Valve et le casse-tête de la monétisation des usages transformatifs

Il s’est produit au début du mois des événements intéressants sur Steam, la plateforme de distribution de jeux vidéo de la société Valve. Cette dernière a en effet tenté de mettre en place un système de vente des « mods », ces modifications de jeux originaux développés par des fans. A côté du mashup, du remix ou des fanfictions, les mods constituent un autre exemple d’usages transformatifs des oeuvres. Ils occupent une place non négligeable dans l’univers du jeu vidéo, au point d’obliger souvent les industriels du secteur à se positionner sur la question.

En ce moment, on assiste par exemple à une explosion des mods proposés pour Grand Theft Auto V, suite à l’arrivée de la version PC du jeu. Si vous voulez que votre personnage devienne un animal, qu’il soit capable de voler dans les airs comme Superman ou que les armes se mettent à tirer des voitures (si,si…), vous trouverez certainement un mod qui vous permettra de le faire !

Entre interdiction en droit et tolérance de fait

Le problème évidemment, c’est que comme pour tous les usages transformatifs, la pratique du modding soulève des problèmes de respect du droit d’auteur, car elle touche à l’intégrité des oeuvres que sont les jeux vidéo. Pour GTA V par exemple, un nombre important de joueurs utilisant des mods dans le jeu en ligne ont récemment été bannis, déclenchant au passage une vague de protestations. A tel point que Rockstar, l’éditeur de ce jeu, a été obligé de préciser publiquement sa politique concernant les mods, en indiquant qu’il ne s’opposait pas à ce que des moddeurs proposent des modifications, y compris les plus délirantes, tant que leur usage restait limité au mode hors ligne du jeu.

En dépit de ce que dit le droit d’auteur, un éditeur comme Rockstar est donc obligé de tenir compte des pratiques de la communauté des joueurs et il peut même trouver son compte à se montrer tolérant. Un certain nombre d’observateurs ont en effet fait remarquer que la longévité commerciale de GTA IV, la précédente version du jeu, a été significativement prolongée par la multiplication des mods qui ont permis aux joueurs d’avoir accès à une expérience de jeu plus riche. Pour autant, les politiques des éditeurs varient beaucoup en la matière. Mojang par exemple, la société qui développe Minecraft, a de son côté récemment rappelé qu’elle ne soutenait pas le développement de mods, quand bien même ils sont extrêmement nombreux à être proposés par des fans et font partie intégrante de l’univers Minecraft.

Le fiasco des mods payants pour Skyrim

C’est donc dans ce contexte complexe que Valve a tenté une expérience pour essayer de trouver une nouvelle forme de compromis avec le public. La société a proposé aux moddeurs de bénéficier d’un magasin sur la plateforme Steam pour vendre leurs modifications du jeu Skyrim, en accord avec son éditeur Bethesda. Une forte communauté de moddeurs existait en effet déjà depuis plusieurs années autour de Skyrim et Valve affichait son intention de leur offrir une possibilité de monétiser légalement leurs créations.

Rapidement pourtant, cette initiative a soulevé une énorme vague de protestations parmi les joueurs. Les conditions du partenariat ont été dénoncées, car si les développeurs étaient libres de fixer le prix de leurs mods, ils ne conservaient au final que 25% des sommes payées par les utilisateurs de Steam. Les 75% restant étaient conservés par Valve, avec une part reversée à l’éditeur de Skyrim pour honorer leur accord contractuel. Les opposants craignaient aussi que ces mods « officiels » soient accompagnés de DRM ou que des verrous soient déployés pour entraver la production de modifications ne passant pas par ce canal autorisé.

Mais plus largement, une partie importante du public s’est manifestée pour s’opposer au principe même de la monétisation des mods. Une pétition lancée sur Change.org a recueilli plus de 130 000 signatures pour réclamer un retour à la gratuité :

Mods should be a free creation. Creations made by people who wish to add to the game so others can also enjoy said creation with the game.

Capture d’écran 2015-05-14 à 16.07.17

Au final, Valve a été assailli d’une telle tempête de commentaires négatifs, que la firme a perdu un million de dollars, rien que pour essayer de gérer cette crise ! Et à peine une semaine après les premières annonces, le magasin de mods payants pour Skyrim a été retiré, après que Valve ait platement présenté ses excuses aux utilisateurs de Steam…

Des pratiques ancrées dans la sphère non-marchande

Ces turbulences sont intéressantes, parce qu’elles montrent la difficulté à trouver un compromis acceptable pour la monétisation des pratiques transformatives que constituent les mods. Pourtant, Valve proposait déjà sur sa plateforme Steam un « Workshop » où les développeurs peuvent vendre des modifications pour les jeux « maison » de la société (Team Fortress 2, Counter Strike, DOTA 2) en appliquant un taux de commission identique de 75%.

Le problème avec Skyrim, c’est que Valve s’est heurté à une communauté qui a développé ses propres règles en matière de mods. Notamment les joueurs ont fini par intérioriser le fait que les mods sont tolérés, tant que les personnes qui les produisent ne cherchent pas à en faire de l’argent. Cette limitation est en réalité une manière d’essayer de trouver un mode de coexistence avec les titulaires de droits. Mais c’est aussi devenu une composante de « l’éthique » des développeurs de mods.

Manifestation virtuelle contre les mods payants.

Et étrangement ici, alors que l’éditeur Bethesda était d’accord avec le partenariat proposé par Steam, le magasin de mods payants est apparu comme contraire à cette éthique. Le succès rencontré par la pétition sur Change.org montre que la communauté des joueurs est fortement attachée à ce que la pratique des mods reste dans une sphère non-marchande.

Pour autant, le consensus autour de cet équilibre n’est pas unanime. Certains producteurs de mods se sont en effet exprimés pour dire qu’ils étaient déçus par ce retour en arrière de Valve, car le partenariat leur aurait permis de trouver des revenus pour dégager le temps nécessaire à la production de mods de meilleure qualité.

John Romero, l’un des créateurs de Doom, a lui aussi pris la parole pour rappeler que cette question de la rémunération des créateurs de mods se pose en réalité depuis les années 90 :

J’ai toujours pensé que les créateurs de mods devraient pouvoir dégager de l’argent de leurs créations. En 1995, pendant que nous étions en train de faire Quake, nous avions réfléchi à créer une société appelée id Net. Cette société aurait été un portail que les joueurs auraient utilisé pour se connecter et jouer aux créations des modders. Il était question qu’il s’agisse d’un site avec un vrai aspect éditorial, les niveaux et les mods choisis par nous, à id. Et si nous mettions votre contenu sur notre réseau, nous vous payerions une somme en fonction du trafic qu’il aurait généré sur le site.

Valve essaie à présent de trouver un nouveau compromis en mettant en place un bouton de dons, afin que les utilisateurs puissent donner ce qu’ils veulent aux développeurs. Cela éviterait en effet d’imposer une monétisation directe des contenus, tout en laissant la possibilité de constituer une économie des usages transformatifs.

Le précédent des FanFictions sur Kindle Worlds 

La question de la monétisation des usages transformatifs déborde en fait largement le domaine des mods pour jeux vidéo. Elle s’est posée par exemple également à propos des fanfictions.

Dans le cadre d’une démarche assez similaire à celle de Valve, Amazon a cherché une manière de pouvoir vendre légalement ces histoires écrites par des amateurs dans le prolongement d’oeuvres préexistantes. C’est ce qui a donné naissance en 2013 à la plateforme Kindle Worlds, sur laquelle Amazon propose aux fans de venir écrire et commercialiser leurs créations en pouvant légalement s’inscrire dans des « univers » pour lesquels la firme de Jeff Bezos a obtenu une licence de la part des titulaires de droits. Il est ainsi possible à présent d’écrire de nouvelles histoires pour Vampire Diaries ou Gossip Girls, en toute légalité, mais à la condition de vendre ensuite ces productions via Amazon en acceptant ses conditions contractuelles (de 20 à 35% des revenus pour l’auteur en fonction de la longueur des histoires).

Là aussi, on remarquera que le lancement de cette formule a suscité un débat houleux au sein des communautés qui écrivent des fanfictions. En effet dans ce domaine des pratiques transformatives, on retrouve également la règle – fortement intériorisée par les fans – que ces créations dérivées sont acceptables, mais seulement tant qu’on ne cherche pas à en faire de l’argent. C’est également cette convention qui a permis de trouver un équilibre avec certains auteurs renommés, comme J.K. Rowling qui encourage explicitement les fanfictions non-commerciales écrites dans l’univers d’Harry Potter.

D’ailleurs, la plateforme Kindle Worlds, alors même qu’elle offre depuis deux ans des possibilités de nouveaux revenus pour les auteurs amateurs n’a pas vraiment rencontré le succès escompté. C’est la preuve qu’il n’est pas si simple de faire migrer des pratiques ayant cours dans la sphère non-marchande vers la sphère marchande. Contrairement à une idée largement répandue, l’incitation à créer n’est pas toujours liée au gain financier…

Les vidéos des Youtubeurs et les revenus publicitaires

YouTube est également un autre exemple intéressant de lieu où les producteurs de contenus essaient de mettre en place des solutions pour monétiser les pratiques transformatives. Les conventions ne sont pas exactement les mêmes sur YouTube que celles que l’on rencontre en matière de mods ou de fanfictions. Il est admis notamment par le public que les « Youtubeurs » spécialisés dans les jeux vidéo proposent des contenus en se rémunérant par le biais de la publicité. On reste donc bien dans un accès gratuit pour le public, mais on n’est plus à proprement parler dans la sphère non-marchande à cause du rôle joué par la plateforme YouTube.

Certains éditeurs de jeux tolèrent ces pratiques, en considérant que les YouTubeurs font de la promotion indirecte pour leurs produits et contribuent à fédérer des communautés d’utilisateurs. Mais d’autres commencent à essayer de chercher un retour financier pour ce qu’ils considèrent comme une forme d’exploitation de leurs productions.

Depuis le début de l’année, Nintendo a par exemple lancé un « Creator’s Program » par le biais duquel cet éditeur japonais entend imposer aux YouTubeurs de passer par un système d’affiliation pour pouvoir réutiliser ses contenus dans leurs vidéos. Ce dispositif prévoit que 40% des recettes publicitaires seront reversées à Nintendo. La mise en place du programme a été très fraîchement accueillie par la communauté du jeu vidéo et certains YouTubeurs ont même choisi de boycotter dorénavant purement et simplement les produits de Nintendo.

Un exemple de réaction négative à l’annonce du Creator’s Program de Nintendo.

***

Au final, si l’on observe ce qui se passe sur Steam, sur Kindle Worlds ou sur YouTube, on constate que cette question de la monétisation des usages transformatifs s’avère un véritable casse-tête, mais qu’elle intéresse manifestement de plus en plus les grandes plateformes.

L’irruption d’un modèle commercial provoque souvent une réaction de rejet de la part des créateurs d’oeuvres transformatives et du public, parce qu’elle a pour effet de faire migrer brutalement des pratiques s’exerçant dans la sphère non-marchande vers la sphère marchande. Pour autant, les oeuvres transformatives ne sont pas seulement produites par des amateurs souhaitant le rester. Un nombre significatif de développeurs de mods, d’auteurs de fanfictions ou de vidéastes sur YouTube voudraient évoluer vers une forme de professionalisation, en dégageant des revenus suffisants pour leur permettre de créer dans de meilleures conditions.

Comment concilier ces aspirations a priori incompatibles ?

Une solution envisageable serait d’essayer d’arrêter de s’en remettre à des plateformes pour organiser les usages transformatifs sur une base contractuelle. Si les usages transformatifs étaient légalisés par le biais d’une réforme législative consacrant une nouvelle exception au droit d’auteur, ces créations dérivées pourraient être produites n’importe où sur Internet, sans avoir à chercher refuge sur une plateforme.

Par ailleurs, si l’on va plus loin et que cette légalisation s’accompagnait de la mise en place d’un financement mutualisé pour la création de type contribution créative, la production d’oeuvres transformatives pourraient continuer à s’effectuer dans la sphère non-marchande avec un accès libre pour le public, tout en permettant aux créateurs de toucher un revenu.

On aboutirait à une situation infiniment plus propice au déploiement de la créativité sur Internet, par rapport aux solutions bancales et prédatrices proposées par les grandes plateformes.


8 réflexions sur “Valve et le casse-tête de la monétisation des usages transformatifs

  1. Il y a un temps pas si lointain, où je faisais, comme bien d’autres, des addons gratuits pour des jeux… Ce qui augmentait considérablement les possibilités du jeu en question et son attrait.
    Je trouve que cette idée de payer pour les addons en partageant entre l’éditeur, le créateur du jeu et celui de l’addon est une assez bonne idée ; le temps considérable que j’avais passé à faire ces addons aurait également bien mérité une reconnaissance même si le retour des autres gamers m’avait suffi puisque je faisais cela en tant qu’amateur ayant un déjà un emploi (ce qui est important de souligner). Maintenant qu’elle soit inférieure au créateur, qui lui a passé bien plus de temps encore à créer le monde, le concept, l’algorithme, etc… m’apparait tout à fait normal ; en ce qui concerne l’éditeur, ne sachant pas quel est son rôle et quel type d’accord a été convenu avec les créateurs du jeu, je ne le juge pas, ça me dépasse peut-être… Mais ce qu’il faut retenir, c’est que sans le mod, le jeu tourne quand même et pas de créateur de jeu pas de mod (comme en musique : pas de créateur de musique, pas de remix… je voulais te faire une demo mais tu n’as pas voulu venir…).

    Donc dans le cadre d’une collaboration qui ne nuit pas au jeu (qu’il soit bien entendu toujours jouable car y a un paquet de mod bourrés de bugs), et à ce que recherchés les créateurs du jeu, une répartition « proportionnelle » me parait assez juste (surtout quand je vois les prix : 0.23 euros ou 5 euros pour un pack… à moins d’être pingre, y a vraiment pas de quoi se ruiner). Pour les mêmes raisons de jouabilité, de game play, je comprends aussi ce qui pourrait être amené à choisir la limitation de hors ligne.
    23 centimes pour aider un jeune à faire des addons, reconnaître son travail sur lequel il ne prend que 25% et malgré tout critiquer… ; surtout que généralement, on ne choisit pas tous les modes, il y en a toujours qu’on préfère à d’autres. Bref… nature humaine et porte-monnaie et du coup la nouvelle option du bouton don fait quelque peu sourire…

    En tout cas, on empêche des moddeurs de s’émanciper. Un peu comme en musique (même si l’analogie s’arrête là car mashup, remix, jeu, livre, etc… soulèvent chacun des problèmes différents et ne peuvent être englobés dans une seule solution commune), on est bien content d’en jouir mais de là à reconnaître le travail, c’est plus compliqué car comme on en jouit ou s’en amuse, on s’imagine qu’il doit en être pareil pour le créateur ; manque de pot, dans la réalité, le créateur s’amuse pas longtemps ou pas tant que ça… A « nature humaine et porte-monnaie », on peut rajouter maintenant, « et préjugés »…
    De là dire que les exceptions résoudraient tout, c’est un pas bien vite franchi surtout si l’on considère les différences entre les arts, les moyens, les domaines, les motivations ou encore les pratiques… D’exception en exception, resterait-il quelque chose pour les créateurs… ?

    Pour revenir aux addons, entre amis, compagne, travail, et loisirs, il fallait choisir : j’ai arrêté d’en faire.

    1. Si l’on suit ce que tu dis, on ne pourrait pas créer une exception générale pour les usages transformatifs, parce que les champs de la création seraient trop différents. Je te cite : « l’analogie s’arrête là car mashup, remix, jeu, livre, etc… soulèvent chacun des problèmes différents et ne peuvent être englobés dans une seule solution commune. »

      Pourtant tous ces champs relèvent bien du droit d’auteur et le coeur des règles applicables reste le même, quel que soit le secteur créatif. Films, livres, jeu vidéo, musique, etc sont des oeuvres, créées par des auteurs, qui disposent de plusieurs catégories de droits exclusifs (moraux, patrimoniaux).

      Si les principes sont unifiés, pourquoi donc les exceptions ne pourraient-elles pas l’être ?

      Si ce que tu dis était vrai, il n’y aurait pas de droit d’auteur, mais un droit des livres, un droit de la musique, un droit du jeu vidéo, etc. Or ce n’est pas le cas pour l’essentiel.

      A des droits unifiés doivent répondre des exceptions unifiées, avec un champ d’application global. Sinon, on aboutit au résultat de fragiliser encore plus la position des utilisateurs face aux titulaires de droits.

      C’est d’ailleurs déjà le cas hélas actuellement. L’exception de citation est considérée par les juges français comme applicable seulement au texte et pas aux images ou à la musique. Il en résulte un déséquilibre et une fermeture, difficilement compatibles avec l’évolution des usages, notamment sur Internet : https://scinfolex.com/2014/03/30/tintin-au-pays-des-usages-transformatifs-la-citation-des-images-en-question/

      Il est tout à fait possible d’imaginer élargir l’exception de citation à tous les types d’oeuvres (c’est même une obligation pour l’Etat français afin de se conformer à l’évolution de la jurisprudence européenne). Et si on ajoute que la citation peut s’opérer à des fins créatives, alors on aura mis en place une exception vraiment intéressante pour les usages transformatifs.

      Explications détaillées ici : https://scinfolex.com/2013/06/20/pour-un-droit-au-mashup-mashupons-la-loi/

      Le propre du droit est de parvenir à unifier des situations particulières par le biais de notions générales et abstraites.

      Et une dernière chose.

      Je te cite encore : « Pour revenir aux addons, entre amis, compagne, travail, et loisirs, il fallait choisir : j’ai arrêté d’en faire. »

      C’est bien tout le fond du problème et ce qui justifie une réforme profonde de tout le système. J’en parle ici : https://scinfolex.com/2013/03/21/dune-societe-ouvriere-a-une-societe-oeuvriere-profusion-des-auteurs-et-economie-de-labondance/

      1. C’est bien l’exception générale que je critique et c’est bien les principes unifiés que je conteste. Mais c’est bien une distinction entre livre, musique, jeu vidéo, etc… que je souhaiterais pour être véritablement juste. Et si l’on résonne encore à partir d’un droit simplifié et global dans une évolution sans cesse plus complexe, l’on est sûr d’être inadapté et par voie de conséquence injuste.

        Après avoir visionné une vidéo de Stallman où j’avais laissé un commentaire, il y a quelques semaines… Il soulignait si je me souviens bien que la propriété intellectuelle n’était pas assez bien définie or après un petite recherche, sauf erreur de ma part, ne distingue-t-elle pas déjà, au moins, propriété industrielle et droit d’auteur ; il avait donc peut-être pas totalement raison finalement de le formuler de la sorte. Ne pouvons-nous pas étendre d’autres distinctions au sein même de ces deux distinctions déjà existantes ?

        Quoi qu’il en soit, on ne peut pas élargir l’exception de citation. Du moins, on ne peut pas le faire d’une manière identique entre toutes les pratiques car les répercussions n’ont pas le même impact positif ou négatif sur l’écrivain que sur le compositeur, le photographe, le sculpteur, le cinéaste, etc…

        « C’est même une obligation pour l’Etat français afin de se conformer à l’évolution de la jurisprudence européenne. »
        Surement pas ! Car dans ce cas, tant qu’on y est, acceptons le poison des OGMS. Es-tu donc pour les OGMs ? Ce n’est qu’un exemple, l’Europe en tant qu’entité nouvelle et abstraite, mêlée de cultures fort diverses, d’environnement fort divers et par conséquent de façon de penser fort diverses, est bourrée de points litigieux, injustes et troubles, pour les uns ou pour les autres. C’est pourquoi, il ne faut surtout pas se contenter de suivre le troupeau. Les institutions européennes ne sont pas omniscientes, elles restent à dimension humaine avec tout ce que cela implique…

        « Le propre du droit est de parvenir à unifier des situations particulières par le biais de notions générales et abstraites. »
        Hum… Définition qui permet des extensions multiples… Rappelons tout de même que rien n’est plus dangereux que la généralité et l’abstraction, c’est aussi la porte ouverte à l’opacité. La question du droit n’est-elle pas également de savoir comment chaque règle peut appréhender les cas particuliers et non les unifier forcement de la manière que tu sous-entends ?

        « C’est bien tout le fond du problème et ce qui justifie une réforme profonde de tout le système. »
        Je parlerais plutôt d’aménagement ou pas, même si je suis d’accord avec toi sur d’autres points mais pas sur tout. Je te rejoins fermement par exemple, sur la question des semences et certains brevets (j’avais des préoccupations écologiques bien avant que tu en es peut-être…). Je te rejoins aussi sur la diffusion dans le cadre pédagogique sans pour autant généraliser à tout cadre. Par exemple, j’ai une connaissance qui produit des musiques pour les enfants (pour accompagner des livres, etc…) n’ayant pas un salaire mirobolant, il vivrait plutôt mal qu’on lui retire ses 800 euros de droit d’auteur qu’il perçoit et qui lui permettent aussi de nourrir sa famille ou de payer ses factures ; il s’agit de 800 euros… par an ! Pour un travail de production conséquent avec un matériel qui coûte très cher (et qu’il lui couterait encore plus cher de le faire faire à chaque fois par une autre personne disposant de ce matériel). Sans oublier de souligner que cela n’empêche absolument pas la diffusion auprès des enfants qui semblent ravis puisqu’il continue. S’il pouvait ne faire que ça, outre qu’il pourrait peut-être disposer d’une meilleur sérénité, propice à l’inspiration qui se reflèterait dans son travail, il aurait sans doute une bien meilleure vie et libèrerait d’autres emplois au lieu de les cumuler…
        Bref, tout n’est pas si simple, mais je préfère un ami de longue date avec qui je pourrais parfois m’engueuler, mais avec qui je cherche la vérité et donc ce qui est juste, que quelqu’un qui pour des motivations obscures s’alignerait sur tout ce que je dis.

        1. Je ne vais pas répondre sur tout, mais juste sur un point.

          Si, la France est normalement obligée de revoir son exception de citation, ou du moins, les juges vont être obligés de modifier la manière dont ils l’interprètent pour la rendre applicable à tous les types d’oeuvres.

          C’est une conséquence de la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne Eva Maria Painer, rendue en 2013 : http://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?language=fr&num=C-145/10

          Pour comprendre exactement la portée de cette décision, voir ce rapport sur les oeuvres transformatives de la juriste Valérie Laure Benabou. Citation (et voir page 96 : http://static.pcinpact.com/medias/rappport-oeuvres-transformatives.pdf)

          Il convient de prendre la pleine mesure des modifications induites par la jurisprudence Eva-Maria Painer de la Cour de Justice à propos de l’exception de citation qui oblige le droit français à en revoir les conditions la fois dans la loi et dans la jurisprudence pour se mettre en conformité avec le droit de l’Union : application à toutes les œuvres de l’esprit sans distinction de genre, citation dans la mesure de la finalité poursuivie.

          Juridiquement d’ailleurs, les citoyens peuvent déjà aller revendiquer l’application de cette jurisprudence devant les juges français qui n’auront pas d’autres choix que de l’appliquer. Ce n’est donc qu’une question de temps avant que les choses évoluent pour l’exception de citation.

          Et il est évident que des « pratiques citationnelles » existent dans toutes les formes de création, aussi bien en littérature, qu’en musique, en peinture ou au cinéma.

          Sur la pratique de la citation dans le domaine de l’image, voir notamment les travaux d’André Gunthert http://imagesenbref.com/andre-gunthert-nouveaux-usages-des-images-numeriques-13022012/

          1. En ce qui concerne en gros, l’exception du portrait-robot, si j’ai bien compris, c’est une exception qui se justifie mais qui n’est cohérente qu’exclusivement à cette situation. On ne peut faire une généralité à partir d’un seul cas (très) particulier.
            Par exemple, pour un divorce, c’est du cas par cas et même s’il existe des règles, elles sont adaptées ; on ne résout pas tous les divorces de la même manière à partir d’une règle générale (idem pour un délit, une infraction, etc…).

            Concernant le rapport, je ne peux pas tout te commenter c’est trop long et lire sur un écran manque de « confort » ; il y a des arguments qui semblent bons et d’autres mauvais dans ce que j’ai pu saisir au vol ; comme il est écrit au début, c’est très subjectif.

            Pour être honnête, je n’ai pas le temps de tout lire en détail donc j’ai survolé. Quand j’aurais plus de temps, je le lirais en profondeur comme le lien sur la photo que je n’ai pas encore vu.

            Pour terminer : « Et il est évident que des « pratiques citationnelles » existent dans toutes les formes de création, aussi bien en littérature, qu’en musique, en peinture ou au cinéma. » Tu imagines bien j’espère, que je suis d’accord avec ça ; toutefois on doit toujours considérer comme il faut, le contexte et/ou la finalité de l’utilisation pour ne léser personne…

            1. Encore une fois, non. Et on voit bien à ta réponse que tu ne comprends pas comment fonctionne le droit.

              L’affaire Painer porte bien sur le cas d’un portrait-robot, mais pour aboutir à sa décision, la Cour de Justice est obligée de se prononcer sur des questions plus générales. Ici en l’occurrence, la question sous-jacente était de savoir si une photographie pouvait faire l’objet d’une « citation » au sens de la directive européenne sur le droit d’auteur. Et c’est précisément ce que la Cour a admis.

              La CJUE est la juridiction suprême de l’ordre juridique européen et les décisions qu’elle prend dégagent des principes à portée générale. C’est pour ça que l’on dit que les décisions « font jurisprudence ».

              On peut même en déduire plus largement que l’exception de citation n’est restreinte à aucun type d’oeuvre, car la Cour ne fait intervenir à aucun moment ces distinctions dans son raisonnement. Elle n’évoque que la notion d »oeuvre » en général.

              Donc je te recommanderai de creuser ces questions pour mieux les comprendre.

              1. Ce n’est pas que je ne comprends pas comment fonctionne le droit, mais comme tu le sais pourtant, c’est plutôt que je ne suis pas juriste.
                C’est la raison pour laquelle, je garde peut-être « naïvement » de la justice, ce symbole de la femme aveugle, qui tient une balance pour peser les arguments des uns et des autres dans les cas particuliers qu’elle examine, et qui devrait, à défaut de tomber dans la tyrannie… l’obliger à considérer des distinctions profondes avant de se prononcer.

                En matière de jurisprudence, même les principes des plus hautes juridictions ne sont pas figés et justement peut-être à cause de cet aspect à portée générale. A mon humble avis, n’évoquer que la notion d’œuvre en général est insuffisant mais ne l’était peut-être pas pour eux sur cette situation juridique donnée.

                Mais ne t’inquiètes pas, je creuserais tes liens puisque je n’ai eu le temps, comme je te l’avais dit juste auparavant, que de les survoler…

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