Filons de S.I.Lex #5 : le relevé des fouilles de la semaine

Bon sang quelle semaine !

Que ce soit en France ou aux Etats-Unis, la saga Google Livres continue d’occuper la première place. Le séminaire interministériel sur la place du numérique dans l’emprunt national a aussi constitué un moment fort et à l’approche du vote du volet répressif de la loi Hadopi (mardi de la semaine prochaine 15 septembre à l’Assemblée), la discussion autour des modèles économiques adaptés au numérique bat son plein.

Ce qui s’est passé autour de Google Livres est tellement riche et complexe cette semaine que j’en ai fait un point à part entière de ces Filons. Idem pour le séminaire sur le numérique dans le grand emprunt auquel j’ai pu assister et qui mérite quelques développements.

Un mur de silex traditionnel. (Sussex flint. Par Peter hilton. CC-BY-NC-SA. Source : Flickr)
Un mur de silex traditionnel. (Sussex flint. Par Peter Hilton. CC-BY-NC-SA. Source : Flickr)

I. Google Book Search et son règlement :

Suite à l’audition organisée par la Commission européenne, lundi 7 septembre, Google a commencé à faire des concessions pour calmer l’opposition émanant des Etats (France, Italie, Allemagne) et des éditeurs européens. Pour montrer sa bonne volonté, Google accepté de considérer que les livres commercialement disponibles en Europe soient aussi considérés comme tel aux Etats-Unis. Ce qui signifie qu’une autorisation explicite sera requise pour que le moteur de recherche puisse les vendre sous forme numérique. Un premier pas censé prouver que la négociation est possible, mais qui n’est cependant pas vraiment nouveau et laisse entier le problème posé par les oeuvres orphelines et réellement épuisées, auxquelles Google continue d’appliquer un système d’opt-out.

12 associations membres de l’IABD (Interassociation Archives Bibliothèques Documentation) publient le même jour un communiqué pour marquer leur opposition au Règlement Google. Elles proposent aux pouvoirs publics français la mise en place d’une solution alternative : utiliser une partie de l’emprunt national pour régler définitivement la question des oeuvres orphelines et épuisées en France. En contrepartie d’une somme forfaitaire équitable versée aux titulaires de droits, ces oeuvres seraient libérées et rendues disponibles à toutes fins, ce qui permettrait aux institutions culturelles de les numériser. Une autre partie de l’emprunt serait consacrée à l’accélération du rythme de la numérisation pour permettre de mettre rapidement en ligne ces oeuvres libérées et les verser à terme dans Europeana.

Tournant désicif dans la procédure américaine ! Il n’est pas abusif de dire que Google a été contraint de mettre un genou à terre. Dans le cadre de l’enquête ouverte au niveau fédéral pour violation des lois anti-trust, le Copyright Office a été entendu par le Congrès lors d’une audition au cours de laquelle il a très sévèrement critiqué le Règlement Google Book. Résultat : Google tremble et annonce dans la foulée qu’il réfléchit à la possibilité de renoncer à l’exclusivité commerciale sur les contenus de Google Book Search. Cela signifie que des firmes comme Amazon ou Barnes & Nobles, mais aussi n’importe quel libraire pourraient venir se « brancher » sur Google Book et vendre des accès au contenu selon leur propre formule. Cette décision (qui reste à confirmer) marque peut-être un progrès vers une forme de la « normalisation » de Google Book. Dans cette affaire, le vrai danger, ce sont les exclusivités que Google revendique et l’une des plus importantes est peut-être sur le point de sauter. Restera les autres (exclusivité d’indexation des contenus, droit exclusif de numériser les oeuvres orphelines …).

  • A lire également sur Google Book Search :

Une ribambelle de prises de position : du Parti socialiste (plutôt remonté mais franchement pas très constructif), de Patrick Bazin le directeur de la BM de Lyon, du Ministre de la Culture Frédéric Miterrand, de l’avocat Jean Martin (qui fut chargé en 2008 d’un rapport sur les oeuvres orphelines) …

Mais pour moi, le texte le plus inspiré écrit sur la question cette semaine reste celui de Dominique Lahary sur son blog : Google va-t-il tout dévorer ? Parce qu’il exprime avec énormément de justesse toute l’ambiguïté dans laquelle les professionnels de l’information sont placés face aux agissements de Google. Et se termine quand même par un engagement qui place l’intérêt général au dessus de tout. Très loin du manichéisme qui sévit trop souvent dès que l’on prononce le mot Google !

II. Séminaire « Numérique : investir aujourd’hui pour la croissance de demain »

Les discours prononcés lors de cette journée et la synthèse des travaux sont ici. On a déjà écrit beaucoup de commentaires sur ce séminaire et je n’ai hélas pas vu grand chose de bon ! Je vous recommande vivement d’aller directement à la source et de lire les synthèses.

En gros, trois grands axes sont proposés pour booster le numérique en France grâce à l’emprunt : la mise en place en France d’un réseau de fibre optique qui permettrait une couverture à 100 % du territoire en Très Haut Débit, le soutien à la filière française du logiciel et la numérisation des contenus culturels (imprimés et audiovisuels).

Ce qui est certain … c’est qu’absolument rien n’est joué ! La journée a montré que de profonds débats divisent encore les différents ministères. Et les critères d’éligibilité de la Commission Rocard/Juppé sont encore trop vagues pour permettre de faire des prédictions. Le montant de l’emprunt (30 à 40 milliards ?) sera somme toute assez limité, ce qui va nécessiter une concentration des dépenses sur un petit nombre de projets. Et le numérique n’est qu’un domaine parmi beaucoup d’autres …

Il a aussi beaucoup été question de Google lors de ce séminaire (le représentant de Google Europe était là l’après-midi). On a pu lire un peu tout et n’importe quoi dans les médias à l’issue de la journée, à grands coups de phrases sorties de leur contexte. A mon sens, le reflet le plus fidèle de ce qui s’est dit au sujet de Google Book a été écrit dans les colonnes du Monde.fr.

On peut aussi retrouver sur Twitter grâce au hastag #emprunt les messages envoyés par les participants, comme les y avait chaudement incité Nathalie Kosciusko-Morizet. Mais malgré ce beau coup de com’, j’ai trouvé que ce séminaire restait furieusement 1.0 dans son esprit. Une juxtaposition d’intervenants faisant leurs présentations à la suite, sans débat et sans aucune interaction avec la salle … comme un mauvais goût de contradiction performative ! La forme n’allait pas avec le fond …

J’ai bien aimé ce billet au vitriol qui relativise l’événement et en démonte les ficelles : Un Hold-up déjoué Rue Sainte Dominique !

Il n’en reste pas moins que nous sommes à la croisée des chemins pour le numérique en France …

III. Les trouvailles de la semaine :

Chouette !

Article faisant écho à une conférence qui a eu lieu mardi 8 à Paris pour proposer de nouveaux modèles de financment de la Création. Notamment par le biais d’une nouvelle société de gestion baptisée SARD (Société d’Acceptation et de répartition des Dons). Pour se faire une idée du dispositif, on peut écouter la conférence en podcast sur Oxyradio ou lire l’inspirante tribune « En finir avec la guerre au partage » de Richard Stallman, dont les idées sont à l’origine de ce projet.

Pour prologner la réflexion sur les modèles économiques alternatifs, on pourra écouter cette émission de France Cuture, qui donnait la parole notamment à Philippe Aigrain ou à Florent Latrive.

IV Les Eclats de la semaine

(Sewing machine. par Julie K in Taiwan. CC-By-NC. Source : Flickr)
(Sewing machine. par Julie K in Taiwan. CC-By-NC. Source : Flickr)

8 réflexions sur “Filons de S.I.Lex #5 : le relevé des fouilles de la semaine

  1. Excellent, comme d’habitude !

    Google Search : je trouve très curieux que personne n’ait l’idée de faire du « Web 2 Hero(es) » sur l’enrichissement de l’indexation Google (et de l’accès au contenu) par des « mash-ups » … Qu’attend donc la BNF, qu’attendent donc les très talentueux bibliothécaires, pour réfléchir à cela et faire des propositions ? Allez allez !

    Hold-Up rue Saint Do : merci pour le lien vers la chronique hilarante (et si pertinente …) de Jean-Marie Chauvet.

    Mécénat global, alternatives Hadopi : j’attends quelques développements sur ces sujets, sur votre site.

    Au plaisir de vous lire !

    Cordialement,

    1. Diable ! Mon lectorat devient exigent et me commande directement des billets !

      Mais moi qui reproche à un séminaire de ne pas être assez interactif, je ne vais pas me plaindre de cela (bénis d’ailleurs soient les commentaires dans les blogs et les retours des lecteurs !).

      Vous avez par ailleurs entièrement raison : il faut que j’écrive quelque chose sur le Mécénat global (je comptais à vrai dire le faire cette semaine, mais je n’ai pas pu assister mardi au lancement de la SARD). J’avoue aussi que j’ai un peu « décroché » ces derniers temps du débat Hadopi, car j’avais atteint une sorte de saturation en juin. Mais il est temps de se repencher sur ce dossier qui va se rappeler à notre bon souvenir.

      Pour Google (Book?) Search, vous pensez à de la récupération des contenus par les bibliothèques sous forme de mash-up ou à des portails d’accès au contenu qui permettraient d’attaquer Google Book Search selon un angle particulier ?

      Je pense qu’à terme, ce seranécessaire vu l’importance documentaire que va prendre Google Book quoi qu’il arrive. Reste à présent à trouver la bonne formule !

  2. A auteur exigeant, commentateurs exigeants ! :-)

    Mécénat global, etc. : il y a richesse (et dispersion) des initiatives. My 2 cents : comment fédérer ces initiatives, de façon à donner une ou quelques directions principales, que l’on (les professionnels, dont les bibiothécaires, les politiques, les utilisateurs …) pourrait ensuite discuter. Car actuellement c’est un peu trop technique (juridique, etc.) pour que le quidam (j’en suis un) puisse s’approprier le débat.

    Google Book Search : les deux, m’sieur ! récupération des contenus par les bibliothèques sous forme de mash-up ET des portails d’accès au contenu qui permettraient d’attaquer Google Book Search selon un angle particulier. Commencer par quelques expériences « in the wild ». Il ne manque pas de développeurs talentueux qui en deux coups de cuiller à pot, hop ! produiraient DES MAINTENANT, en collaboration par ex. avec une ou des bibliothèques, des choses intéressantes. Car c’est l’observation des usages de ces (petites ?) expériences qui nous permettra d’avancer et de réfléchir. Et de dédramatiser (ou pas), le cas échéant, ces histoires.

  3. А если посмотреть на это с другой точки зрения то не все так гладко получается

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