Pourquoi il faut résister à la taxation des lectures publiques et des Heures du Conte en bibliothèque

Il y a déjà eu plusieurs alertes ces dernières années à ce sujet, mais la menace semble à présent en passe de se concrétiser. Le site de la Gazette des Communes publie cette semaine un article dans lequel on apprend que la SCELF (Société Civile des Editeurs de Langue Française) souhaite mettre en place un barème pour soumettre les bibliothèques à redevance lorsqu’elles organisent des lectures publiques d’oeuvres protégées par le droit d’auteur. Après un premier courrier envoyé aux mairies qui a servi de coup de semonce, la SCELF va rencontrer l’Association des Bibliothécaires de France la semaine prochaine pour discuter de ces nouvelles orientations.

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Parmi les animations en bibliothèque qui pourraient être soumises à redevance, on trouve les Heures du Conte, ces séances que les bibliothécaires organisent, souvent avec des parents, pour faire la lecture de livres aux enfants. En 2014, une première alerte avait déjà eu lieu à ce sujet et le collectif SavoirsCom1 s’était mobilisé pour réclamer le maintien de la gratuité et de la liberté d’organisation de telles activités. En Belgique, les choses ont déjà basculé depuis 2012, à partir du moment où la société de gestion collective SABAM a commencé à réclamer des droits pour les lectures publiques en bibliothèque.

J’ai voulu écrire ce billet pour expliquer en quoi il était important à mes yeux de résister à ces revendications et sur quelles bases juridiques on pourrait le faire (même si la marge de manoeuvre est étroite).

Vers la fin d’une tolérance de fait ?

Depuis plusieurs jours que la nouvelle commence à circuler sur les réseaux sociaux, je vois les réactions de beaucoup de collègues bibliothécaires qui ne comprennent pas comment une activité comme les lectures publiques organisées en bibliothèques pourraient être soumises à autorisation et à paiement, y compris lorsqu’elles sont organisées à titre gratuit (c’est-à-dire que ni le public n’a à payer pour y assister, ni la personne qui lit n’est rémunérée spécifiquement pour cette activité).

Pourtant d’un strict point de vue juridique, la SCELF a raison et elle ne manque pas de le rappeler. Les lectures publiques en bibliothèque sont assimilées par la loi à des représentations (ou communications au public), soumises en tant que telles à l’application du droit d’auteur :

Du côté de la SCELF, on fait d’abord valoir le Code de la propriété intellectuelle et son article L.122-4 qui stipule que « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants-droit ou ayants-cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. »

« Or les lectures publiques au sein des bibliothèques sont bel et bien des actes de représentation, rappelle Nathalie Piaskowski, directrice générale de la SCELF. Et la loi ne fait pas de distinguo entre manifestations payantes et manifestations gratuites. »

Cela signifie que depuis des décennies, ces activités de lecture publique en bibliothèque ne reposaient que sur une simple tolérance de fait, qui pouvait être retirée à tout moment par les titulaires de droits et c’est exactement ce dont il est question aujourd’hui.

Cela renvoie à un problème beaucoup plus général à propos duquel j’ai souvent écrit dans ce blog : seule une partie de l’activité des bibliothèques est réellement couverte par la loi en France. C’est le cas par exemple du prêt de livres depuis 2003, mais beaucoup d’autres services n’ont pas de base légale. Le prêt des CD musicaux par exemple s’est effectué pendant des années sans aucune garantie et la même situation d’illégalité larvée se reproduit à présent  à propos des activités organisées en bibliothèque autour des jeux vidéo (ce que reconnaît explicitement un rapport de l’Inspection Générale des Bibliothèques paru en 2015).

C’est dire que la condition juridique des bibliothèques repose en partie sur du sable et que tout un pan des services rendus aux usagers peuvent à tout moment être remis en question si les titulaires de droits en décident. Nous risquons à présent d’en faire l’amère expérience à propos des lectures publiques : la SCELF a d’ores et déjà mis en place un portail sur lequel les bibliothèques doivent déclarer à l’avance les oeuvres dont elles entendent organiser la lecture en public. Le dispositif prévoit ensuite que la société transmettra la demande à l’éditeur, qui transmettra à son tour à l’auteur pour approbation, avant que la SCELF revienne vers la bibliothèque pour lui appliquer un tarif à l’acte.

C’est donc encore une superbe usine à gaz qui est en train de se monter, vu qu’il ne s’agit pas seulement de soumettre les lectures publiques à une redevance, mais aussi à une demande d’autorisation préalable. La SCELF explique cependant qu’elle serait prête à mettre en place des systèmes de forfaits annuels, sans doute sur le modèle de ce qui existe pour la sonorisation des espaces en bibliothèques. Et dans sa grande mansuétude, elle annonce sa volonté de « tenir compte de la situation spécifique des bibliothèques » en leur appliquant un tarif préférentiel.

Les lectures publiques envisagées comme « préjudice à compenser » ?

Le passage à un tel dispositif aurait des conséquences financières non négligeables pour les bibliothèques (en Belgique, les établissements qui organisent des lectures publiques doivent souvent payer plusieurs milliers d’euros à l’année). Mais il me semble que même si la question budgétaire n’est pas anodine, ce n’est pas le plus important dans cette affaire. Soumettre les lectures publiques gratuites en bibliothèques à redevance, cela revient en effet surtout à considérer cet usage comme un préjudice fait à l’auteur, demandant systématiquement réparation.

Peut-on réellement tolérer une telle vision des choses ? Est-ce que lire des livres aux enfants, lorsqu’on sait l’importance de cette activité dans la construction du goût pour la lecture, peut être vu comme un préjudice infligé à l’auteur ? Est-ce que faire découvrir des textes lus à haute voix dans le cadre d’événements gratuits est une manière de nuire aux oeuvres ? Peut-on simplement dire qu’il s’agit d’une forme « d’exploitation » ? Cette extension du champ des redevances revient à nier l’importance d’une sphère de liberté et de gratuité dans les usages collectifs de la Culture.

Or ne nous y trompons pas : c’est bien l’objectif caché de la manoeuvre. Les titulaires de droits français sont engagés depuis plusieurs années dans une véritable croisade contre toute forme de gratuité. Au nom d’une conception maximaliste du droit d’auteur, ils souhaitent voir disparaître les exceptions au principe de l’autorisation préalable, qu’elles existent en droit ou en fait. Les mêmes organisations qui portent « l’exception culturelle à la française » en bandoulière à Bruxelles et clament que « la culture n’est pas une marchandise » quand il s’agit de s’opposer à des traités de libre échange reviennent en France avec un comportement de comptables et de boutiquiers pour soumettre le moindre usage à la caisse enregistreuse !

C’est au nom de cette idéologie que les lectures publiques deviennent la cible de la SCELF aujourd’hui.

Vous avez dit « gratuité » ?

Sachant que la fameuse « gratuité » des usages en bibliothèques est toute relative. Il faut en effet rappeler une évidence : les livres qui sont lus lors des lectures publiques ont d’abord été achetés et ces dépenses d’acquisitions représentent 230 millions d’euros par an, soit 12, 8% du chiffre d’affaire des éditeurs (selon cette étude réalisée sur l’année 2012). Par ailleurs, on doit ajouter à cela les sommes collectées au titre du droit de prêt, qui s’élèvent en moyenne à 15 millions d’euros par an. Les bibliothèques sont donc d’ores et déjà d’importants pôles de soutien financier à la création littéraire.

On peut cependant être certain que la taxation des lectures publiques ne constituera qu’une première étape et que les titulaires de droits chercheront à soumettre à redevance d’autres types d’activités. Cette semaine par exemple, une discussion sur le groupe Facebook « Jeux Vidéos en bibliothèque » m’a appris qu’une bibliothèque qui a organisé un tournoi « Just Dance » pendant les vacances de la Toussaint avait reçu une facture de la part de la SACEM pour « diffusion d’oeuvres ».

Or là encore, on retrouve le problème de fragilité de la condition juridique des bibliothèques, car la SACEM est sans doute dans son droit. Même si l’établissement paye un forfait annuel pour la sonorisation de ses espaces, la diffusion de musique de jeux vidéo dans le cadre d’un événement ponctuel peut être assimilé à l’organisation d’un « spectacle », ce qui nécessite une déclaration préalable et une redevance spécifique. Voilà le prix à payer pour laisser les activités en bibliothèque s’appuyer sur de simples tolérances de fait…

Quels arguments juridiques pour résister ?

Pour les Heures du Conte, on pourrait néanmoins se dire que cet usage est peut-être couvert par l’exception pédagogique, qui autorise notamment la lecture intégrale de textes protégés. Mais cette disposition n’est qu’imparfaitement articulée avec les activités des bibliothèques. Un enseignant peut tout à fait emprunter un livre en bibliothèque pour le lire ensuite à sa classe ou amener ses élèves dans la bibliothèque pour leur faire des lectures. Mais le périmètre d’application est circonscrit aux établissements scolaires et universitaires et l’exception ne peut directement bénéficier aux activités organisées par les bibliothécaires pour le grand public.

Reste-t-il alors une piste juridique qui permettrait de résister aux revendications de la SCELF ? La marge de manœuvre est très étroite, mais il en existe encore une à mon sens. Comme j’en ai déjà parlé à plusieurs reprises dans S.I.Lex, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a développé à partir de 2013 une jurisprudence qui a posé le principe que, même en l’absence d’exception législative, on doit examiner la légalité d’un usage en effectuant une conciliation entre le droit d’auteur et d’autres libertés fondamentales reconnues au sein de l’Union européenne. En France, la Cour de Cassation a commencé depuis 2015 à suivre cette piste en demandant aux juges inférieurs de garantir un équilibre entre le droit d’auteur et la liberté d’expression lorsqu’ils doivent apprécier l’existence d’une contrefaçon. Cela change complètement la façon dont le droit français envisage ces questions, en ouvrant des perspectives de reconnaissance des usages au-delà du carcan restrictif des exceptions.

Pour ce qui est des lectures publiques et des Heures du Conte, on pourrait appliquer un raisonnement similaire et affirmer que ces activités, bien qu’assimilables à des représentations au sens du droit d’auteur, contribuent également à rendre effectifs le « droit à l’éducation », le « droit de participer librement à la vie culturelle » et de « jouir des arts », reconnus par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. Et ceci d’autant plus que lorsque ces activités sont organisées à titre gratuit par les bibliothèques, elles ne causent pas un préjudice disproportionné aux titulaires de droits, bien au contraire étant donné le bénéfice global qu’en retire la société !

Je ne cacherai pas que ce raisonnement est fragile et il n’est pas assuré de l’emporter en justice, car il reste une large place à l’appréciation subjective des juges pour effectuer ce genre de conciliations. Mais l’argument existe en droit et c’est à mon sens ce qui compte le plus. C’est la raison pour laquelle je recommanderais à mes collègues de l’ABF qui rencontreront la SCELF la semaine prochaine de ne pas céder à ses revendications.

Il faut résister, ne serait-ce que pour le principe – et j’ai envie de dire – pour l’honneur !

Pendant ce temps, au Ministère de la Culture…

Si on doit ajouter encore un argument, je dirais qu’évidemment, la question de la rémunération des créateurs est importante, voire même cruciale. On sait que la situation des auteurs s’est dégradée ces dernières années et qu’ils ne sont qu’une proportion infime à pouvoir vivre réellement de leurs droits d’auteur, surtout d’ailleurs dans un secteur comme l’illustration des livres jeunesse. Mais si les auteurs sont dans cette situation, ce n’est certainement pas à cause de la gratuité de certains usages en bibliothèques, mais parce que les taux de rémunération concédés par les éditeurs aux auteurs sont dramatiquement bas.

Par ailleurs, il serait loisible au Ministère de la Culture de mettre en place d’autres formes de soutien à la création littéraire. Mais certains signes montrent que la priorité ne semble pas aller dans cette direction… On a appris par exemple la semaine dernière que le Ministère  a choisi de signer un contrat avec Microsoft pour équiper les postes de ses agents avec la suite Office, pour un montant de 2 millions d’euros par an. Cette décision a visiblement été prise en dépit du bon sens, car le Ministère admet lui-même que la grande majorité de ses agents utilisent déjà des logiciels libres (LibreOffice) et ce n’est que pour satisfaire une minorité d’entre eux que ces millions vont être dépensées ! Voilà typiquement le genre de choix dilapidant un argent public de plus en plus rare, que l’on pourrait consacrer au soutien de la création plutôt que de le voir aller dans les poches d’un géant américain comme Microsoft.

***

Que l’on n’essaie pas alors de nous faire croire que le but principal de la taxation des lectures publiques en bibliothèques est d’améliorer la condition des créateurs, car il y aurait des moyens bien plus efficaces de le faire. Il s’agit avant tout de s’en prendre à la bibliothèque comme espace d’usages collectifs de la Culture et lieu d’exercice des droits fondamentaux des individus.

[Mise à jour du 18/11/2016] l’ABF a publié un communiqué suite à une réunion organisée le 14 novembre avec les représentants de la SCELF. L’association des bibliothécaires y a défendu une ligne ferme, en demandant le maintien d’une dérogation pour les lectures effectuées à titre gratuit en bibliothèque. Et elle appuie sa revendication sur le droit d’accès à la culture reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Il faut saluer cette position forte, en espérant que la SCELF saura à présent raison garder.


36 réflexions sur “Pourquoi il faut résister à la taxation des lectures publiques et des Heures du Conte en bibliothèque

  1. Même si je trouve aberrant de vouloir taxer ces activités bibliothécaires gratuites, je ne peux m’empêcher de tiquer quand je constate que l’affaire émerge autour de « l’heure du conte ».
    Cette activité bien mal nommée puisqu’elle se résume le plus souvent à une lecture de livres, alors que le conte est un objet oral vivant (on raconte une histoire dont a mémorisé les principaux éléments narratifs, et on ne lit ni ne récite un texte), et en tant que tel échappe aux droits d’auteur (puisqu’il n’a pas de forme figée).
    D’ailleurs les conteurs professionnels qui espèrent « protéger » leurs histoires se dépêchent souvent de publier un livre quand ils créent un nouveau spectacle (même s’il est basé sur des histoires traditionnelles comme le petite chaperon rouge). Quitte à trahir la tradition d’oralité de leur fonction, et à ne pas être « protégés » efficacement.
    De toute façon leurs histoires ne sont que des assemblages d’éléments narratifs millénaires avec un peu d’enrobage. Et je ne les dénigre pas, le résultat peut être magnifique, mais de là à s’en proclamer l’auteur…

    1. Ola comme vous y allez LOZ !! Je ne me dépêche pas de publier un conte pour le protéger efficacement  » ( qu’entendez vous par efficacement ??? publier ne protège de rien du tout et sachez que nos droits en littérature jeunesse n’excèdent pas les 3 ou 3 et demi % que nous partageons avec les illustrateurs …)
      Protéger en publiant , bien sûr que non, c’est le contraire vu qu’en le publiant je souhaite la circulation du conte et sa mise en bouche par les professionnels du livre. Mais mon travail ne consiste oas en  » un peu d’enrobage  » !!! Je défriche, je traduis, j’adapte et je réclame comme définition sur la couverture interne du livre  » raconté par  » et non de MB. Je ne me présente jamais comme auteure mais comme conteuse. Et j’explique en quoi cela consiste dans la chaîne de transmission. Je ne publie que lorsque j’ai trouvé mon angle de vue, ma manière de raconter le conte qui ne m’appartient pas ( différence entre le texte et l’histoire, le texte est mien mais pas l’histoire ), et j’exige que soit citée la source en fin d’ouvrage. ( elle ne figure pas dans mon derniier conte  » le rêveur  » très librement inspiré d’un conte de l’Angola car l’éditrice a zappé faute de place, et cependant je n’ai pas trop râlé tant le texte était devenu  » original  » par rapport à la source de départ . ) Je différencie publication et spectacle et m’étonne que certains conteurs pro ne citent pas leurs sources ou n’en informent pas ceux qui ont fait le boulot avant eux pour publier c’est à dire mieux que  » d’enrober  » . A part ces précisions, je revendique la gratuité dans les bibliothèques.

      1. Houla, je me suis vraiment mal fait comprendre !
        Je n’ai rien contre les auteurs jeunesse, et je savoure tous les jours le fruit de leur travail avec mon fils. Et je veux bien croire qu’ils méritent une rémunération à la hauteur de leur mérite et de leur importance.
        Je rebondissais (peut-être hors-sujet) sur certains conteurs qui essaient (pitoyablement à mes yeux) de trouver du droit d’auteur là où il n’y en a pas (et où c’est bien qu’il n’y en ait pas).

  2. A l’opposé de cette notion de préjudice, ne peut-on pas parler de promotion de textes, et donc d’auteurs, lors de lectures d’histoires dans les bibliothèques ? Le personnel des bibliothèques contribue « gratuitement  » à la « publicité » de textes auxquels il donne vie lors de ces lectures. Les retombées de celles-ci, lorsqu’elles ont été particulièrement appréciées, ne sont peut-être pas négligeables (les enfants peuvent réclamer l’achat de ces livres à leurs parents par exemple ).

    1. Je suis tout à fait d’accord avec cette remarque ! De plus, les bibliothécaires font découvrir aux enfants (et aux parents !) de nombreux auteurs et petits éditeurs -non vendus en supermarché- et vers lesquels les parents ne seraient peut-être pas allés d’eux-mêmes…
      Et alors il faudrait aussi taxer les parents qui lisent des albums à voix haute à leurs enfants dans la bibliothèque ? Puisque parfois d’autres enfants s’approchent pour écouter l’histoire…
      Non vraiment, je ne suis pas d’accord quand j’entends dire que les bibliothécaires participent à l’appauvrissement des auteurs jeunesse !! Bien au contraire, nous participons à la promotion de leurs ouvrages, déjà en les achetant pour les bibliothèques et pour nous-mêmes, en les offrant et parce qu’on en parle sur de nombreux sites, blogs ou réseaux sociaux !!

    2. Bonjour,

      Je suis bien d’accord avec votre vision des choses. Mais hélas, le droit d’auteur à la française est aveugle à cette idée d’un usage qui participerait de la « promotion » de l’oeuvre. En dehors des hypothèses limitées des exceptions au droit d’auteur définies dans la loi, tous les autres usages sont considérés comme des préjudices causés aux titulaires de droits, leur ouvrant droit à rémunération. Ce n’est pas le cas aux États-Unis, où certains usages peuvent rentrer dans ce que l’on appelle le fair use (usage équitable). Cette notion prend en compte plusieurs critères et notamment celui de l’impact potentiel de l’usage sur l’exploitation économique de l’oeuvre, ainsi que la finalité (pédagogique, etc). Du coup, l’idée qu’une lecture constitue une « promotion » de l’oeuvre pourrait être prise en compte aux États-Unis, mais hélas pas en France, où le droit d’auteur fonctionne différemment.

    3. Je suis tout à fait d’accord avec cet argument, particulièrement juste pour la littérature jeunesse. les auteurs / illustrateurs n’ont toujours pas compris que sans l’activité militante des bibliothécaires jeunesse qui font en sorte de valoriser ces livres qu’ils adorent, leurs œuvres n’auraient pas la place qu’ils ont aujourd’hui dans les foyers des petits français. Car ce ne sont ni les grandes surfaces culturelles, ni les sites marchands qui feront la promotion de leurs livres.

  3. Quelqu’un a-t-il fait le compte de l’argent public versé par par les services publics aux différents organismes de collectes de droits d’auteur ? Il me semble que le ministère de l’Éducation Nationale et celui de la culture en particulier sont devenus les vaches à lait de… qui, en fait ? Car qui sait combien un auteur touche en fin de compte de ces différentes associations ?

  4. Complètement d’accord avec votre article!
    Ces éditeurs ne font que se tirer une balle dans le pied en s’attaquant à la promotion libre de la lecture publique.
    Pourquoi toujours vouloir défendre des intérêts particuliers, au détriment d’un meilleur équilibre de tout le circuit du livre et de la lecture?
    Chacun des acteurs dépend en partie des autres, et oui, les bibliothèques et leurs lectures publiques participent à la valorisation de l’ensemble du circuit (auteurs, éditeurs, libraires, lecteurs).

  5. Et aussi sur l’article 31 de la convention des droits de l’enfant : 1.Les États parties reconnaissent à l’enfant le droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge, et de participer librement à la vie culturelle et artistique. 2.Les États parties respectent et favorisent le droit de l’enfant de participer pleinement à la vie culturelle et artistique, et encouragent l’organisation à son intention de moyens appropriés de loisirs et d’activités récréatives, artistiques et culturelles, dans des conditions d’égalité.

  6. Vous dites « Soumettre les lectures publiques gratuites en bibliothèques à redevance, cela revient en effet surtout à considérer cet usage comme un préjudice fait à l’auteur, demandant systématiquement réparation. »
    Franchement, « préjudice » ne me semble pas être le bon mot. Les éditeurs comme les auteurs veulent simplement vivre de leur travail, ce qui est légitime!

    1. C’est pourtant ainsi que raisonne le droit français : elle ne fait aucune distinction selon que les usages sont gratuits ou commerciaux et elle ne distingue pas selon leur finalité (hormis pour ce qui est couvert par une exception au droit d’auteur). Dès lors, un usage comme une lecture publique ou une heure du Conte, même réalisé à titre gratuit, est donc bien constitutif juridiquement d’un préjudice ouvrant droit à une rémunération.

      Il est effectivement légitime pour les auteurs et les éditeurs de vouloir vivre de leurs activités, mais ce n’est pas la taxation de ces activités gratuites qui va permettre de le faire. Étant donné les marges budgétaires limitées des bibliothèques, beaucoup renonceront tout simplement à organiser de tels événements. Ce qui aboutira à une situation « perdant-perdant ».

      Sans compter que les sommes collectées au titre de ces usages seront de toutes façons limitées…

      Étrangement, je n’ai vu aucun groupement représentant des auteurs ou des éditeurs s’insurger que le Ministère de la Culture jette deux millions d’euros par an pour s’équiper de logiciels Microsoft.

      Personnellement, j’aurais applaudi des deux mains si j’avais appris que le MCC débloquait deux millions par an pour soutenir davantage la création littéraire…

    2. « Les éditeurs comme les auteurs veulent simplement vivre de leur travail, ce qui est légitime ! »
      Et les bibliothécaires continuer à faire leur travail de soutien à la lecture, de promotion des auteurs, d’acteur de la chaîne du livre… au moment où certaines bibliothèques ont déjà un budget amputé de 50% en 2016. Parce que leur travail n’est pas moins important et pas moins légitime que celui des auteurs et qu’il leur est nécessaire, cher Théophile. Vous aurez l’air bien malin lorsque vous aurez achevé les bibliothèques pour des petits calculs aveugles à très court terme. Comment peut-on oeuvrer pour les mêmes choses, avec les mêmes objectifs, et nuire à ceux qui soutiennent la lecture et font votre promotion ?!
      On achète de moins en moins en bibliothèque, les achats en librairie augmentent-ils pour autant ? Vous vous trompez dans vos comptes.

  7. Compte tenu que beaucoup de bibliothèque achètent des livres en double exemplaire pour en avoir un disponible pour les animations, et que la plupart des crédit d’animations sont en voie de diminution (et c’est un euphémisme), combien de bibliothèque supprimeront tout simplement les heures du contes si elles sont payante (et cesseront d’acheter les livres en double). Soit comment se tirer une balle dans le pied?

    1. C’est exactement la même chose. Elles sont soumises à la même législation, sans possibilité de dérogation, et en plus le cadre est alors commercial, de par la nature même des activités d’une librairie… Pas même certain que la SCELF leur consente les mêmes « largesses » qu’elle envisage pour les bibliothèques…

  8. Et qu’en est -il des lectures faites à l’école, particulièrement en maternelle où elles sont quotidiennes ?

  9. Il pourrait être intéressant de se poser la question de savoir pourquoi la SACD a délégué (ou transmis) à la SCELF depuis le 1er Janvier 2016 la gestion pour les lectures publiques de l’autorisation et de la perception des droits d’auteur dus par les producteurs (et dans l’usage par les organisateurs) aux auteurs.
    Le conseil d’administration de la SCELF est composé de gros éditeurs ( Albin Michel, Dargaud, Denoël, Dupuis, Editis, Fayard, Flammarion, Gallimard, Grasset, Hachette, Robert Laffont, Mercure de France, Minuit, Payot & Rivages, P.O.L, le Seuil et la Table ronde) alors que celui de la SACD l’est de plusieurs collèges d’auteurs (théâtre, cinéma, etc…). De quoi le passage de perception des droits par une société gérée par des auteurs à une société gérée par des éditeurs est-il le signe ?
    Les auteurs y gagneront-ils ? Quels auteurs (édités chez quels éditeurs et dans quelles collections) y gagneront ?
    Je pense que les représentants des bibliothèques devraient s’allier avec les auteurs dans les discussions qui vont avoir lieu avec la SCELF et tenter de percer les projets des gros éditeurs qui doivent bien trouver un intérêt (outre les 2% de gestion sur les 12% perçus en tout avec un plancher de droits entre 60 et 70 Euros) à s’embarrasser d’une gestion supplémentaire.

    1. Vous avez tout à fait raison de soulever cette question du rôle de la SACD dans cette affaire. En 2014, lorsque la première alerte avait eu lieu à propos des Heures du conte, la SACD avait répondu qu’elle était hors de cause, car ce type d’oeuvres ne figuraient pas à son catalogue. http://mobile.sacd.fr/Reaction-de-la-SACD-consecutive-a-la-polemique-sur-l-Heure-du-conte.3770.0.html?&MP=47-2222

      Elle ajoutait cependant qu’elle pouvait être mandatée par des éditeurs pour percevoir des droits sur des lectures publiques de textes.

      Peut-on penser que la SACD a choisi de déléguer à la SCELF la perception de ces droits pour lesquelles elle reçoit un mandat de la part d’éditeur ? La SCELF s’occupait jusqu’à présent surtout d’adaptations d’oeuvres littéraires.

      La question est donc de savoir quel est le fondement sur lequel la SCELF entend percevoir des droits sur les lectures publiques ? Est-ce que des éditeurs lui en ont directement donné le mandat lu est-ce cette compétence lui a été déléguée par la SACD ?

      A creuser et c’est important. Car cela va directement influer sur le périmètre des œuvres qui seront couvertes par le « forfait SCELF » si cette société décide de mettre ce genre de solutions en place. Il ne pourra pas couvrir toutes les œuvres littéraires, mais seulement celles pour lesquelles la SCELF aura reçu mandat.

  10. Bien un bonsoir. Bon, et si nous lisons sous cape, création d’un dispositif de cape géante sur roulette avec lampe torche sur la tête. Est-ce que la notion publique est là ?
    Et si nous lisons à tue-tête, quand nous sommes assis sur nos bureaux ou en train de ranger les livres ?
    Je vais bien trouvé d’autres moyens créatifs pour faire mon occupation de médiatrice.

  11. Il y a beaucoup d’ arguments en faveur du maintien de la gratuité, même s’ils n’ont pas de fondement juridique:
    1° – les lectures publiques d’extraits de livres, de même que les lectures de contes, ont un intérêt pédagogique évident, que le public soit constitué d’adultes ou d’enfants.
    2° – elles constituent une forme de publicité pour les œuvres concernées, et incitent parents et enfants à acheter des livres.
    3° – cette chasse à la gratuité constitue en l’occurrence une atteinte grave à la liberté de chacun et à l’esprit d’initiative.

  12. On demande l’avis d’auteurs jeunesse, je me permets de venir donner le mien. Personnellement, je suis horrifiée par ce projet… Et furieuse qu’on le fasse en notre nom ! Le droit d’auteur a le dos bien large : combien nous reviendrait vraiment de cette taxe une fois enlevés la part de la société de gestion et les 50% de l’éditeur ? Si c’est la situation des auteurs qui préoccupe ces gens, la solution est simple : qu’on augmente nos droits d’auteur, les vrais, ceux qui apparaissent chaque année sur notre relevé ! Nous sommes en moyenne aux alentours de 50 centimes par livre (cf. la géniale campagne de la Charte, en ce moment-même : http://la-charte.fr/la-charte/article/montreuil-2016-dans-la-peau-d-un ), nous pourrions les doubler sans mettre en péril l’économie du livre. Au pire du pire, qu’on les répercute sur le prix du livre, ce serait moins pénalisant pour les gamins qui en ont vraiment besoin, ceux qui s’abreuvent l’esprit dans les bibliothèques, ces gamins dont j’ai fait partie. La bibliothèque c’est le coeur de la démocratie, je trouve ça dingue que l’on se retourne vers vous pour combler les déséquilibres du marché. Je suis membre du CA de la Charte, le sujet n’est pas encore passé en débat, mais soyez certains que je vous soutiendrai.
    Merci pour votre travail et bon courage pour les discussions à venir,
    Alice Brière-Haquet

    1. Bonjour,

      Merci d’être venue laisser ce commentaire sous le billet. Ce serait en effet essentiel qu’on puisse entendre directement la voix des auteurs sur cette question. Une organisation comme la Charte pourrait avoir une incidence importante dans le débat.

  13. bonjour, je suis auteur et contre cette taxe! Il y a beaucoup à dire sur la rémunération des auteurs et des illustrateurs, beaucoup à dire sur les pratiques des maisons d’éditions et surtout de leurs actionnaires! Cependant, c’est la bêtise abyssale et la cupidité aussi stupide qu’himalayenne de cette idée qui fait plus que me sidérer!
    PAS EN MON NOM!

    c’est normal de payer mais c’est moral de ne pas faire payer!

    D’un côté: J’adore la campagne de la Charte des Auteurs et en revenant de Montreuil, j’étais tout content d’avoir usé le stylo à dédicace qui me coûte 5 livres!

    Et de l’autre, je tombe de mon siège! Déjà que je n’étais pas pour la SOFIA qui a amputé les budgets des bibliothécaires, augmenté la part de boulot des libraires et qui est comme la SACEM et la SACD une nouvelle société de gestion de droits toujours aussi opaque et auprès de laquelle il est toujours aussi difficile de savoir si l’on a touché les sous qui doivent nous revenir… Et là, il y a cette SCELF dont je n’ai jamais entendu parler qui monte au racket! Société Civile des Editeurs de Langue Française! (Le SNE, je connaissais mais pas çui-ci!)

    Quoi? QUOI?
    Faire payer des droits pour l’heure du conte en bibliothèque ou dans les écoles??? Mais vous êtes des malades! A force de cupidité, vous allez tuer tout le monde! Si vous avez du mal à boucler vos fins de mois, engueulez les actionnaires qui vous pompent plutôt que d’essayer de trouver de nouvelles « variables d’ajustement »! à savoir les auteurs-illustrateurs et les bibliothèques!

    La lecture publique est un enjeu démocratique mais aussi une formidable publicité pour nos livres! Soyez pas cons: si vous ne comprenez rien au premier, pensez au second!
    De plus en plus de grandes enseignes de librairies, tenue par des actionnaires-comptables-calculettes, vendent de moins en moins de livres et de plus en plus de mugs et plaids et autres… et pourquoi? lutter contre Amazon? vous croyez que c’est en vous transformant en supérette que vous allez y arriver? Vous feriez mieux d’embaucher des libraires compétents et de vous mettre au boulot.

    Donc:
    PAS EN MON NOM!
    Et j’espère bien que Didier Jeunesse (mon éditeur principal) s’opposera à cette demande: nous devons préserver les exceptions de ce type!

    Juridiquement et cupidement, c’est normal de payer mais c’est moral de ne pas faire payer!

    Sinon, il n’y a pas que les bibliothèques qui se feront racketter: Lire et faire lire va devoir passer à la caisse et pleins d’autres! c’est ahurissant.

    Il en va tout autrement des artistes pros ou amateurs (à l’exception des bénévoles!!!) qui utilisent, prennent nos histoires pour se produire ici ou là. Hey, là, faut pas déconner non plus. ça fait plaisir, c’est un hommage certes mais le droit d’auteur, c’est un droit.

    Bref là, faut pas laisser ça! et j’espère que tous les auteurs et illustrateurs, la charte etc etc vont aller dans ce sens

    1. Merci pour votre témoignage ! C’est rassurant de voir des auteurs prendre position comme vous le faites. En espérant que cela pourra finir par peser.

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