour cette initiative (et ce travail de titan). Deux points cependant me tarabustent :

    *10 (Oeuvres composites)* – Je ne comprends pas très bien : s’agit-il de considérer que toute oeuvre composite incluant une oeuvre du domaine public s’élève automatiquement elle-même au DP, ou plus simplement s’assurer qu’inclure une oeuvre du DP dans une oeuvre composite ne retire pas cette oeuvre « originelle » du DP ? J’ai tendance à croire (et préférer) ma 2e hypothèse – une oeuvre composite est tout de même originale, comme la vidéo de sculptures dansantes que tu affectionnes. Seulement, je ne parviens pas à imaginer un exemple où un « artiste composeur » pourrait (aujourd’hui) s’approprier les droits d’auteurs d’un de ses « ingrédients » du DP.

    *11 (Rééditions à l’identiques)* – Là, je crois bien comprendre l’idée : si j’édite Les Misérables, je ne fais pas le casse du siècle en revendiquant les droits sur le bouquin original, je n’ai de droit d’auteur que sur mon éventuel travail éditorial / d’accompagnement (illustrations, coupes claires dans le texte, réécriture de la fin, …). Mais je ne trouve pas non plus d’exemple pour lequel un éditeur serait aujourd’hui en droit de s’approprier une oeuvre qu’il aurait simplement réédité – sauf dans le cas des modernisations de langue, qui s’apparentent à des traductions, et pour lesquelles la revendication d’une certaine originalité de la nouvelle édition n’est pas forcément sans fondement. Mais, toujours, sans confiscation possible du texte original.

    En gros, ça n’est pas que je ne sois pas d’accord avec ces propositions, c’est plutôt que je ne comprends pas la nécessité de ces précisions.

    Ah, et sinon, au risque que cela paraisse grandiloquent et redondant, pourquoi ne pas rajouter (à la fin de ta version du L123-1, par exemple) un truc comme : « L’appartenance au domaine public est perpétuelle et inaliénable ». Histoire d’être bien clair ?

    1. Bonjour Pierre,

      Merci de te joindre à la discussion.

      – Oeuvres composites : Il s’agit bien de faire en sorte que les oeuvres du domaine public incluses dans des oeuvres composites puissent en être « extraites » et réutilisées, sans que leur statut juridique ne soit altéré; Je te donne un exemple : si tu vas sur une exposition virtuelle, dans 99% des cas, une mention unique indique « (c) tous droits réservés », même lorsque elle contient des images appartenant au domaine public qui ne devraient pas en être retirées, étant donné que les œuvres sont seulement « incrustées » dans un ensemble sans modification. Mais ce n’est pas simple à formuler, j’en conviens. Le cas de la vidéo de Nina Paley que tu cites est aussi complexe, car il y a bien là une forme de modification (mise en animation).

      – Rééditions : là aussi, si tu prends une oeuvre du domaine public rééditée, tu verras sur la page de copyright qu’en général, les éditeurs indiquent « Copyright – Tous droits réservés », assorti d’une mention du genre « Toute reproduction de tout ou partie de cet ouvrage constitue une contrefaçon ». Or ce n’est pas vrai : le texte peut bien entendu être extrait et réutilisé. Le problème ici, c’est que certains apports éditoriaux peuvent être originaux (mise en page, maquette, police, notes, etc). Du coup, comment garantir que le domaine public reste disponible en cas de rééditions, sans « écraser » ces apports ?

      J’ai essayé de pointer le problème, mais je n’ai pas (encore) la solution.

      Je note cette excellente suggestion d’ajout à l’article L. 123-1 ! Par contre « inaliénable » ne convient pas, parce que les droits sur une oeuvre du domaine public sont éteints et personne ne peut les aliéner.

      Il faudrait plutôt une phrase du genre « L’appartenance d’une oeuvre au domaine public est perpétuelle et définitive ». C’est loin d’être anodin, car aux États-Unis par exemple, il y a eu des exemples de lois ou de jurisprudences qui ont « arraché » des oeuvres du domaine public. Voir par exemple l’affaire Golan vs Holder http://en.wikipedia.org/wiki/Golan_v._Holder

      Merci encore de ton intérêt pour ces propositions !

      1. Merci de tes précisions.
        Mais il semble alors que les propositions 10 et 11 relèvent presque plus de la partie *IV – Empêcher les atteintes à l’intégrité du domaine public* / 17 – Clauses contractuelles (voire de la proposition 23 – Sanctions pour copyfraud) que d’une limitation du champ d’application du DA. Sauf si tu as des exemples de jurisprudence, on dirait qu’il s’agit uniquement de revendications infondées de la part des compileurs / éditeurs, et indéfendables devant un tribunal. Certes, il est toujours nécessaire de se méfier de ce qui nous semble évident – les copyright madness nous le montrent assez.

        D’un point de vue bassement stratégique – puisque, comme toi, je n’envisage pas ton initiative comme un exercice de style ou une hypothèse théorique, mais bien comme un véritable projet concret – d’un point de vue bassement stratégique, écrivé-je, peut-être serait-il judicieux de ne pas trop charger la barque des restrictions du DA (qui sera défendu pied à pied par les éditeurs – cherchez l’erreur). Et donc de classer la prévention des éventuelles arnaques dans le chapitre « défense des acquis » plutôt que dans « concessions à obtenir ».

        Sinon, si tu veux jouer la sécurité pour l’article L113-4 (œuvres composites), je dirais « …sous réserve des droits de l’auteur *ou de l’appartenance au domaine public* de l’œuvre préexistante ». Histoire de mettre sur le même plan DA et DP, deux droits à protéger.

  19. A propos du point 22, concernant le dépôt des articles de recherche dans des archives ouvertes, je me demande dans quelle mesure le modèle américain de licence automatique est transposable dans le système français : une institution comme Harvard a mis en place une licence globale non-exclusive par laquelle elle retient une partie des droits sur les futures publications des chercheurs, quels que soient les accords entre l’auteur et son éditeur. Cela est rendu possible grâce à la prévalence, en droit américain, d’une licence non-exclusive (avec théoriquement l’accord écrit de l’auteur) sur tout transfert ultérieur de copyright. L’avantage d’un tel système est qu’il n’est plus nécessaire d’obtenir l’accord préalable des éditeurs.
    Source : http://cyber.law.harvard.edu/hoap/Implementing_a_policy#Individualized_writing

  20. Vraiment merci Lionel de ce texte essentiel. On voudrait toujours pouvoir aller plus loin, mais comme tu le distingues très clairement, chaque chose en son temps et surtout chaque action doit être liée à sa législation.
    Quelques petites remarques. I.1 : il manque à mon avis une définition positive du domaine public. L’ajout que tu proposes est essentiel car il étend le domaine public. Mais il manque une définition de ce qu’il est. Car comme tu le laisses entendre, il y a deux définition du domaine public : celle sur la domanialité est bien différente. Il est important de préciser quelque part, d’une manière plus formelle, ce qu’est le domaine public. Que ce n’est pas un domaine qui appartient aux institutions publiques, mais qui est libre de droit, ouvert à l’utilisation de tous.
    La disposition II.6 me semble vraiment un ajout de simplification essentiel.
    La disposition III.8 : il me semble également qu’il nous faut tenter de définir l’oeuvre utile. Qui n’est pas nécessairement une notion claire.
    V.20 : Que le compromis soit raisonnable, peut-être (j’ai pour ma part des doutes). En tout cas, je ne pense pas qu’il faille dire dans la loi que ce compromis existe. Il faut plutôt préciser qu’il n’a pas lieu et ajouter un amendement qui tienne compte de cette disposition particulière lié à la réglementation européenne. Mais à mon avis, quand tu t’attaquera à la défense du bien public au niveau européen, ce sera une disposition à supprimer. Le droit d’exclusivité sur le domaine public, tel qu’introduit par l’Europe dans cette disposition n’est pas sain. Ton projet a pour but de défendre le domaine public dans son intégrité. Pas d’y introduire des exceptions. Le droit d’exclusivité particulier me semble une dérive et à terme peut devenir rapidement complexe. Cette disposition européenne n’est pas saine à terme, car elle peut venir le grignoter de tout côtés.

    Merci en tout cas de ce texte. Vraiment !

    1. Merci Hubert pour ton soutien et pour la reprise de cette idée sur La Feuille : http://lafeuille.blog.lemonde.fr/2012/10/30/une-loi-pour-le-domaine-public-en-france/

      1° Définition positive du domaine public. Je suis d’accord avec toi, il faut sans doute une définition positive plus nette. Néanmoins, le Code n’est pas le lieu où l’on peut insérer des définitions générales, car chaque terme est susceptible de produire des effets de droit. Cependant en lisant ton commentaire, je me suis rendu compte qu’effectivement, je restais encore trop prisonnier du paradigme de la définition négative. J’introduis les termes « domaine public » dans le Code, mais uniquement « en creux » du droit d’auteur : par rapport à la fin de la durée des droits ou par rapport à l’absence d’originalité. je vais essayer de creuser l’idée d’une définition positive.

      2° Définition de l’oeuvre utile. C’est un exercice assez redoutable, car distinguer l’utile de l’artistique est toujours périlleux, surtout à l’heure du design… Pourtant, des exemples concrets montrent que cette distinction peut aussi produire des effets bénéfiques. Mais il faut veiller à ce qu’elle ne soit pas trop aléatoire en justice.

      3° Question difficile que celle des exclusivités accordées dans le cadre de partenariats public-privé de numérisation. D’après les informations que j’ai, l’introduction des recommandations du Comité des sages dans la directive sur les informations publiques (PSI) serait en cours. Ces recommandations limitent à 7 ans les exclusivités accordées, et il ne peut s’agir que d’exclusivités commerciales. Les oeuvres doivent être mises en ligne par ailleurs et accessibles gratuitement. En gros, c’est un Google Book, avec des exclusivités limitées à 7 ans. Il se profile tellement pire en France, à la BnF, que je finis par me demander s’il ne faut pas excepter des exclusivités mesurées et limitées dans le temps. Mais j’avoue que c’est un cas de conscience difficile à trancher et que dans l’idéal, l’absence totale d’exclusivité sur le domaine public devrait primer sur toute autre considération.

      Ce sont des points à creuser et merci de les avoir soulevés.

  21. Juste un petit rebond en passant :

    « En ce sens, le versement volontaire au domaine public ne devrait pas être assimilé à une aliénation (qui présuppose qu’on s’aliène au profit de quelqu’un), mais bien comme un renoncement à portée générale. »

    Sans doute, mais l’Histoire comprend de trop nombreux exemples où ceux qui se croient porteurs de l’intérêt général ont aliéné leur peuple, y compris les artistes et les auteurs. Je continue à penser qu’il est imprudent d’ouvrir la porte à des exceptions au droit moral.

    1. Tout de suite, les grands mots…

      Protéger les gens contre eux-même est une curieuse conception et cela a aussi donné des résultats désastreux dans l’histoire.

      Si un auteur souhaite aménager ou renoncer son droit moral, il devrait avoir la possibilité de le faire, en offrant une sécurité juridique suffisante aux utilisateurs.

      A vrai dire, toute personne qui emploie une licence Creative Commons autorisant la réutilisation renonce déjà à son droit à l’intégrité de l’oeuvre (composante du droit moral).

      Pour moi, il y a une différente claire entre reconnaître que des clauses dans un contrat d’édition sont valides quand elle impliquent un renoncement du droit moral au profit du seul éditeur (dangereux, pas souhaitable) et le fait pour un auteur de vouloir explicitement indiquer à tous, par le biais d’un acte de volonté public et général, qu’il souhaite permettre la réutilisation très largement, y compris en renonçant à son droit moral.

      Par ailleurs, il ne s’agirait nullement d’une « exception au droit moral », mais au contraire, d’une nouvelle possibilité donnée à l’auteur de l’exercer.

      Le droit d’auteur est un droit centré sur la personne de l’auteur (quoi que, par les temps qui courent, on finisse par en douter sérieusement #oeuvresindis). De ce fait, on ne devrait pas imposer d’obstacles à l’auteur dans sa manière d’exercer ses droits.

      De plus, la perpétuité du droit moral génère des dysfonctionnements et des abus du système, qui sont franchement intolérables. Vous connaissez l’histoire de Fifi Brindacier ? http://www.rtbf.be/info/medias/detail_fifi-brindacier-echappe-a-une-campagne-de-boycottage?id=7839880

    1. Merci Christian de venir discuter ici.

      Le but n’était pas à vrai dire de proposer un texte « prêt à voter », mais de montrer concrètement qu’on pouvait lancer un projet général autour du domaine public. Et de commencer à balayer les différentes zones des textes de loi qui sont concernées.

      Les premiers échanges m’ont déjà montré qu’il y a des points à améliorer et des points délicats à trancher.

      Je pense en effet mettre le texte sur Co-Ment, mais il faut que je le transforme, pour le rendre plus « digeste » ;-)

      Et sur le fond, qu’en penses-tu ?

      1. Si je passe sur les éléments les plus technico-juridiques qui m’échappent , je retiens que tu serais tenté de poser, à côté de la puissance publique et de la puissance privée une *troisième puissance* qu’est le « domaine public » et que, forcément, çà bloque, car la partition a toujours été, depuis précisément la publication des lois, entre public et privé.

        Si l’ambition est vraiment celle-là, alors il faudrait peut-être préférer le terme de « domaine commun » à « domaine public » qui rappelle trop la puissance publique.

        Cette approche « positive » qui émerge dans le commentaire d’Hubert pose vraiment la nécessité d’une *troisième puissance* (la puissance commune) qui ne serait ni celle du marché, ni celle du politique.

        Mais militer pour cette troisième puissance, c’est la promesse d’avoir à essuyer les tirs de la Puissance Privé ET de la Puissance Publique (qui travaillent d’autant plus ensemble maintenant avec les PPP)

        Dans un registre proche (mais en rapport avec cette question d’une troisième puissance), on a parlé de çà à Ars Indsutrialis, en le posant d’entrée de jeu au niveau non pas national mais international. On a d’ailleurs utilisé le terme d’ « internation ».

        Vaste chantier en tout cas.
        Amitiés

  22. Bonjour,

    Le sens général de ces propositions me semble excellent, sauf en ce qui concerne les «oeuvres utiles». Je ne vois pas en quoi une notice d’aspirateur ne pourrait être «une oeuvre de l’esprit», même si cet exemple me semble choisi à dessein pour faire sourire. Expliquer les choses de manière intelligible est un art qui n’est pas conféré à tout le monde, et je ne vois pas pourquoi l’auteur d’un manuel devrait systématiquement être dépossédé de la possibilité de protéger son travail. J’apprécie beaucoup que les logiciels libres soient accompagnés de documentations dotées d’un droit de reproduction très libéral, mais si un auteur talentueux écrit un livre mieux fait, il m’arrive de l’acheter.

    Appliquer cette distinction réduirait à néant la possibilité de financer tous les livres scolaires, les manuels d’informatique, les pourquoi pas les plans de villes, les guides touristiques, les plans de modélisme, les ouvrages de tricot, que sais-je, et de rémunérer leurs auteurs.

    Où placeriez-vous la limite ?

    Cela dit, j’ai eu connaissance d’un litige entre un technicien qui avait fondé avec sa compagne une société dans un domaine de l’électronique (je reste discret…). Il l’a quittée par la suite et a refondé une société ayant la même activité, lui laissant ses parts. L’ex, toujours actionnaire de la première société, l’a alors attaqué (avec une haine implacable, ne mêlez jamais les affaires de coeur et les autres…) sur le plan des droits d’auteur, parce qu’il diffusait, dans le cadre de sa nouvelle entreprise, des manuels similaires à ceux qu’il avait rédigés pour la première. Être attaqué pour violation de copyright concernant des «oeuvres» qu’on a soi-même écrites, c’est quand même le pompon.

    Il a dépensé des fortunes en frais d’avocats spécialisés pour s’en dépétrer, ayant été à un moment contraint de ré-écrire ses nouveaux manuels pour qu’ils soient «suffisamment» différents des versions initiales.

    Cordialement,

  23. Vraiment complet, j’avoue que je n’ai pas tout lu mais une très grande partie, vos idées sont vraiment intéressantes. Mais la limites est flou entre ce qu’il est possible de réaliser et ce qui ne l’est pas.
    Je met en favori et relirai tout cela à tête reposé.

  24. Pour le meilleur ou pour le pire, vous m’avez donné envie d’écrire.

    Vous trouverez sur mon blog des billets sur le domaine public au sens du droit public comme au sens du droit de la propriété intellectuelle.

    J’en déduis que :

    – le domaine public au sens du droit de la propriété intellectuelle pourrait primer sur la domanialité publique,
    – le domaine public au sens du droit de la propriété intellectuelle devrait changer de nom,
    – la domanialité publique n’est guère opportune pour les biens immatériels.

    J’apprécierai énormément d’avoir vos éclairages sur ces positions.

    S’y trouve également un appel à témoins sur la gestion des collections en bibliothèque au regard de l’article L. 2112-1.

    Je vous serai également très reconnaissante pour toutes informations que vous pourrez m’apporter sur ce sujet.

    1. Bonjour,

      Merci pour ce commentaire et les réflexions que vous déroulez sur votre blog sont particulièrement intéressantes.

      Je souscris pleinement à votre première déduction, selon laquelle le domaine public au sens de la propriété intellectuelle devrait primer sur la domanialité. On peut d’ailleurs asseoir cette primauté sur des raisons fondamentales. Le domaine public au sens de la propriété intellectuelle est la condition de possibilité de l’exercice de droits fondamentaux (droit à la culture, à l’éducation, liberté d’expression via la création artistique, liberté d’entreprendre, etc). Faire primer la domanialité publique reviendrait à accorder une valeur supérieure aux intérêts de l’Etat et des collectivités locales (et surtout à leurs intérêts financiers), ce qui me paraît inacceptable.

      Sur la déduction n°2, selon laquelle le domaine public au sens de la propriété intellectuelle devrait changer de nom, cela rejoint d’autres commentaires sous ce billet, qui estime qu’il faudrait passer à l’expression « domaine commun ». Il est clair que mes propositions ont un lien fort avec la théorie des biens communs (notamment l’aspect « éviter que le domaine public soit soumis à de nouvelles enclosures »). Une clarification des termes employés pourrait être de nature à éviter les interférences entres les deux domaines publics.

      Sur la déduction n°3, j’avoue par contre ne pas savoir que répondre. Il est clair que l’application de la domanialité publique aux oeuvres numérisées du domaine public me paraît illégitime et dangereuse. mais faut-il rejeter pour autant de manière générale l’idée que la domanialité publique puisse s’appliquer à des biens immatériels ? J’avoue ne pas avoir assez de recul pour répondre.

      Néanmoins, il faut prendre en compte un autre type d’interférence possible avec un autre régime juridique : celui des informations publiques (au sens de la loi du 17 juillet 1978). Il y a en effet de fortes chances qu’un bien immatériel produit par une administration soit considéré comme des informations publiques, avec les conséquences que cela implique (droit à la réutilisation, conditions, etc). Soumettre le même objet en plus au régime de la domanialité publique ne risque-t-il pas de créer des interférences compliquées à gérer, avec des règles contradictoires ? Qu’est-ce que la domanialité publique apporterait de plus par rapport à la loi du 17 juillet 1978 ? Cela me peut-il pas avoir un impact négatif sur le mouvement en faveur de la réutilisation des données publiques ?

      Je vous soumets ces interrogations et serait très intéressé de poursuivre le débat avec vous sur ces questions.

      1. Merci beaucoup pour votre réponse.

        En fait, la déduction 3 ne s’appliquait qu’aux biens immatériels culturels.

        Pourraient être intégrés au domaine public des biens immatériels des meubles immatériels indispensables à l’exercice de missions de service public, car « il incombe au législateur lorsqu’il modifie les dispositions relatives au domaine public de ne pas priver de garanties légales les exigences constitutionnelles qui résultent de l’existence et de la continuité des services publics auxquels il est affecté » (Cf. http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/depuis-1958/decisions-par-date/1994/94-346-dc/decision-n-94-346-dc-du-21-juillet-1994.10570.html).

        Vous me direz que les biens immatériels culturels sont indispensables au service public culturel.

        Toutefois, ils peuvent très bien être possédés sans être appropriés par une personne publique (cf. domaine public au sens du droit de la propriété intellectuelle).

        Pourrait ainsi être souhaitable que fassent partie du domaine public des meubles immatériels rivaux, à l’image d’actions indispensables au contrôle d’une société qui accomplit une mission de service publique.

        En tout état de cause, la domanialité publique de biens immatériels me semble actuellement juridiquement loin d’être avérée (http://wp.me/p2KzDa-20) et celles des documents numérisés des bibliothèques publiques plus sujette à caution que toute autre (http://wp.me/p2KzDa-2A).

        Je ne manquerai pas de me pencher sous peu sur la loi du 17 juillet 1978.

        1. Merci pour cette réponse !

          Auriez-vous une idée de la formulation qu’il faudrait introduire dans le Code Général de la Propriété des personnes Publiques pour garantir explicitement que les oeuvres numérisées appartenant au domaine public ne soient pas considérées comme relevant du domaine public au sens de la domanialité publique ?

          J’avoue ne pas savoir trop comment m’y prendre…

          Sinon, sur un sujet connexe, vous avez sans doute vu passer cette décision récente du Conseil d’Etat, dans laquelle il estime fondée l’interdiction d’effecteur des prises de vues d’oeuvres dans un Musée au motif que l’administration peut interdire l’usage privatif du domaine public mobilier : http://www.gazettedupalais.com/services/actualites/actu_jur/e-docs/le_maire_peut_il_sopposer_a_la_prise_de_vues_doeuvres_relevant_des_collections_d_un_musee_/document_actu_jur.phtml?cle_doc=000021D5

          Et il écarte l’argument tiré du respect de la liberté du commerce et de l’industrie.

          Ce qui est frappant dans cette décision, c’est que le CE ne se réfère à aucun moment à la notion de domaine public au sens de la propriété intellectuelle, tout simplement comme s’il n’existait pas…

          1. Pour commencer et en matière de droit à l’image, un aperçu – peut-être incohérent – des raisons pour lesquels le Conseil d’État ne se réfère pas au droit de la propriété intellectuelle… et des raisons pour lesquelles le tribunal de commerce de Paris ne se réfère pas à la domanialité publique.

            http://wp.me/p2KzDa-30

            Qu’en pensez-vous ?

            1. Il faut que je prenne le temps de creuser, mais il est certain que ce type de décisions exemplifient parfaitement les problèmes que j’essaie de pointer, à savoir une forme d’infériorité structurelle du domaine public au sens de la PI et la facilité avec laquelle des droits issus d’autres terrains juridiques peuvent le recouvrir.

              Je prends le temps de creuser et je vous fais retour.

  25. Cet article (ou du moins ce projet de loi) est très intéressant à plusieurs points de vue, et on sent que le domaine public est quelque chose de nécessaire pour le patrimoine culturel.

    Néanmoins, il me semble qu’il y a un gros problème lors de l’entrée de l’œuvre dans le domaine public : quid de l’authenticité d’une telle œuvre ? Il faut, à mon sens que l’œuvre soit authentique pour garantir que c’est bien l’œuvre qui avait été publiée telle quelle (le contenu-même). Comme ça, chacun qui copie ou modifie sait qu’il modifie une copie de l’original. Vous me suivez ? On peut très bien imaginez la multiplications de fakes, si vous voyez ce que je veux dire. Il faut donc, à mes yeux une garantie de l’authenticité des œuvres au moment de l’entrée dans le domaine public. Pourquoi ? Imaginez que les ayants-droits n’ont quasiment jamais exploités l’œuvre (tirages bien trop confidentiels) avant le domaine public, à quoi sait-on que l’œuvre n’est pas une simple supercherie ? Faut-il faire appel à tous ceux et celles qui possédait la copie autorisé de l’œuvre, ou des « anciens » ayants-droits de celle-ci ? Je reprendrais une métaphore de la biologie qu vaut ce qu’elle vaut : une cellule est répiqué originalement. Il y a la cellule-mère et la cellule fille, toutes identiques, néanmoins, la cellule-fille peut être la cellule-mère d’une cellule-fille non identique par mutation (modification). Ainsi, on a des cellules identiques (authentiques) et différentes. Comme ça il n’y a aucune perte culturelle. Seulement la possibilité d’enrichir du contenu à partir d’une copie.
    Il faudrait donc une certification par des preuves tangibles, je pense. De plus, il faut que les ayants-droits fassent un travail de conservation en vue de la libération dans le domaine public. Sinon, c’est la culture qui part en lambeau.

    Je voudrais réagir à propos de la création d’un registre national du domaine public. L’idée, elle aussi est très intéressante. Néanmoins, elle ne mise pas suffisamment sur la pérennité des œuvres. Je m’explique : est-ce que ce registre centralise tout ? S’il centralise tout sans externaliser à son tour les titres d’œuvres sous domaine public, il y a risque du syndrome de « bibliothèque d’Alexandrie », où la base de données peut disparaître en cas de cataclysmes. Il faut un centre (ou plusieurs centres?) qui « décentralise » les œuvres, où n’importe qui peut accéder à la base de données qui les recense. Donc du Big Open Data, si l’on veut.

    Cordialement. :)

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