Persiste et signe : l’exception culturelle est bien inutile (y compris en matière de réutilisation commerciale)

Suite à mon billet d’hier soir « De l’inutilité de l’exception culturelle en matière de réutilisation des données publiques » », Jordi Navarro sur son blog Papiers et Poussières, a publié une réplique intitulée « De l’utilité de l’exception culturelle…« .

Nous ne sommes pas d’accord, cela a le mérite d’être clair !

Son propos consiste à plaider une spécificité des données culturelles par rapport aux autres données publiques, qui nécessiterait une protection accrue, impossible à mettre en oeuvre dans le cadre du régime général de la loi du 17 juillet 1978, notamment en cas de réutilisation commerciale.

Verbatim :

 J’ai déjà eu l’occasion de le dire, l’open-data est indéniablement une avancée majeure en terme de démocratie. Mais je pense pourtant que les données culturelles ne sont pas des données comme les autres. Elles constituent l’un de nos biens les plus précieux et, à ce titre, doivent être protégées. Mais protégées ne veut pas dire enfermées, verrouillées, emprisonnées. Protégées veut dire que leur réutilisation doit (ou devrait) être encadrée […].

Je pense par exemple qu’il ne faut pas autoriser la mise en place d’un service privé et payant qui ferait exactement la même chose qu’un service public et gratuit.

J’apprécie beaucoup le travail effectué par Jordi sur son blog autour du thème de la réutilisation des données publiques, mais cette argumentation ne tient vraiment pas, et je crains que l’attachement sincère portée aux données culturelles n’ait quelque peu occulté certains passages parfaitement explicites de la loi de 1978.

Car pour encadrer la réutilisation des données, y compris en cas d’usage commercial, la loi de 1978 prévoit toute une série de dispositions, sans qu’il soit besoin de faire appel à l’exception culturelle pour poser des conditions à la réutilisation.

L’article 16 prévoit en effet ceci :

Lorsqu’elle est soumise au paiement d’une redevance, la réutilisation d’informations publiques donne lieu à la délivrance d’une licence.

 Cette licence fixe les conditions de la réutilisation des informations publiques. Ces conditions ne peuvent apporter de restrictions à la réutilisation que pour des motifs d’intérêt général et de façon proportionnée. Elles ne peuvent avoir pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence.

On voit donc que le régime général de la loi de 1978 permet tout à fait de fixer des conditions en cas de réutilisation, par le biais de licences : 1) pour des motifs d’intérêt général (comme par exemple, la protection des données personnelles), 2) de façon proportionnée (car il est normal que l’administration ne bénéficie pas d’un pouvoir arbitraire en la matière, pour ne pas anéantir le droit à la réutilisation des données publiques).

Par ailleurs, il y a d’autres dispositions dans le régime général de la  loi de 1978 (article 12) qui, indépendamment des licences, fixent un cadre pour protéger les données :

Sauf accord de l’administration, la réutilisation des informations publiques est soumise à la condition que ces dernières ne soient pas altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé et que leurs sources et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées.

Le régime général de la loi de 1978 ne permet pas d’interdire la réutilisation à des fins commerciales (cela fait partie intégrante du droit à la réutilisation des données publiques), mais l’exception culturelle ne le permet certainement pas non plus. C’est en tout cas ce qui ressort pour l’instant des avis rendus par la CADA et par la CNIL et je ne vois pas les juges revenir là-dessus.

Par contre, pour encadrer cette réutilisation, nul besoin d’en appeler à l’exception culturelle. Un dispositif figure déjà dans le régime général de la loi de 1978 et l’exception, comme pour la protection des données personnelles, comme pour les données couvertes par un droit de propriété intellectuelle, est bien inutile. 

Jordi Navarro craint également « la mise en place de service privé et payant qui ferait exactement la même chose qu’un service public et gratuit« .

Là encore, je pense qu’il faut bien relire le texte de la loi. L’article 10, qui pose le principe du droit à la réutilisation des données indique ceci :

Les informations […] peuvent être utilisées par toute personne qui le souhaite à d’autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus.

On voit bien que la loi prévoit que la réutilisation doive comporter une part de transformation et non dupliquer à l’identique le service déjà fourni par l’opérateur public. La CADA a d’ailleurs déjà produit plusieurs avis intéressants pour délimiter ce qu’est une réutilisation au sens de la loi et les cas où l’usage est trop proche ou constitue « le simple prolongement » de la fin pour laquelle les données sont produites par l’administration (voyez ici).  Elle a été par exemple amenée à préciser que : « La simple publication de documents sur un site internet n’est pas non plus une « réutilisation ».

Je pense que Jordi Navarro commet une erreur de jugement juridique, à cause d’une mauvaise compréhension de ce qu’est l’Open Data. Ce n’est pas parce que c’est « Open » qu’il est possible de faire n’importe quoi avec les données. Tout comme c’est le cas pour les licences libres, les principes de l’Open Data ne sont nullement incompatibles avec la mise en place d’un cadre réglementaire pour la réutilisation des données.

Un exemple pour le prouver :

Le Ministère de la Justice a choisi de placer ses données sous une licence spéciale qu’il a développée (Licence IP – Informations Publiques), avec l’intention de se rapprocher justement des licences et des principes de l’Open Data, tout en restant dans le cadre de la loi de 1978 (voyez cet article lumineux de son concepteur). Les données placées sous cette licence sont « librement » réutilisables, y compris à des fins commerciales, sans avoir à verser de redevances.

Mais cela ne signifie nullement que cette licence permet de faire n’importe quoi.

La licence IP impose d’abord de ne pas altérer les données, ni de dénaturer leur sens (en reprenant les obligations prévues par l’article 12).

Mais plus encore, elle pose des conditions qui vont  justement empêcher qu’un opérateur privé capte les données pour recréer un service public parallèle  (article 7 de la licence IP) :

7. Rediffusion

Le licencié est autorisé à concéder des sous-licences, commerciales ou non, sur les reproductions des informations publiques réutilisées lorsqu’elles ont fait l’objet de nouveaux traitements et qu’elles sont comprises dans un produit ou service nouveau.

La  rediffusion intégrale, gratuite et sans valeur ajoutée des informations publiques réutilisées à des tiers n’est pas autorisée, sauf si elle est effectuée sous la présente licence ou expressément autorisée par le concédant.

On trouve bien dans cette licence « Open Data » le principe que l’opérateur privé doit apporter une valeur ajoutée et enrichir les données fournies pour produire un service nouveau et non reproduire à l’identique le service rendu par l’administration.

(Je précise d’ailleurs que plusieurs licences Open Data, contiennent des mécanismes protecteurs assez similaires, comme c’est le cas de la licence OdBL choisie par la Ville de Paris pour libérer ses données).

Au terme de cette démonstration, je persiste et je signe :

1) L’exception culturelle est bien inutile, y compris en cas de réutilisation à des fins commerciales ;

2) L’Open Data permet tout à fait d’organiser l’ouverture, tout en imposant des conditions protectrices des données publiques. 

Plutôt que de voir les institutions culturelles se mettre à « bricoler » chacune des licences soit disant protectrices dans leur coin, qui vont balkaniser les conditions de réutilisation des données culturelles en France, mieux vaudrait déjà qu’elles exploitent la marge de manœuvre et les ressources dont elles disposent en restant dans le cadre général de la loi de 1978.

Et qu’elles songent sérieusement à regarder du côté de l’Open Data, avant que le train ne passe !

PS : je regrette aussi que Jordi n’ait pas évoqué la notion de domaine public dans son billet, car c’est pour moi un point essentiel de mon propos. Quand les données sont produites à partir d’oeuvre appartenant au domaine public, l’Open Data devrait être la règle. C’est une question qui concerne moins les services d’archives, dont les collections contiennent plus des documents administratifs que des oeuvres, mais c’est un point essentiel de la problématique des données culturelles publiques. 


12 réflexions sur “Persiste et signe : l’exception culturelle est bien inutile (y compris en matière de réutilisation commerciale)

  1. Bonjour,

    Je voudrais réagir à votre assertion : « Quand les données sont produites à partir d’oeuvre appartenant au domaine public, l’Open Data devrait être la règle ».
    Pourquoi serait-ce une évidence ?

    Numériser une oeuvre, même tombée dans le domaine public, coûte de l’argent au contribuable, et l’opération consiste de fait à créer une nouvelle « donnée publique », qui a visiblement plus de valeur (sur le marché) que l’original, qui n’intéressait pas grand-monde…

    Il est en effet intéressant de constater, au moins dans les Archives, que ce sont les nouvelles « données » – issues de la numérisation des originaux – qui intéressent prioritairement les entreprises privées ! Evidemment, car la numérisation des originaux, qui n’était nullement une obligation, coûte une fortune.

    J’établis personnellement une différence entre les données « nativement numériques » et les informations publiques (les originaux si vous voulez) numérisées. Le coût de production n’est bien évidemment pas le même.

    Pour moi la gratuité, si elle est souhaitable, n’est nullement une évidence par principe, ni même en interprétation juridique.

    1. Bonjour,

      L’Open Data – j’entends par là la libre réutilisation des données, y compris à des fins commerciales – devrait être la règle en ce qui concerne le domaine public, car il n’existe selon moi pas de fondement juridique véritable qui permette à l’Etat d’empêcher cette réutilisation.

      Le fait que la numérisation coûte cher est une réalité, mais cet argument n’a aucune portée juridique en soi. Je comprends que l’on puisse être soucieux de rentabiliser cet investissement, mais il n’est pas recevable pour cela de tordre le droit dans un sens pour lequel il n’a pas été prévu.

      [NB : entendons-nous bien, quand on parle d’œuvres appartenant au domaine public, il s’agit de documents tels des ouvrages, de la presse, dessins, estampes, photographies, etc, pour lesquels les droits patrimoniaux – reproduction, représentation – sont échus, à l’issue du terme de la durée de protection du droit d’auteur. Cela ne concerne pas l’essentiel des documents d’archives – Etat Civil, Recensements, etc – qui ne sont pas des œuvres. Mais il y a aussi des œuvres du domaine public dans les collections des archives et dans les archives en ligne].

      Pendant longtemps les institutions culturelles ont cru pouvoir faire renaître des droits sur le domaine public numérisé en réclamant un copyright sur les versions numériques. J’ai dit, redit et démontré sans cesse sur ce blog que cette pratique est juridiquement irrecevable et c’est écrit ici même sur le site du Ministère de la Culture : « Les opérations de numérisation de documents ne confèrent […] aucun droit de propriété littéraire et artistique sur les œuvres ainsi reproduites. »

      Cette pratique porte un nom : cela s’appelle du copyfraud, une revendication illégitime de droit d’auteur sur un objet qui ne peut y être soumis. J’ai hélas pu constater dans les enquêtes que j’ai menées qu’elle était très largement répandue, et avec beaucoup de gaucherie juridique, aussi bien chez les archives que chez les bibliothèques. Conséquence : ces revendications n’auraient aucune chance d’être reconnues par un juge si des affaires étaient protées en justice. Il faut aussi avoir conscience de cela, car cela engage pour moi la responsabilité des professionnels quii se livrent à ces pratiques.

      Mais à présent, les institutions culturelles commencent lentement à adopter une nouvelle stratégie, en se tournant vers une autre manière de faire renaître une couche de droits sur le domaine public : le droit à la réutilisation des données publiques de la loi de 1978.

      On se trouve ici en présence d’un conflit de lois : le Code de la Propriété Intellectuelle nous dit d’un côté que les œuvres du domaine public numérisées doivent pouvoir être reproduites et représentées, y compris à des fins commerciales, librement et gratuitement. De l’autre, la loi de 1978 permet de conditionner la réutilisation des données par le biais de licences et d’imposer le paiement de redevances.

      Cela signifie-t-il que les institutions culturelles, en utilisant la loi de 1978, pourraient anéantir la notion de domaine public en France ? Je ne le crois pas et c’est ce que j’ai commencé à démontrer dans mon précédent billet.

      Face à un conflit de lois, le juge est tenu d’interpréter l’une et l’autre, pour faire en sorte de les concilier. Or l’article 10 de la loi de 1978 nous donne un canevas d’interprétation, en prévoyant le cas où des informations publiques seraient produites à partir de documents couverts par des droits de propriété intellectuelle appartenant à des tiers. Dans ce cas, la loi dit explicitement qu’il faut sortir du cadre de la réutilisation des données publiques et se placer dans celui du Code de Propriété Intellectuelle.

      Que se passe-t-il quand ces droits d’auteur sont échus et que l’œuvre tombe dans le domaine public ? La loi ne le dit pas en toutes lettres, mais afin de concilier le CPI et la loi de 1978, je soutiens ceci : le même raisonnement doit être appliqué, il convient symétriquement d’écarter la loi de 1978 et d’appliquer le Code de Propriété Intellectuelle. Or celui-ci nous dit bien que les œuvres doivent pouvoir être utilisées librement et gratuitement.

      Je n’ai pas la prétention d’être un juge, mais il y a un autre élément qui me fait penser que ce raisonnement aurait quelque valeur en justice.

      Le droit à la réutilisation des données publiques a pour fondement l’intérêt de l’Etat ; la protection de l’intégrité du domaine public a pour fondement un certain nombre de libertés publiques essentielles (droit à l’information, droit à la culture, droit à l’enseignement).

      Je sais bien que la France conserve quelques traces de son passé colbertiste, mais j’ai la faiblesse de penser qu’entre le droit de l’Etat à rentrer dans ses fonds et le droit des citoyens à leurs libertés fondamentales, un juge saurait encore faire la différence que les institutions culturelles, hélas, ne savent plus faire.

      Je précise que je ne suis pas le seul à penser ainsi. Je vous renvoie au Public Domain Manifesto, publié sous l’égide de la Commission européenne et adopté sous forme de Charte par Europeana :

      Ce qui est dans le domaine public doit rester dans le domaine public. Il ne doit pas être possible de reprendre un contrôle exclusif sur des œuvres du domaine public en utilisant des droits exclusifs sur la reproduction technique de ces œuvres ou en utilisant des mesures techniques de protection pour limiter l’accès aux reproductions techniques de ces œuvres.

      L’utilisateur licite d’une copie numérique d’une œuvre du domaine public doit être libre de l’utiliser (la réutiliser), de la copier et de la modifier.

      Et je précise que l’ectoplasmique exception culturelle ne change absolument rien à ce raisonnement !

      Cordialement,

      Calimaq

  2. Effectivement, je ne parlais pas de la même chose que vous, et je ne pensais pas au Code de la propriété intellectuelle, mais bien à la loi sur la réutilisation de dcouments administratifs. Tout simplement car dans les archives il y a moins d’oeuvres (au sens du CPI, même s’il y en a) que dans les musées ou les bibliothèques !
    Vous avez donc bien fait de préciser votre pensée…
    Bien cordialement,
    Pascale Verdier

  3. Les arguments de M. Lionel Maurel me paraissent pertinents et juridiquement fondés.

    Les conditions de réutilisation qui s’imposent de manière générale sont édictées par l’article 12 de la loi de 1978 :
    – non altération
    – non dénaturation du sens
    – mention des sources et date de mise à jour.

    L’article 11, prévoit quant à lui, la possibilité qui est laissée notamment aux établissements culturels d’émettre des conditions propres.

    Ceci ne signifie nullement que les établissements culturels ont le droit de faire n’importe quoi et qu’ils peuvent s’affranchir des règles générales du droit. En outre, la loi de 1978 leur impose dans l’article 16, alinéa 2 de n’apporter des restrictions à la réutilisation des informations publiques que pour des motifs d’intérêt général et de façon proportionnée. En outre, ces restrictions ne peuvent avoir pour effet de restreindre la concurrence.

    Ainsi qu’on le voit, en confrontant tous ces articles, la dérogation qui est accordée aux établissements culturels apparaît plus théorique que réelle.

    Un cas d’école qui peut illustrer cette problématique nous est révélé par la lecture du règlement de réutilisation des informations publiques des archives de la Haute Vienne.

    Son article 2 stipule en effet ceci :
     » Toutefois, la réutilisation d’informations publiques à caractère personnel et nominatif, aux fins de constitution d’une base de données indexée (l’indexation consiste à répertorier dans un document les données significatives comme les nom, date, lieu de naissance, afin de permettre d’effectuer des recherches de façon simple et rapide) est interdite dans l’intérêt général compte tenu d’un risque d’atteinte aux libertés publiques trop important en l’absence de dispositions législatives plus protectrices. En conséquence, le Département ne sera pas tenu de faire droit aux demandes éventuelles de réutilisation d’informations s’inscrivant dans ce cadre »

    On croit rêver en lisant une telle interdiction. Dire que notre législation ne protège pas les libertés publiques en cas d’indexation est une contre vérité.
    On voit également à la lecture de cet article 2 des archives de la Haute-Vienne que son rédacteur a pris soin de tenter de viser un intérêt général afin d’être dans les « clous » par rapport à l’article 16. Mais, il a oublié le second terme qui veut que ce soit fait de façon proportionnée. Où est elle ? La CNIL n’a-t-elle pas visée pour le moins un délai de 120 ans ?

    En quoi une indexation d’actes concernant des personnes ayant vécu au XVI°, XVII°, XVIII° et une bonne partie du XIX° est-elle attentatoire aux libertés publiques ?

    Il est grand temps que l’aiguille du raisonnable vienne se positionner dans les règlements des archives, du moins dans certains.

    Ce n’est pas parce que une société commerciale a agité le chiffon rouge, ni parce que les numérisations ont coûté de l’argent qu’il faut tomber dans un « certain délire juridique ».

    1. Bonjour Monsieur Pellan,

      je ne rebondirai sur votre commentaire que sur un point.

      Si l’article 11 s’applique aux établissements culturels et donc aux Archives, c’est bien, comme je le soulignais et comme c’est d’ailleurs écrit dans le texte, « par dérogation au présent chapitre » – et donc, selon moi, aux autres articles, 16 inclus ! C’est bien pour cela qu’il a été nécessaire, dans nos règlements et licences, de recopier quasiment mot à mot le texte de la loi !

      Il semble qu’il y a une hésitation, à la CADA même, sur les articles de ce chapitre qui s’appliquent, ou pas, aux Archives comme établissement culturel. Mais, à mon sens, soit l’article 11 s’applique et pas les autres, soit, en effet, l’article 11 est vidé de son sens et ne s’applique pas. Mais dans ce dernier cas, pourquoi le législateur l’a-t-il écrit ?

      C’est pour cela qu’il faut une jurisprudence, y compris par rapport aux avis de la CADA, selon laquelle certains articles du chapitre 2 s’appliquent, et d’autres pas, le tout avce certaines variations selon les avis.

      Ceci étant, je vous rejoins sur un autre point : même si les autres articles du chapitre 2 de la loi devaient, formellement, ne pas s’appliquer, relever de l’article 11 ne doit pas contrevenir aux principes généraux du droit.

      Et vous observerez que tous les règlements ne sont pas rédigés de manière identique, même si le fond est commun…

      Bien cordialement !

  4. Bonsoir Madame Verdier,

    Si on admet que l’article 11 puisse faire fi de tous les articles du chapitre II, en suivant votre raisonnement, il est grand temps que le législateur intervienne pour préciser ce que les règlements peuvent permettre de faire ou ne pas faire, dans les grandes lignes. Il est toujours dommage de laisser à la jurisprudence le soin de dire ce qui est ou n’est pas permis.

    Si les utilisateurs des informations publiques détenues par les établissements culturels sont soumis uniquement à l’article 11, le risque est grand dans ce cas, faute de précisions dans cet article et faute de pouvoir selon vous se référer aux autres articles de ce chapitre, d’être soumis à un possible arbitraire. Je ne suis pas sûr que tous les archivistes aient votre hauteur de vue en la matière !

    Le juge, s’il est saisi, va devoir se référer aux principes généraux du droit et il est évident que devant le genre d’interdiction totale mise en avant par le département de la Haute-Vienne, sans limitation dans le temps, que le règlement sera retoqué.
    Qu’on le veuille ou non, les restrictions à la liberté ne pourront être que celles prévues au moins dans l’article 16.

    En suivant topujours ce raisonnement, est-il possible pour les données à caractère personnel, en invoquant l’article 11, de ne pas respecter les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 (loi CNIL) ? La réponse est forcément négative. Je ne vois pas l’invocation de cet article 11 permettre de déroger à l’article 13.

    Dans le même ordre d’idée, toujours en invoquant ce fameux article 11, voyez-vous un département utiliser cette possibilité de dérogation pour accorder un droit d’exclusivité à un tiers, en contradiction de ce que stipule l’article 14 ?

    Pensez-vous que certains règlement puisssent utiliser les dispositions de l’article 11 pour établir des redevances dont les modalités seraient à l’opposé de celles prévues à l’article 15 ?

    Je ne sais ce qui a motivé l’écriture de cet article 11 (lobbying ???), mais il m’apparaît surtout théorique. Pratiquement, que ce soit pour les problèmes relatifs aux données personnels, au droit d’exclusivité, aux restrictions qui peuvent être apportées, au montant des licences et la détermination de ces montants, il faudra bien se référer à quelque chose de stable juridiquement…..donc à ce qui est écrit, peu ou prou, dans ce chapitre II.

    Je comprends très bien que vous ne vouliez point faire de commentaires sur le règlement de la Haute Vienne !

    Bien cordialement

  5. Bonjour,

    Je réponds à votre question : « En suivant toujours ce raisonnement, est-il possible pour les données à caractère personnel, en invoquant l’article 11, de ne pas respecter les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 (loi CNIL) ? La réponse est forcément négative. Je ne vois pas l’invocation de cet article 11 permettre de déroger à l’article 13. »

    Non, en effet, car si l’article 13 de la loi de 1978 sur la réutilisation devait ne pas s’appliquer aux administrations concernées par l’article 11, la loi Informatique et libertés s’applique à tous, elle ! Vous voyez, nous retombons sur nos pieds.

    Quant à l’article 14, non, en effet, car ce serait contrevenir aux principes généraux du droit. Enfin, on peut toujours le faire, et puis attendre un contentieux, et donc une jurispridence.

    Pour les redevances, oui, je pense que les services culturels sont libres de fixer RELATIVEMENT librement les montants de leurs redevances, tout en restant dans les principes généraux du droit, mais sans être explicitement tenus aux dispositions de l’article 15, car sinon, on se demande en quoi réside l’exception culturelle.

    Vous savez, je crois que nous sommes tous les trois d’accord : il y a un problème avec cet article 11.

    J’ai personnellement considéré que les Archives départementales en relevaient, suivant d’ailleurs les avis de la CADA, mais comme je ne voyais pas très bien où était ma latitude pour déterminer les conditions que je voulais, j’ai collé le plus possible aux articles du chapitre 2.

    Un éminent juriste du Conseil d’Etat m’a d’ailleurs affirmé que nous ne pouvions pas non plus nous exonérer de cet article 11 en choisissant de l’ignorer, c’est à dire en revenant dans le droit commun, ce qui aurait été, après tout, une possibilité, avec certaines conséquences intéressantes pour nous (je ne vais pas développer, mais c’est vrai). Car il figure dans la loi.

    Nous sommes dans un cas très étrange :
    – L’article 11 doit s’appliquer aux établissements culturels (qui n’ont pas le choix), et il déroge au chapitre sur la réutilisation.
    – Logiquement, les autres articles de ce chapitre ne leur sont pas formellement opposables, puisqu’ils sont dans le champ du chapitre 2, mais il convient de s’en inspirer car ils vont dans le sens des principes généraux du droit.
    Même la CADA hésite, dans ses avis, sur le point de savoir quels sont les articles qui s’appliquent excatement aux services culturels ! Comment nous, pauvres fonctionnaires , nous en sortirions-nous ? :)
    – de fait, la latitude laissée aux établissement culturels est extrêmement ténue.

    – si tous les articles devaient s’appliquer, l’article 11 n’a pas de raison d’être, mais néanmoins il est…

    Voilà pourquoi il nous faut une jurisprudence.

  6. Bonsoir,

    Nos analyses se rejoignent.

    Nonobstant le fait que l’article 11 soit dérogatoire, les rédacteurs des règlements sont condamnés à utiliser les autres articles du chapitre II, car ces articles sont de portée générale. Il leur sera difficile de s’écarter des grands principes qui y sont énoncés !

    Vous pensez que les services culturels sont relativement libres de fixer les redevances. Mais, immédiatement vous déclarez après qu’ils doivent rester dans les principes généraux du droit sans être tenus explicitement aux dispositions de l’article 15.
    Je crois que là aussi de ce côté, les fixations des tarifs devront fortement s’inspirer de ce qui est prévu dans cet article 15.

    On a beau tourner dans tous les sens cette affaire. On a un article 11 qui est dérogatoire aux autres articles, mais on ne peut l’appliquer qu’en respectant les principes généraux du droit qui sont justement énoncés dans ces autres articles !
    J’abonde donc dans le sens de Mr Maurel qui voit dans l’exception culturelle une inutilité, de facto.

    S’il faut attendre que la jurisprudence résolve les problèmes posés par cet article 11, on va tous se trouver dans une phase d’incertitude et surtout de conflits avec certains archivistes.

    Il serait de loin préférable qu’un texte de loi vienne modifier cet article 11 ou précise ce que l’exception culturelle permet de faire par rapport aux autres articles du chapitre II. Si le seul but de cet article 11 était seulement de permettre une libre fixation des tarifs, ou d’introduire des critères supplémentaires dans la fixation des tarifs, qu’une nouvelle loi le dise alors clairement.

    Bien cordialement

  7. Bonjour
    Je reviens sur cette question qui me tient très à coeur. Je ne conteste pas ce que vous dites : dans l’état actuel des textes, effectivement, on peut se poser la question de l’utilité de l’exception culturelle. Toutefois, je désire me positionner au niveau du principe, bien édulcoré hélas par l’application de la directive européenne en droit français. Le fait qu’on pose le principe d’une exception culturelle me semble fondamental. La culture ne doit pas être une marchandise comme une autre, le patrimoine ne doit pas être un objet vu uniquement sous son aspect rentable. Le problème n’est pas, comme vous l’écrivez, que des sociétés fassent payer ce que des services publics offrent gratuitement. Il réside plutôt dans le fait que les services publics hors BNF et grands établissements peuvent difficilement faire concurrence au privé, pour des raisons de coût des opérations, tout d’abord. Ensuite; parce qu’il s’agit justement de services publics, et qui en tant que tels s’adressent à tous les publics, et non pas seulement ceux qui sont prêts à payer pour retrouver leur arrière-grand-père (je caricature un peu, certes), et qu’ils doivent tendre à satisfaire tous de la même manière, quel que soit le contenu du porte-monnaie des uns ou des autres. La directive européenne est interprétable dans un sens plus ou moins protectionniste, il me semble que notre pays s’honorerait en affichant un choix renforçant l’exception culturelle.
    Sylvie Clair
    conservateur d’archives

    1. Je conteste ce que vous avancez : les institutions culturelles françaises utilisent généralement l’exception culturelle justement pour faire payer des tarifs de réutilisation et marchandiser leurs données. Et c’est là qu’il y a à mon sens un grave problème, car elles détournent complètement le sens que pourrait avoir cette exception.

      Si on veut vraiment donner un statut à part aux données culturelles, alors il faut les transformer en biens communs et pour cela, adhérer aux principes de l’Open Data, qui sont aux antipodes de cette exception (ou plutôt de ce que les institutions en font).

      Cordialement,

      Calimaq

      1. Oui, elles le font car elles ne sont pas des électrons libres mais dépendent de financeurs qui ont bien du mal à accepter le coût de al conservation du patrimoine et qui demandent un « retour sur investissement ». Je reviens donc à ce que j’ai dit en haussant la barre du niveau de mes rêves : une politique forte en matière patrimoniale, qui nous « sortirait » de la marchandisation culturelle actuelle. On ne peut à la fois trouver normal de payer des prix parfois exorbitants pour aller voir des spectacles ou des expositions financés par les deniers publics et considérer que les secteurs du patrimoine écrit et eux exclusivement doivent être totalement gratuits ? Par ailleurs, je rappelle quand même que la consultation des « données » des archives sont entièrement gratuites en salle de lecture, ce qui est payant, c’est un accès préférentiel dans son salon (pour faire court)…
        Cordialement
        Sylvie Clair

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