Les Mystérieuses Cités de Plomb (ou quand le public se fait défenseur du droit moral sur l’oeuvre)

Je ne pensais pas avoir un jour l’occasion de parler des Mystérieuses Cités d’Or sur un blog juridique, mais voilà que la diffusion par TF1 d’une suite de cette mythique série des années 80 m’en donne l’opportunité. Et qui plus est à propos d’une question qui me tient particulièrement à coeur : celle du droit moral et des rapports entre les créateurs et leur public.

cités
Esteban, Zia, Tao… toute une époque !

Le droit moral constitue une prérogative très forte reconnue au bénéfice des auteurs, notamment dans le droit français, qui leur confère notamment la possibilité de s’opposer à des modifications portant atteinte à l’intégrité de leurs oeuvres. Les juges français sont particulièrement attentifs au respect de ce droit, conçu comme un prolongement de la personnalité de l’auteur à travers son oeuvre.

Voilà pour les grands principes, mais il arrive que la réalité s’avère beaucoup plus complexe, et notamment que ce soit le public qui s’élève contre un créateur pour défendre l’intégrité de l’oeuvre. Et c’est précisément ce qui est en train de se passer à propos de la saison 2 des Mystérieuses Cités d’Or, comme l’indique ce billet du Huffington Post.

L’or changé en plomb…

Lancée à grands renforts de promotion comme une suite fidèle à l’esprit de la série culte des années 80, les Cités d’Or 2 ont visiblement fort déçu les fans de la première heure, dont une partie hurle même à la trahison. Remaniée afin de séduire un public plus jeune, la série aurait été infantilisée et aseptisée à l’extrême :

[…] les droits des musiques d’origine (jugées démodées) n’ont pas été rachetés. Les scénaristes japonais et les voix d’origine, comme celle de Jackie Berger (Esteban), ont été mis au placard. Le graphisme a été changé et les personnages, passés à la moulinette 3D, ont maintenant des visages froids, déformés et cireux.

Le caractère de certains héros a été modifié. Zia, réservée et douce, est désormais une fille libérée. Tao, habitué à cacher ses sentiments, pleure dès le premier épisode. La mise en scène a été changée. Américanisée, elle accumule maintenant les clichés hollywoodiens vus et revus : Mendoza saute comme Tom Cruise dans Mission Impossible, les ralentis à la Matrix fusent, le méchant ressemble à Dark Vador…

TF1 et le studio Blue Spirit, en charge de la production de cette suite, ont donc manifestement réussi, par un tour de force alchimique à l’envers, à transformer l’or en plomb en massacrant sur l’autel du formatage un classique du petit écran.

Devant cette dénaturation de l’esprit original de l’oeuvre, les fans se sont mobilisés, déjà pendant la production, par le biais d’une pétition pour que les voix des personnages principaux ne soient pas modifiées, comme le souhaitait TF1. Mais les choses vont à présent plus loin, car une nouvelle pétition a été lancée en juillet sur Facebook pour demander aux créateurs japonais de la série (Mitsuru Kaneko, Mitsuru Majima et Soji Yoshikawa) de reprendre purement et simplement leurs droits, afin de mettre fin au saccage.

cités
Appel aux créateurs japonais de la série.

Si on traduit en termes juridiques ce qui est en train de se produire, on a bien là un public qui demande à des auteurs de faire usage de leur droit moral sur l’oeuvre pour mettre fin à une dénaturation, ce qui bouleverse quelque peu le schéma habituel.

Car en effet, le droit postule que l’auteur est toujours le mieux placé pour défendre sa création. Les juges accordent même en France à l’auteur une sorte de « droit absolu » à juger ce qui constitue ou non une atteinte à son oeuvre, sans avoir à prouver un quelconque préjudice. Or, on voit ici que les choses sont plus complexes et qu’une communauté active de fans peut s’avérer un gardien plus intègre et plus sûrde l’esprit d’une oeuvre…

Le public contre l’auteur, au nom de l’intégrité de l’oeuvre

Cet exemple des Mystérieuses Cités d’Or n’est pas isolé et on peut citer d’autres cas célèbres où des créateurs se sont retrouvés pris à partie par leurs fans, les accusant d’avoir dénaturé leur oeuvre.

L’exemple le plus fameux est celui du conflit qui oppose depuis de nombreuses années Georges Lucas à la communauté des fans de Star Wars. Que ce soit à propos des modifications introduites par le réalisateur dans les rééditions en BlueRay de la première Trilogie ou carrément à propos de l’esprit tout entier de la nouvelle Trilogie, les fans se sont mobilisés contre ce qu’ils estiment être une trahison mercantile de l’oeuvre originale. Le reportage The People vs Georges Lucas paru en 2010 retrace les manifestations de ce véritable phénomène social, qui marque une étape dans l’émergence d’une culture participative caractéristique des mutations introduites par Internet.

Alexis Hyaumet, dans un article excellent (« Georges Lucas vs Star Wars« ) publié sur la plateforme Culture Visuelle, allait même jusqu’à se demander à qui finalement appartenait aujourd’hui Star Wars en tant qu’oeuvre, et il est certain que le récent rachat de la franchise par Disney ne fera qu’exacerber ces crispations :

À qui appartient Star Wars ? Qui en est aujourd’hui légitime après que son maître ait été désavoué par ses disciples les plus fidèles. […] Du fait de son histoire particulière et de son impact culturel mondial qui n’est plus à démontrer, Star Wars est un objet cinématographique hors normes et hors du commun. Victime de son succès, il appartient désormais au plus grand nombre, “il appartient au public” car il fait partie de son histoire culturelle, comme le soulignait Lucas face au Congrès en 1988. Le possessif créateur doit répondre à la demande du peuple qui réclame son œuvre avec une ferveur et un amour sans pareil. Preuve de cela, la quantité incroyable de fan films, de parodies et de montages alternatifs rebelles qui font dissidence, pour montrer à l’inflexible George Lucas d’aujourd’hui que son empire implacable a perdu toute légitimité sur l’univers Star Wars. Il serait temps pour le roi George de reconnaître, d’écouter et de respecter à leur juste valeur tous ses sujets, qui ont entretenu toutes ces années cette mythologie contemporaine, en répondant favorablement à leurs requêtes les plus essentielles. Quoi qu’il en soit, les fans se mobiliseront encore et toujours pour sauver ce qu’était Star Wars à l’origine, afin d’éviter que son propre créateur n’en devienne un jour son fossoyeur.

Un autre exemple significatif, sans doute moins connu que celui de Star Wars, concerne la série anime japonaise Neon Genesis Evangelion. Mettant en scène des combats de robots géants contre des monstres extraterrestres sur un fond d’intrigues mystiques particulièrement complexes, cette série souleva un violent mouvement de protestation chez ses fans, lorsque le réalisateur Hideaki Anno choisit de la faire se terminer en queue de poisson par un épisode complètement en porte-à-faux avec le reste, n’apportant pas les réponses auxquels le public s’attendait. Sous la pression des fans (qui alla jusqu’à des menaces de mort…), le studio Gainax obligea le réalisateur à produire une nouvelle fin sous la forme d’un film d’animation intitulé « The End of Evangelion« . Mais ce dernier est encore profondément imprégné du conflit entre le public et le créateur, car Hideaki Anno s’y livre à un véritable jeu de massacre de ses personnages et des lieux de l’action de la série, comme une sorte de vengeance s’exprimant dans une débauche de violence rageuse…

Plus proche de nous, on peut dire que le fameux épisode 9 de la saison 3 de Game Of Thrones a aussi failli tourner à l’affrontement sanglant entre le créateur, Georges R.R. Martin, et ses fans. En faisant mourir trois des personnages principaux de la saga de manière particulièrement brutale, l’auteur a causé un véritable choc à une partie des spectateurs (alors que l’histoire était pourtant identique dans les romans dont est tirée la série).

Georges R.R. Martin assume entièrement ce choix, qui relève selon lui pleinement de sa liberté de créateur. Mais on a vu des articles fleurir des articles sur la Toile se demandant si l’auteur avait le droit de faire mourir ainsi les personnages… Quelque chose est graduellement en train de changer et Internet n’est pas étranger à cette évolution.

Il existe déjà une théorie de l’abus de droit moral que les juges peuvent opposer à des descendants d’auteurs, mais c’est comme si la conscience collective considérait que cette doctrine pouvait être appliquée aux créateurs eux-mêmes aujourd’hui.

Nombreux sont les montages qui se moquent de la tendance de Georges R.R. Martin à faire mourir les personnages auquel son public tient le plus (cliquez sur l’image pour en découvrir d’autres).

Ce retour du public est un retour aux sources du droit d’auteur

Ces exemples montrent que la question du droit moral sur l’oeuvre est aujourd’hui  bouleversée et que ce fleuron du droit d’auteur à la française ne peut sans doute plus être pensé de la même manière aujourd’hui qu’au siècle dernier.

Il est certain que le numérique et Internet, en mettant le public en situation d’interagir de manière de plus en plus active avec l’oeuvre et son créateur, ont contribué à redéfinir l’équilibre. La formation de communautés de fans en ligne leur donne un sentiment de légitimité dans la défense de l’intégrité de l’oeuvre, y compris parfois contre les titulaires de droits eux-mêmes.

Avec des phénomènes comme le crowdfunding, où le public est directement sollicité pour participer au financement de la création, nul doute que ce sentiment d' »avoir des droits » sur l’oeuvre ne pourra que se renforcer et qu’il deviendra de plus en plus difficile d’y résister. Sachant par ailleurs que le public a aussi la possibilité par le remix, le mashup ou les fanfictions, de se réapproprier les oeuvres, fût-ce dans l’illégalité, pour les « forker » contre la volonté de leurs auteurs…

Mais en fin de compte, est-ce que ce sentiment de propriété du public sur les oeuvres constitue vraiment une « anomalie » ? Ou n’est-ce pas plutôt la conception romantique d’un auteur tout-puissant, bénéficiant d’un droit absolu sur son oeuvre, qui n’était qu’une parenthèse historique en train de se refermer ? Voyez ce que disait Lechapelier en 1791, auteur de la première loi en France sur le droit d’auteur :

La plus sacrée, la plus légitime, la plus inattaquable, et, si je puis parler ainsi, la plus personnelle de toutes les propriétés, est l’ouvrage fruit de la pensée d’un écrivain ; c’est une propriété d’un genre tout différent des autres propriétés. Lorsqu’un auteur fait imprimer un ouvrage ou représenter une pièce, il les livre au public, qui s’en empare quand ils sont bons, qui les lit, qui les apprend, qui les répète, qui s’en pénètre et qui en fait sa propriété.

On répète toujours la première partie de cette citation, en oubliant la seconde, mais il est évident qu’Internet a donné au public les moyens de faire des oeuvres sa propriété. Et lorsque l’on regarde concrètement la manière dont les choses se passent, cette dialectique est une bonne chose, car le public s’avère parfois un meilleur défenseur du droit moral sur les oeuvres que les titulaires de droits eux-mêmes.

PS : si vous connaissez d’autres cas emblématiques de conflits entre des créateurs et leur public à propos de l’intégrité de l’oeuvre, merci d’avance de les indiquer en commentaire ! Cela m’intéresse beaucoup !


68 réflexions sur “Les Mystérieuses Cités de Plomb (ou quand le public se fait défenseur du droit moral sur l’oeuvre)

  1. « si vous connaissez d’autres cas emblématiques de conflits entre des créateurs et leur public à propos de l’intégrité de l’oeuvre »

    Conan Doyle après la mort de Sherlock Holmes? forcé de le faire « ressusciter »sous la pression des fans.

  2. « si vous connaissez d’autres cas emblématiques de conflits entre des créateurs et leur public à propos de l’intégrité de l’oeuvre, merci d’avance de les indiquer en commentaire ! »
    C’est un peu la définition même du fandom que d’être en conflit avec l’auteur original. Je pense même qu’il est difficile de trouver des exemples où ce n’est pas le cas. Y’a Henry Jenkins qui a largement écrit là-dessus.

      1. Il y a un cas analysé par Jenkins dans son livre sur les fanfictions et qui a l’air assez connu aux US (mais pas vraiment en France) : la série télé « La Belle et la bête » avait une grosse fanbase. La dernière année (1990), ils ont changé de style pour capter un nouveau public. La chaîne a reçu un déluge de courrier et surtout, un grand nombre de spectateurs s’est détourné du show et a commencé à écrire des fictions où ils remettaient la série sur les rails qui leur convenaient. C’est un phénomène qui dure encore aujourd’hui. J’en dis aussi un mot (rapide) ici : http://armurerie.wordpress.com/2013/04/11/fanfictions/ )

        1. Merci encore pour ce nouvel exemple, en effet peu connu ici. J’aime beaucoup le terme de « fan-frictions » que vous employez dans cet artiste.

    1. Sur Twitter, on me signale aussi bien sûr l’exemple de l’infirmière Anne dans le roman Misery de Stephen King, qui séquestre un écrivain pour qu’il fasse revivre l’héroïne qu’il s’apprêtait à tuer dans un nouvel épisode de ses aventures http://fr.m.wikipedia.org/wiki/Misery

      Pas un exemple de conflit réel entre un créateur et son public, mais un écho de leurs rapports parfois complexes…

  3. Sur le fond du sujet:

    même si comme tous je constate cette tendance concernant des œuvres majeures en terme d’audience, je me demande quelle légitimité ont « les fans » par rapport à l’auteur.

    Pour le cas des cités d’or, c’est un peu différent puisque les auteurs de l’œuvre originale ne sont pas ceux de la « suite/reboot »; mais pour Martin, ou Doyle, quand il s’agit de décider du sort d’un personnage dans le sens que l’on veut donner à Son récit, la fin que l’On souhaite y apporter, qui sont ces individus regroupés sous l’appellation « les fans » pour les contredire, les forcer à écrire une autre histoire? Si le récit ne nous plait finalement pas, il suffit de s’en détourner et de chercher « mieux » selon ses propres critères, ou…. de rejoindre d’autre communautés plus productives qui produisent diverses oeuvres de fanfics afin d’obtenir l’évolution et la fin que l’on souhaite au lieu de simplement pester.

    Pour illustrer le contraste, on cri à l’infamie quand un producteur/éditeur force un auteur à inventer une suite non prévue (Cf. le cas emblématique de Toriyama avec Dragon Ball et ses 3 rallonges forcée) mais on trouve légitime qu’un auteur soit forcé à ressusciter un personnage parce que les « fans » font un caca-boudin.

    Tous ceci me semble loin de l’idée d’appropriation par le public dont parle Lechapelier : le public ne fait jamais vraiment de l’oeuvre sa pleine propriété au travers du domaine public (puisque les droits moraux de l’auteur persistent); cette « propriété » porte plus sur l’apport culturel de l’oeuvre, la possibilité de s’en inspirer, la reprendre, la partager, que sur l’ouvre elle même (personne ne peut modifier la lettre des Misérables et dire qu’en fait c’est ça l’œuvre de Hugo, il est simplement possible d’en imaginer une nouvelle version, propre au nouvel auteur).

    Pour des exemples de l’influence du public sur les choix de l’auteur, il suffit de se tourner vers le monde des comics pour assister à des résurrections et mise à mort de personnages à la pelle afin de coller le mieux aux attentes ponctuelles des lecteurs, au détriment de la cohérence de certains récits.

    1. Je ne dis pas que le public a toujours raison contre des titulaires de droits qui auraient toujours tort. Ce que je trouve positif, c’est cette « dialectique » qui s’instaure entre le public et les créateurs. L’exemple de Sherlock Holmes montre que ce n’est pas nouveau, mais cela prend de nouvelles proportions avec Internet qui permet aux communautés de fans de se structurer et leur donne des moyens d’expression pour peser.

      Concernant votre remarque sur le domaine public et le droit moral, déjà effectivement il n’existait pas vraiment au temps de Le Chapelier (c’est une construction de la jurisprudence plus tard au 19ème siècle). Par ailleurs, c’est une aberration pour moi que le droit moral persiste avec la mort de l’auteur. La doctrine considère en effet que le droit moral est rattachant aux droits de la personnalité. Or si c’est le cas, le droit moral devrait s’arrêter après la mort. C’est le cas par exemple du droit à l’image : droit de la personnalité qui ne se transmet pas aux descendants.

      Bref, il y a là une sorte d’aberration juridique, qui pèse hélas lourd sur la destinée de oeuvres.

      1. Sans droit moral, sur quoi repose le respect de la paternité d’une oeuvre? Sans ce respect, avec le temps on en oublirai l’origine des différentes oeuvre, comment les contextualiser, n’importe qui pourrait d’attribuer le mérite d’œuvres anciennes….

        Ce dialogue auteur/public est primordiale mais doit ensuite ne résulter qu’en une réponse positive ou negative a l’oeuvre produite. Les bons auteurs restent ou sont redécouvert plusieurs annee aprèsais c’est là tout le « pouvoir » du simple lecteur. Sinon il n’a qu’a se faire auteur :-)

    1. Toutes les licences Creative Commons impliquent le respect de la paternité de l’auteur (BY), qui est une des exigences du droit moral.

      Par contre, je dirais plutôt que la licence qui ressemble le plus à la conception du droit moral à la francaise est la CC – BY – ND (pas d’oeuvres dérivées). Elle interdit les modifications de l’oeuvre et donc maintient le principe du respect de l’intégrité de l’oeuvre.

  4. Shin_55 dit :
    « Tous ceci me semble loin de l’idée d’appropriation par le public dont parle Lechapelier : le public ne fait jamais vraiment de l’oeuvre sa pleine propriété au travers du domaine public (puisque les droits moraux de l’auteur persistent) »

    Pas de tout – les droits moraux n’existait pas à l’époque. Pour moi, c’est exactement le vrai sens de Lechapelier – plutôt un droit d’auteur comme un ‘privilège’ que un droit naturelle.

    1. Ce jeu sémantique ne change rien à la donne: on peut aujourd’hui encore raisonner sur la base d’un privilège/droit privé plus qu’un droit naturel, et parler d’un simple privilège d’auteur comportant une composante temporellement finie (donc finissant nécessairement par un retour dans le domaine public), et une composante intemporelle (respect de la paternité de l’oeuvre, et de son intégrité). Et tout celà sans parler à un seul instant de l’oeuvre comme continuité de la personnalité de l’auteur.

      De plus, je me répète mais, sans ce « droit moral » permettant le respect de la paternité de l’oeuvre, comment se fait il que les œuvres d’avant cette date puissent tout de même être rattachées à tel ou tel auteur? L’ensemble des droits moraux tels que formulés aujourd’hui n’existaient pas mais les principes directeurs, si.
      Nous n’avons jamais été vraiment dans une forme de collectivisation des oeuvres par défaut il me semble.
      Sans parler du fait qu’il existait bien une protection de la contrefaçon avant les lois Lechapellier, sans forcément raisonner en terme de droit d’auteur: la logique de rattachement par propriété d’une oeuvre à son auteur, qu’on parle de privilège, ou de droit d’auteur reste, sur les principes de base, sensiblement la même, m’est avis.

      1. Le fait d’attribuer une oeuvre à un auteur donné correspond en effet un usage antérieur à la consécration au sens propre du droit de paternité au titre du droit moral. On trouve des traces d’accusation de plagiat dès l’époque romaine http://fr.wikipedia.org/wiki/Plagiat#Histoire Mais le statut de la copie et de l’inspiration étaient tout de même très différent. C’est plutôt à la Renaissance que cette importance de la « signature » a pris son vrai essor : https://scinfolex.wordpress.com/2012/08/09/et-si-albrecht-durer-avait-eu-un-tumblr/

        Pour en revenir à notre débat, la question est de savoir s’il importe au-delà de la mort de l’auteur que l’exigence d’attribution reste juridiquement sanctionnée. A mon sens, c’est profondément inutile. Cela ne veut pas dire que l’attribution n’est pas une chose importante, mais ce sont d’autres mécanismes de régulation qui prennent la place du droit et qui la garantisse (exemples : importance des bibliographies dans les productions scientifiques, etc).

        Ce n’est d’ailleurs à mon sens pas le droit en lui-même qui garantit le rattachement d’une oeuvre à un auteur, comme vous dites, et la « propriété » au sens juridique, n’a pas grand chose à voir avec cela.

        Par ailleurs, le droit à l’intégrité relève encore d’un autre débat et c’est de cela dont je parle dans ce billet.

        Le droit à l »intégrité est fortement battu en brèche aujourd’hui par le droit à l’usage transformatif, qui finira forcément par être consacré dans le droit plus largement qu’actuellement, et peut-être plus vite que l’on ne pense en France : https://scinfolex.wordpress.com/2012/08/09/et-si-albrecht-durer-avait-eu-un-tumblr/

        1. En réponse à Shin_55:
          « Ce jeu sémantique ne change rien à la donne: on peut aujourd’hui encore raisonner sur la base d’un privilège/droit privé plus qu’un droit naturel, et parler d’un simple privilège d’auteur comportant une composante temporellement finie (donc finissant nécessairement par un retour dans le domaine public), et une composante intemporelle (respect de la paternité de l’œuvre, […] »

          ce n’était pas un jeu sémantique, mais un indication que il y a un différence entre le concept de plagiat et les lois à des époques différent.

          Aussi, le notion de ‘plagiat’ et ‘droit de paternité’ se cache plusieurs chose:
          droit d’attribution (pas accorde par le tribunal de Venise à Dürer)
          droit contre le faux attribution (accorde par le tribunal de Venise à Durer)
          droit contre le contrefaçon (usurpation d’attribution)

        2. je constate que l’on ne doit pas accorder la même signification à « l’intégrité » de l’oeuvre : je l’emploi ici, et la conçoit, dans sa définition la plus restrictive à savoir ne pas touché à contenu de l’oeuvre telle que produite par son auteur; avec un rattachement très fort au droit de paternité.
          Dit de façon simpliste, c’est, à mon sens, ne pas faire dire à l’auteur ce qu’il n’a pas dit en modifiant son propos, ou en citant mal ou de façon incomplète. Ainsi à mon sens, ce droit n’empèche ou ne doit empécher à aucun moment l’adaptation de l’oeuvre par production d’un suite, adaptation sur un autre format, réécriture, et autre usage transformatif : l’idée d’une atteinte à la substance, même du vivant de l’auteur, empêchant la création me gène toujours (je raisonne tjs ici sur le droit moral et non le droit patrimonial).
          Ainsi on se rejoint sur l’idée que ce droit ne peut, ou ne doit pas limiter les usages transformatifs.

          Pour la paternité, la régulation hors cadre juridique me laisse sceptique: sans obligation, point de respect scrupuleux des bibliographies sauf par les plus sérieux et/ou les plus honnêtes; sans actions en contrefaçon, point d’effet dissuasif concernant le plagiat sauf les rares cas où la communauté vigilante pointe du doigt l’auteur indélicat et où la honte et la mauvaise réputation viennent en sanction (mais on connait le faible effet comminatoire de ces mécanismes, rien qu’à observer l’exemple de Poivre d’Arvor qui continue pourtant d’écrire et vendre, sauf erreur de ma part); …

          Le droit n’est en effet pas le seul mécanisme assurant un certain respect de l’attribution, mais reste le plus adapté sur le long terme.
          De même, le raisonnement par la propriété n’est pas le seul fondement envisageable pour justifier du cadre protecteur de l’oeuvre et de son auteur, mais il reste le plus proche et le plus adapté à l’heure actuelle (moyennant plusieurs réarrangements).

    1. Extrêmement intéressant, en effet. Je connaissais cette affaire « On va fluncher », mais je ne savais pas à quel point il y avait eu bras de fer entre la Cour de Cassation et les juges du fond. C’est un exemple éloquent de cette appréciation souveraine que le droit français donne aux auteurs dans l’appréciation des atteintes à l’intégrité de leur oeuvre.

  5. S’il n’y a pas de conflit en soi, il est intéressant qu’aujourd’hui les personnes qui font Doctor Who sont avant tout eux-mêmes des fans de Doctor Who. Les deux derniers « show runners » et beaucoup des scénaristes actuels regardent la série depuis leur enfance. Ça créé une situation amusante où la série est simultanément le « canon officiel » et « fan art/fiction ». Je ne connais pas vraiment les Cités d’Or, mais le cas est peut-être comparable, à l’exception que Doctor Who a souvent changé de style et de ton selon les personnes qui étaient derrière et l’époque et c’est devenu un des aspect intrinsèque de la série, ces changements. Ça n’empêche pas les critiques, au contraire. Les choix du « show runner » actuel ne sont pas toujours très acceptés par exemple, et comme avec d’autres éléments du passé de la série, certains fans n’hésitent pas à les virer de leur « canon » personnel.

    1. Autre exemple intéressant en effet, qui montre que la séparation entre créateurs/professionnels et fans/amateurs est beaucoup plus complexe et nuancée.

  6. Je trouve plutôt sain que des auteurs comme GRR Martin de ne pas céder a une « tyrannie des masses ». S’il considère qu’il est maitre de la cohérence de son monde, grand bien lui fasse. Faut il encore qu’il assume de se couper d’une partie de son public.
    Dans le cas des CITES d’or ou de star wars fait on face a une défense de l’oeuvre ou la défense d’une certaine idée (nostalgique) de l’oeuvre. La suite ne s’adressant pas a la même génération la lutte ne vient elle pas de la peur de ces défenseurs que la suite se fasse sans eux ?

  7. J’aurais tendance a différencier le cas ou les fans réagissent (de manière souvent disproportionnée) a des développements controversés, ou il me semble plus ou moins évident que l’auteur est seul maitre a bord (si on fait abstraction de l’éditeur/producteur, zone grise), et les réactions outragées a posteriori, une fois que l’œuvre est établie (le cas de Lucas). Une œuvre qui trouve son public, qui fait caisse des résonance, qui est en phase avec son époque, si elle doit son existence évidemment a l’auteur, elle doit aussi en grande partie son succès, son statut au public qui se l’est appropriée.
    Un artiste qui me vient en tête, même s’il est trop en marge pour faire face a des hordes de fans en colère est Gérard Manset qui a entrepris de transformer une bonne partie de ses premières œuvres parues sur vinyl lors des rééditions CD: remix, chansons abandonnées, transférées d’un album vers l’autre, etc… Les quelques amateurs que je connais ont peu apprécié la manœuvre.

    1. Oh que oui… je me souviens d’une fan qui en pleurait lors d’une rencontre avec Manset à la F–c de Bordeaux…

  8. Pour GRR Martin, mon image préférée est celle-ci: http://www.lolwtfcomics.com/upload/uploads/1340538343.jpg qui fait écho a une autre obsession des fans de la série: inquiets du temps qu’il met entre chaque livre (encore deux prévus), et son surpoids visible, certains craignent qu’il meure prématurément sans finir la série. Cette crainte seule serait raisonnable si certains n’allaient pas jusqu’à « exiger » qu’il produise plus vite, qu’il ne se concentre qu’a ça, et qu’il arrête de rajouter des pages sans raison (il ne devait y avoir que 6 livres a l’origine, et non 7 comme maintenant). Pour ceux-ci la série ne vaut que terminée.

    1. Je rebondis sur la remarque de Claude pour mentionner la contribution de Neil Gaiman à la question de la pression des fans (qui me semble relever du bon sens élémentaire face aux délires de certains) : « George RR Martin n’est pas votre p… . […] Vous vous plaigniez que George fait d’autres choses plutôt que d’écrire les livres que vous voulez lire, comme si en achetant le premier tome du cycle vous développiez un contrat avec lui […] Ce genre de contrat n’existe pas.  » http://www.fantasy.fr/articles/view/9521

      1. Intéressant que Neil Gaiman se réfère à la notion de « contrat », même pour en nier l’existence, car cela renvoit bien au paradigme juridique.

  9. C’est vrai que c’est super intéressant le fait que les fans se saisissent d’une œuvre pour continuer a se la raconter entre eux de la manière qui leur convient. Ça fait beaucoup penser a la manière dont s’articule l’interaction entre auteurs et lecteurs/utilisateurs dans le jeu de rôle. Les auteurs décrivent un monde et l’ensemble de ses paramètres narratif et structurels et les joueurs s’en saisissent pour raconter l’histoire tel qu’il la voient a partir de la ou alors se servent de scénarios écrits par le/les auteurs du jeu de rôle en question.

    Je reste dubitatif par contre sur la question des fans qui se saisissent de l’œuvre d’un auteur pour s’en réclamer les gardiens. Vous avez bien montré qu’il y a des facettes inintéressante comme lorsqu’on empêche l’aseptisation commerciale des citées d’or ou des facettes « dangereuses » quand les fans forcent un auteur a raconter une autre histoire que celle que lui voudrait raconter. Mais quoi en penser ?
    Ça me fait tout à fait penser aux religions et a la manière dont une congrégation « bigote » -par exemple- insatisfaite de la lecture qu’on lui fait de sa religion va se réclamer d’une « vraie » lecture de celle-ci. Puis, si elle est assez offensive/prosélyte, cela va créer une nouvelle orthodoxie et engendrer du coup une réécriture/relecture de la religion en question.
    Je sais que cet exemple est un peu extrême, mais n’est-ce pas un peu la même chose ?

    1. De mon point de vue, ce qui a une vraie valeur, c’est la diversité de la création, ce qui la rend plus riche et non ce qui la ferme. Quand les fans, par le biais des fanfictions, des mashups et des remix, « élargissent » un univers ou explore des possibilités créatrices non envisagées par l’auteur, je pense que cela a une valeur, même si ces pratiques peuvent être illégales. Par contre, si des communautés tombent dans une sorte de « religiosité », avec pour conséquence de « figer » une oeuvre, alors effectivement, je pense que ce n’est pas une bonne chose.

  10. Connaissez-vous le roman Saga, de Tonino Benaquista ? C’est une fiction bien sûr, mais qui se rapproche beaucoup de ce que vous décrivez à propos de la série japonaise Neon Genesis Evangelion.
    4 scénaristes dans la dèche commencent à écrire dans l’indifférence générale (y compris celle du diffuseur) une série destinée à combler un quota de création française. Les mois passent et la série fait un carton, elle finit par être diffusée en prime time. La chaine met alors la pression pour qu’il y ait une 2è saison, tout en se préparant à virer les scénaristes pour les remplacer par des gens + politiquement corrects et professionnels. En apparence tout va bien mais en secret les 4 scénaristes préparent un dernier épisode alternatif qui empêchera toute évolution vers une saison 2. Lors de sa diffusion, l’épisode provoque des réactions exacerbées chez les fans … C’est vraiment pas mal écrit et c’est une bonne réflexion sur le rapport auteur / producteur / public.

    1. Non, je ne connaissais pas ce roman, mais c’est effectivement pile dans le sujet. Merci pour la découverte. Je vais décidément avoir pas mal de choses à lire suite à ce billet ! ;-)

  11. Merci beaucoup Calimaq pour ce billet. La réflexion qui a suivi sa lecture m’a beaucoup plus troublé que je ne l’aurai cru.

    Je réalise que je suis en profond désaccord avec la démarche de ces prétendus fans parce qu’elle apporte de fait de l’eau au moulin de la sacralisation du droit au respect de l’oeuvre, droit qui constitue pour moi (à l’exception du droit de paternité mais ce n’est pas le sujet ici) une aberration totale.

    Je m’explique.

    Tout d’abord, en revendiquant un droit au respect de l’oeuvre « originale », les fans puristes semblent réduire une œuvre à sa manifestation originelle, ou tout au moins à un certain « esprit » de l’oeuvre. C’est comme si une fois qu’une œuvre avait été divulgué et qu’une culture populaire et/ou un imaginaire collectif s’était construit dessus, il fallait la mettre sous verre et ne surtout plus y toucher.

    Je ne partage pas le sentiment des fans qui s’estiment « trahis » lorsque la suite / remix / adaptation / traduction, bref l’oeuvre dérivée ne correspond pas à ce qu’ils en attendaient. Puisqu’une œuvre dérivée est une œuvre à part entière, constitue une unité documentaire en soi avec ses propres codes, ses propres financements, ses propres tenants et aboutissants, à quoi bon la comparer à l’oeuvre dont elle s’est inspirée ? Il s’agit de deux œuvres différentes, point.

    Doit-on vraiment considérer que les différentes versions d’une œuvres appartiennent à un tout indivisible, à une sorte d’universalité de fait et que l’ensemble doit constituer un ensemble cohérent ?
    Chaque œuvre est unique et chaque auteur a parfaitement le droit de créer de créer ce qu’il veut en se basant sur ce les élements qu’il trouve pertinent.

    J’avoue ne pas comprendre les fans des Mystérieuses Cités d’Or qui souhaitent censurer (car il s’agit bien de censure) la suite de cette série. Bon, d’accord, cette suite est très mauvaise, et alors ? On l’interdit, purement et simplement ? Au nom de quoi ?

    La nouvelle saison des Mystérieuses Cités d’Or a-t-elle fait disparaître de la planète l’ensemble des exemplaires des épisodes de la première ou bien est-il toujours possible de la visionner ?

    A-t-on détruit jusque dans les mémoires des fans de cette série le moindre souvenir des épisodes originaux ? Les a-t-on privé de leur nostalgie ? S’ils n’aiment pas la suite de la série, rien ni personne ne les force à la regarder.

    Les créations humaines ne constituent pas un immense palimpseste composé de nouvelles œuvres qui font disparaître les anciennes !

    Ce phénomène d’idolâtrie d’une œuvre n’est pas nouveau. Comme indiqué dans un précédent commentaire, Conan Doyle a subit des pressions très forte pour faire « ressuciter » Sherlock Holmes car sa mort ne convenait pas aux fans.
    Sauf que Sherlock Holmes n’est pas mort, il est seulement mort dans l’unique roman où on le fait mourir. Mais le personnage est bien vivant dans les esprits. Il suffit de ne pas lire le roman où le personnage meurt pour qu’il vive encore, ou bien de dire que non, Conan Doyle s’est trompé (cela arrive aux meilleurs detectives : https://fr.wikipedia.org/wiki/Qui_a_tu%C3%A9_Roger_Ackroyd_%3F), Sherlock Holmes n’était pas vraiment mort.

    Quand bien même le personnage serait mort sous la plume de Conan Doyle, rien n’empêche un fan d’écrire un fork, une histoire parallèle où le héros ne mourrait pas et qui serait tout aussi légitime que l’original. Quand diable a-t-il été décidé que l’auteur était mieux placé que les autres pour raconter la vie et l’histoire du héros qu’il a inventé ? D’où tire-t-il donc la légitimité de dire qu’il sait mieux que les autres ce que ressent ou subit son héros.
    Il est temps de couper le cordon, ce n’est pas parce qu’un auteur a créé un personnage qu’il est le seul a pouvoir manipuler les fils de sa destinée. Une fois que le héros est né, chacun est en droit de lui attribuer les caractéristiques et lui faire accomplir les actions qu’il souhaite.

    Deux choses me dérangent profondément dans cette histoire de fans qui montent au créneau pour imposer leurs volontés aux auteurs.

    D’une part, ils entretiennent une sacralisation dogmatique et sectaire qui ne fait que déplacer le centre de gravité du droit au respect de l’oeuvre depuis l’auteur vers l’oeuvre elle-même, ou plutôt vers l’image qu’ils ont de l’oeuvre.

    Plutôt que de réclamer la fin du droit au respect de l’intégrité de l’oeuvre dont jouit l’auteur, ils cherchent à se l’arroger. Or, ce droit est un droit de censure, c’est le droit de tuer dans l’oeuf toute création dissidente qui ne se soumettrait pas à la doxa qui s’est bâtie autour de l’oeuvre.
    Il n’y a rien de glorieux dans l’intimidation d’un auteur pour qu’il ne créé pas ce qu’il a envie de créer.

    Si on écoutait ces prétendu fans, on pourrait aboutir à l’extrême inverse du cas d’Alice au pays des merveilles : au lieu de l’interdiction absolue faire référence à des éléments de l’imaginaire collectif du conte, (ie la situation actuelle https://scinfolex.wordpress.com/2013/03/17/le-monde-dystopique-doz-ou-les-avanies-du-domaine-public-sans-copyleft/), nous n’aurions le droit d’adapter Alice qu’avec une marge de manœuvre tout aussi réduite, pour ne pas trop dévier du véritable esprit qu’ont défini un certain nombre de prétendus fans.

    Demander à un auteur original d’user de son droit au respect de l’oeuvre pour empêcher une nouvelle création sous pretexte qu’elle ne respecte pas une ancienne est à on sens grave et dangereux.

    Ce positionnement amène à cautionner l’existence d’un droit de censure de l’auteur, ce droit contre-nature qui donne au créateur le droit d’empêcher les autres de créer.

    Tout le monde devrait avoir le droit de créer ce qu’il veut, pour peu que cette création ne viole pas la loi et ne porte pas préjudice à autrui. (Et « autrui » n’englobe pas un quelconque « esprit » ou une représentation psychologique collective, sinon on rétablit le délit de blasphème.)

    D’autre part, je suis agacé par l’insistance des fans à vouloir obtenir des créateurs des œuvres qui conviennent à leurs attentes. Ma propre perception de l’art (qui n’engage que moi…) me pousse à encourager les auteurs à créer, même si leur œuvre est susceptible de choquer leur public, et parfois surtout si elle est susceptible de les choquer, ou au moins de les étonner.
    L’art, ou de manière plus large la création (d’objet à usage utilitaire par exemple) a notamment pour fonction d’innover et de toujours aller au delà de ce qui est.

    Réclamer par avance d’une œuvre qu’elle corresponde à des attentes précises ou qu’elles respecte des exigences prédéfinies revient à instaurer une sorte de mécénat, un régime de création ou les œuvres ne seraient plus que des produits destinées à satisfaire la demande de leur commanditaire.

    Je pense au contraire qu’il est souhaitable que les auteurs (amateurs comme professionnels, apocryphes comme officiels) ressente et assume une certaine liberté par rapport à leur public, la liberté de répondre à leurs attentes mais aussi celle des les décevoir, de les fidéliser, de les trahir, de les choquer, de les conforter… Réduire le rôle d’artiste à la satisfaction du public serait une évolution bien funeste pour la société et les cultures qui s’y rattachent.

    Pour conclure, je ne suis pas à l’aise avec la citation de Lechapelier. Plus précisément, je ne suis pas d’accord avec lui quand il dit qu’une œuvre appartient à son public. Pour moi, une œuvre n’appartient pas plus à un public, pas plus qu’à son auteur.

    La transmission de la propriété d’une œuvre depuis son auteur vers son public me fait penser à la transmission de la propriété d’une femme que son père donnait jadis à un mari.

    Non, une fois que l’oeuvre est libre (entrée à sa majorité, trop tardive, dans le domaine public), elle n’appartient ni à son père-auteur, ni à son époux-public. Elle est une entité indépendante dont chacun est libre de s’inspirer pour lui-même donner lui-même vie à d’autres œuvres. Mais personne, ni l’auteur ni le public ne devrait avoir le droit d’imposer des oeillères aux autres créateurs et entraver ainsi leur potentiel créatif.

    1. Merci pour ce long commentaire.

      Dans ce billet, je décris un phénomène de montée en puissance du public, qui me paraît indéniable et qui participe d’une évolution de la conception de la Culture, largement induite par le numérique. L’exemple de Sherlock Holmes montre que ce n’est pas un phénomène nouveau, mais le numérique facilite sans aucun doute la formation de communautés structurées et actives autour d’oeuvres ou d’univers. Personnellement, je trouve ce mouvement positif, notamment parce que c’est au sein de ces communautés que beaucoup de créateurs font leurs premiers pas, d’abord sous l’aile d’un univers qui leur plaît et les passionnent, pour ensuite se lancer dans leurs créations propres. Du coup, le fonctionnement de ces communautés et leur rapport à la « culture » est important à observer, car il conditionne une part importante de la production culturelle aujourd’hui. Or ce rapport conflictuel entre les fans et les auteurs est un trait caractéristique et je trouve significatif que les fans fassent référence parfois au paradigme du droit pour appuyer la légitimité de leurs revendications.

      Sur le fond de tes remarques maintenant, je ne suis pas exactement d’accord, même si je suis comme toi extrêmement dubitatif quant au droit moral (surtout dans sa composante droit à l’intégrité de l’oeuvre, le reste me paraissant plus légitime – paternité et droit de divulgation. Je ne parle pas du délirant droit de repentir, donc la fonction réelle n’est qu’idéologique).

      Je ne pense pas notamment que « tout se vaut », c’est-à-dire que toutes les versions possibles d’une même oeuvre se valent. Par exemple, il est indéniable que les ajouts grotesques opérés par Lucas dans les rééditions de Star Wars « diminuent » l’oeuvre originale. Elles ont été dictées par des considérations moralisantes ou mercantiles et je trouve absolument normal que les fans de cet univers s’en soient plaints. D’ailleurs, la conséquence, c’est que Disney, qui a racheté les droits sur Star Wars, ne peut plus actuellement ne pas tenir compte de cette vigilance des fans, très échaudés par la nouvelle trilogie, et sans doute, cette exigence aura pour effet de produire de nouveaux films de meilleure qualité.

      Là où je suis en désaccord avec toi, c’est que tu oublies que dans cette histoire, il y a des forts et des faibles. Les titulaires de droits sont du côté « fort » : ils ont le droit avec eux. Leurs versions sont marquées du sceau de la légalité et elles peuvent bénéficier de puissants réseaux de distribution. Qu’est-ce qui est plus puissant dans l’imaginaire collectif ? Blanche Neige de Perrault ou Blanche Neige vu par Disney ? C’est évidemment la seconde version qui a marqué les esprit, à cause de la puissance culturelle de la firme Disney. Cela veut dire que cette force de frappe des titulaires peut leur permettre de façonner l’imaginaire collectif, si on les laisse faire sans contrepoids. C’est un pouvoir redoutable et il me paraît sain qu’il y ait des contre-pouvoirs.

      Si cette culture « officielle », souvent gouvernée par des considérations qui sont tout sauf artistiques, produit des versions « formatées », amputant les oeuvres de ce qu’elles ont de meilleur, je trouve positif que les fans puissent réagir et le faire savoir. Comme je le dis en conclusion, cela constitue une forme de dialectique qui joue un rôle régulateur, à mon sens bénéfique pour tout l’écosystème de la création.

      De l’autre côté, les versions produites par le fans sont du côté « faible ». Elles sont le plus souvent marquées du sceau de l’illégalité et elles bénéficient de canaux de diffusion plus confidentiels. Si les usages transformatifs étaient légalisés, il en serait peut-être un peu autrement, mais ce n’est pas le cas actuellement.

      Bref, je pense que tu as une vision trop négative de l’apport de ces communautés de fans, alors que je pense que leur apport peut être utile au système, même s’il peut y avoir des dérapages et des excès. Et je persiste à penser que quelque part, elles peuvent parfois être de meilleurs gardiens de « l’esprit » d’une oeuvre que ne le sont les créateurs eux-mêmes.

      Mais le point de désaccord majeur entre nous, c’est que je ne pense pas que l’on puisse faire fi comme ça de la « qualité » dans la création et je ne pense pas que « tout se vaut ».

      Il faut bien que dans un système culturel, même libre, des mécanismes interviennent pour critiquer les créations et manifester des désaccords.

      Là où je te rejoindrais, c’est pour dire que ce n’est pas parce qu’une version porte atteinte à « l’intégrité » d’une oeuvre qu’il faut qu’elle soit illégale.

      Mais débarrassé de cet effet légal qui confine souvent à de la censure, je ne jetterais pas complètement ce concept « d’intégrité » de l’oeuvre, au moins pour garder la dimension « d’honnêteté » qu’il comporte.

      1. En fait, en l’état actuel des choses, si on prend en compte la réalité économique et juridique des choses, je suis d’accord avec toi. Il y a bien une injustice sociale entre les « forts » et les « faibles », ceux qui détiennent le droit et les moyens de faire des remix et des modifications et les autres qui doivent se contenter passivement d’avaler la soupe qu’on leur sert.

        Mais ma réflexion est bien plus abstraite, je raisonne suivant un modèle (utopique ?) de création dans lequel chacun aurait le droit de produire des oeuvres dérivées, où le fan de Star Wars et Georges Lucas seraient tous deux sur un pied d’égalité juridique à défaut d’être économique.

        Je ne suis pas a priori contre cette « lutte des classes » entre le créateur original et les fans qui se réapproprient les oeuvres, je pense que le conflit culturel entre des visions divergentes (romantique et mercantile par exemple) est sain dans la mesure où comme tu le soulignes, il provoque une dialectique créatrice.

        Ce contre quoi je m’insurge est l’invocation par les fans eux-mêmes d’un droit inique, celui de censurer une création qui ne leur plaît pas. Rien ne justifie la censure, même la mauvaise qualité a droit de cité sur Internet ou ailleurs. C’est un des fondements de notre droit d’auteur : l’indifférence de la qualité.
        Mon discours est d’un libéralisme assumé, j’ai été très influencé par ce billet de Maître Eolas qui se fait l’avocat de la liberté d’expression en défendant une oeuvre de mauavaise qualité : http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/07/21/Quelques-mots-sur-l-affaire-Orelsan

        Le paradigme libéral que j’adopte me pousse à encourager avant tout la destruction du monopole de création que détient l’auteur original sur son oeuvre. Le problème avec Star Wars et Disney ne sont pas à mon avis qu’ils puissent créer de la piètre qualité à partir des oeuvres originales mais qu’ils aient un pouvoir d’embargo qui empêchent les autres de faire mieux qu’eux.
        Si les droits des Mystérieuses Cités d’Or appartenaient à tous, la saison 2 ne poserait pas tant de problème puisque tout un chacun pourrait éditer sa propre saison 2 de meilleure qualité en respectant les dogmes réclamés par la communauté.

        Je pense que les fans qui réclament à l’auteur de respecter la culture fan ou d’empêcher le nouvel ayant-droit de le faire se trompent lourdement de combat. Ils encouragent un régime juridique où l’auteur est le patriache tout-puissant et détient le sort de son oeuvre.
        Ils devraient au contraire plaider pour un affranchissement de l’oeuvre par rapport à ses origines.

        Il est très problématique de leur part d’invoquer un paradigme injuste du droit (le droit de respect à l’intégrité) pour arriver à leurs fins. Ils légitiment une vision monopolistique suivant laquelle l’auteur est le meilleur juge pour donner le droit de faire et de défaire à partir de son oeuvre.

        Enfin, je ne pense pas que toutes les créations se valent, loin de là, en revanche, je suis convaincu que toutes les créations ont le droit d’exister. C’est tout à fait différent. Il ne s’agit pas de niveler par le bas la création mais de ne lui imposer aucun frein juridique a priori. Plusieurs autres freins existes pour distinguer le bon grain de l’ivraie : l’économie, la technologie, l’attention (surtout sur Internet), la mémoire… Autant de régulateurs qui participent d’une sélection naturelle de la qualité des oeuvres.

        Mais j’insiste encore, LE problème n’est pas que les auteurs et les ayant-droits aient la capacité de créer de la médiocrité et de dévoyer une oeuvre mais bien que les autres n’aient pas ce droit de créer de la qualité et de participer à la culture et à l’esprit commun.

        Mon propose est exactement le même que quand je critiquais les accords de la BnF, http://salebeno.wordpress.com/2013/01/28/la-restriction-du-domaine-public-par-la-bnf-une-strategie-absurde-et-improductive/ : ce n’est pas en restreignant les usages à coups de monopoles et d’embargos qu’on crée de la richesse mais au contraire en permettant au plus grand nombre de modifier, de remixer, de dériver afin de constituer une nouvelle Bibliothèque de Babel.
        Dans cette Bibliothèque, on trouvera certes de la médiocrité, mais c’est un juste prix à payer pour faire émerger une qualité totalement inédite.

        Bref, une régulation de la qualité des oeuvres, oui. Mais celle-ci ne doit pas être juridique (indifférence de la qualité…). Elle doit être éthique, économique, technologique, cognitive, et bien sûr, comme c’est le cas pour Star Wars, polémique.

        1. Nous sommes donc sur l’essentiel d’accord, car je pense aussi que le vrai combat, c’est avant tout celui pour la légalisation des usages transformatifs.

          Étrangement d’ailleurs, c’est un combat qui n’est pas forcément assumé comme tel par les communautés de fans se livrant à la pratique des fanfictions, justement parce qu’elles sont assez imprégnées paradoxalement d’une certaine vision de « l’auteur » qu’elles ont tendance à aduler.

          Ce serait pourtant un gros enjeu d’amener ces amateurs à soutenir des projets de droit aux usages transformatifs.

          1. Oui, c’est assez regrettable que les fans n’arrivent pas à s’affranchir d’un système où l’auteur garde la légitimité « officielle » pour décider du sort de son oeuvre. Quoique cette incapacité à « tuer le père » n’est pas très étonnante de la part des fans de Star Wars. :-)

      2. « Et je persiste à penser que quelque part, elles peuvent parfois être de meilleurs gardiens de « l’esprit » d’une oeuvre que ne le sont les créateurs eux-mêmes. »

        Oui, mais justement, est-ce qu’être gardien de la lettre n’est pas au fond plus important ? Autant il me paraît légitime de se battre pour qu’on n’amende pas le passé, autant je trouve pernicieux de vouloir imposer une sorte de lecture canonique qui déterminerait a priori les marges dans lesquels une œuvre pourra se prolonger. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir les contre-sens assez généraux qui peuvent être faits sur des films comme Scarface, Full Metal Jacket, ou Apocalypse Now.

        Je pense en effet que le problème se situe plus au niveau de la communauté des références que des lectures. Apocalypse Now offre d’ailleurs une belle illustration de cette importance de la lettre, car quelqu’un qui le découvrira aujourd’hui a de grandes chances de le voir dans sa version « redux », qui est complètement déséquilibrée et affadie par rapport à celle que je connais (et pourtant, n’a été ajouté que du matériel d’époque). On ne pourra donc pas discuter du même film dans lequel Willard (le narrateur, je rappelle) est pour moi complétement habité (voire hanté) par sa mission, alors que maintenant c’est un gros déconneur qui pique des planches de surf et négocie des parties de jambes en l’air pour ses coéquipiers. Dans ces conditions, c’est la possibilité même de confronter des lectures qui est mise à mal.

        Il y a au passage un bon épisode de South Park sur ce phénomène d’atteinte à la mémoire collective, qui veut que le nouveau soit toujours mieux que l’ancien parce que c’est nouveau donc c’est bien mieux puisque… bin c’est nouveau, quoi ! Il s’appelle Free Hat (Bérets Gratos en français — chapeau aux doubleurs pour avoir rendu l’ambiguïté du titre original) et doit être aisément trouvable sur le Net.

  12. Je voulais juste signaler que comme le dit l’article fr.wikipedia à propos de « Les Mystérieuses cité d’or » : « C’est une adaptation très libre du roman The King’s Fifth (La route de l’or) de Scott O’Dell, fiction historique mettant en scène la découverte de l’Amérique. »

    Qu’ensuite ayant été fan dans mon enfance de cette série, j’ai voulu la revoir, et ai été surpris par la niaiserie complète de la série. Contre-sens et incohérences dans un même épisode, mauvaise qualité des doublages (mais c’est un grand classique en France), infantilisation et intriques réchauffées, du même acabit qu’un film d’Hollywood.

    La société de production française (enfin luxembourgeoise, le pays de la finance pas trop transparente) D.I.C., dirigée par le bien français Jean Chalopain, qui avait co-produit la version originale est également responsable d’une autre adaptation qui à fait bondir les admirateurs des grand classiques. Ulysse 31, adaptation libre de l’Odysée d’Homère.

    Votre article n’en reste pas moins, et comme d’habitude, très intéressant sur le fond, merci pour vos publications édifiantes.

    1. Oublié de dire (puisqu’on parle du doublage), que, toujours sur le même thème, une partie des grands fans de série animées japonaises ou en prise de vue réelle états-unienne, supportant généralement mal les doublages, tenant au respect du droit moral des comédiens, et étant pressé de voir les autres épisodes, font ce que l’on appelle le « fan-sub », sous-titr(ag)e de fan. Dans la pratique, ces sous titres peuvent être accolés a des versions originales importées sur disques ou par internet.

    2. C’est étrange, parce que je garde au contraire un souvenir ému d’Ulysse 31, qui me paraît comme une exemple intéressant de réinterprétation créative d’une oeuvre du domaine public. Mais il est vrai que je n’ai pas revu d’épisodes depuis bien des années et que j’aurais peut-être une mauvaise surprise en m’y replongeant.

      Un autre exemple me vient à l’esprit dans les séries de ces années-là : celui de Ken le survivant. L’adaptation française était assez éloignée de l’original (notamment coupure des scènes les plus sanglantes, afin d’éviter d’être interdite), mais les doublages français quasi absurdes apportaient une dimension comique finalement assez intéressante, comparé à l’original.

      On a donc là un cas étrange où l’adaptation à la fois « dénature » d’une certaine façon l’original, mais d’un autre côté, lui apporte des modifications intéressantes…

  13. J’ai comme la désagréable impression que les lanceurs de cette pétition, pour une cause qu’on peut estimer juste, sont cependant en train de réécrire l’Histoire sur des fondements aberrants : les Japonais seraient les seuls vrais auteurs de la série d’origine, le producteur Jean Chalopin serait juste venu mettre quelques billes dans la coproduction, et s’arrogerait aujourd’hui le droit illégitime de faire une suite minable.
    Alors oui, les MCO 1 sont une coproduction franco-japonaise, avec financement majoritairement japonais, comme le projet d’origine qui devait être initialement purement nippon, on est d’accord. Mais de là à nier la contribution de l’équipe française chez DIC, notamment Bernard Deyriès qui a remanié en profondeur les mecha- et chara-designs de l’équipe nippone (pour le mieux la plupart du temps), c’est un peu fort de café ! Sans DIC, vous auriez vu un anime peut-être sympa également, mais qui serait fort différent de ce qu’on a connu. Et la fabuleuse bande-son de Shuki Levy, vous pouviez vous asseoir dessus !
    Pour ce qui est de la deuxième série, Chalopin et Deyriès semblent encore impliqués, et j’ignore leur part de contrôle dans le processus créatif, et donc leur responsabilité dans ses travers. Mais je vois mal quelqu’un comme Deyriès accepter de bonne grâce d’infantiliser ce qui fut un de ses plus beaux fleurons dans l’animation. Et je vois encore moins en quoi « rendre la série » aux seuls auteurs japonais serait une garantie de recouvrer son alchimie subtile, alchimie résultant d’un long et patient travail de coproduction justement !

    1. Vous avez sans doute raison. Néanmoins il semble que Jean Chalopin a vendu les droits qu’il avait sur la série au studio Blue Spirit et n’a conservé qu’un rôle de consultant pour les Mystérieuses Cités d’Or 2 http://quebec.huffingtonpost.ca/laurette-flachat/les-mysterieuses-cites-d-or-2-sont-trop-edulcorees_b_2933161.html

      Du coup, le « final cut » (mot final) appartient bien à TF1 et l’article que j’ai mis en lien ci-dessus n’est pas tendre avec la chaîne :

      Jean Chalopin aurait dû conserver un droit de veto total sur l’ensemble de la nouvelle saison. Au lieu de cela, il n’a eu qu’un rôle de consultant et le « final cut » artistique a été détenu par TF1.

      Faute grave quant on sait que cette chaîne est probablement la seule au monde à avoir une psychologue au sein de son unité Jeunesse. Papesse indétrônable, sa tâche consiste à positiver et transformer en guimauve tout ce qu’elle touche. Et malheureusement, la nouvelle saison des Cités d’Or est passée entre ses mains!!!

      J’aurais tendance à dire que l’appel aux auteurs japonais ne garantit pas qu’ils soient de meilleurs « gardiens » de l’esprit de la série que Chalopin. Ils doivent être liés eux-aussi par contrats avec des studios et n’ont sans doute pas toute la marge de manoeuvre pour s’insurger, quand bien même ils voudraient le faire. Et comme vous le dites, cette dimension de coopération franco-japonaise était un ingrédient essentiel dans la réussite de la première saison.

      Du coup, il me semble que les fans devraient plutôt compter sur eux-mêmes pour défendre leur vision de la série, plutôt que d’essayer de faire appel à un hypothétique « créateur original » qui serait plus proche de l’esprit de l’oeuvre.

  14. Il me semble que le dernier livre de la série tru blood a fait durement réagir les fans quant au choix amoureux de l’héroïne…
    Sinon, ce que j’en pense, c’est que quand le créateur crée, il a tout les droits. Mais quand l’œuvre est diffusée elle appartient a ceux qui s’en saisissent. (Je parle pas d’argent ou de droit mais de manière philosophique).
    C’est autre chose quand la création est faite au fur et a mesure et en fonction de la réception du public comme la série lost, dans ce cas, ce n’est pas un artiste qui crée librement dans son coin mais plus un produit qui se doit de coller au public, être bancable.
    Dernier point, Cervantes a fait un 2ème tome de Don Quichotte pour faire cesser les auteurs qui lui piquaient son personnage… Alors Cervantes a tué Don Quichotte pour stopper les contrefaçons du 17eme siècle.

    1. Oui, merci beaucoup. L’exemple de Cervantès est excellent. Il faut savoir d’ailleurs que la mort de Don Quichotte n’a pas empêché que d’autres publient des suites de ses aventures. J’avais déjà parlé de Cervantès et Don Quichotte sur S.I.Lex et c’est sans doute l’une des oeuvres les plus inspirantes sur le processus de création https://scinfolex.wordpress.com/2009/04/24/paradoxale-journee-du-livre-et-du-droit-dauteur-avec-shakespeare-et-cervantes/

  15. Bonjour !

    « si vous connaissez d’autres cas emblématiques de conflits entre des créateurs et leur public à propos de l’intégrité de l’oeuvre, merci d’avance de les indiquer en commentaire !  »
    Dans le domaine des jeux vidéos, cette problématique commence aussi à prendre de l’ampleur.
    Je vous conseille de vous renseignez sur l’affaire « Mass Effect 3 ». Ce jeu est le dernier d’une trilogie de jeu de rôle de science-fiction et signe donc la fin de l’histoire. Une fin que beaucoup de joueurs ont trouvé décevante et mal écrite. Ils ont donc réclamé à corps et à cri des explications aux développeurs et/ou la sortie d’une mise à jour du jeu annulant cette fin pour en proposer une qui leur plaise plus.

    Personnellement, je trouve cette tendance du public à estimer qu’il ait de quelconques droits sur l’oeuvre qu’il consomme extrêmement dérangeante. Principalement sur deux points, plus ou moins liés. Le premier d’entre eux, c’est juste le fait que l’auteur est maître de son oeuvre. Qu’elle soit mauvaise ou non, il a réfléchit à son déroulement, à son scénario et a décidé de lui faire prendre telle ou telle direction. En tant que public, nous sommes en droit de ne pas être d’accord avec cette direction. Mais rien ne nous permets, à mes yeux, d’exiger que l’auteur revoit sa copie pour nous fournir quelque chose qui nous plairait plus, ou même d’exiger quoi que ce soit à l’auteur. Si ça ne nous plait pas, tant pis. Il existe des tas d’autres oeuvres culturelles qui nous plairont certainement.
    L’autre point découle directement des cas dans lesquels les auteurs ont « cédés » à la pression du public. Et le fait même qu’ils cèdent me fait peur pour la diversité où la qualité des oeuvres à long terme. Combien d’auteurs/créateurs auront cette volonté d’éviter toute esclandre avec le public et donc d’écrire des histoires formatées pour fonctionner et ne procurer aucune frustration au dit public ?

  16. Merci pour cette excellent article qui traduit mon sentiment sur un phénomène qui, s’il n’est pas nouveau, c’est amplifié avec internet.
    Les cas sont bien choisis, car très différent. Celui des mystérieuses cité d’or est un cas de plus en plus fréquent: Aseptiser une œuvre pour mieux l’adapté aux codes actuelles. Cela se fait couramment au cinéma et rare sont les fans qui acquiescent (Le nombre de reboot, de remake, etc… En exemple récent, Robocop, moqué avant même sa sortie).

    Le cas de Game of Thrones est différent, puisqu’il y a deux communautés de fans, ceux des livres et ceux de la série apparu plus tard (étant entendu qu’on peut être les deux à la fois). Il parait donc difficile d’accorder un droit moral à une communauté quand l’autre n’a pas le même point de vue (Surtout que les déçus du « Red Wedding » ne sont à mon avis pas les plus nombreux). Ça touche ici amha au coeur du problème, comment accorder à cette masse informe qu’est le public, un droit moral? C’est à celui qui criera le plus fort?

  17. Régulièrement, les suites de films font grincer les dents des fans :
    – Les dents de la mer 4 la revanche
    – Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal
    – Die Hard 4 retour en enfer
    – Terminator 3 le soulèvement des machines
    – Police Academy 7
    – Le Projet Blair Witch 2 : le livre des ombres
    – Matrix Revolutions
    – Grease 2
    – Crocodile Dundee à Los Angeles
    – Dare Devil 1
    – …

  18. Les MCO, sont quand même un cas à part, un nouveau revirement fait bouger les fan depuis le 11 Ocobre….M. Kanelo, a répondu à la pétition, et apparemment, il n’aurait pas été consulté …en voici le lien : http://www.eliosden.net/phpBB/viewtopic.php?f=25&t=445

    Maintenant les fans jouent sur deux front.
    – Le 1er comme vous l’avez bien dit, c’est la défense du droit moral, de la continuité non respecté, les modifications de personnages, l’infantilisations etc..
    – Le 2 second (qui fait quand même réfléchir sur ce qui se passe), c’est la colère vis à vie des multiples mensonges que la production de TF1, publicité faussement pour les anciens fans avant la diffusion des 1er épisodes, les fausses excuse sur la musique, le changement de caractère (qui bien-sure avait été nier au départ),…est maintenant les fans découvre que la production à même mentis sur une correspondance avec le créateur des Mystérieuses cité d’or.

    Cette accumulation de mensonge et de mauvaise fois en fait quand même une affaire a part.

    1. Merci beaucoup pour cette information. C’est en effet un rebondissement surprenant et cela confirme ce que j’essayais de montrer dans ce billet, à savoir que le public en l’occurrence s’est fait le défenseur du droit moral sur l’oeuvre. Il sera très intéressant de voir les suites qui seront apportées.

      1. En relisant tout, j’ai vue qu’il était effectivement conseil (donc pas de mensonge la dessus)…Il avait donné un scénario à lui, qui a apparemment été jeté à la poubelle, par la suite il n’a plus été consulter .

        Jusqu’à ce que les fans s’en plaigne il indique bien dans sa lettre qu’il n’avait aucune idée du résultat de TF1, il ne savait pas ce que la série donner, ni quel direction avait pris la chaîne, donc, le reste de l’argument « nous entretenons une correspondance » ou « il a exprimé sa fierté pour notre travail »…et totalement faut.
        Et d’ailleurs se dernier argument est totalement irrespectueux envers le créateur et ses fans…comment peut-on mentir à ce point ???

        Cette façon de faire TF1 me fait un peu pensée à ce qu’on dit de Louis XIV…il a des conseiller, mais décide tout, tout seul. Sans forcement tenir compte des conseils.

        Je me demande, puisque officiellement a quand même été conseiller…Est ce que de façon juridique le papier compte plus que les faits ??

        Et puis, bien qu’il soit le créateur, il n’a plus les droits d’auteurs…donc comme les fans, il se retrouve face à la dictature TF1.

        Est ce que dans le système juridique actuelle…des fans, et un créateur qui ne possèdent plus de droit sur son oeuvre, on l’espoir de se faire entendre ?? C’est pas comme si TF1 été une petite chaîne locale.

        La morale, et les paroles immatériel (bien que internet sois génial quand il s’agit de prouver mensonges et mauvaises fois), peuvent-ils penser sur un statut qui a été rédiger sur un papier officiel ? Après tout ça été partiellement respecter…juste assez pour être légal il me semble, et ne pas être embêter par ça, non ??

        1. Un projet de film de cinéma a été annoncé sur les Mystérieuses Cités d’Or,
          Il reprend la légitimité des fans, leur écoute à travers le crowdfunding que vous évoquez.
          Le rapport est inversé : le projet est ouvert. Les fans sont associés avant la pré production, et le projet du film inclue une dimension participative (pas que financière mais un « comité de fans » qui sera consulté et pourra se faire entendre).

          Tout passe par la plateforme fansfunding.com qui fédère les fans.

          1. De plus en plus intéressant. Les Mystérieuses Cités d’Or sont décidément un cas d’école particulièrement stimulant. Merci pour l’info !

  19. Bonjour
    J’ai un projet commercial avec ce thème
    J’aurais voulu savoir à qui m’adresser pour pouvoir utiliser la musique et les images du générique légalement ??? Qui ont les droits sur cette oeuvre ?
    Je parle bien entendu de la première version pas de la nouvelle
    Merci d’avance

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