Google Book : le voile bientôt levé sur le contrat avec la Bibliothèque de Lyon ?

La nouvelle est passée presque inaperçue, mais elle pourrait avoir un certain retentissement dans le cadre des prolongements européens de l’affaire Google Book Search.

[merci @silvae , @lioneldujol et à Didier de m’avoir permis de repérer cette info !]

Lever de rideau sur l'un des contrats liant Google avec une bibliothèque européenne ? Ce serait une première (Byrd Theater. Par Diane S Murphy. CC-BY-ND. Source : Flickr)

On apprend sur le site de Livres Hebdo dans un article en date du 22 octobre que le magazine a demandé à la Mairie de Lyon communication du texte de l’accord conclu avec Google en juillet 2008 au terme d’une procédure d’appel d’offre pour la numérisation des fonds de la Bibliothèque municipale.

Cette demande s’est vue opposer un refus justifié par la présence de clauses de confidentialité insérées dans le contrat et acceptées par la Ville de Lyon. On sait en effet que Google impose à ses partenaires de telles conditions et jusqu’à ce jour, seuls les contrats conclus avec l’Université de Michigan et l’Université de Californie ont été divulgués.

Mais l’histoire lyonnaise ne s’arrête pas là, puisque Livres Hedbo annonce avoir saisi la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs) pour contester la décision de la Ville de Lyon. Cette institution, qui a la qualité d’autorité administrative indépendante, est chargée de garantir le droit d’accès aux documents administratifs posé par la loi du 17 juillet 1978. Ce texte établit en effet que les administrations ont le devoir de communiquer aux citoyens qui en font la demande les documents qu’elles produisent ou détiennent, en dehors d’une liste bien déterminée d’exceptions.

Lorsqu’elle est saisie, la CADA est tenue de rendre sa décision dans un délai d’un mois. Livres Hebdo précise dans son article que celle-ci pourrait intervenir au début du mois de novembre. Il faut préciser par ailleurs que la CADA ne rend que des avis qui n’ont pas en tant que tels de force obligatoire. Mais il est assez rare dans les faits que les administrations persistent dans leur refus suite à un avis favorable rendu par la Commission et dans ce cas, il reste encore possible de saisir le tribunal administratif pour contester la décision.

La question essentielle maintenant reste de savoir si le contrat conclu entre la Ville de lyon et Google peut être considéré comme un document administratif communicable. Sur le site CarrefourLocal. Sénat.fr, on trouve une synthèse très bien faite sur cette question qui indique les éléments suivants :

Les règles de communication applicables aux contrats et aux marchés des collectivités publiques

Selon la jurisprudence constante de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), les contrats, et notamment les marchés publics, passés par les collectivités publiques doivent être considérés comme des documents administratifs. A ce titre, ils sont soumis au droit d’accès prévu par la loi du 17 juillet 1978, ouvert à toute personne qui en fait la demande, qu’elle ait ou non soumissionné dans le cadre de la mise en concurrence.

Ce droit d’accès doit toutefois se concilier avec le secret de la vie privée et avec le secret en matière industrielle et commerciale, protégé par le II de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978, qui correspond, pour les marchés, à trois catégories d’information :

le secret des procédés (techniques de fabrication, contenu des activités de recherche-développement des entreprises…) ;

le secret des informations économiques et financières, catégorie dans laquelle entrent les informations ayant trait à la situation économique d’une entreprise, à sa santé financière ou à l’état de son crédit (ex : chiffre d’affaires, documents comptables, effectifs employés) ;

le secret des stratégies commerciales (informations sur les prix et les pratiques commerciales : listes des fournisseurs, montant des remises consenties, etc…). A ce titre, la CADA considère notamment que le détail technique et financier des offres des entreprises non retenues n’est pas communicable : seules les conditions globales de prix proposées par ces sociétés sont, en principe, communicables.

Autant le deuxième type de secret me paraît peu applicable à l’accord passé avec la Ville de Lyon, autant il n’est pas impossible que le contrat contienne des informations relevant des autres catégories (plus de détails ici sur le secret en matière industrielle et commerciale). La CADA sera vraisemblablement confrontée à un difficile exercice d’interprétation et bien malin qui pourra dire quel sera le sens de sa décision … (mais nous commençons à être habitués à de tels suspens avec l’affaire Google Book Search !). Peut-être la Commission choisira-t-elle également de permettre la communication de certaines pièces seulement : le site de la CADA donne des précisions supplémentaires sur le détail des éléments pouvant être communiqués.

Quoi qu’il soit, la démarche de Livres Hebdo a le mérite de pointer un aspect essentiel : la validité et la portée des clauses de confidentialité imposées par Google Book à ses partenaires. On sait que les dispositions des accords de numérisation varient selon les établissements, certainement de manière très significative (Robert Darnton révélait dans une interview accordée à Libération que l’Université d’Harvard avait consenti une exclusivité commerciale sur les documents jusqu’en 2050 [déclaration assortie d’un « je crois » particulièrement inquiétant !] ; alors que la délibération de la Ville de Lyon ayant approuvé l’accord indique que l’exclusivité sur les documents de la BM durerait 25 ans).

Rendez-vous donc début novembre pour voir si le rideau se lève !

Update du 29/11 : A lire aussi sur cette question l’excellent article paru dans le numéro 228 d’Archimag : Google, vers une exclusivité commerciale de 25 ans sur livres ? Par Patrick Brébion. Où l’on apprend que le magazine Archimag a lui aussi demandé à prendre connaissance du contrat, le 10 septembre dernier, sans résultat …


6 réflexions sur “Google Book : le voile bientôt levé sur le contrat avec la Bibliothèque de Lyon ?

  1. Bonjour,

    Juste quelques précisions. A ma connaissance, (et après un coup de fil supplémentaire auprès de la CADA pour vérification), je suis le seul à avoir saisi la CADA après avoir reçu de la ville de Lyon un courrier AR me refusant l’accès à toutes les pièces du marché incluant CCTP et CCAP, des documents communicables sans réserve d’après la CADA. Ma demande sera étudiée le 19 novembre, je dois recevoir l’avis une semaine après.
    Un article suivra sur le site Archimag.
    Avez vous de votre côté des informations sur la procédure de Livre-hebdo ?
    Cdlt
    Patrick Brébion

    Patrick Brébion
    Journaliste – Archimag

    1. Bonjour,

      Permettez-moi d’abord de vous féliciter pour votre initiative !

      En réalité, on peut lire dans l’article en ligne de Livres Hedbo daté du 22 octobre 2009 (ici mais en accès payant) : « Nous avons saisi la Commission d’accès aux documents administratifs, qui doit rendre sa décision début novembre« .

      C’est cette phrase, il me semble explicite, que j’ai pris comme référence pour rédiger ce billet.

      Je ne dispose pas d’autres informations concernant une éventuelle saisine par Livres Hedbo de la CADA.

      Si la CADA indique elle-même ne pas avoir été saisie par Livres Hebdo, je vous avoue que je ne sais quoi penser.

      Il est indiqué dans l’article que la décision devait intervenir début novembre, nous verrons bien ce qu’il en sera.

      En tout cas, c’est un dossier que je ne manquerai pas de suivre avec attention.

      En vous remerciant pour ces précisions,

      Calimaq

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