Les dérives sécuritaires s’attaquent au principe même des Communs : la liberté !

Je republie ici cette déclaration du collectif SavoirsCom1, qui dénonce la spirale sécuritaire dans laquelle nous sommes en train de nous enfoncer, suite aux attentats du 13 novembre dernier. Nous avons tenu à réagir pour rappeler le lien indéfectible qui existe entre les Communs et les libertés fondamentales. Je vous invite également à aller lire l’analyse dressée par la Quadrature du Net à propos de la loi sur l’état d’urgence examinée hier à l’Assemblée nationale.

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Le collectif SavoirsCom1 exprime ses plus vives inquiétudes en réaction à la pente sécuritaire que le gouvernement et la grande majorité de nos représentants sont en train de suivre, suite aux attentats survenus le 13 novembre dernier.

L’adoption à une écrasante majorité par l’Assemblée nationale du projet de loi prolongeant l’état d’urgence pour une période de 3 mois en est une première manifestation. Mais le pire est sans doute à venir, notamment dans le cadre de la réforme de la Constitution annoncée par le Président de la République.

Image par Art_inthecity. CC-BY. Source : Flickr.

En tant que collectif dédié à la promotion des communs de la connaissance, nous tenons aujourd’hui à dénoncer cette spirale sécuritaire, parce qu’il y existe un lien consubstantiel entre les Communs et les libertés fondamentales.

Depuis la création du collectif SavoirsCom1 en 2012, nous avons œuvré pour la défense des Communs, parce que nous avons la conviction qu’ils sont une condition de l’exercice concret des droits de l’homme, notamment par l’accès à l’information, à la culture et à la connaissance. Et, s’il n’y a pas de libertés effectives sans Communs, il n’y a pas non plus de Communs possibles sans garantie des libertés.

Ce rapport étroit entre Communs et libertés remonte à leurs origines. C’était le sens de la Magna Carta, la première grande Charte les libertés du peuple anglais adoptée au XIIIe siècle, qui a servi de matrice aux déclarations des droits de l’homme qui ont suivi dans l’histoire. Ce texte consacrait pour la première fois des droits opposables au Souverain, pour garantir la sûreté des individus contre l’arbitraire et leur offrir des recours en justice. La Magna Carta a été complétée ensuite par la Charte des Forêts, premier instrument juridique à reconnaître et protéger les droits d’usage liés aux Communs. Ces deux textes fondamentaux constituent en réalité les deux faces inséparables d’une même pièce.

Pour créer et administrer des communs, les groupes ont besoin de pouvoir se former et exercer leur liberté d’opinion, d’expression, de réunion, de déplacement et de manifestation. C’est cette possibilité d’agir collectivement que l’installation d’un état d’exception permanent va gravement affecter. Or, comme l’ont montré Pierre Dardot et Christian Laval dans leur ouvrage « Commun », la capacité d’action collective des groupes constitue le « principe politique du Commun » :

Il faut affirmer que c’est seulement l’activité pratique des hommes qui peut rendre des choses communes.

Notre collectif a demandé à de nombreuses reprises que l’État se fasse le « garant des communs », notamment par des politiques publiques permettant de les protéger contre les enclosures et de favoriser leur développement. Le premier devoir de l’État est par ailleurs de garantir les libertés fondamentales. Au lieu de cela, il se dote d’un arsenal législatif qui vise à en limiter l’exercice au nom de la sécurité. La criminalisation d’un grand nombre d’usages en ligne nous inquiète particulièrement, car elle dénie la capacité d’Internet à servir de support à l’action collective.

Les attentats brutaux qui ont frappé le pays sont eux-mêmes une attaque directe des libertés auxquelles nous proclamons ici notre attachement. La lutte contre le terrorisme ne doit pas produire le même effet en compromettant les droits les plus fondamentaux et en escamotant le nécessaire débat sur les causes de ces atrocités et les moyens d’y faire face.

Pas de libertés sans communs, pas de communs sans libertés. Nous appelons tous les acteurs partageant cette conviction à manifester par tous les moyens leur opposition la plus ferme à la dérive sécuritaire à laquelle nous assistons, et à dénoncer le discours unanimiste dont elle se drape.


4 réflexions sur “Les dérives sécuritaires s’attaquent au principe même des Communs : la liberté !

  1. Selon un sondage IFOP, 91% des Français sont actuellement satisfaits par le choix de la prolongation de l’état d’urgence, 94% par le rétablissement des frontières. J’ai bien peur que les français ne soient trop sonnés pour réfléchir avec leur tête plutôt qu’avec leurs tripes. On est en plein dans la Stratégie du choc de Naomie Klein…

    1. Vous avez raison. Il y a un effet de sidération, qui semble avoir balayé l’esprit critique… Mais cela ne rend que plus important de faire entendre des voix différentes actuellement. Il faudra surtout être vigilant sur la manière dont la stratégie du choc dont vous parlez sera exploitée politiquement par le gouvernement. On peut être particulièrement inquiet à propos de la révision de la constitution qui a été annoncée…

  2. Je ne suis pas certaines que l’avis de la population change de si tôt, surtout quand on lui parle d’armes chimiques ou qu’on entend dans certaines émissions (C dans l’air par exemple) qu’il est légitime d’avoir peur et que ce que l’on attend du gouvernement c’est l’efficacité sécuritaire avant tout… Il faut en effet attendre les remaniements annoncés à long terme pour savoir où tout cela va mener. La récente manifestation qui a eu lieu à Paris malgré l’interdit préfectoral pose ainsi la question directe de l’expression de la population : une menace existe, mais va t-on vivre calfeutrés jusqu’à ce qu’elle disparaisse ? On notera d’ailleurs que le traitement réservé aux personnes venues se recueillir place de la République, faisant une cible tout aussi valable pour de potentiels terroristes que celles ayant défilé contre le gouvernement, a été sensiblement différent…

  3. Il est fort regrettable d en arriver là… La reforme annoncée de la Constitution ne va avoir comme effet de cristalliser des inegalités, alors même qu’elle est inutile… Des lois encadrant la decheance de nationalite et l etat d urgence existent deja, aucune necessite d en rajouter…

    De plus, cette histoire de decheance de la nationalite, c est fuir le probleme du terrorisme. A quel moment assume t on nos propres problemes? A quel moment cherche t on a savoir pourquoi des francais sont prets a faire de tels actes contre leurs compatriotes? Et sinon, il n y a que des binationaux dans les rangs terroristes? Que va t on faire des mecs francais a 100% condamnés pour crimes terroristes, ou crimes contre l humanite pour leur implication en Syrie? Est il logique et juste de renier des gens qui sont nés et ont vecu toute leur vie sur sol francais? Les pays destinataires des expulsions meritent ils qu on leur largue des gens qui n ont a voir avec eux qu un vague droit du sang? Etc…

    Plein de questions se posent voyez vous. Mais ce qui me fait le plus honte, c est cette lâcheté d Etat. Cette couardise crasse qui pousse le probleme sous le tapis… Je croyais que la France etait un pays mûr, adulte et courageux. Je me trompais… L etat d urgence, en soi, je m en cague (meme si assigner des ecolos a domicile a ete un abus de pouvoir). Ce qui me gene et me fait honte va au dela…

    Où est passé la pensee globale? Quel decideur pense notre pays a long terme? La vrai politique est elle morte avec De Gaulle? Ca me fait mal aux miches de l avouer, mais depuis la 2eme guerre, il y a deux personnages politiques qui a mon sens ont pensé la France a long terme: Charles de Gaulle et Simone Veil. Je sais, c est un peu reducteur, mais ce sont les seuls dont les actions ont profondément changé notre pays… Et ca manque cruellement en ce moment…

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