Quelle place pour les bibliothèques dans l’accord Google Book Search ?

servicesL’accord Google Book Search concerne en premier lieu les auteurs et éditeurs américains, mais il contient aussi plusieurs dispositions relatives aux bibliothèques (voir ici pour une synthèse).

– Pour les bibliothèques partenaires du programme « Bibliothèques », la possibilité d’avoir un accès sur place à tout le contenu de Google Book Search, y compris la partie encore sous droit ;

– Pour les autres bibliothèques américaines, une formule d’accès payant sous forme d’abonnement à tous les contenus de Google Book Search.

Ces propositions constituent sans conteste une avancée en terme de diffusion de la connaissance (notamment en ce qui concerne l’accès aux œuvres épuisées, soit l’essentiel du contenu de GBS : 5 millions d’œuvres environ sur 7 millions) et aussi un juste retour des choses, puisque c’est grâce aux fonds des bibliothèques partenaires que Google a pu constituer son entrepôt numérique.

Mais la prise en compte des intérêts des bibliothèques (et donc de leurs publics) n’est pas sans comporter un certain nombre d’ambiguïtés et de restrictions qui ont déjà suscité la crainte des bibliothécaires américains.


La bibliothèque d’Havard, l’un des grands partenaires de Google, a été la première à faire savoir (cf. ici) qu’elle envisageait de mettre un terme à la collaboration si Google n’apportait pas plus de garanties, notamment en terme d’ouverture des accès et de maîtrise des coûts. Le grand historien du livre, Robert Darnton, en tant que responsable des bibliothèques d’Harvard a d’ailleurs fait paraître un brillantissime article (Google and the future of books) dans lequel il synthétise ses espoirs mais aussi ses inquiétudes vis-à-vis des termes de l’accord.

L’affaire vient de prendre un nouveau tournant puisque les principales associations de bibliothécaires américaines (American Library Association -ALA-, Association of Research Libraries -ARL-, Association of College and Research Librairies -ACRL-) ont décidé d’intervenir dans la procédure de règlement collectif du litige pour porter à la connaissance du juge leurs réserves (sur la question des recours collectifs ou class action, voir ici).

Elles le font par le biais d’un procédure appelée amicus (objection d’une partie non concernée directement dans un procès mais qui pense que la décision de justice influe sur ses intérêts). Car les bibliothèques ne sont pas directement parties au procès qui oppose Google aux éditeurs et auteurs américains. Leurs réserves portent sur une série de sujets : accès, protection de la vie privée, traitement équitable et conditions d’utilisation.

On verra comment ces arguments sont reçus par la justice américaine et s’ils sont en mesure d’influer sur les termes de l’accord.

En France aussi, les choses sont à surveiller de près.

En effet, le LivresHebdo de la semaine dernière (N°765, 20 février 2009, p. 49) comportait un article en double page consacré à l’accord Google Book Search donnant la parole à l’avocat de la firme. Cet article comportait un encadré « Vers une transaction en France? » qui apporte peut-être des éléments nouveaux concernant les éditeurs français.

Si l’opposition de principe des éditeurs français est rappelée, il est aussi mentionné que le procès en contrefaçon intenté par La Martinière et Le Seuil,  rejoints par le SNE et la SGDL paraît mal engagé et que « la position des trois plaignants a été compliquée par des jugements défavorables sur des dossiers similaires délivrés en France, et jusqu’en Cassation« .

Je me demande si ces fameux dossiers ne renvoient par en fait à l’affaire SAIF c. Google qui concernait une plainte contre Google Recherche d’Images et dans laquelle le juge français avait appliqué la loi américaine et la notion de fair use pour finalement ne pas reconnaître la contrefaçon. Il est clair que si le procès Google Book Search doit être tranché sur la base du droit américain et du fair use, la position des éditeurs français devient incertaine.

Imaginons un instant que les éditeurs français décident finalement de transiger avec Google (pourquoi pas après tout ?). La question se posera alors de savoir si des dispositions seront prévues dans le règlement en faveur des bibliothèques, à l’image de ce qui s’est passé aux Etats-Unis.

Les bibliothèques partenaires de Google pourront-elles donner accès à tout le contenu de GBS sur place (auquel cas, il faudra aller à la BM de Lyon, seul partenaire français de Google Book Search pour l’instant).

Et les autres bibliothèques se verront-elles proposer une offre commerciale d’accès à Google Book Search ? A quel prix ? Et selon quelles conditions ? Qui représentera les bibliothèques dans cette transaction et pourront-elles seulement être représentées ?

Et si l’aspect Bibliothèques était purement et simplement oublié des négociations, n’y aurait-il pas un risque de voir s’ouvrir un déséquilibre majeur dans l’accès aux livres numériques entre les Etats-Unis et la France ? Avec d’un côté de l’Atlantique, un accès public aux oeuvres récentes et de l’autre, un accès privé et payant ?

Pour l’instant, tout cela relève encore largement de la science-fiction juridique. Mais cette affaire nous a habitué à des coups de théâtres retentissants.

Autant préparer la situation en amont et ne pas se retrouver comme les bibliothèques américaines, concernées par un accord « à l’insu de notre plein gré« .


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