Les données culturelles resteront-elles moins libres que les autres (malgré la licence IP) ?

La question de la réutilisation des données publiques fait boule de neige en ce moment, au point de devenir l’un des sujets les plus chauds du web.

Au sein des données publiques, les données culturelles possèdent un statut à part et sont soumises à des règles particulières, qui ne sont pas toujours nettement appréhendées lors du débat sur la réutilisation des données publiques.

La question a rebondi ces dernières semaines, suite au choix opéré par le Ministère de la Justice de placer son Répertoire des Informations Publiques (RIP) sous une licence innovante (la licence IP – Information publique), qui présente la particularité de s’inspirer des mécanismes des licences libres pour faciliter la réutilisation gratuite des données (voir l’article de Thomas Saint Aubain, le concepteur de cette licence).

Je dois dire qu’il y a longtemps que j’attendais qu’une telle initiative soit prise par un acteur public. Immédiatement, je me suis demandé dans quelle mesure une telle licence pouvait s’appliquer aux données culturelles.

Ce qui n’a pas manqué de me plonger dans des abîmes de perplexité… dont je viens juste d’émerger pour écrire ce billet !

Certains ont été plus rapides que moi et se sont déjà emparés de la question. Sans surprise, ces réflexions émanaient de membres d’une communauté présentant de forts besoins en matière de réutilisation de données culturelles : les généalogistes. Le site GénéInfos a publié un billet qui affirme que la licence IP ne serait pas applicable aux données culturelles, au motif qu’elles constitueraient « une exception » parmi les données publiques. Sur le blog Papiers et Poussières, vous trouverez deux billets remarquables (ici et ici), par @jordi78, qui expriment un point de vue plus nuancé et débroussaillent de manière intéressante la question, tout en finissant par conclure qu’il n’est peut-être pas souhaitable que les données publiques soient soumises à la licence IP.

J’aimerais apporter une pierre (un silex !) à ce débat en essayant de montrer que oui, les données culturelles pourraient  certainement être placées sous la licence IP, mais que paradoxalement, en raison de leur régime particulier, elles risquent à l’avenir de rester bien moins libres que les autres types de données.

Je m’explique… (accrochez-vous, c’est assez tortueux, le droit des données publiques…).

El Alma del Ebro
El Alma del Ebro. Par Paulo Brandao. CC-BY-SA. Source : Flickr

Par données culturelles, on peut entendre plusieurs choses différentes. Il peut s’agir par exemple de données de type bibliographiques, donnant des informations sur des œuvres. C’est la substance même de longue date des catalogues des bibliothèques, des instruments de recherche des archives, des bases des musées, et au-delà aujourd’hui, les métadonnées. On peut aussi désigner par ce biais des données plus primaires : celles produites à l’occasion de la numérisation des œuvres, qui se trouvent ainsi ramenées à l’état d’informations (des 0 et des 1), et changent de nature, pour entrer dans le champ des données publiques.

« Matériellement » parlant, il s’agit dans les deux cas de données culturelles, bien qu’au niveau juridique, il existe des différences assez profondes entre les métadonnées et les œuvres numérisées.

La loi du 17 juillet 1978, qui fixe en France les règles relatives à la réutilisation des données publiques, ne procède pas à une telle distinction. Son approche est plutôt « organique » : elle considère dans son article 11 que toutes les données produites par « des établissements, organismes ou services culturels » sont soumises à un régime particulier parmi les données publiques, ce qui trace ipso facto le périmètre des données culturelles.

La loi de 1978 institue un droit à la réutilisation des données publiques (Art. 10) :

Les informations figurant dans des documents produits ou reçus par les administrations mentionnées à l’article 1er, quel que soit le support, peuvent être utilisées par toute personne qui le souhaite à d’autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus.

Elle fixe cependant des conditions et des limites pour encadrer cette réutilisation : pas d’altération des données ou de dénaturation de leur sens, mention de leur source (Art. 12), possibilité de soumettre la réutilisation au paiement d’une redevance et à l’obtention d’une licence (Art. 15 et 16), interdiction en principe des exclusivités (Art. 14), etc.

Toutes les administrations sont liées par ce principe et doivent mettre en place les conditions de cette réutilisation. Toutefois, la loi de 1978, à son article 11, indique que « Par dérogation au présent chapitre, les conditions dans lesquelles les informations peuvent être réutilisées sont fixées par les administrations […] lorsqu’elles figurent dans des documents produits ou reçus par a) des établissements, des institutions d’enseignement et de recherche ; b) des établissements, organismes ou services culturels. »

Et tout le problème des données culturelles réside ici…

Cet article (qui est loin d’être aisé à interpréter) signifie que les données culturelles – tout comme celles de la recherche – échappent aux principes posés à l’article 10 et 12, à savoir le droit à la réutilisation, assortie de certaines conditions. Il revient dès lors aux établissements culturels de fixer eux-mêmes les conditions de réutilisation des données qu’ils produisent.

Prenons un exemple pour illustrer ce mode de fonctionnement : la base Archim de documents numérisés des Archives nationales. La mention légale de ce site est intéressante et elle vise directement le droit des données publiques :

En matière de réutilisation, les Archives nationales sont un service culturel au sens de l’ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005 complétant la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration entre l’administration et le public et transposant en droit français la directive communautaire du 17 novembre 2003. Elles bénéficient donc d’un régime dérogatoire et fixent elles-mêmes leurs règles de réutilisation des données publiques.

Toute diffusion sous quelque forme et sur quelque support que ce soit  (papier, audiovisuel ou numérique), pour quelque finalité que ce soit (pédagogique, scientifique ou commerciale), doit faire l’objet d’une demande d’autorisation préalable auprès des Archives nationales.

L’autorisation de réutilisation pourra être donnée pour les usages exclusivement déclarés par l’utilisateur lors de sa demande, le cas  échéant contre paiement d’une redevance de réutilisation.

On le voit bien : le droit à la réutilisation des données est écarté, en vertu de la faculté ouverte aux établissements culturels par l’article 11 de la loi de 1978, pour mettre en place des conditions de réutilisations plus restrictives, sous la forme d’une exigence systématique d’autorisation préalable, accompagnée éventuellement du paiement d’une redevance.

On pourrait donc penser que les données culturelles échappent complètement au droit à la réutilisation de la loi de 1978, mais ce n’est pas aussi simple et un autre exemple le montrera, celui de la mention légale de la bibliothèque numérique de la BnF, Gallica :

Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d’oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.

Leur réutilisation s’inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 :

* La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source.

* La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l’objet d’une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service.

Le raisonnement est ici tout à fait différent. La BnF est bien un établissement culturel ; elle pourrait tout à fait utiliser l’article 11 de la loi de 1978 pour écarter le droit à la réutilisation des données. Mais elle ne le fait pas : elle a choisi volontairement de se placer sous ce régime et d’autoriser librement la réutilisation non commerciale des contenus numérisés, assortie de l’obligation de respecter la mention de source (prévue à l’art. 12 de la loi), tout en soumettant au versement d’une redevance et à l’obtention d’une licence les usages commerciaux (comme lui permettent de le faire les articles 15 et 16).

On est donc dans une situation un peu paradoxale au premier abord, où un établissement utilise la faculté qui lui est donnée de déroger à la loi… pour se replacer volontairement sous son emprise !

On pourrait trouver cela étrange, si ce choix n’était préconisé par un rapport officiel remis au Ministère de la Culture qui incite fortement les établissements culturels à considérer les données qu’elles produisent comme des données publiques « classiques » et à mettre en œuvre le droit à la réutilisation posé par la loi de 1978.

Ce rapport « Partager notre patrimoine culturel » – dit aussi rapport Ory-Lavollée – ne dissimule pas le fait que les données culturelles relèvent bien d’un régime particulier, mais il incite les établissements culturels à se replacer d’eux-même sous le régime de droit commun de la loi de 1978 :

Il convient de rappeler que les dispositions de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 qui instituent un droit à la réutilisation des informations publiques par les citoyens ménagent un sort particulier aux données publiques culturelles. En effet, selon l’article 11 de cette loi, les conditions de réutilisation des informations contenues dans des documents élaborés ou détenus par des établissements, organismes ou services culturels peuvent être, par dérogation, librement fixées par ces derniers.

Cette exception au principe de libre réutilisation applicable aux autres catégories de données publiques trouve son origine dans la directive 2003-98 du 17 novembre 2003. Elle fait partie de “l’exception culturelle” et à ce titre doit être défendue vigoureusement. Toutefois, elle ne saurait justifier une attitude frileuse vis-à-vis des demandes de réutilisation. Le ministère de la Culture et de la Communication doit non seulement les accueillir mais les susciter par une politique active. Il s’agit donc d’aller plus loin que la directive, qui oblige seulement à faire droit aux demandes de réutilisation, tout en s’appuyant sur l’exception pour bien maîtriser les conditions de cette réutilisation.

Le rapport recommande, afin de favoriser la dissémination des données sur les réseaux, que les établissements culturels autorisent gratuitement leurs réutilisations à des fins non commerciales et mettent en place des systèmes de licences et de redevances pour encadrer les usages commerciaux.

On le voit : il n’y a pas d’incompatibilité en réalité entre les données culturelles et le droit à la réutilisation des données publiques. Cependant, alors que les autres administrations DOIVENT donner droit à la réutilisation, les établissements culturels PEUVENT choisir de se placer sous le régime de droit commun de la loi de 1978, ou préférer mettre en place des conditions de leur choix. Ils sont incités à opter pour le droit à la réutilisation par le rapport du Ministère de la Culture, mais celui-ci n’a pas à lui seul de force contraignante et il ne peut qu’orienter les politiques des établissements.

Revenons maintenant à la question de la compatibilité de la licence IP avec les données culturelles.

Pixel Painting: Mona Lisa
Sous les œuvres numérisées, les données culturelles... la numérisation produit des objets "hybrides" au statut juridique encore largement incertain (Pixel Painting - Mona Lisa. Par Pete Shacky. Source : Flickr)

La licence IP vise le fondement de la loi de 1978. Elle met en œuvre le droit à la réutilisation des données en lui donnant une extension importante : la réutilisation est possible gratuitement, y compris à des fins commerciales ; il est possible de reproduire, rediffuser et de modifier les données, sous réserve de mentionner leur source et de ne pas les altérer ou dénaturer leur sens.

Rien ne peut obliger un établissement culturel à choisir d’opter pour une telle licence ; mais comme je l’ai montré plus haut, il lui serait tout à fait possible pour un musée, une bibliothèque ou un service d’archive d’utiliser la faculté de définir librement les conditions de réutilisation pour se placer volontairement sous la licence IP.

Ce faisant, l’établissement culturel satisferait à certaines préconisations du rapport Ory-Lavollée (mettre en œuvre le droit à la réutilisation plutôt que l’écarter), mais il y irait aussi au-delà, car la licence IP permet gratuitement  les réutilisations à des fins commerciales. Cela dit, comme je l’ai indiqué plus haut, le rapport n’a qu’une valeur indicative et il ne lie pas les administrations par lui-même, qui peuvent très bien décider d’aller au delà.

Il est donc certainement faux, comme il est indiqué ici, de dire que la licence IP n’est pas applicable aux données culturelles.

Allons un peu plus loin et demandons nous si placer des données culturelles sous une telle licence est souhaitable et si la licence IP peut apporter quelque chose à la diffusion des données culturelles.

Il me semble que la réponse est : oui, cent fois oui !

En effet, jusqu’à présent, il était difficile pour un établissement culturel d’utiliser des licences libres pour favoriser la réutilisation des données qu’il produisait. On trouve par exemple quelques cas, assez rares, de bibliothèques qui ont choisi de placer les œuvres qu’elles numérisent sous licence Creative Commons (voir ici, ici, ou ). C’est un choix qui permet assurément d’indiquer clairement aux utilisateurs les conditions de réutilisation des documents et d’ouvrir les usages en ligne. Mais juridiquement, c’est très certainement incorrect, car il faut être titulaire du droit d’auteur sur une œuvre pour pouvoir la placer sous licence Creative Commons.

Or la numérisation ne fait pas renaître de droit d’auteur, puisqu’une copie numérique ne peut prétendre satisfaire au critère de l’originalité qui distinguent les œuvres de l’esprit (voir ici). Une copie numérique, produite à partir d’une œuvre du domaine public, n’est pas une « nouvelle œuvre » et n’offre pas de prise au droit d’auteur. Dès lors, même si cette intention est louable, il n’est pas possible d’utiliser des licences libres comme les Creative Commons pour libérer les œuvres.

La licence IP apparaît enfin comme un moyen pour lever cette difficulté. Elle produit à peu près des effets équivalents à une licence libre, tout en visant le fondement du droit des données publiques et non celui de la propriété intellectuelle.

Il existe donc à présent une solution réellement efficace pour les bibliothèques, archives et musées de diffuser très largement leurs données et de donner corps au droit à la réutilisation. C’est une très grand avancée, qui permettrait aux établissements culturels de ne pas manquer le train en marche de l’Open Data.

Cependant et je reviens cette fois au titre de mon billet, je crains qu’au final, malgré cette possibilité de libération qui se fait jour, les données culturelles ne restent moins libres que les autres. Pourquoi ?

Les données culturelles sont-elles condamnées à rester en cage ? Une question plus politique que juridique, au fond (Bird in a cage. par paulmacdee. CC-BY-NC-ND. Source : Flickr)

J’avais constaté, avec un certain effroi, lors des enquêtes que j’ai menées à propos des conditions de réutilisation des bibliothèques numériques et des archives en ligne de France, que dans leur immense majorité, les établissements culturels font tout simplement comme si le droit des données publiques n’existait pas. Les bibliothèques ou services d’archives qui visent le droit des données publiques dans leurs mentions légales se comptent sur les doigts de la main. Les autres utilisent massivement (78% des bibliothèques et 85% des archives) , d’une manière souvent très discutable, le droit d’auteur ou le droit des bases de données pour verrouiller les usages, et notamment, empêcher la réutilisation en ligne des contenus, y compris à des fins non commerciales.

Ces établissements utilisent donc la faculté qui leur est donnée par l’article 11 de la loi de 1978 pour sortir complètement de ce régime et se placer sous celui de la propriété intellectuelle.

Ce faisant, ils vont d’ailleurs peut-être au-delà de ce que cet article 11 leur permet de faire. La loi dit que les établissements peuvent fixer librement les conditions de réutilisation des données, mais leur permet-elle de faire sortir complètement les données culturelles du champ des données publiques, pour les soumettre à la propriété intellectuelle ? Je suis loin d’en être certain.

Reconnaissons-le : ce régime dérogatoire des données culturelles, présentée souvent comme un avatar de l’exception culturelle à la française, est tout sauf une chance pour la diffusion du savoir et de la connaissance sous forme numérique. Il provoque une véritable « balkanisation » des mentions légales des sites des bibliothèques, archives et musées en France. Il place les établissements face à des choix juridiques complexes qu’ils ne sont pas toujours bien armés pour effectuer. Les utilisateurs se retrouvent perdus dans un labyrinthe de conditions de réutilisation, toutes plus exotiques les unes que les autres. Une telle situation ne peut que favoriser les conflits entre les établissements culturels et leurs usagers.

Résultat : les données culturelles se retrouvent « enfermés » dans des sites, consultables certes, mais non réutilisables, à un moment où l’évolution du web demande à ce que les contenus circulent et puissent être manipulés, recombinés, transformés.

La licence IP ouvre une voie pour favoriser la dissémination contrôlée des données culturelles sur les réseaux. Mais il relève toujours d’un pur choix politique de chaque établissement d’opérer ce virage.

Des données culturelles, il va s’en produire des masses en France dans les prochaines années, grâce aux 750 millions débloqués dans le cadre de l’Emprunt national pour la nuémrisation du patrimoine.

Il paraît décisif que la question de leur réutilisation soit anticipée et pour ce faire, une clarification du régime des données publiques est nécessaire. Ou qu’une volonté politique forte intervienne, pour éviter que les données culturelles, paradoxalement, restent demain moins libres que les autres.

PS : j’aurais eu beaucoup d’autres choses à dire sur le sujet, mais ce billet est déjà trop long. Il faudrait réfléchir maintenant à la compatibilité entre les licences Creative Commons et la licence IP, comme nous y invite Thomas Saint Aubin, le concepteur de cette dernière. Je me pose également des questions sur l’articulation entre le droit des bases de données et la licence IP. Je voudrais aussi creuser le point de savoir si la licence IP préserve vraiment le domaine public, au sens de la propriété intellectuelle, ou si elle le restreint.

Ce sera peut-être l’occasion d’écrire d’autres billets. Et n’hésitez pas à aborder ces sujets dans les commentaires !


43 réflexions sur “Les données culturelles resteront-elles moins libres que les autres (malgré la licence IP) ?

  1. J’avoue avoir un peu de mal à comprendre comment les œuvre numérisé de la plupart des musées ou établissement culturelles ne sont pas dans le domaine public. Il me semblait qu’une numérisation n’était pas suffisante pour faire re-rentrer dans le droit d’auteur.

    Donc leur seul droit pourrait être sur la base de données, mais si l’on utilise que une ou quelques œuvres, cela ne devrait pas poser de problème et etre soumis à une licence (ou alors ça devrait être du CC0).

    1. Je comprends ce qui vous dérange.

      Je suis entièrement d’accord avec votre présupposé de base : la numérisation ne fait pas naître de nouveaux droits sur une oeuvre du domaine public. Elle ne crée pas une autre oeuvre originale qui pourrait être protégée au titre du droit d’auteur. Elle devrait donc être librement et gratuitement réutilisable, y compris à des fins commerciales (mais sous réserve de respecter le droit moral de l’auteur qui est perpétuel).

      Le problème, c’est que lorsqu’une oeuvre est numérisée, elle se transforme aussi en données et dès lors, elle peut tomber sous le régime du droit à la réutilisation des données publiques.

      On est donc face à un même objet – l’oeuvre du domaine public numérisée – qui relèvent en même temps de deux régimes juridiques différents : le droit de la propriété intellectuelle et le droit des données publiques. Or les deux ne paraissent pas entièrement compatibles…

      Dès lors, y a-t-il un régime qui prime sur l’autre ? L’appartenance d’une oeuvre au domaine public a-t-elle une valeur supérieure au droit des données publiques ? Ou vice versa !

      C’est une question fondamentale, mais je ne suis pas certain qu’il existe encore de réponse assurée en la matière, et je ne connais pas de décision de justice qui ait tranché ce cas.

      Le programme Communia a publié un Manifeste du domaine public qui comprend cette recommandation :

      Le domaine public est un élément nécessaire à l’équilibre interne du système du droit d’auteur. Cet équilibre ne doit pas être distordu par des efforts de recréer ou de d’obtenir un contrôle exclusif par des dispositifs juridiques extérieurs au droit d’auteur.

      Le droit des données publiques, lorsqu’il porte sur des oeuvres du domaine public numérisées, peut apparaître comme un « dispositif extérieur au droit d’auteur » qui permet de rétablir un « contrôle exclusif » sur le domaine public. Et ce notamment lorsque l’on s’en sert pour interdire les réutilisations commerciales.

      Cela dit, le Manifeste de Communia n’est pas un texte juridique contraignant et il ne nous dit pas quel est l’état du droit sur la question.

      Pour ce qui est des CC0 appliquées à une base de données, je serai prudent, notamment lorsque celle-ci contient des oeuvres numérisées. La CC0 peut servir à un titulaire à renoncer à son droit d’auteur ou à son droit sui generis sur la base de données, ce qui permettrait d’en extraire des éléments librement. Mais pour les oeuvres numérisées, il faudrait tenir compte du droit moral perpétuel des auteurs et la CC0 ne peut pas avoir pour effet de faire disparaître le droit moral.

      De plus, je ne suis pas certain que la CC0 puisse être utilisée pour une base de données publiques. En effet, cela reviendrait à abandonner l’exigence du respect des conditions de réutilisation posé par l’article 12 de la loi de 1978 (mention de source, pas d’altération des données ou de dénaturation de leur sens). Or, ces conditions sont fixées par la loi et les administrations ne peuvent les écarter en utilisant une simple licence.

      Ou alors il faudra interpréter la CC0 comme ne neutralisant pas les conditions de réutilisation de la loi de 1978.

      Pas simple…

  2. Bonjour,

    merci pour cette synthèse, comme toujours synthétique et lumineuse.
    J’aimerais aborder un point, qui dans le monde des archives contribue en grande partie à créer cette frilosité néfaste à la diffusion du savoir. Les données personnelles constituent la majeure partie des données mises en ligne par les services d’archives à l’heure actuelle. Or une lettre de la CNIL du 8 septembre 2005 (saisine 03013708) déconseille d’autoriser la constitution de bases de données et d’indexation nominative (et conseille donc de n’autoriser que la rediffusion de fichiers image). Dans la mesure où il ne s’agit de toute façon pas de données intéressant des personnes vivantes, il ne peut s’agir que d’un avis, appuyé cependant par la CADA (http://www.cada.fr/fr/conseils/resultat.cfm?fiche_choisi=20065008); cependant, dans quelle mesure est-il possible de le respecter avec une licence IP ?

    1. Bonjour,

      Vous avez tout à fait raison de souligner ce point, qui soulève la question de l’articulation du droit des données personnelles avec celui du droit à la réutilisation des données publiques.

      La loi de 1978 prévoit, à son article 13, des dispositions relatives au cas où les informations publiques contiendraient des données personnelles :

      Les informations publiques comportant des données à caractère personnel peuvent faire l’objet d’une réutilisation soit lorsque la personne intéressée y a consenti, soit si l’autorité détentrice est en mesure de les rendre anonymes ou, à défaut d’anonymisation, si une disposition législative ou réglementaire le permet.

      La réutilisation d’informations publiques comportant des données à caractère personnel est subordonnée au respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

      On doit donc en déduire que le droit des données personnelles prime celui à la réutilisation des données publiques, ce qui peut effectivement constituer un frein à leur diffusion.

      Le Ministère de la Justice a pris en compte cette question en créant une licence spéciale : Licence Information Publique comprenant des données personnelles.

      Elle reprend en fait directement le texte de l’article 13 de la loi, mais affirme tout de même le droit à la réutilisation.

      On doit certainement comprendre que 1) Si le consentement des personnes sur lesquelles portent les données a pu être recueilli, 2) Si les données sont anonymisées 3) Si la loi le permet, alors les données publiques sont librement et gratuitement réutilisables, sous réserve de mentionner leur source, de ne pas les altérer ou dénaturer leur sens.

      1. Bonsoir,

        le problème est que justement, le but est de donner des noms ! Il n’y a donc pas d’anonymat, bien au contraire. De plus, il s’agit de personnes décédées, donc impossible de recueillir leur consentement ; mais du même coup, les lois sur la vie privée et les données personnelles ne s’appliquent pas. C’est pourquoi la CNIL comme la CADA en restent à des avis et des recommandations en la matière ; le paradoxe, c’est que ces recommandations sont malgré tout suffisamment « officielles » pour que les services d’archives puissent s’appuyer dessus.

  3. Passionnant ! Une question, peut-être naïve : je ne comprends pas le raisonnement de départ qui a donné dans la loi un régime d’exception aux données culturelles ? (à quel titre cela fait-il partie de l’exception culturelle : limiter la dissémination pourquoi ? pour se protéger de quoi ?)

    1. En fait, c’est la France, lors de l’élaboration de la directive européenne de 2003 sur la réutilisation des informations du secteur public, qui a bataillé pour qu’une exception soit aménagée de manière à exclure les données culturelles du droit à la réutilisation.

      Du coup, on parle d’une « exception culturelle » à propos de ce régime spécifique. J’avoue que je ne cerne pas très bien moi non plus ce qui a pu motiver cette revendication à l’époque et en quoi elle sert la diffusion du savoir. J’imagine qu’il devait peut-être s’agir de faire bénéficier les données culturelles d’une protection particulière, mais comme tu le dis, contre quoi ? Et pourquoi les données culturelles seraient-elles plus sensibles que toutes les autres ?

      Toujours est-il que le rapport Ory-Lavollée revient quelque peu sur cette conception, puisqu’il recommande à présent d’appliquer aux données culturelles des règles à peu semblables à celles qui gouvernent la réutilisation des données publiques.

      Pourtant la recommandation n°18 de ce rapport recommande « d’affirmer, promouvoir et défendre le maintien d’exception culturelle dans la directive sur la réutilisation des données publiques« .

      J’avoue que c’est assez mystérieux…

  4. Merci @calimaq pour cet article qui vient encore éclaircir ce débat.
    Je suis content de voir que nous faisons à peu près la même lecture du droit.

    Il y a effectivement un soucis dans l’article 11, et surtout dans l’utilisation qui en est faite par certains services, dont les archives nationales. Cet article permet aux service culturels de « fixer les conditions de réutilisation ». Les services culturelles peuvent donc dire comment leur données peuvent être réutilisés. Ont-ils le droit pour autant d’interdire la réutilisation ? Rien n’est moins sûr. Et en l’absence (à ma connaissance) de jurisprudence en la matière, personne ne le sait vraiment.

    Ceci dit, j’ai toujours du mal avec le principe d’une licence pour les données publiques. Une licence est un contrat. Elle est donc idéale pour gérer des relations entre personnes privées. Mais, à mon sens, le seul texte qui lie l’Etat aux personnes privées, c’est la loi. Le contrat n’a rien à faire là. Si, par l’évolution de la société, une loi devient inadaptée ou trop imprécise, il faut la refaire ou l’amender. Mettre en place une licence n’est elle pas l’aveu d’un échec pour le législateur, incapable de faire évaluer le cadre législatif avec son temps et préférant y substituer un simple contrat, révocable et qui ne s’applique qu’au coup par coup ?

    Pour répondre à l’une des questions du PS, je pense que la licence IP et les Créative Commons sont incompatibles. Les CC gèrent la propriété intellectuelle, tandis que la licence IP s’occupe de données publiques. Or, la loi de 78 est claire : les données présentes sur des supports soumis à la propriété intellectuelle ne sont pas des données publiques.

    Ha oui, au fait, merci pour le « remarquable » ;-)

    1. Trois points dans votre commentaire et trois questions intéressantes.

      1) La loi de 1978 permet aux institutions culturelles de fixer librement les conditions de réutilisation, mais peuvent-elles aller jusqu’à neutraliser le droit à la réutilisation ? C’est vraiment une remarque très incisive et comme vous, je me demande vraiment si c’est possible. J’ajouterais que je m’interroge aussi sur le point de savoir s’il est correct, pour fixer des conditions de réutilisation de données culturelles, de se placer sur le terrain de la propriété intellectuelle, comme tant de services culturels n’hésitent pas à le faire.

      2) Sur la question de l’articulation entre le contrat et la loi, je serai plus réservé et moins sévère que vous avec la licence IP. Thomas Saint Aubain, dans son article qui présente la licence IP, apporte des éléments de réponses. L’article 16 de la loi de 1978 prévoit expressément que lorsque la réutilisation fait l’objet du paiement d’une redevance, l’administration doit mettre en place des licences. Par ailleurs, le décret d’application du 30 décembre 2005 indique que l’administration peut utiliser des licences même en cas de réutilisation à titre gracieux, notamment pour rappeler les conditions de réutilisation. Du strict point de vue légal, le droit à la réutilisation peut et même doit parfois passer par la voie contractuelle. Le rapport Ory-Lavollée de son côté recommande pour les données culturelles de mettre en place des licences clics pour la réutilisation non commerciale. Pour ma part, je ne suis pas opposé à l’usage des licences, mais pour d’autres raisons. Je trouve que les licences jouent un rôle important de « signalétique » des droits ; elles constituent des « marqueurs » qui facilitent la compréhension des règles et fluidifient les usages. La licence IP n’est pas seulement un contrat ; c’est aussi une métadonnée qui m’indique que j’ai bien affaire à une information publique et qui me dit, simplement, que je peux la réutiliser et comment je dois le faire. De ce point de vue, je trouve très bien que Thomas Saint Aubain se soit inspiré des Creative Commons pour produire une version « lisible » de ce droit particulièrement complexe des données publiques.

      3) Sur la compatibilité des licences IP et CC, je suis d’accord avec vous, mais je pense qu’il faut aller plus loin. Les CC pour les oeuvres de l’esprit et la licence IP pour les données publiques, je vous rejoins entièrement là dessus. Mais la question de la compatibilité va quand même finir se poser, notamment à propos des données culturelles. Imaginons par exemple qu’une base de données publiques contiennent des photos numérisées, placées sous la licence IP (rêvons un peu, quoi !) et imaginons ensuite qu’un utilisateur souhaite charger cette photo sur Wikimedia Commons, qui est placée sous licence CC-BY-SA. Peut-il le faire et quel effet cela a-t-il sur la réutilisation de la photo ? Sort-elle du régime des données publiques ? Passe-t-elle sous l’emprise de la Creative Commons ? Répondre à ce type de questions représente un enjeu réel si l’on veut que la lience IP serve à la dissémination des données sur les grandes plateformes du web.

      Comme quoi, il reste encore bien des choses à creuser…

      1. Je partage votre avis sur l’intérêt signalétique de la licence. Elle permet pour le moins d’afficher clairement les règles.
        Pour la compatibilité, il faut également se référer à l’article 7 de la licence IP :
        « Le licencié est autorisé à concéder des sous-licences, les reproductions des informations publiques réutilisées lorsqu’elles ont fait l’objet de nouveaux traitements et qu’elles sont comprises dans un produit ou service nouveau.
        La rediffusion intégrale, gratuite et sans valeur ajoutée des informations publiques réutilisées à des tiers n’est pas autorisée, sauf si elle est effectuée sous la présente licence ou expressément autorisée par le concédant. »

        Placer une donnée sur Wikimedia Commons constitue-t-il une « valeur ajoutée » ?

        1. Pas sûr, effectivement…

          Ce type de réutilisation « à l’état brut » ne paraît pas compatible avec les exigences de la licence IP.

          Sauf si à l’occasion du versement dans Wikimedia Commons des métadonnées et des informations sont ajoutées.

          Un comme dans le cas du programme Flickr The Commons, où les photos des institutions culturelles font l’objet d’une indexation collaborative par les usagers.

          Mais il est vrai que cet article 7 pose des problèmes particuliers pour les données culturelles. Pas possible de reprendre simplement une photo pour illustrer son blog, par exemple.

          C’est ennuyeux…

          1. De la même manière, l’accord BnF/wikisource peut être en accord avec la licence IP car la transcription des documents est constitutif d’une plus value. Du coup le changement de licence est autorisé.

            Ceci dit réutiliser une image sur un blog (ou ailleurs) ne pose aucun problème, tant qu’on ne change pas la licence de cette image.

    1. Pour être franc, je ne sais pas si j’aurais trouvé le courage de déterminer ce billet, qui m’a bien pris une semaine de travail, si je n’avais pas tweeté cette promesse.

      Merci de m’y avoir incité !

  5. bonjour et merci bcp pour cet article très éclairant pour les musées. Que conseilleriez-vous de faire au final : apposer une licence IP sur les bases de données et une CC sur les contenus produits par l’institution (sur son site web par exemple)?.Encore merci à vous.

    1. Je suis content de voir un représentant des musées laisser un commentaire sur S.I.Lex. Ce n’est pas si courant.

      Je vous avoue d’ailleurs qu’après avoir fait le tour de France des mentions des sites de bibliothèques et d’archives, je caresse le rêve d’aller voir du côté des musées, pour faire une étude générale des conditions de réutilisation de leurs données.

      Un jour…

      Pour en venir à votre question, je suis assez d’accord avec le schéma que vous proposez.

      Les métadonnées, ainsi que les données primaires des musées, produites à partir d’oeuvres du domaine public, pourraient fort bien être placées sous la licence IP. Il n’y a pas de différences fondamentales avec la situation des bibliothèques (le cas des archives est un peu à part, puisque les documents qu’elles numérisent ne sont pas principalement des oeuvres, mais des actes administratifs, qui contiennent en outre souvent des données personnelles).

      Pour les contenus sur lesquels les musées possèdent des droits d’auteurs (expo’ virtuelles, textes d’accompagnement et autres enrichissements éditoriaux), les licences Creative Commons sont tout à fait indiquées et adaptées pour favoriser la réutilisation et la dissémination en ligne. Etant titulaires des droits dès l’origine, il n’y a pas d’obstacles à ce que les musées utilisent les Creative Commons.

      Mais cela serait quand même presque une révolution pour les musées, où le copyright brutal sévit encore souvent…

      1. merci pour votre réponse qui m’aide beaucoup.
        à vrai dire nous avons (au Muséum de Toulouse) une licence CC sur nos contenus (by-nc-nd sur site web, by-nc sur blog et by-nd sur photos flickr) depuis l’ouverture du site/blog il y a deux ans et demi (en cohérence avec volonté d’ouverture affichée par le musée) (j’avais demandé à ce moment là, via directions un « ok » de principe du maire (qui est légalement le responsable éditorial des contenus diffusés par ses services). bien à vous, samuel

  6. Juste un rappel… les licences de réutilisation de données publiques pour utilisation commerciale sont les successeurs des droits de reproduction – et perçus comme tel non seulement par les établissements mais aussi par leur tutelle. C’est à dire qu’ils sont des sources de financement pour les établissements culturels – appelés, de manière de plus en plus pressante, à augmenter la part de l’autofinancement dans leurs ressources. La tension est forte entre le mouvement en faveur de la réutilisation gratuite et celui qui vise à permettre à l’Etat culturel de dégager des ressources. Les acteurs culturels reçoivent à cet égard des incitations dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles sont contradictoires!

    Un observateur un peu cynique pourrait de ce fait vous faire remarquer que le combat à venir risque d’être non pas la généralisation de la gratuité de la réutilisation, mais au contraire le maintien des réutilisations gratuites, là où elles existaient auparavant (utilisation non lucrative, collaborations scientifiques).

    Sur un autre plan, la tentation de verrouillage des données est aussi liée à quelques cas de réutilisation non sourcées, ressenties comme des plagiats. Mais cet obstacle serait bcp plus facile à lever que le précédent…

    1. Oui, je suis tout à fait d’accord avec vous, et c’est pour cela que je termine en disant que la question de la réutilisation des données culturelles est bien plus d’ordre politique que juridique.

      Je partage aussi votre sentiment quant au caractère contradictoire des directives qui parviennent en ce moment aux établissements culturels.

      La preuve en est que le rapport que je cite, plutôt favorable à la réutilisation, n’est toujours pas paru officiellement, des mois après sa remise, et qu’il faut pointer sur des sites de particuliers pour le citer.

      J’avais pour ma part beaucoup misé sur le grand emprunt pour faire baisser la pression des ressources propres sur les établissements culturels et les inciter à libérer leurs données. Mais hélas, il semblerait que de très lourdes charges de remboursement risquent de peser sur les établissements qui en seront attributaires, ce qui ne peut que les conduire à verrouiller au contraire les contenus, et peut-être, comme vous le craignez, à monétiser des usages jusqu’ici gratuits.

      Quand le remède est pire que le mal…

      1. Oui il me semble assez juste de voir dans cette initiative, au final, une question politique qui vise à permettre le développement de ressources propres pour les producteurs de données publiques en faciliter « la monétisation d’usages jusqu’ici gratuits »…

        1. Pour se faire vraiment peur à ce sujet, on pourra aller lire cette audition du 17 février dernier de Marc Tessier devant la Commission des affaires culturelles du Sénat, qui sans frémir, déclare :

          S’agissant de la politique de prix, pour un ouvrage tombé dans le domaine public, il semblerait logique que la consultation et le feuilletage d’un livre numérique accessible par la plateforme soient gratuits, comme l’est aujourd’hui la consultation d’un livre papier en bibliothèque. En revanche, il paraîtrait logique de facturer une demande d’impression, ce qui permettrait d’ailleurs de rémunérer les fonds issus de l’emprunt national. Le débat n’est cependant pas clos.

          Pour rembourser l’emprunt, l’impression à partir de la bibliothèque numérique d’un ouvrage du domaine public deviendrait payante. C’est ce que j’appelle monétiser un usage jusqu’ici gratuit.

          Je vous le dis : remède pire que le mal !

          1. Je suis en train de me dire que si demain un catalogue de bibliothèque (=données culturelles) est placé sous licence IP, rien n’empêche qu’un service comme Libfly vienne dupliquer des commentaires fait par des utilisateurs et des bibliothécaires dans un catalogue pour les insérer dans un service revendu ensuite aux mêmes bibliothèques, avec la valeur ajoutée d’un réseau social. Très dangereux !

            1. Je ne crois pas, ou du moins pas complètement…

              La loi de 1978 prévoit le cas où des informations seraient contenues dans des documents sur lesquels des tiers possèderaient des droits de propriété intellectuelle. Ces dispositions sont reprises dans la licence IP :


              Selon l’article 10 de cette loi, ne constituent pas des « informations publiques »: […] les informations présentes dans des documents sur lesquels des tiers détiennent des droits de propriété intellectuelle , sous la réserve d’un accord de réutilisation exprimé par ces tiers.

              Les commentaires laissés par des utilisateurs dans un catalogue sont couverts par des droits d’auteur (s’ils sont originaux). Ils sortent donc du champ de la licence IP. Comme pour le droit des données personnelles, le droit de propriété intellectuelle « prime » le droit à la réutilisation.

              Par contre, ça vaut pour les commentaires des usagers, qui sont des tiers, mais pour ceux des bibliothécaires, je suis moins certain de mon coup…

              Quand on lit la FAQ sur la réutilisation des données publiques qui est sur le site de l’Agence du Patrimoine Immatériel de l’Etat, on trouve cette phrase :

              Les droits de propriété intellectuelle détenus par les administrations ne peuvent faire obstacle à la réutilisation des informations publiques.

              Or les droits sur les commentaires laissés par les bibliothécaires appartiennent à la bibliothèque (dixit les règles spéciales du droit d’auteur des agents publics).

              Du coup, ce sont bien des informations publiques, qui seraient librement réutilisables, si placées sous la licence IP.

              1. hum merci pour la réponse, oui je pensais plutôt aux agents publics que sont les bibliothécaires… oui effectivement, on trouve dans ce commentaire sur le droit d’auteur des agents publics le texte suivant :
                http://www.irpi.ccip.fr/pages/?ID_ARBO=236&ref_page=313

                « Les œuvres soumises au régime dérogatoire au droit commun instauré par le projet de loi sont celles créées dans l’exercice des fonctions de l’agent ou d’après les instructions reçues (nouveaux articles L. 121-7-1 et L. 131-3-1 du Code de la propriété intellectuelle). »

                et plus loin :
                « Le nouvel article L. 131-3-1 du Code de la propriété intellectuelle proposé par le projet de loi organise, en son premier alinéa, la cession de plein droit des droits d’exploitation au profit de l’administration, dans la mesure strictement nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public . »

                Cette dernière notion appel le débat, mais plus loin, on y lit qu’un droit de préférence existe en cas de cession commerciale par l’administration..

                du coup j’avoue que je suis un peu perdu là, en dehors de la licence IP (cas rare pour l’instant) que peux faire une collectivité ? (bon désolé c’est peut-être matière à un autre billet…)
                .

                1. La question se pose aussi de savoir qui est fonctionnaire et qui ne l’est pas. :-)

                  Si le bibliothécaire travaille sous pseudonyme (sans utiliser son nom propre, sauf déclaration obligatoire à la CNIL pour traitement d’un fichier nominatif, idem avec le vrai nom des lecteurs), je pense qu’il devient difficile pour un tierce partie de revendiquer un droit « information publique ».
                  Surtout si le bibliothécaire travaille de chez lui, donc hors de ses heures de travail rémunéré ! (Là, information publique ou privée ?)

                  Quand bien même ce serait possible, il y faudrait un travail de fourmi pour déterminer qui agit dans le cadre de ses fonctions et qui ne s’y trouve pas. :-)

                  Ce n’est pas la tendance actuelle des « récupérateur » de données.

                  Bien cordialement
                  B. Majour

                  1. C’est une vraie question.

                    Les tweets envoyés depuis le bureau constituent-ils des informations publiques ?

                    Je laisse la jurisprudence trancher…

  7. Il y a deux grandes catégories à définir:
    1) le document original quel que soit son physique
    2) le produit dérivé quelque soit son support

    Si le premier est protégeable via la licence IP eu la loi le second DOIT être protégé selon le principe du droit d’auteur même si celui-ci ne peut, stricto sensus, s’appliquer.

    La statue est toujours protégée au titre de la licence IP. Par contre la photo numérique DOIT être protégée sur le fondement du droit d’auteur. Libre au photographe de fixer les conditions de réutilisation de son travail.
    Le photographe remet une copie de son cliché au détenteur physique du document. Celui-ci est-il fondé à donner au titre de la loi de 78 cette copie numérique. La réponse est dans la licence fixée par le déposant.

    On voit de suite que si l’original est exploitable par tout un chacun il ne peut en être autant pour la copie réalisée. Prenons l’exemple des mormons en France. Ils ne sont pas autorisés à diffuser à un ressortissant français (adresse postale) leur microfilms réalisés en France de part les accords passés à l’époque.

    Maintenant le produit dérivé réalisé à partie d’une copie numérique se devrait de respecter la licence IP puisque l’original est sous cette licence. Nous voyons donc que le secteur marchand pourrait rencontrer des obstacles. Le hic c’est que tous ces textes sont applicables séparément et jamais collectivement ce qui fait un drôle de bazar puisque d’un coté c’est oui et de l’autre c’est non et encore d’un autre c’est possible mais…

    Amitiés

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