Créer un « domaine commun » anticipant le domaine public ?

Je rediffuse sur ce blog un billet publié par le collectif SavoirsCom1 pour interpeller La France Insoumise à propos d’une proposition de leur programme culturel portant sur le domaine public et le financement de la création. Nous y proposons l’idée de créer un nouveau « domaine commun », anticipant sur l’entrée des oeuvres dans le domaine public, qui combinerait des idées de Victor Hugo et de Jean Zay. Au-delà de l’enjeu immédiat de la campagne présidentielle, il me semble que c’est une idée à considérer, car elle montre parfaitement que l’amélioration des conditions de vie des créateurs et l’ouverture des usages ne sont pas incompatibles, bien au contraire.

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La France Insoumise (mouvement citoyen pour promouvoir la candidature de Jean-Luc Mélenchon) a publié la semaine dernière son livret « Arts et Culture » dans lequel on retrouve des propositions consacrées au domaine public. On peut y lire notamment que la France Insoumise souhaite :

Intégrer les droits d’auteur dans le domaine public, après le décès des auteur·e·s pour financer la création et les retraites des créateurs.

Ce passage fait écho à des déclarations de Jean-Luc Mélenchon lors d’un discours tenu à Lyon le 5 février dernier.

Il avait alors annoncé vouloir mettre en œuvre une « socialisation des droits sur les œuvres du domaine public » et souhaité que « les œuvres ne tombent plus jamais dans un domaine public autre que commun« . Il s’est référé à cette occasion à Victor Hugo, connu pour avoir proposé d’instaurer un « domaine public payant » afin de financer les auteurs.

Des propositions ambiguës et un appel à la clarification

Ces propositions de la France Insoumise restent à ce stade imprécises et on peut leur donner deux interprétations différentes :

  • Soit il s’agit, une fois que les œuvres sont entrées dans le domaine public (c’est-à-dire actuellement 70 ans après la mort de l’auteur), de faire payer leur usage afin de financer la création et des droits sociaux ;
  • Soit il s’agit, directement après la mort de l’auteur, de prendre les droits qui reviennent actuellement aux ayants droit des créateurs pour les retirage,  en tout ou partie, vers le financement des auteurs vivants, par le biais d’un mécanisme de mutualisation.

Si le discours initial de Jean-Luc Mélenchon paraissait osciller entre les deux propositions, le livret Culture semble à présent s’orienter vers la seconde option.

Mais il n’apporte pas de réponse à une question pourtant essentielle. Ce nouveau droit « socialisé » sur l’usage des œuvres a-t-il vocation à s’appliquer au-delà de la période actuelle des 70 ans après la mort du créateur, ce qui reviendrait à instaurer un prélèvement perpétuel, là où l’usage des œuvres du domaine public est aujourd’hui gratuit et libre (à condition de respecter le droit moral) ?

Afin de lui permettre d’apporter des précisions et de dissiper ces ambiguïtés, le collectif SavoirsCom1 interpelle les représentants de la France insoumise par le biais d’une série de questions :

  • Que signifie exactement l’expression « intégrer les droits d’auteur dans le domaine public, après le décès des auteur.e.s » ? S’agit-il de faire perdre aux ayants droit des auteurs le bénéfice des droits patrimoniaux et de les mutualiser les sommes dues pour financer les créateurs vivants ? S’agit-il plutôt de maintenir les droits patrimoniaux, mais d’instaurer une taxe sur l’usage des oeuvres ? Si oui, pour quels usages (tous ? seulement les usages commerciaux ?) ;
  • La perception de ces droits de réutilisation sur les œuvres du domaine public aura-t-elle une fin dans le temps ou est-elle destinée à se prolonger perpétuellement ?
  • Les ayants droit seront-ils privés du bénéfice de leurs droits directement à la mort de l’auteur ou seulement après une période donnée ? Pourront-ils continuer à exercer le droit moral sur les oeuvres qui normalement leur échoit ?
  • A quoi ces sommes mutualisées seront-elles consacrées ? Qui sera chargé de les collecter et de les redistribuer : les sociétés de gestion collective actuelles ? une nouvelle organisation dédiée ? L’Etat directement ? Qui sera éligible pour les toucher ? S’agit-il de financer des auteurs individuels ou, comme c’est le cas actuellement pour une partie du produit de la redevance pour copie privée, de financer des projets et des actions culturelles ?

Un risque de remise en cause du domaine public comme bien commun

L’objectif de dégager de nouveaux modes de financement pour la création est absolument légitime et le collectif SavoirsCom1 ne peut que partager ce souci, étant donné les conditions de vie difficiles de la majorité des créateurs. Mais si au nom de ce but louable la France Insoumise entendait instaurer un droit perpétuel sur l’usage des oeuvres du domaine public, elle porterait gravement atteinte à un mécanisme essentiel d’équilibrage du droit d’auteur.

Il importe notamment de préserver le droit de ré-éditer et d’utiliser dans des œuvres dans de nouveaux travaux sans avoir à demander de permission à quiconque. Une telle liberté de réutilisation est garante de la démocratisation de l’accès aux œuvres, en rendant fluide la décision de rendre disponible à nouveau, ou dans une situation nouvelle, une oeuvre du passé. C’est cette opportunité qui est la plus importante pour garantir l’usage optimum du domaine public.

Jean-Luc Mélenchon cite souvent comme modèle la Révolution française. Or c’est à ce moment que le droit d’auteur a été créé comme un droit limité dans le temps. Des débats très vifs avaient eu lieu sous l’Ancien Régime pour savoir si le droit que les auteurs peuvent revendiquer sur leurs créations devait prendre la forme d’un droit de propriété perpétuelle (à l’instar du droit de propriété sur les biens matériels) ou d’un droit limité dans le temps.

Les révolutionnaires ont tranché la question par le biais de deux lois, en 1791 et 1793 , qui  ont consacré un droit exclusif pour l’auteur sa vie durant, ainsi que 10 ans après son décès afin d’assurer des subsides à ses descendants directs. Mais ils ont sciemment donné une durée limitée à cette protection, dans le but d’instaurer un domaine public pour garantir les droits du public sur la culture.

La durée du droit d’auteur a depuis sans cesse été prolongéee, jusqu’à atteindre aujourd’hui 70 ans après la mort de l’auteur. Mais quel qu’en soit le but, on ne peut envisager un droit perpétuel sans remettre en cause le contrat social établi par la Révolution française entre les droits des auteurs et les droits de la société.

Instaurer un droit perpétuel ne reviendrait pas à « socialiser les droits sur les œuvres du domaine public« , mais au contraire à les privatiser au profit d’une partie de la société (certains créateurs), en faisant disparaître le droit de tous sur la culture matérialisé aujourd’hui par le domaine public. Ce serait même faire altérer le domaine public en tant que bien commun de la connaissance, « qui n’appartient à personne et dont l’usage est commun à tous« .

Ajoutons que ce serait aussi complètement contradictoire avec les propositions du livret numérique de la France Insoumise, qui propose de son côté de reconnaître le « domaine commun informationnel » :

les  savoirs  accumulés  par  les  technologies  numériques  sont  des  acquis  collectifs  pour  l’Humanité.  Ils  permettent  notamment  la  diffusion  de la culture et des connaissances scientifiques. Ainsi, les ressources numériques doivent être protégées en reconnaissant un « domaine commun » informationnel. Ce domaine est composé du domaine public et de l’ensemble des données, informations  et  savoirs  qui  ne  sont  pas protégés  par  la  propriété  intellectuelle.  L’intégrer  dans  la  loi  permettra  de  le  préserver  contre  les  appropriations  marchandes (copyfraud) et de garantir l’accès durable de tous·tes à la connaissance.

Propositions de SavoirsCom1 pour la création d’un véritable « domaine commun »

Ces contradictions apparentes peuvent cependant facilement être surmontées. Il est tout à fait possible de dégager de nouvelles sources de financement pour la création tout en préservant un domaine public des œuvres librement réutilisables.

Pour ce faire, il faut commencer par se tourner vers des propositions faites par Jean Zay en 1936.

En tant que Ministre du Front populaire, Jean Zay proposa en effet  une grande loi sur le droit d’auteur, qui ne vit hélas jamais le jour. Son idée principale consistait à refonder le droit d’auteur comme un droit sui generis découlant du travail de l’auteur, et non comme un droit de propriété. L’article 21 de son projet proposait de diviser le délai de protection post mortem de l’époque (50 ans) en deux périodes : la première de 10 ans, durant lesquels les descendants directs de l’auteur auraient continué à bénéficier des droits de l’auteur, et la seconde de 40 ans pendant laquelle une sorte de licence légale aurait été instaurée pour supprimer l’exclusivité d’exploitation des droits d’auteur au profit d’un seul éditeur.

Néanmoins, Jean Zay n’envisageait pas de reverser les droits perçus pendant ces 40 années pour financer la création, mais il avait plutôt pour but de se simplifier les conditions d’usage des oeuvres du domaine public.

SavoirsCom1 propose de combiner les idées de Victor Hugo et celles de Jean Zay pour instaurer un nouveau « domaine commun » après la mort de l’auteur :

  1. Pendant 10 ans après le décès de l’auteur, son conjoint et ses descendants directs pourraient continuer à bénéficier pleinement des droits sur l’œuvre, de manière à leur permettre de faire face à la disparition de l’auteur. C’était la volonté originelle des révolutionnaires lorsqu’ils ont créé le droit d’auteur et ce principe, proche de l’esprit des pensions de reversion, nous paraît devoir être conservé.
  2. Durant les 40 années suivantes, les ayants droit perdraient le pouvoir d’autoriser ou d’interdire les usages commerciaux de l’œuvre, ainsi que de percevoir les rémunérations associées. Les exclusivités consenties par l’auteur de son vivant seraient suspendues et une licence légale sur les usages commerciaux de l’œuvre instaurée, de manière à ce que tous les acteurs économiques intéressés (éditeurs, producteurs, télévisions, radios, salles de spectacles, etc.) puissent exploiter l’œuvre, moyennant le paiement d’une redevance. Cette mesure éviterait que les créations deviennent indisponibles, comme c’est le cas pour la majorité d’entre elles actuellement,  du fait de la durée trop longue de protection du droit d’auteur. Les usages non-commerciaux des œuvres deviendraient en revanche immédiatement libres et gratuits.
  3. Pendant ces 40 années, les sommes perçues au titre de cette redevance de réutilisation seraient allouées à un nouvel organisme paritaire de gestion. Il importe que ces sommes ne soient pas gérées par les circuits actuels de la gestion collective, si l’on veut éviter l’effet délétère de concentration sur un tout petit nombre de créateurs que ces sociétés provoquent aujourd’hui. Un nouvel organisme paritaire serait à la place chargé de la gestion de ces financements, qui devra impérativement comporter, outre des représentants des auteurs, des organisations de la société civile pour représenter les droits du public.
  4. L’organisme en question serait chargé de financer de nouvelles créations sur projet, en privilégiant les jeunes créateurs, ainsi que des manifestations culturelles.
  5. Une partie de ces sommes pourraient également être allouées au financement des droits sociaux des auteurs, notamment leur retraite comme le suggère la France Insoumise. Le collectif SavoirsCom1 propose que ces sommes servent également à financer le nouveau statut d’intermittence pour les artistes-auteurs, que la France Insoumise envisage de créer et qui nous paraît une piste prometteuse à soutenir.
  6. Nous proposons aussi qu’une partie de ces sommes soient affectées à la numérisation des œuvres patrimoniales par les institutions culturelles (archives, bibliothèques, musées), mais à la condition expresse que l’usage des reproductions soit libre et gratuit (fin des pratiques de copyfraud aujourd’hui constatées, qui portent atteinte à l’intégrité du domaine public, et qui sont souvent justifiées par des difficultés budgétaires).
  7. 50 ans après la mort de l’auteur, les œuvres entreraient dans le domaine public proprement dit, comme aujourd’hui, avec expiration complète des droits patrimoniaux. Par rapport à la situation actuelle, l’entrée des œuvres dans le domaine public serait donc anticipée de 20 ans, ce qu’autorise la convention de Berne et est pratiqué par de nombreux pays dans le monde (Canada, Japon, etc.).  Il serait également opportun que les droits moraux sur l’œuvre prennent alors fin en même temps que les droits patrimoniaux (comme c’est le cas aux Pays-Bas aujourd’hui).
  8. Toutes les prolongations actuelles du droit d’auteur au-delà de la durée de protection de base (régime des « Morts pour la France », prorogations de guerre, œuvres posthumes, etc.) doivent être supprimées, pour uniformiser le statut du domaine public.
  9. Les auteurs pourraient aussi de leur vivant, par une manifestation expresse de volonté, faire entrer par anticipation leurs créations soit dans le « domaine commun », soit dans le domaine public (en utilisant par exemple la licence CC0).

***

Dans la situation actuelle, les 70 ans de protection après la mort de l’auteur constituent une véritable rente de situation profitant à quelques héritiers d’auteurs célèbres plutôt qu’aux créateurs vivants. Plus que cela, c’est surtout une aubaine pour les intermédiaires comme les éditeurs ou les producteurs, qui obtiennent ces droits par cession et conservent donc pendant des décennies la quasi-totalité des sommes générées, bien au-delà de ce que pourrait justifier leur investissement initial dans la création.

Avec le système ici proposé, on aboutit à la mise en place d’un nouveau « domaine commun » présentant de nombreux avantages : 1) Il dégage de nouvelles pistes de financement pour les créateurs vivants : 2) Il assure une solidarité envers eux en consolidant leurs droits sociaux ; 3) Il participe à la numérisation pérenne du domaine public et 4) Par rapport à la situation actuelle, il élargit les droits d’usage sur les oeuvres plutôt que de les restreindre inutilement.

Nous mettons ces idées à la disposition de la France Insoumise et de tout autre organisation politique qui voudrait s’en saisir. Des assises du domaine public pourraient aussi être organisées, entre toutes les parties prenantes, pour débattre des questions soulevées par ces propositions.


19 réflexions sur “Créer un « domaine commun » anticipant le domaine public ?

  1. Cela est bien trop excessif et pourrait avoir des conséquences néfastes.
    Aujourd’hui les éditeurs s’opposeraient à la proposition de rendre payant le domaine public, donc la proposition initiale ne passerait pas.
    Par contre, si les éditeurs ont le choix entre la première proposition et la proposition de SavoirsCom1, de deux maux ils vont choisir le moindre,et le domaine public va vite devenir payant.

  2. Pourquoi 10 ans ?
    Parce que c’est un chiffre rond ? (ou pour ressembler à un éventuel brevet ?)

    Si on veut défendre les auteurs, et leurs enfants, c’est jusqu’au 25 ans du dernier enfant que le droit d’auteur devrait être prolongé. Au minimum jusqu’à la fin de ses études.

    Dommage aussi qu’il ne puisse pas y avoir une « vente » de l’oeuvre… comme on pourrait le faire d’un tableau… à l’Etat ou aux bibliothèques. Pour ramener plus rapidement encore les oeuvres dans le domaine public.
    Une majorité d’oeuvres ne sont (quasi) plus disponibles à la vente mais toujours détenues par les éditeurs par crainte des auteurs de s’aliéner leurs bonnes dispositions (il faut être prêt à rompre avec l’éditeur pour oser récupérer son oeuvre). Là aussi, il faudrait faire du ménage et qu’il y ait un retour automatique à l’auteur et donc des contrats qui ne durent pas plus de quatre-cinq ans.

    Même donner son oeuvre à une bibliothèque ou à l’Etat, ce n’est pas possible tant qu’on fait du commerce avec le même éditeur. Ce qui est le cas d’une majorité d’auteurs là encore.

    Arrêtons de vouloir réduire les droits de l’auteur, lorsque le problème n’est pas de son fait. C’est juste bon à les retrouver contre toute proposition présentée en ce sens. Avec raison.

    Parce qu’on se trompe de problème.
    B. Majour

    1. Les brevets, c’est 20 ans (et encore pas à la mort de l’inventeur, mais à la date du dépôt).

      10 ans post mortem, c’est pour reprendre la durée fixée par les Révolutionnaires à l’origine et pour rendre hommage au projet de Jean Zay, qui lui-même souhaitait revenir à l’arbitrage révolutionnaire.

      Le but n’est pas de faire vivre les enfants des auteurs sur une génération, mais de ne pas priver brutalement une famille de revenus. Préoccupation qui me paraît légitime.

      Par ailleurs, si vous rendez immédiatement après la mort de l’auteur l’usage des œuvres complètement libre, y compris pour les usages commerciaux, alors vous ne permettez plus de dégager un nouveau financement pour la création…

      Or c’est aussi le but de cette proposition d’améliorer le sort des créateurs tant qu’ils sont en vie (et pas de faire absurdement de l’argent après leur mort…). Et c’est là aussi une préoccupation légitime, si l’on en croit les chiffre qui montrent la précarité dans laquelle doivent vivre une grande majorité des créateurs.

      Quant au retour automatique des droits au créateur en cas d’indisponibilité, bien sûr. Mais la belle affaire s’ils sont morts !

      Mieux vaut comme nous le préconisons que la loi accorde une licence générale de réutilisation, en maintenant une redevance pendant une période raisonnable.

      Par rapport à la situation actuelle, notre proposition ouvre énormément les droits d’usage, tout en dégageant des financements complémentaires non négligeables pour la création.

      1. Bonjour Calimaq

        Quand tu me dis « la belle affaire si l’auteur est mort ».
        Il me semble que c’est pareil dans l’article 1 de vos propositions
        Pendant 10 ans après le décès de l’auteur, son conjoint et ses descendants directs pourraient continuer à bénéficier pleinement des droits sur l’œuvre, de manière à leur permettre de faire face à la disparition de l’auteur.
        On parle bien de la mort de l’auteur, et de la gestion de son oeuvre post-mortem.

        Est-ce qu’on peut vraiment reprendre la durée préconisée par les révolutionnaires qui avaient une espérence de vie moindre. Peut-être, après tout un auteur actuel est censé avoir une espérance de vie supérieure. Problème, on a des enfants de plus en plus tard, qui poursuivent des études de plus en plus longues.
        Jouer uniquement sur dix ans, c’est ne pas prendre en compte notre vie moderne.
        Mais Ok, c’est pour s’appuyer sur Jean Zay et se donner une référence. On est d’accord.

        En tant qu’auteur, je vois surtout que vous ne défendez pas mes intérêts, ni ceux de ma famille.
        Alors si un éditeur me dit de lutter contre cette loi… et que j’ai tous mes contrats chez lui. Qu’est-ce que je fais ?
        Coincé, je n’ai pas le choix. Vos propositions, hum… je vais rester poli : ce sera poubelle.
        Aucune nouveauté, que des désavantages.

        Maintenant, si l’éditeur est obligé de renégocier son contrat au bout de 4 ans et de reverser un à valoir… la donne change. Il sera obligé de chouchouter un peu plus ses auteurs, au vrai profit de la création. De manière directe.
        Et non au profit d’un éventuel organisme qui distribuera comme bon lui semble, les sommes récoltées.

        Le problème n’est pas au niveau de l’auteur, mais au niveau de celui qui le tient en laisse. Oui, en laisse contractuelle.

        Si on ne rogne pas cette laisse, ce carcan. Si on ne redonne pas la liberté aux auteurs pour décider de la suite de leur oeuvre… alors rien ne changera.

        Dans un contrat d’édition, ce n’est pas l’auteur qui se taille la part du lion.
        Ce n’est pas non plus l’auteur qui réclame, sans cesse, l’allongement de la durée des droits après sa mort (oui, comme tu le dis : après sa mort, la belle affaire)… ce sont ses « représentants ».

        Tant que certaines chaînes ne seront pas brisées, rien n’évoluera.
        Libérons les auteurs du carcan.
        Remettons les oeuvres sur la sellette de la concurrence tous les quatre ans.

        Et les lignes vont bouger.
        B. Majour

        1. Je constate en vous lisant que vous êtes plein de compassion pour les héritiers des auteurs. Mais alors pourquoi une telle empathie uniquement pour les rejetons de cette catégorie sociale ? Pourquoi le salaire des ouvriers et des employés ne serait-il pas versé à leurs descendants 70 ans après leur mort ? Une durée de 10 ans est déjà une très grande dérogation par rapport aux situations générales, et historiquement, il est littéralement fantastique que l’on ait plus aller jusqu’à 70 ans.

          Pour le reste, vous tombez hélas dans une caricature brutale de nos propositions : « En tant qu’auteur, je vois surtout que vous ne défendez pas mes intérêts, ni ceux de ma famille. »

          Pardon ? On ne défend pas les intérêts des auteurs ?

          On propose ni plus, ni moins de dégager des nouveaux moyens de financements très importants pour les créateurs vivants, plutôt que de les laisser capter par une poignée d’héritiers chanceux, mais surtout par les intermédiaires que sont les éditeurs et les producteurs. N’oublions pas qu’actuellement pour les livres, 90 à 95% en moyenne des droits perçus sur les oeuvres post mortem va directement dans leur poche…

          Donc c’est absolument faux de dire que nous ne proposons rien pour les auteurs, mais nous nous préoccupons des auteurs de leur vivant, plutôt que d’attendre qu’ils soient morts ! Je vois mal d’ailleurs comment rationnellement un auteur pourrait être opposé à ces principes, ou alors cela me dépasse complètement…

          Enfin, je ne vois pas en quoi il y a lieu d’opposer notre proposition et celle que vous faire d’imposer une renégociation des contrats de cession tous les 4 ans. Pourquoi pas en effet ? C’est tout à fait le genre de mesures que je pourrai soutenir.

          Néanmoins, ce ne serait pas encore suffisant, car l’enjeu du financement de la création, c’est de dépasser cette terrible illusion qui consiste à croire que le droit d’auteur peut faire vivre les créateurs. Et d’autant plus dans un contexte social où de plus en plus de gens souhaitent consacrer une partie significative de leur temps à la création.

          95% des auteurs de l’écrit ne peuvent pas vivre actuellement de leurs droits et doivent exercer une profession à côté pour subvenir à leurs besoins. Imposer une renégociation des contrats tous les 4 ans peut aider à améliorer la situation, mais pas à mon sens faire bouger les choses significativement.

          C’est pourquoi – et c’était aussi l’esprit de la réforme de Jean Zay – nous proposons que les sommes levées sur l’exploitation du « domaine commun » financent des nouveaux droits sociaux pour les créateurs. Et notamment un nouveau statut d’intermittence pour les artistes-auteurs, qui nous paraît constituer une piste très prometteuse pour être en mesure de faire face socialement à la situation « d’abondance d’auteurs » à laquelle nous sommes historiquement confrontés.

          Mais pour ça, il faut commencer à réfléchir un peu « hors de la boîte »…

          1. Bonjour U

            Je vois mal d’ailleurs comment rationnellement un auteur pourrait être opposé à ces principes, ou alors cela me dépasse complètement…

            Alors expliquons les choses. Si un éditeur demande à ses auteurs : « j’ai besoin de votre aide pour m’opposer aux propositions présentées ici. Qui vous spolie… »
            Il va se passer quoi d’après vous ?

            Quand on est en contrat avec un éditeur, la réponse est évidente.
            Sauf à vouloir se brouiller avec son éditeur, surtout quand il détient les contrats sur plusieurs de vos oeuvres, c’est mission impossible. Sous peine de voir se tarir très rapidement vos rentrées d’argent. Et là ça n’attend pas dix ans. (moins de publicité, moins bien distribué, en très peu de temps vous pouvez disparaître des librairies). Ou alors on trouve que votre prochain ouvrage n’est plus vraiment conforme à l’esprit de la collection.

            Est-ce plus clair à votre goût ?

            95% des auteurs de l’écrit ne peuvent pas vivre actuellement de leurs droits et doivent exercer une profession à côté pour subvenir à leurs besoins

            Merci, je suis parfaitement au courant ! :-)
            Mon chiffre est plutôt de 98 % à devoir exercer une profession à côté, et avoir un conjoint idéal. Le conjoint idéal est évidemment une proportion extrêmement rare, et bien sûr ce sont ces gens-là que vous allez toucher en plaçant une limite de rémunération à 10 ans.

            Vos propositions ne tiennent aucun compte de la famille du créateur, des difficultés de vie que pourraient avoir le conjoint à la suite d’un décès prématuré.
            La famille de l’auteur qui arrive à grand peine à joindre les deux bouts, vous vous en foutez pas mal. Normal, vous n’êtes pas auteur.

            Je peux tout à fait retourner votre idée :
            Pourquoi le salaire des ouvriers et des employés ne serait-il pas versé à leurs descendants 70 ans après leur mort ?
            Ok, alors pourquoi continue-t-on à verser une retraite aux veuves de tels ouvriers, employés ?
            Après tout, au bout de dix ans, on pourrait couper les vivres à tout le monde.
            Vous l’accepteriez pour votre famille ?

            C’est pourtant ce que vous proposez pour les auteurs.
            Vous croyez qu’ils vont l’accepter ?

            Ce sera un rejet en bloc de toutes vos propositions, aussi intéressantes soient-elles par certains côtés.

            Mais pour ça, il faut commencer à réfléchir un peu « hors de la boîte »…

            Oui, tout à fait, en tant que bibliothécaire, j’ai réfléchi hors de la boîte.

            Pourquoi un auteur ne réclame-t-il pas le retour de ses oeuvres antérieures… qui ne sont plus vendues ou promues par un éditeur ?
            Pourquoi, même lorsqu’il le veut, il ne peut pas le faire ?
            Pourquoi ses ayants droit ne peuvent-ils pas le faire non plus ?
            Pourquoi un éditeur garde-t-il quelques exemplaires d’une majorité d’oeuvres afin de fournir la demande ? Ceci pendant des années… quand bien même l’oeuvre ne serait plus rentable.

            Toutes les réponses se situent dans le noeud suivant : le contrat d’édition.

            Vous voulez accéder aux oeuvres, pouvoir les réutiliser, leur offrir un possible accès au domaine public… du vivant de l’auteur, ou même après sa mort ?

            Libérez les auteurs !
            B. Majour

            1. Beaucoup de choses m’amusent dans votre commentaire, mais en particulier celle-ci : « Normal, vous n’êtes pas auteur. »

              Ha bon ? Je ne suis pas auteur ? Juridiquement, je le suis. Les billets qui sont sur ce blog sont des oeuvres, dont je suis l’auteur. Sachant que ce blog aura bientôt 7 ans d’existence et va atteindre les 2 millions de vues. C’est l’équivalent de la population de Paris intra muros (pour vous donner un ordre de grandeur…).

              Par ailleurs, je suis aussi l’auteur d’un livre et de plusieurs dizaines de chapitres de livres et d’articles (dont plusieurs édités dans des revues scientifiques à comité de lecture) : https://scinfolex.com/publications/

              Et je suis aussi depuis 5 ans l’auteur d’une chronique hebdomadaire sur Numerama http://www.numerama.com/tag/copyright-madness/ et depuis près d’un an auteur d’une chronique de radio : https://scinfolex.com/emission-freezone/

              Ça vous suffit ?

              Et c’est bien cela le problème, dans l’imaginaire général (et dans le vôtre), l’auteur est seulement vu comme un auteur de romans, mais la qualité d’auteur est beaucoup plus largement répandue dans notre société et c’est bien de cela qu’il est question dans notre proposition : se donner les moyens de financer l’abondance des auteurs et pas seulement une infime minorité.

  3. Cette proposition me semble intelligente et fidèle aux principes du droit d’auteur, en en refusant les dérives constatées depuis 50 ans au moins, avec cette augmentation sans interruption de la durée de protection des ayants droits.
    Normal de donner à l’auteur les moyens de créer à nouveau, un peu moins évident de donner à ses héritiers (sur 3 générations) le bénéfice financier des oeuvres de son ancêtre.
    Sans compter que cela facilitera la gestion des « oeuvres orphelines » pour lesquelles règne le plus grand flou.
    Mais il est certain que le SNE ne verra pas ce type de proposition d’un oeil très favorable .
    En tout cas, merci de vos réflexions

    Claudine

  4. Cette proposition est excessive comme je l’ai déjà écrit. Voici celle qui me paraît la plus juste :

    On laisse le domaine public gratuit commencer à partir de 70 ans post mortem, comme aujourd’hui. La tranche concernée par le domaine public gratuit est 10-70 ans post mortem.
    Dans cette période 10-70 ans les droits vont à la famille directe (Père, mère, frères, soeurs, enfants), et à défaut ils vont à la caisse commune, auquel cas l’éditeur perd le droit d’exploitation exclusif et l’ouvrage entre dans le domaine public payant.
    Donc :
    -Les éditeurs ne perdront leur monopole que lorsque l’auteur n’a plus de famille directe : Ce n’est pas si catastrophique.
    -Les héritiers directs toucheront les droits jusqu’à leur mort (dans la limite des 70 ans post-mortem) : ils seront plutôt satisfaits.
    -Les tenants du domaine public gratuits seront contents, ils auront juste sacrifié leur velléité d’un domaine public à 50 ans post mortem.

    Tout le monde y met un peu du sien et tout le monde est content.

      1. Mais dans ma proposition 70 ans est une échéance maximale. Dès que les enfants sont morts, ça entre dans le domaine public payant. Avez-vous bien tout lu ? Les enfants meurent en moyenne 30 ans après leur parents (encore faut-il qu’il y ait des enfant d’où la clause de sûreté de 10 ans post-mortem), ce qui laisse alors 40 années pour la fameuse caisse. Le but ici est bien de remplir la caisse commune jusqu’aux 70 ans, ce qui est un sacrifice auquel vous pouvez tout à fait consentir.

    1. « La tranche concernée par le domaine public gratuit est 10-70 ans post mortem. »

      Il faut lire :
      « La tranche concernée par le domaine public PAYANT est 10-70 ans post mortem. »

  5. Dans ses réponses à « Connaissance libre », Mélenchon souhaite supprimer tous les copyfrauds de l’état (Domaines nationaux, BnF, etc…)
    Attention, ce qu’il ne dit pas dans ses réponses, c’est qu’il prévoit cela pour mieux asseoir l’immense Copyfraud généralisé qu’il a prévu de créer sur le domaine public.

    1. Tout à fait, il y a un double discours à propos du domaine public chez La France Insoumise, extrêmement gênant. C’est très bien de vouloir supprimer les copyfrauds et consacrer l’existence du domaine public, mais si c’est pour instaurer un domaine public payant, cela revient à tomber de Chabrybde en Scylla. Le domaine public payant est même pire, car il s’attache directement à l’oeuvre elle-même et pas à une reproduction numérique.

      1. Ceux qui font payer les reproductions numériques ont au moins le mérite de les avoir créées. En outre, il existe souvent des alternatives gratuites. Enfin, seules les reproductions numériques sont concernées, les textes par leur nature échappent à toute redevance.
        Maintenant il n’y aura aucune alternative gratuite et tout sera soumis à redevance.

        Si quelqu’un doit payer pour les créateurs, ce sont bien les auteurs eux même. Pourquoi ne pas instaurer une petite taxe (maximum 1%) sur les cotisations sociales des ayants droits et redistribuer les gains aux créateurs les plus pauvres ? En plus il me semble que les artistes ont des avantages au niveau des cotisations. Ils cotisent environ 16 ou 17 % contre plus de 20% pour les autres. Il y a donc toute la marge qu’il faut pour instaurer cette caisse s’ils la veulent vraiment. Ca sent le coup fourré tout cela.

        En plus la taxe qu’ils veulent instaurer serait double peine pour les auto entrepreneurs, car ceux-ci ne peuvent pas déduire leurs charges : ils cotisent sur leur chiffre d’affaire : donc il faudrait payer la taxe et la cotisation sociale sur la taxe (22% de la taxe).

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