Des traductions libres pour faire entrer Joyce (et d’autres) dans un domaine public vibrant !

« Domaine public vibrant« , c’est une belle expression que j’ai entendue employée par Hervé Le Crosnier pour nous inciter à faire usage des libertés que l’entrée d’une oeuvre dans le domaine public nous accorde, à l’issue de l’expiration des droits patrimoniaux (vous pouvez l’écouter en parler lors de cette conférence).

Or le premier janvier 2012, les créations d’une nouvelle brassée d’auteurs ont rejoint le domaine public, avec de grands noms comme Henri Bergson, Robert Delaunay, Maurice Leblanc, le créateur d’Arsène Lupin, mais aussi côté anglophone,  Virginia Woolf ou James Joyce (liste plus complète ici). C’était l’occasion aux Etats-Unis de célébrer comme chaque année le Public Domain Day, mais hélas en France, si on fête le patrimoine tous les ans, on n’accorde pas la même dignité au domaine public (et ce n’est pas du tout innocent, croyez-moi…).

James Joyce. Par Robert Scarth. CC-BY-SA. Source : Flickr

Les libertés ne se perdent lorsque l’on ne s’en sert pas et nous savons que le domaine public est une chose fragile, constamment remise en cause par l’allongement de la durée des droits d’auteur et des droits voisins. Pire, certains contestent le bien-fondé de l’existence même du domaine public au motif que les oeuvres qui y « tomberaient » deviendraient inutiles, car plus personne ne serait incité à les exploiter, à défaut de pouvoir établir un monopole.

Ces accusations sont infondées et font partie d’une stratégie globale de destruction méthodique des biens communs de la connaissance. Le domaine public joue un rôle majeur pour faire en sorte que la création d’hier alimente celle d’aujourd’hui et il possède une valeur économique propre. Le cas de la Guerre des boutons l’année dernière a montré que l’entrée dans le domaine public peut justement être l’occasion pour une œuvre de renaître, par le biais d’adaptations cinématographiques ou de rééditions, et il y a d’autres exemples de cette fécondité du domaine public !

L’année dernière, j’avais essayé de pousser un cri d’alarme en faveur de la défense du domaine public, à l’occasion de la dramatique extension de 20 ans de la durée des droits voisins des producteurs et des artistes-interprètes votée par le Parlement européen. Mais ces postures défensives ont leur limite et la valeur du domaine public doit être illustrée par l’exemple.

Lorsque la nouvelle de l’entrée de l’oeuvre de James Joyce dans le domaine public a circulé sur Twitter après le premier de l’an, certains ont fait remarquer que cela n’aurait que peu d’incidence pour le public français, dans la mesure où les traductions de ses créations restent protégées. Il est en effet exact que les traductions sont considérées comme des « oeuvres dérivées » produites à partir d’une oeuvre préexistante, sur lesquelles le traducteur va disposer d’un nouveau droit d’auteur pendant toute la durée de sa vie plus 70 ans. C’est dire, par exemple, que la nouvelle traduction d’Ulysse de Joyce, parue en 2004 chez Gallimard, va rester protégée pendant des décennies, quand bien même le texte  original aura rejoint le domaine public en 2012. Même la traduction la plus ancienne, celle de 1929, devrait rester protégée jusque vers les années 2040, au vu des dates de décès des différents traducteurs qui ont collaboré pour l’établir.

En pensant à cela, j’ai ressenti un pincement, car il m’a semblé qu’il y aurait un vrai intérêt symbolique à ce que l’oeuvre de James Joyce soit réellement libérée du droit d’auteur, y compris dans ses traductions françaises. Pourquoi Joyce en particulier ? Parce qu’on peut dire sans exagération que son oeuvre constitue un véritable martyr du copyright, à la fois en raison de l’allongement de la durée des droits et du comportement outrancier par lequel s’est illustrée la descendance  de l’auteur dans l’exercice de ses prérogatives.

James Joyce. Par Dunechaser. CC-BY-NC-SA. Source : Flickr

L’oeuvre de Joyce, martyr du droit d’auteur…

C’est tout d’abord une chose  peu connue que les oeuvres de Joyce, déjà tombées dans le domaine public une première fois en 1992,  en ont été arrachées comme beaucoup d’autres en 1996, du fait du passage de la durée des droits d’auteur de 50 à 70 ans sous l’effet d’une directive européenne. Outre le fait que je trouve en soi absolument scandaleux que la loi puisse ainsi retirer des oeuvres du domaine public et anéantir les libertés attachées à ce statut, pour l’oeuvre de Joyce, ce fut encore plus dramatique en raison de la rapacité de ses ayants droit.

Stephen Joyce, le petit-fils de l’auteur irlandais, à travers la société Joyce Estate mise en place pour faire valoir ses intérêts, s’est illustré durant des années par des abus répétés dans la manière dont il a utilisé ses droits sur l’oeuvre de son ancêtre. Il fait d’ailleurs l’objet de tout un chapitre dans le « Familles, je vous hais » d’Emmanuel Pierrat, consacré aux pires frasques des héritiers d’auteurs célèbres.

J’avais d’ailleurs écrit un billet en mars dernier à propos d’une plainte hallucinante par  le biais de laquelle Joyce Estate avait attaqué pour contrefaçon le généticien Craig Venter pour avoir utilisé une phrase du roman Portrait de l’artiste en jeune homme afin de coder la séquence ADN d’une bactérie de synthèse ! En avril, on apprenait également que la chanteuse Kate Bush avait enfin obtenu la possibilité d’utiliser un des passages célèbres du roman Ulyssele monologue de Molly Bloom – pour l’adapter en chanson.  Mais il lui aura fallu pour cela attendre la bagatelle de 22 ans, avant que l’héritier ne se décide à lui donner l’autorisation ! Enregistré une première fois en 1989 sous le titre The Sensual World, en faisant simplement allusion au passage du roman de Joyce pour éviter les poursuites, le morceau a été modifié en 2011 pour inclure le texte du monologue et rebaptisé The Flower of the Mountain.

L’héritier de Joyce s’est également illustré en entravant à plusieurs reprises le travail des chercheurs sur l’oeuvre de son aïeul , notamment en poursuivant en justice pendant 20 ans la chercheuse américaine Carol Schloss et en l’obligeant à purger ses travaux sur la soeur de James Joyce, avant que celle-ci ne parvienne à obtenir gain de cause devant les juges. Last but not least, Stephen Joyce empêchait également que se déroule dans de bonnes conditions en Irlande le Bloomsday, à savoir le jour de commémoration de la vie de James Joyce, organisé  pour lui rendre hommage tous les 16 juin.  A cette occasion, les habitants de Dublin, où se déroule l’action d’Ulysse, revêtent des habits évoquant le début du 20ème siècle et parcourent les rues en récitant des passages du roman. Mais Stephen Joyce ne l’entendait pas de cette oreille et il n’accordait par exemple que des autorisations  très restrictives pour les lectures publiques, qui bridaient les initiatives. Cette année, avec l’entrée dans le domaine public de l’oeuvre, le Bloomsday 2012 va enfin pouvoir battre son plein avec une flash mob organisée à Dublin, de nombreuses adaptations théâtrales et musicales et même tout un programme d’animations sur Twitter !

Traduttore, liberatore !

Vous comprendrez à la lecture de ces abus dignes du pire du Copyright Madness qu’il m’ait paru important de proposer quelque chose de spécial avec l’oeuvre de Joyce, en se servant les libertés offertes par le domaine public.

C’est là qu’un parallèle avec ce que fait le projet Musopen pour la musique classique pourrait constituer une piste intéressante. Les partitions des oeuvres de musique classique sont en effet souvent dans le domaine public, leurs auteurs étant morts depuis longtemps, mais ce n’est généralement pas le cas de leurs enregistrements, qui sont couverts par de nouveaux droits voisins des artistes-interprètes jouant les morceaux et des producteurs procédant à la fixation des sons sur un support. L’idée de Musopen consiste à produire de la musique classique libre en louant les services d’un orchestre symphonique et en demander aux musiciens de placer leur interprétation sous licence libre. Pour financer ce type d’opérations, le projet Musopen a eu recours au crowdfunding, en demandant aux internautes de verser une contribution par le biais de la plateforme Kickstater. Résultat : plus de 68 000 dollars récoltés et de nombreux morceaux de musique classique libérés !

En s’inspirant de ce modèle, pourquoi ne pas imaginer un projet (Tradopen ?), qui aurait pour vocation de produire des traductions sous licence libre d’œuvres littéraires du domaine public, en commençant par exemple par les livres de James Joyce ?

Pour parvenir à ce but, il me semble que l’on peut envisager deux voies : crowdfunding et /ou crowdsourcing.

Crowdfunding et/ou crowdsourcing  pour les traductions libres ?

Pour rester au plus proche du modèle de Musopen, l’idée consisterait à rassembler une somme suffisante pour louer les services d’un traducteur littéraire, afin qu’il produise une traduction en français d’une ou de plusieurs œuvres appartenant au domaine public. Le contrat de commande passé avec lui comporterait une clause afin qu’il place sa traduction sous une licence libre, la plus ouverte possible (Creative Commons – Paternité, par exemple). L’argent nécessaire pour monter l’opération serait levé par le biais d’une opération de crowdfunding, pourquoi pas en passant par une plateforme dédiée comme Kickstarter ou ses équivalents français (Ulule, Kiss Kiss Bank Bank).

Cette première solution présente l’avantage de faire travailler un professionnel, ce qui assure un niveau de qualité homogène au produit fini, mais elle présente le désavantage des aléas liés à toutes les opérations de crowdfunding, qui peuvent réussir brillamment comme ce fut le cas pour Musopen… ou échouer.

L’autre piste consisterait à mobiliser plutôt l’intelligence collective en mettant en place une solution de crowdsourcing. L’équipe de Framasoft procède déjà ainsi dans le cadre de Framalang, en ouvrant des pads où les internautes peuvent venir travailler de manière collaborative sur des traductions d’articles. Wikisource, le projet de bibliothèque libre porté par Wikimédia, pourrait aussi être mis à contribution, notamment pour fournir le matériau de base, à savoir le texte anglais des oeuvres de Joyce, dans une version réutilisable sans contrainte juridique (une partie de l’oeuvre de Virginia Woolf  en anglais y figure aussi).  Wikisource pourrait aussi à terme recueillir la traduction française élaborée dans le cadre du projet, pour garantir son hébergement et le fait qu’elle reste bien libre et disponible à la réutilisation. On peut aussi songer au Projet Gutenberg pour transformer le texte en livre numérique. Ou à des acteurs français comme Publie.net ?

Le texte anglais d'Ulysses de Joyce figure déjà sur Wikisource... (Domaine public)

L’avantage de la formule du crowdsourcing est qu’elle est légère à mettre en place et ne nécessite pas de fonds à lever. Mais s’agissant d’oeuvres littéraires, et notamment de textes aussi complexes que peuvent l’être ceux de Joyce (le roman Ulysse notamment…), on peut se demander si le crowdsourcing serait bien approprié pour aboutir à une traduction satisfaisante du point de vue du style. Ce serait un véritable défi lancée à l’intelligence collective, mais après tout, comme le rappelle l’article de Wikipédia, les traductions précédentes d’Ulysse ont également été le fruit d’un travail collectif et ce n’est pas un hasard :

Parlant de son roman, Joyce déclarait qu’il l’avait écrit de dix-huit points de vues différents qui sont autant de styles différents. Cela a donc favorisé un travail de traduction collectif. Ce travail à plusieurs possède l’avantage de donner au livre une résonance multiple et donc d’éviter une traduction trop personnelle.

Peut-être faut-il d’ailleurs combiner les deux voies et réserver le crowdsourcing à des textes courts, tandis que le crowdfunding servirait faire traduire des oeuvres plus longues par des professionnels ? Peut-être faut-il également ne pas se cantonner à Joyce, mais élargir à d’autres auteurs, anglophones et au-delà, entrés dans le domaine public cette année ? Avec à terme une plateforme Tradopen, alimentée chaque année par les nouvelles entrées dans le domaine public ?

Appel aux bonnes volontés et à commentaires !

Lors d’échanges sur Twitter suite aux premiers pas de cette idée lancée à la cantonnade, j’ai cru me rendre compte que certains pouvaient être intéressés par ce projet de traductions libres à partir d’oeuvres du domaine public : des wikipédiens, des bibliothécaires et des documentalistes, les journalistes d’Actualitté, l’équipe de Framasoft et peut-être d’autres encore ?

Si vous voulez réagir ou vous manifester, les commentaires de ce billet vous sont ouverts et la discussion peut continuer sur Twitter !

Pour ma part, j’avoue que la piste du crowfunding m’intéresse et je m’en vais interroger Eric Hellman, promoteur américain du projet de libération de livres numériques Gluejar/Unglue.it, pour voir s’il a déjà songé à élargir son dispositif à la traduction d’oeuvres du domaine public. L’infrastructure qu’il est en train de bâtir pourrait être mise à contribution pour ce type de projets.

Encore une fois, les libertés se perdent lorsqu’on ne les utilise pas ! Employons celles que nous offre le domaine public pour créer à nouveau en nous appuyant sur les épaules des géants !


47 réflexions sur “Des traductions libres pour faire entrer Joyce (et d’autres) dans un domaine public vibrant !

  1. Je l’ai déjà dit sur Twitter mais je le répète : c’est un beau projet, ambitieux et je suis prête à m’y investir à fond (mais pas dans la traduction proprement dite, mon niveau en langue est exécrable malheureusement…). Le choix de Joyce comme première traduction libre est super et important au niveau symbolique, mais j’ai toutefois peur que pour un départ ça soit trop, beaucoup trop ambitieux. J’avais avancé l’idée sur twitter, et si on se calque vraiment sur le modèle de Musopen de soumettre le choix de l’œuvre au vote.
    Après il serait intéressant de contacter des traducteurs professionnels (peut-être à la retraite) pour voir justement ce qu’une traduction d’un livre d’envergure leur a rapporté en totalité ou comment leur rémunération s’est passé (payé d’un coup par l’éditeur ou bien rémunéré au fur et à mesure par les droits que ça a rapporté).
    Il pourrait être intéressant également de faire traduire une nouvelle par le crowdsourcing et de la comparer à une traduction déjà existante pour voir si véritablement de pertes de style

    1. Merci pour votre intérêt !

      Oui, je suis bien d’accord, Joyce et Ulysse qui plus est, c’est sûrement un brin ambitieux.

      Il faudrait comme vous le suggérez proposer une liste de titres à traduire pour sonder lesquels présentent le meilleur potentiel.

      Bonne idée également de prendre contact avec des traducteurs pour voir la manière dont ils travaillent et adapter le projet en conséquence.

      Le Code dit qu’ils peuvent être payés au forfait et j’imagine que beaucoup ,d’entre eux le sont : « En ce qui concerne l’édition de librairie, la rémunération de l’auteur peut faire l’objet d’une rémunération forfaitaire pour la première édition, avec l’accord formellement exprimé de l’auteur, dans les cas suivants : […] 7° A la demande du traducteur pour les traductions » (Art. L.132-6).

  2. Excellente idée et le cas de Joyce est emblématique pour des questions de copyright sur un plan juridique comme tu l’as montré mais aussi sur un plan plus « philologique », le mot est un peu fort mais je m’explique :
    l’œuvre est un modèle d’intertextualité (et pas uniquement dans son rapport avec le texte antique) avec tout ce que cela implique de questions sur la notion de « paternité » d’un motif littéraire, d’un style etc.
    Une raison de plus pour faire du cas de Joyce un symbole de l’évolution nécessaire du concept de « droit d’auteur » !

    Je ne peux pas participer à une éventuelle traduction collective (bien incapable) mais je suis prêt à m’impliquer dans une valorisation de ce travail à travers l’organisation d’événements, de rencontres etc. comme je le fais avec la pulp à Tence.
    Bonne chance au projet

    1. Merci beaucoup, Renaud, pour l’intérêt que tu portes à cette idée !

      Il y a un vrai dilemme, en fait, avec Joyce, car d’un côté on sent bien en effet que sur le plan symbolique, Ulysse est l’oeuvre rêvée pour lancer un tel projet, mais de l’autre, c’est un texte particulièrement complexe et difficile d’accès, sur lequel on peut se casser les dents.

      En tout cas, si cela se lance, ce serait une excellente chose de pouvoir organiser des évènements pour expliquer le sens de la démarcher.

  3. Beau projet évidemment et le choix de Joyce, bien qu’ambitieux, me semble un bon choix. Par contre, je me demande : à partir de quels changements (mots, phrases, etc.), une traduction peut-être qualifiée de nouvelle ? Il faudrait déjà comparer les deux versions existantes entre elles, non ?

    1. Oui, bonne remarque, à laquelle j’avais également songé.

      Si l’on part sur un modèle de crowdsourcing, il faudra être particulièrement vigilant à ce que les traductions existantes ne soient pas « recopiées » pour constituer la traduction libre, sinon nous tomberions dans le plagiat.

      Mais il y a des logiciels très efficaces qui permettent de détecter les plagiats et ils pourront être mis à profit ici.

      Le défi, par contre, est de produire une vraie traduction « originale ».

      1. Si le traducteur ne prend pas modèle sur les traductions existantes, normalement ça ne devrait pas poser de problème de plagiat ? Mais certainement que des enchaînements de mots seront les mêmes, il n’y a parfois pas 36 façons de traduire une phrase :)

  4. Y a t-il, justement, un site qui recense toutes les oeuvres -texte, musiques, images, sculptures…) dont les droits ont migré dans le domaine public ?

    1. Non, pas à ma connaissance hélas. Un tel Registre du Domaine Public fait actuellement cruellement défaut, mais il ne serait pas si simple à bâtir, car l’appartenance au domaine public est une notion très relative, puisque la durée de protection des droits varient selon les pays.

      Voyez cette carte du monde, qui est assez éloquente à mon sens.

      Cette « indéterminabilité » du domaine public constitue un des facteurs importants de sa fragilité juridique.

      Sur la difficulté d’établir qu’une oeuvre appartient au domaine public, je vous recommande également cet article de Slate, paru en septembre 2011 : Dans le labyrinthe du domaine public.

      1. On pourrait créer un tel registre pour la France uniquement, basé sur un wiki ou autre système collaboratif. Avec MediaWiki il y a une page de discussion associée à chaque page qui permettrait justement de débattre du statut, sachant qu’à chaque fois il faut argumenter avec des références crédibles.

  5. Magnifique projet, évidemment. Mais je suis très sceptique concernant l’idée du crowdsourcing : une traduction est un vrai travail d’écriture, un travail personnel, une création autant qu’une recréation. C’est déjà vrai pour les traductions de textes techniques et scientifiques – difficiles à faire à plusieurs, à moins de disposer d’un petit groupe très soudé -, alors vous imaginez pour les textes littéraires, et en particulier pour ceux de Joyce ! Le problème sera alors de financer la traduction et donc de trouver un traducteur professionnel : Joyce fait peur et ça se comprend. Et traduire chacun de ses livres est une œuvre de longue haleine, pouvant prendre des années…

    @Albatros : ne vous inquiétez pas, c’est un problème bien connu des traducteurs, et les conflits autour d’éventuels plagiats n’ont pas manqués de se produire par le passé. Un traducteur authentique ne plagie pas !

    PS. Je ne suis pas traducteur, mais maquettiste et typographe. Tiens, encore un métier qui ne s’improvise pas et qu’on devrait laisser exercer à ceux qui en connaissent la pratique ;-).

  6. Bravo !! Je souscris pleinement à la proposition, particulièrement stimulante !! A vrai dire, même si commencer par Ulysse est sans doute plus casse-gueule des paris, c’est aussi un défi symbolique, comme le dit Renaud, ce qui en renforce l’intérêt : c’est parce que le prestige de Joyce est immense dans la littérature, y compris pour les francophones notamment littéraires, que la perspective de contribuer à une traduction originale qui soit un bien commun de tous peut générer un réel enthousiasme. Les bibliothécaires pourraient se faire le relais de l’idée auprès de leurs lecteurs passionnés et souvent experts !…

    1. Bonjour et merci pour votre enthousiasme !

      Ce serait effectivement une bonne chose d’associer les bibliothèques, d’une manière ou d’une autre, à des opérations de ce genre.

      En sollicitation leurs lecteurs, mais sans doute plus encore en relayant le projet auprès d’experts pour les BU, car traduire Joyce constitue quand même un sacré défi ! Peut-être être faut-il envosager un entre-deux entre faire travailler un traducteur unique et une foule d’internautes, en arrivant à toucher une communauté de spécialistes qui pourrait travailler de manière coordonnée.

      Une question enfin pour terminer : mes alertes m’ont signalé que vous aviez écrit vendredi un beau billet « A quand les journées du bien commun ? ». Mais il n’est plus sur votre blog et on n’y accède plus que dans le cache de Google : http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:LdUxLAizd_UJ:bccn.wordpress.com/2012/01/13/a-quand-les-journees-du-bien-commun/+bertrand+calenge+blog+biens+communs&cd=2&hl=fr&ct=clnk&gl=fr&client=firefox-a

      C’est dommage.

      Sachez qu’il existe déjà une manifestation de ce genre en France, organisée tous les deux ans par la ville de Brest : Brest en biens communs : http://brest-en-biens-communs.infini.fr/index.php/Portail:Rencontres_2011

      J’ai eu la très grande chance d’y participer en 2011 comme intervenant et j’en garde un excellent souvenir.

      Peut-être celui pour une fois de me sentir exactement « là où je devais être ».

      Ce qui n’est pas toujours le cas, hélas, comme conservateur…

      1. Merci de m’avoir signalé l’évènement brestois, que je ne connaissais pas (j’aurais du avoir le réflexe, Brest est coutumier des initiatives ouvertes et collaboratives…).
        Le billet repéré dans le cache de Google était apparu suite à une erreur de manip, le billet étant encore un début de brouillon. Il est maintenant en ligne… avec bien sûr votre référence à la ‘journée’ du bien commun de Brest !

        1. Bonjour à vous qui lisez,
          je pose ces mots un peu aux hasards.
          Je suis « le jeune », comme on nous appelle aujourd’hui, et comme les autres je ne suis pas bien malin et élevé au Club Dorothée.
          Malgré tout, mes yeux neufs sur le monde m’ont souvent amenés vers les « vieux », certainement pour tenter de leur soutirer quelques tuyaux sur les choses de la vie. Je me suis attaché à certains, morts depuis bien longtemps, mais qui vivent au travers de ce qu’ils m’ont transmis.
          A la lecture de vos mots j’ai senti cette volonté de partager ces « vieux » pour que tout le monde puisse les goûter. J’ai eu envie de vous aider.
          Je ne connais malheureusement pas James Joyce parfaitement, mais mes antécédents universitaires et personnels pourrait peut-être vous intéresser pour la partie traduction.
          Puisque vous avez autre chose à faire je vous laisse ici.
          N’hésitez pas à me contacter pour me dire ce que je pourrais peut-être faire pour eux!
          Julien Boivin

          1. Merci pour ce commentaire !

            Je pense en effet que la notion de domaine public est associée à celle de la transmission du savoir d’une génération à une autre (et j’ai aussi déjà ressenti très fortement ce dialogue avec les morts que vous évoquez).

            J’écrirai de nouveaux billets pour faire un état de l’avancement du projet.

  7. Intéressé par le projet dont parle le billet, bien sûr, mais également par celui qui découle de ta réponse au commentaire de Dom https://scinfolex.wordpress.com/2012/01/13/des-traductions-libres-pour-faire-entrer-joyce-et-dautres-dans-un-domaine-public-vibrant/#comment-2577

    C’est-à-dire créer le Registre du domaine public que tu évoques. En fait, il me semble même que ça pourrait être considéré comme une sorte de projet préalable à celui de produire des traductions libres. On liste les œuvres en domaine public (bonus:on lie vers où on peut les trouver en ligne), et parmi elles on sait dans quelles traductions on peut se lancer.

    Alors, comme tu le dis c’est peut-être pas facile de déterminer si une œuvre fait partie du domaine public, mais de toute façon, la difficulté se posera pour le projet de traductions libres, non? Alors finalement on pourrait se baser sur la création du Registre du domaine public, qu’en dis-tu ? Perso, ça m’intéresserait en tout cas.
    Laurent

    1. Ce serait effectivement très utile de pouvoir disposer d’un Registre du Domaine Public.

      On peut l’imaginer sous une forme collaborative (type wiki alimenté par le crowdsourcing). D’une certaine manière, Wikipédia ou mieux DBpédia, devraient pouvoir être mise à contribution pour bâtir un tel registre : http://dbpedia.org/About

      Il existe par ailleurs plusieurs projets de systèmes automatiques de calcul des droits d’auteur à partir de bases de données, comme par exemple le projet ARROW au niveau européen : http://www.arrow-net.eu/

      Europeana a aussi mis en place un Public Domain Calculator, assez intéressant, mais il implique de disposer de données assez complètes sur l’oeuvre : http://www.outofcopyright.eu/calculator.html

  8. fusionner les deux approches ? crowdsourcing pour premier défrichage traduction, crowdfunding pour rémunérer pro traducteur venant en lissage/validation des traductions.

  9. Bonjour,

    Moi j’ai au moins une traduction inédite de Stefan Zweig à proposer… Le texte lui-même est inédit en français, sauf peut-être dans le Pléïade qui va sortir en février 2012, à l’occasion justement du passage des oeuvres de Zweig dans le domaine public lors du 70e anniversaire de sa mort.

    Je ne garantis pas que cette traduction soit parfaite, mais je pense qu’elle tient la route, et elle est proposable sous peu. Il s’agit d’un texte de 25 pages environ.

    Vous me contactez à l’adresse-mail indiquée dans mes coordonnées, si jamais je peux vous être utile ?

    1. Oui en effet, cela pourrait être intéressant, mais Zweig étant mort en 1942, son oeuvre n’entrera dans le domaine public qu’en 2013 (vie de l’auteur + 70 ans => il faut compter le premier janvier de l’année suivant celle des 70 ans après la mort).

      C’est d’ailleurs une excellente nouvelle, car je ne doute pas que beaucoup de gens pourraient être intéressés par des traductions libres de Zweig.

  10. Bonjour,

    tout d’abord, et avant d’entrer dans les détails du projet que vous proposez à l’attention des internautes, permettez-moi de vous féliciter pour avoir rappelé les mérites du domaine public et les possibilités que la libération d’œuvres d’Art d’entre les mains d’héritiers rapaces et / ou incapables peut faire naître.

    Quant aux romans de Joyce, j’avoue ne pas comprendre l’intérêt de traduire ses romans. Ceux qui lisent du Joyce, ne sont-ils pas capables de le lire dans la langue originale ? Celle qu’il faut connaître impérativement quand on veut parler d’une façon un tant soit peu sérieuse de l’auteur d’Ulysse ? Je verrais plutôt l’intérêt d’un tel procédé quand il s’agit de langues moins enseignées, comme p.ex. le russe.

    Ensuite, point capital sans doute, le choix entre le crowdfunding et le crowdsourcing. Certes, vouloir travailler sans rémunération, une telle idée part souvent d’intentions louables. Mais est-ce qu’on se rend compte du fait qu’il y a des gens qui doivent vivre de leur travail ? Et il me semble que la traduction littéraire est déjà assez mal payée dans l’état actuel des choses. Pour ne rien dire du fait que la traduction d’un bon millier de pages prend facilement des années, pour peu qu’on respecte son travail, et celui de l’auteur. Qui voudrait encore payer un traducteur (travail qui nécessite des années d’études et d’expériences, rappelons-le) quand le public sera une fois accoutumé à voir fleurir des textes libres et gratuits à tout bout de champ ? Non, il me semble que le crowdsourcing représente un danger non négligeable pour ceux qui doivent vivre de leur plume, de leur intelligence et de leur créativité. Est-ce qu’on finirait par ne payer plus que les analystes et autres requins profiteurs de crise ? Pour le crowdfunding, par contre, cela peut être envisageable dans la mesure ou la personne choisie pour la tâche serait capable de générer des revenus sur la base de son travail. Pour ce qui est des droits voisins d’exploitation auxquels cette personne-là serait obligée de renoncer, je ne pense pas qu’elle y perde grand chose, ces droits-là étant en général revendiqués par les éditeurs.

    Cordialement,

    Thomas Galley

    1. Bonjour,

      Je ne trouve pas recevable l’argument consistant à dire que l’on ne doit pas faire de crowdsourcing pour des traductions, sous prétexte que cela ferait une concurrence « déloyale »aux traducteurs professionnels.

      On trouve hélas trop souvent cette idée avancée, les champions toutes catégories de ce raisonnement étant les photographes professionnels de l’UPP, qui font un lobbying plus que contestable pour discréditer, voire interdire le « libre ».

      Les professionnels n’ont pas de privilège et il leur appartient de s’adapter, alors que les moyens techniques permettent de plus en plus à des amateurs de s’associer pour produire des contenus de qualité.

      SI l’on va par là, on finira par rétablir les privilièges d’Ancien Régime accordé par le Roi aux imprimeurs (l’UPP n’est pas loin de demander ça, voyez ici : http://labs.hadopi.fr/forum/debats-publics/quelles-evolutions-pour-la-photo).

      Ce genre de raisonnement me fait penser très fortement à la « pétition des fabricants de chandelles » pour obtenir que l’on éteigne le soleil : https://secure.wikimedia.org/wikipedia/fr/wiki/P%C3%A9tition_des_fabricants_de_chandelles

      Impossible d’être d’accord avec vous : je rejette profondément cette distinction entre amateurs et professionnels, qui fait de moins en moins sens à l’heure du numérique et qui véhicule un substrat idéologique avec lequel je suis en désaccord.

      Cordialement,

      Lionel

  11. Traducteur littéraire de l’italien, et très accessoirement de l’anglais, je m’associe pleinement à vos requêtes, considérant même que l’extension de la protection des droits au-delà d’une dizaine d’années après la mort de l’auteur -le temps je pense, de considérer sans hâte le sort à faire à la correspondance, aux manuscrits et aux inédits problématiques – est le plus grand dommage qu’on puisse faire aujourd’hui à la littérature. Mais l’enfer, on le sait, est pavée de fausses bonnes intentions et d’autant d’intérêts mesquins. Les exemples sont légion d’auteurs maltraités par des ayant-droits incultes et cupides, ou simplement dépassés par leurs responsabilités, simples descendants devenus rentiers d’ancien régime. Où est la propriété intellectuelle dans tout cela? (Si tant est que le mot propriété me plaise, mais c’est un autre débat)

    1. Merci beaucoup pour cette info ! Très intéressant en effet, ça montre que c’est possible dans un cadre français, même si les types d’oeuvres sont différents.

      Je vous recontacterai à l’occasion pour avoir un retour sur votre expérience.

  12. La Cour Suprême des EU a décidé la semaine dernière que le Congrès a le droit de retirer des oeuvres du domaine public (en théorie pour se conformer à la Convention de Berne, mais d’aucuns y voient un prétexte pour simplement rallonger le copyright ad vitam aeternam). Ce n’est pas une bonne nouvelle!

  13. Personnellement, je suis contre la transmission de droits moraux ou intellectuels, si ces droits appartiennent à l’artiste en tant que tel (droit défini par John Locke) en quoi ce doit peut-il être vendu ou cédé à des héritiers?
    En tout cas pour les traducteurs, le droit de transmission est encore plus abusif.
    Ma remarque vient des éditions de Gallimard d’Ulysse, j’ai deux ouvrages et deux Copyrights différents!
    © pour la traduction : 1937 pléiade et 1957 folio …

  14. Je prends connaissance de cet article lu à la suite de « Le Roi est nu ». Belle initiative, pas simple à mettre en oeuvre, mais très intéressante et à laquelle je m’associerais volontiers si elle se fait concrète.
    La traduction fait partie de mes activités (sans exclusive) : certaines de mes traductions circulent « librement », d’autres ont été publiées « officiellement ». J’imagine que ça doit faire de moi une « pro » même si ça n’est pas mon métier (i.e. je n’en vis pas).
    Mais quand même, Joyce! mazette, rien que ça !

    Peut-on imaginer un espace collaboratif où réfléchir ensemble à comment donner corps à l’initiative ?

    1. Merci pour votre intérêt ! Comme je le disais dans ma réponse à un commentaire plus haut, je me réjouis de voir des traducteurs trouver cette idée intéressante.

      C’est vrai que le principal écueil, c’est Joyce lui-même et Ulysse en particulier, mais il y a sans doute moyen de faire quelque chose avec cet auteur et cette oeuvre sans se casser les dents (commencer par traduire le premier chapitre, à titre d’expérimentation, traduire des morceaux choisis, etc).

      Le tout est d’enclencher la machine et de créer une dynamique, car l’année prochaine, il y a du lourd qui entre dans le domaine public (Zweig, par exemple).

      J’écrirai un nouveau billet quand les choses auront avancé et notamment lorsqu’un site dédié à ce projet sera ouvert pour en discuter.

      Cordialement,

      Calimaq

  15. Merci pour cette excellente idée et pour l’ouverture.
    J’arrive un peu tard dans la discussion mais je suis très intéressée par cette possibilité. Joyce est en effet trop ambitieux mais il y a tellement d’autres auteurs et de textes.
    Je suis moi-même traductrice (voir notamment l’anthologie d’auteurs contemporains turcs chez Publie Net http://www.publie.net/fr/ebook/9782814505520/meydan-%E2%80%93%C2%A0la-place). Comme vous, je n’aime pas cette distinction « amateurs vs professionnels », ça ne dit pas grand chose sur la qualité du travail, juste qui gagne sa vie avec cette activité.
    Je ne sais pas si les choses ont avancé depuis ce billet, vu que j’arrive bien tard pour répondre. Je dirai donc, continuons cette discussion et à développer cette idée.
    Au plaisir de vous lire.

    1. Bonjour,

      Merci pour votre intérêt ! Depuis ce billet, il y a eu plusieurs contacts et discussions qui montrent qu’un certain nombre de personnes sont prêtes à participer. Je note avec joie qu’à présent plusieurs traducteurs se manifestent, ce qui constitue un atout non négligeable.

      La difficulté principale, finalement, c’est Joyce lui-même et Ulysse en particulier, mais il y a d’autres auteurs plus accessibles qui sont entrés dans le domaine public cette année (comme V. Woolf). J’aimerais quand même faire quelque chose autour de Joyce, pour la valeur symbolique de cet auteur, le 16 juin prochain (c’est le Bloomsday).

      J’écrirai un nouveau billet quand les choses auront un peu plus avancé, notamment lorsque j’ouvrirai un site pour porter cette initiative.

      En tous cas merci pour votre commentaire.

      Calimaq

  16. Bonjour

    Tout d’abord, je tiens à vous remercier pour vos nombreux articles, toujours passionnants, qui m’ont appris presque tout ce que je sais sur la propriété intellectuelle. C’est un plaisir à chaque fois renouvelé de vous lire :).
    Ensuite, après avoir relu ce billet à la suite de « Le Roi est nu ! », j’aimerais savoir ce que devient votre (ou plutôt le) projet Tradopen. J’ai lu dans votre réponse au commentaire précédent que vous ne l’avez pas abandonné et que vous avez projet d’ouvrir un site Web pour le porter. Avez-vous une idée précise de la manière de le conduire (crowdsourcing ou crowdfunding) ou cela sera t-il décidé de façon collaborative sur le site ? Le projet de Registre du domaine public est-il toujours d’actualité ?
    Je n’ai aucune compétence en anglais ni dans aucune autre langue mais je participerais très volontiers à ce projet si c’est possible de quelque manière que ce soit. Si je ne pense pas être capable de participer à une traduction collaborative, je pense n’avoir aucun problème pour contribuer à l’établissement d’un registre du domaine public.
    Cordialement (et en espérant que vous aurez le temps de me répondre).

    1. Bonjour,

      Mon idée concernant ce projet est de faire un premier test, plutôt sur le mode du crowdsourcing, le 16 juin prochain, qui correspond à la célébration de la mort de Joyce (Bloomsday). Il s’agirait de traduire une partie seulement du roman, peut-être le premier chapitre, pour voir ce que ce procédé peut donner. D’autres textes du domaine public, de Joyce ou d’autres seraient également proposés, en choisissant des textes courts.

      Je suis en train de voir comment mettre en ligne un site, pour permettre à ce projet d’exister en tant que tel.

      Pour ce qui est du Registre du Domaine Public, c’est un projet qui dépasse très largement mes propres forces et qui impliquerait des moyens conséquents. Je n’ai fait qu’en évoquer l’idée et la nécessité.

      Je note votre intérêt pour cette initiative et je ferai un nouveau billet quand j’aurais franchi une nouvelle étape.

      Cordialement,

      Calimaq

  17. Merci de m’avoir répondu !

    Je continuerais à suivre l’évolution de ce projet avec intérêt et impatience.
    Constituer un registre fiable du domaine public serait enfin une lourde tache… Mais l’idée est à creuser (peut-être sous la forme d’un wiki ?).

    Cordialement

    Sylvhem

Répondre à Sylvhemhem Annuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.