Moins de billets dans S.I.Lex, moins d’Eclats, une veille déstructurée et flottante …
Pour ne rien vous cacher, la période est difficile et je traverse une période de « cafard numérique » qui m’a presque conduit à mettre S.I.Lex en veille pour quelques temps : première crise … impression d’être submergé par les infos … impression de ne plus savoir apporter de l’original … volonté d’écrire de manière plus simple sans y parvenir… difficulté à insérer le temps de l’écriture entre celui du travail et de la vie privée … un peu de pression aussi …
Résultat : la désagréable sensation de voir passer des choses essentielles sans pouvoir réagir, comme la parution de la loi Hadopi 2 face à laquelle je suis resté glacé …
J’imagine que bien des blogueurs connaissent ce genre d’épisodes un peu douloureux. Il y a peut-être également un lien avec une certaine »crise » plus générale que paraît traverser en ce moment la Biblioblogosphère.
Mercredi 28, Silvère Mercier posait sur Twitter une question que je trouve très juste :
C moi ou les biblioblogueurs sauf quelques uns ne publient plus que rarement ? Le moment biblioblogs est-il sur le déclin ?
Peut-être … Nous verrons bien où tout cela nous conduit… c’est certain qu’on sent que les choses sont en train de se reconfigurer en ce moment …
En attendant, les Filons de la semaine, histoire de reprendre un peu le fil de la veille …
[pas trop mon genre normalement l’épanchement sur mon blog et je n’en ferai pas une habitude, mais cette semaine, c’est comme ça … humeur d’automne]

I Grandes manoeuvres autour du droit d’auteur et de la numérisation au niveau de la Commission européenne
La Commission européenne a publié coup sur coup plusieurs communications importantes à propos de l’évolution du droit d’auteur en Europe.
Le premier document contient une synthèse des réponses apportées au Livre vert paru en juilet 2008 « Le Droit d’auteur dans l’Economie de la Connaissance ». Une analyse approfondie s’imposerait, mais il ressort avant tout que les points sur lesquels la Commission souhaite agir en priorité concerne la numérisation des ouvrages conservés par les bibliothèques, ce qui en dit long sur la place qu’occupe cette question dans les préoccupations des commissaires Reding et McCreevy en charge de ces dossiers. Les champs d’action retenus concernent la conservation et la diffusion numériques des œuvres protégées, avec un accent particulier mis sur les œuvres épuisées et les œuvres orphelines. La Commission rappelle l’importance de la gestion des droits numériques et notamment du programme européen ARROW (Accessible Registries of Right Informations and Orphan Works towards Europeana). L’autre volet concerne l’accès aux ouvrages sous forme numérique pour les personnes handicapées.
On notera que cette communication intervient alors qu’il ne s’est pas écoulé deux mois depuis que la Commission a publié une autre communication assortie d’une consultation publique « Europeana Next Steps » dont les réponses doivent à peine lui être parvenues ! Nul doute que l’urgence à agir mise en lumière par l’affaire Google Book Search, rappelée à de nombreuses reprises par Viviane Reding, explique l’activisme de la Commission en la matière. Mais on a aussi le sentiment d’une certaine désorganisation de l’action. Des communications empilées les unes sur les autres ne font pas une politique … Et c’est maintenant aux Etats de se saisir des sujets sur lesquels la Commission attire leur attention depuis des années !
Autre consultation qui recoupe par certains aspects la réflexion initiée dans le cadre du Livre vert, mais qui aborde plus largement les aspects économiques liés aux produits culturels numériques.
Bien que je n’ai pu étudier à fond ces documents, mon sentiment est que la question des œuvres orphelines va être le premier chantier lancé par la commission et peut-être plus vite que l’on ne pense.
Une grande audition publique a d’ailleurs eu lieu à ce sujet lundi dernier (26 octobre) à Bruxelles.
Le sujet est décidément brûlant, puisque l’on apprend également qu’en Angleterre, l’Intellectual Property Office vient de remettre un rapport qui recommande la mise en place d’une solution législative au problème des œuvres orphelines.
Les choses peuvent donc bouger rapidement à la fois au niveau européen et au niveau des Etats, et il faudra être vigilant sur ce qui se passe en France. Je vous recommande d’aller jeter un œil à l’article « La cause des orphelines » dans le dernier numéro de Livres Hebdo. On y apprend qu’éditeurs, auteurs et sociétés de gestion sont sur les rangs, tandis que des signes émanent du Ministère de la culture qui montrent que les œuvres orphelines pourraient figurer en bonne place sur l’agenda politique, ce que laissent déjà entendre plusieurs déclarations de Frédéric Mitterrand.
A suivre donc, j’essaierai de faire le point régulièrement dans S.I.Lex !
A bien des égards la Bataille des Orphelines sera décisive. Cette question peut faire bouger les lignes, car elle prend ses racines dans l’une des failles les plus éclatantes du système de la propriété intellectuelle. Elle en révèle tous les abus et toutes les dérives. Exposer en pleine lumière cette question offre une vraie occasion de rééquilibrer le système. Il ne faut pas laisser passer cette chance …
II Culture libre et Copyleft

- On me signale la tenue d’une grande conférence sur le logiciel libre et l’Open Source organisée par le chapitre local Europe d’OW2 et l’INRIA. Intitulé fOSSa (Free Open Source Software for Academia), l’événement aura lieu les 17 et 18 novembre prochains à Grenoble au World Trade Center.
Voici quelques mots de plus qui m’ont été transmis par l’un des organisateurs pour vous donner envie d’y participer :
Le programme couvre les aspects fondamentaux du logiciel libre/open-source (modèles économiques, licences, collaboration, communautés, promotion, exploitation) et propose des retours d’expérience ainsi que des présentations de projets innovants. Elle s’adresse au monde académique/universitaire, mais aussi aux industriels dans la mesure où les relations recherche/industrie sont de plus en plus souvent au cœur de développements collaboratifs libres/open-source: fOSSa propose de repositionner le Libre au centre des collaborations recherche-industrie.
Les intervenants sont, en autre, Clément Escoffier (Apache), Ralph Mueller (Directeur Fondation Eclipse Europe), HP Fossology (Bob Gobeille et Bruno Cornec), INRIA (Luc Grateau et Jean Bernard Stefani), Arnaud Laprévote (Directeur R&D Mandriva), Cédric Thomas (OW2 Consortium CEO), Roberto Di Cosmo (CIRILL & Mancoozi), Plumes (Jean Luc Archimbaud et Teresa Gomez DIaz) …
Un article fascinant qui compare les licences Creative Commons à une sorte de protocole TCP/IP « substantiel » appliqué aux contenus de la Toile et non plus seulement à son architecture. Très inspirant …
III Autres trouvailles de la semaine
Hathi Trust est l’entrepôt numérique mis en place par les bibliothèques américaines partenaires de Google Book pour conserver les données fournies par le moteur de recherche. Jusqu’à présent, il s’agissait d’un pur projet de conservation partagée, mais on apprend aujourd’hui qu’Hathi Trust va se transformer en véritable bibliothèque numérique et développer des services de valorisation des ouvrages numérisés, comme de l’impression à la demande ou un service de libraire en ligne spécialisée. Cette évolution donne à réfléchir sur la portée réelle des exclusivités imposées par Google à ces partenaires. En quoi consiste l’exclusivité commerciale par exemple si les bibliothèques peuvent mettre en place de tels services ? Cette marge de manœuvre résulte-telle des contrats initiaux ou a-t-elle été négociée par la suite avec Google. Mystère …
J’adore quand le droit d’auteur est poussé dans ses retranchements et ici c’est bien le cas ! Une chose aussi intangible qu’un parfum peut-il bénéficier de la protection du droit d’auteur. Après tout, pourquoi pas ? L’œuvre est toujours immatérielle, même quand elle s’incarne dans un support tangible. L’oeuvre est au-delà de son matériau et c’est cet au-delà que protège la propriété intellectuelle. Mais concernant le parfum, les juges eux-mêmes ne sont visiblement pas d’accord entre eux : la Cour de Cassation estime qu’une fragrance ne peut pas être protégée par le droit d’auteur, à l’inverse du TGI de Lille. Voilà qui révèle la part immense de subjectivité et d’artificialité qui est au cœur de tout l’édifice du droit d’auteur … les œuvres sont protégées seulement parce que nous le décidons, souvenons-nous en …
Poursuite de l’étude du nouveau régime de responsabilité des directeurs de publication en ligne instauré par la loi Hadopi (voir aussi ce billet sur cette même question). D’après ces nouvelles règles, il paraît préférable désormais de ne pas modérer a priori les commentaires sur un blog, mais plutôt de les retirer rapidement en cas de signalement d’un acte illégal. Ce système peut paraître plus simple à gérer, mais Jérôme montre très bien qu’il peut avoir un effet pervers, dans la mesure où il est difficile d’apprécier le caractère illégal de propos figurant dans un commentaire (notamment en matière de diffamation). Le risque, c’est que les blogueurs préfèrent s’auto-censurer en retirant les commentaires, sitôt qu’une réclamation leur est faite plutôt que de se risquer devant le juge pour vérifier s’il y avait illégalité ou pas. Pour ma part, je reste attaché à la modération a priori, même si elle est plus risquée depuis l’intervention dela loi Hadopi. Je préfère assumer cette responsabilité, mais conserver le choix des contenus qui s’affichent sur mon blog (je dis ça, mais je ne pense jamais avoir empêché quelqu’un de poster un commentaire sur S.I.Lex, mais symboliquement la validation reste importante à mes yeux …).
Courage ! Le sentiment de trop-plein, voire de nausée, passe.
Parfois, pour faciliter la transition, il faut purger un peu son agrégateur (non, pas en enlevant des items non lus : en enlevant carrément des flux). Mais à mon avis, c’est surtout lié à la baisse soudaine de température : bref, on s’habitue :-)
J’avais décrit la même chose en juin dernier (sorties ou annonces autour de Prezi, Friendfeed, Wolfram Alpha, Bing, Feedly, Zotero 2.0, Vimeo, Google Wave, JetPack), et déjà Daniel et d’autres m’avaient dit « ça m’est déjà arrivé, c’est pas grave ! »
Mais bon courage quand même.
@Lully
Merci !
J’avais relevé effectivement ton billet et j’avoue qu’à l’époque je ne comprenais pas bien, car j’étais en pleine « euphorie des outils ». Mais j’aurais certainement dû plus me méfier !
Je ne sais pas si l’infobésité est la seule en cause (même si elle a certainement plus que sa part dans la sensation de nausée).
Il y a quelque chose de plus qui tient à la manière dont Internet évolue. Tout se repositionne en ce moment. Il va falloir inventer de nouvelles choses, à partir du blog ou sans lui.
Mais on finit par s’attacher à ces petites choses, il faut bien le dire …
Au fond, si je réfléchis bien cette mutation est plus excitante que déprimante. Je pense qu’Internet a encore beaucoup de surprises à nous apporter. C’est la vitesse du changement qui est déroutante.
Du coup, je vais le ranger à ton diagnostic et mettre ma baisse de régime sur le dos du changement d’heures !