Les bibliothèques et l’océan du web : trois exemples concrets et une mise au défi

Au mois de septembre dernier, Silvère Mercier a écrit sur son blog Bibliobsession un de ces billets importants dont il a le secret, intitulé « Les bibliothécaires, médiateurs dans l’océan du web« .

A Lonely Walk To The Ocean. Par Stuck In Customs. CC-BY-NC-SA. Source : Flickr.
A Lonely Walk To The Ocean. Par Stuck In Customs. CC-BY-NC-SA. Source : Flickr.

Ecrit en réaction à une thèse défendue par Bertrand Calenge, il y soutenait l’idée que les bibliothèques ne devaient plus se cantonner à privilégier l’offre commerciale, « filtrée » par le travail des éditeurs, mais devaient s’engager dans la promotion auprès de leurs publics de ressources remarquables, pêchées dans la profusion de l’océan du web :

[…] les bibliothécaires sont-il les médiateurs exclusifs du monde marchand ? Le mythe fondateur du bibliothécaire dénicheur ou découvreur d’éditeurs ou de talents improbables est-il réservé aux objets tangibles de l’offre commerciale ? En 2012, ce rôle peut-il se résumer à celui de passeur autorisé par l’édition officielle à faire exister des objets sélectionnés dans une offre commerciale ? Est-on capable de prolonger ce rôle dans l’espace ouvert du web, celui des amateurs au sens noble du terme ? Est-on capable de faire connaître des biens communs de la connaissance, des pépites sous licences libres comme on a « valorisé » l’édition commerciale de qualité ? La focalisation exclusive d’une partie de la profession sur les ressources numériques payantes indique une profonde tendance à légitimer des contenus par l’existence commerciale, alors même que les obstacles d’accès en rendent toute médiation problématique…

J’avais déjà eu l’occasion d’applaudir lors du lancement du service Ziklibrenbib, où des bibliothécaires sélectionnent et mettent en valeur de la musique sous licence libre, prolongeant leurs activités traditionnelles de médiation en direction de ressources qui ont particulièrement besoin que des intermédiaires les signalent à l’attention du public. En retour, j’avais noté que les bibliothèques ont également intérêt à se tourner vers ce type de contenus, dont les conditions d’utilisation sont beaucoup plus souples que les ressources numériques commerciales. Voilà de quoi nourrir sites internet, liseuses, tablettes, ou même Library Box, sans s’empêtrer dans d’indémêlables contraintes juridiques !

Je voudrais aujourd’hui prolonger cette réflexion avec des exemples concrets, issus cette fois du domaine du livre numérique. Alors que les conditions de mise à disposition des livres en numérique restent toujours aussi complexes en France, il existe des ouvrages   sous licence libre que les bibliothèques pourraient proposer à leurs publics, sans entrave. Mais elles ne le font pas, parce que ces livres numériques ne figurent pas dans leurs circuits traditionnels d’approvisionnement et n’apparaissent pas sur leur « radar ». Les bibliothèques se sont longtemps pensées comme des maillons de la fameuse « chaîne du livre » ; elles doivent à présent se considérer comme des acteurs à part entière de l’écosystème du numérique !

Pour essayer de vous montrer de quoi il retourne, je vous propose trois livres numériques à intégrer dans vos collections (et je terminerai par une petite mise au défi avec un quatrième ;-)

1) Oral Literature in Africa, par Ruth H. Finnegan :

Ce livre académique fait partie de ceux pour lesquels la plateforme américaine Unglue.it a lancé une opération de crowdfunding pour les « désengluer ». Le site propose aux auteurs et aux éditeurs de fixer une certaine somme d’argent à rassembler, à charge pour eux ensuite de placer la version numérique de l’ouvrage sous licence Creative Commons. Oral Literature in Africa est le premier livre pour lequel cette opération a fonctionné. Il est désormais librement téléchargeable, sous les termes de la licence CC-BY (Attribution), la plus ouverte de toutes.

Il se trouve que lorsque l’on regarde dans le SUDOC, on se rend compte que plusieurs bibliothèques universitaires et de recherche françaises possèdent cet ouvrage sous forme papier dans leurs collections. Mais aucune n’a semble-t-il songé à référencer cette nouvelle édition et à la proposer à ses usagers, alors que la licence leur permettrait tout à fait de le faire.

Pourtant, un article paru au mois de septembre sur le site Actualitté a bien signalé en français le succès de l’opération de libération de ce livre. Par ailleurs, aux États-Unis, les bibliothécaires américains ont signalé la disponibilité de l’eBook sur Worldcat et plusieurs bibliothèques l’ont intégré à leur OPAC (voir ce Storify et les images ci-dessous).

Si les bibliothécaires français ont sélectionné cet ouvrage en format papier, pourquoi ne pas proposer à présent la version numérique, surtout qu’elle est disponible dans tous les formats (mobi, ePub et pdf) ? Il doit également être possible de référencer cette nouvelle édition dans le SUDOC, avec un lien vers le fichier à télécharger.

La semaine dernière, Unglue.it est parvenu à rassembler les sommes pour libérer un second ouvrage, The Third Awakening par Dennis Weiser, un roman de science-fiction. Voilà donc un autre livre intégrable sans entrave dans les collections des bibliothèques, partout dans le monde… à condition qu’elles le fassent et c’est là que le bât blesse !

2) Le crime contre nature, par Gwenn Seemel :

Gwenn Seemel est une artiste-peintre américaine, dont j’ai déjà eu l’occasion de parler sur S.I.Lex, car il s’agit d’une figure montante de la culture libre. Depuis plusieurs mois, elle a réalisé une série de toiles intitulée The crime against nature/Le crime contre nature. Son propos consistait à représenter des espèces animales chez lesquelles la distinction entre mâle et femelle diffère de la représentation que nous nous en faisons habituellement. Elle nous invite ainsi à dépasser nos clichés et nos conditionnements pour réinterroger les rapports homme/femme.

crimeseemel Au-delà des tableaux, Gwenn Seemel a souhaité éditer cette série sous la forme d’un ouvrage, dans lequel les toiles sont accompagnées d’un commentaire. Elle est passée pour cela par la plateforme de crowdfunding Kickstarter et son opération a réussi. Le livre est maintenant paru et comme Gwenn est parfaitement bilingue, il est également disponible sous forme numérique dans la langue de Molière.

Comme je vous le disais plus haut, Gwenn Seemel s’inscrit dans la mouvance de la Culture libre et elle a choisi de ne pas protéger ses oeuvres par le biais du copyright, dont elle conteste les fondements. Sur son site, il est possible d’acheter les versions papier du Crime contre nature, mais elle offre gratuitement en téléchargement la version numérique.

Dès lors, les bibliothèques françaises pourraient tout à fait récupérer ce fichier et le proposer à leurs lecteurs, dans les tablettes qu’elles prêtent par exemple, ou en lien à partir de leurs sites ou catalogues. Vous pouvez aller vous faire une idée du contenu du livre en vous rendant sur Facebook, où Gwenn Seemel le présente sous forme d’album. Alors que nous sommes en ce moment en plein débat sur la légalisation du mariage gay et de l’adoption pour les couples homosexuels, il me semble que proposer son livre aurait tout son sens, pour inviter à réfléchir autrement à ces questions.

Et rien n’empêche en outre les bibliothèques françaises d’acquérir également des versions papier de ce livre pour soutenir Gwenn Seemel (les frais d’expédition internationale sont compris dans le prix de vente).

3) #Smartarded, par Pouhiou

J’en ai aussi déjà parlé dans S.I.Lex et depuis l’aventure #Smartarded a continué son chemin. Pouhiou est un auteur qui rédige un cycle de science-fiction sur son blog Les Noénautes, en s’astreignant à la discipline d’écrire un épisode par jour, avec des règles dignes de Georges Perec ! Ce feuilleton quotidien a déjà donné lieu à une première saison et l’auteur est actuellement en train de terminer la seconde.

Le premier livre du Cycle a été publié par l’éditeur Framabook, spécialisé dans l’édition de livres sous licence libre. En réalité, Pouhiou est même allé plus loin avec son roman, puisqu’il a choisi de le placer sous la licence Creative Commons Zéro, ce qui revient à un versement volontaire et anticipé dans le domaine public.

Il en résulte que les contraintes juridiques traditionnelles pesant sur les livres sont levées pour #Smartarded et qu’une bibliothèque peut tout à fait télécharger le fichier numérique disponible gratuitement en ePub et en PDF sur le site de l’auteur, pour le mettre à la disposition de ses usagers sans entrave. Là aussi, il est bien entendu également possible de se procurer auprès de Framabook des versions papier du livre, afin de le soutenir (un pourcentage est bien reversé à l’auteur).

#Smartarded est un roman inclassable que je vous recommande vivement. Il mêle allègrement la science-fiction et un humour détonnant, tout en regorgeant de trouvailles d’écriture, qui sont la marque de la façon dont il est né, directement en ligne au fil des jours sur le blog de l’auteur.

Le propos de l’auteur sur sa démarche est particulièrement intéressant et je ne doute pas qu’il serait enchanté de venir la présenter en bibliothèque, comme il l’a fait récemment dans une librairie parisienne. Comme tous les ouvrages publiés, #Smartarded a fait l’objet d’un dépôt légal à la BnF, mais il me semble qu’un tel livre mérite d’être présent dans les bibliothèques de lecture publique et il a besoin de la médiation des bibliothécaires pour se faire connaître. Il s’agit en outre d’une série en construction que vous pouvez voir évoluer en temps réel jour après jour le site Les Noénautes, en attendant la parution du second tome que vous pourrez lui aussi intégrer à vos collections.

*** 

Ces trois exemples illustrent selon moi les propos de Silvère dans son billet sur les bibliothécaires face à l’océan du web et montre le potentiel de cette approche. Nul doute que les pépites de cette nature sont sans doute très nombreuses sur la Toile, mais encore faut-il être en mesure de les dénicher. C’est certainement une des tâches vers lesquelles les bibliothécaires peuvent se tourner, à condition de dépasser la focalisation sur l’offre commerciale, publiée par des éditeurs traditionnels, pour embrasser la création sous toutes ses formes, telle qu’elle existe aujourd’hui sur Internet.

Et pour terminer, je vous indique un quatrième ouvrage numérique que les bibliothèques pourraient intégrer dans leurs collections, mais il s’agit cette fois d’une petite mise au défi…

Le mois dernier, le roman de science-fiction A comme Alone de Thomas Geha, avait été diffusé sous forme numérique sur le forum de la Team AlexandriZ, site bien connu de partage de livres numérique, dans la tourmente actuellement suite à une plainte déposée par plusieurs éditeurs du SNE.

Thomas Geha était venu discuter avec les membres de la Team suite à cette publication sauvage en numérique de son oeuvre et ceux-ci ont mis en place un bouton paypal de manière à ce que les lecteurs puissent faire des dons à l’auteur. Visiblement l’opération lui a été bénéfique et il a choisi de laisser circuler à présent ce fichier.

On pourrait tout à fait imaginer que les bibliothécaires qui souhaiteraient mettre ce roman à disposition de leur public le téléchargent depuis le site de la Team AlexandriZ pour le proposer par exemple sur les tablettes et liseuses qu’ils prêtent à leurs lecteurs. Cette « édition pirate » a été acceptée par l’auteur et juridiquement, je trouve cela finalement moins choquant que les tombereaux de CD que les bibliothécaires prêtent depuis des décennies sans aucune base légale ! Vous êtes dans l’illégalité la plus complète quand vous prêtez des CD ; vous ne le serez pas en proposant ce livre numérique à vos lecteurs…

Alors qui le fera ? Chiche ! De l’audace et la bibliothèque sera repensée ! ;-)

Mise à jour importante du 21/12/2012 : Thomas Geha a répondu sur son blog à cette idée d’une mise à disposition de son ouvrage en bibliothèque et voici son point de vue :

Dès que je retrouve un peu de temps à moi (c’est les fêtes et je travaille dans une… librairie), c’est à dire après le 24, j’essaie de formuler une réponse plus conséquente, mais je suis complètement d’accord avec la Team sur ce coup-là. Cela dit, si un organisme tel que la SOFIA, auquel je suis affilié, acceptait un tel arrangement – euh, cela m’étonnerait – et me reversait des droits, même minimes, pour le prêt en bibliothèque d’un livre numérique (piraté), comme elle est censée – je dis bien censée – m’en reverser pour les prêts de livres papiers (non piratés, hein), je répondrais « pourquoi pas! ».
Mais bon, je réfléchis au truc. Dans les faits, c’est une idée louable. Mais elle me semble moins réalisable que celle appliquée entre la Team et moi il y a quelques semaines.
et je rajoute : A priori, je ne vois qu’une solution équitable qui me ferait dire oui. Je laisserais le fichier à disposition aux bibliothèques contre la promesse – une promesse suffit, c’est pas mal non ? – de celles-ci d’acheter en fond la réédition intégrale qui paraîtra aux éditions Critic. Voilà, voilà.

Son attitude est prudente et c’est absolument légitime, étant donné que nous sommes là dans une zone grise absolue. LA SOFIA ne peut pour la version numérique reverser de droit à Thomas Geha, étant donné que le système de gestion collective mis en place pour le prêt en bibliothèque par la loi ne fonctionne pas pour le livre numérique. Il n’es reste pas moins que la proposition finale faite par l’auteur – mettre à disposition le fichier sous réserve pour les bibliothèques d’acheter la réédition à venir aux éditions Critic me paraît tout à fait équitable et praticable.

PS : si des bibliothèques choisissent d’intégrer ces ouvrages à leurs collections, merci par avance de le signaler en commentaire de ce billet.

PPS : je ne peux pas terminer ce billet sans recommander également aux bibliothécaires de se tourner vers les ouvrages publie.papier de Publie.net. Une mise à disposition des fichiers en ePub (sans DRM) a spécialement été spécialement prévue pour les bibliothèques qui font l’achat des livres papier, afin qu’elles puissent les proposer sur leurs tablettes et liseuses.

Publie.net a besoin de vous en ce moment et il faut encourager ce type d’initiatives.

Pas de focalisation sur l’offre commerciale, mais pas de focalisation non plus sur les ressources libres. Ce qui compte, c’est d’utiliser notre pouvoir de recommandation pour pousser des oeuvres qui nous importe et soutenir les démarches qui en valent la peine.


59 réflexions sur “Les bibliothèques et l’océan du web : trois exemples concrets et une mise au défi

    1. Oui, c’est particulièrement intéressant, ce lien que la plateforme Smashwords établit entre l’autoédition et la disponibilité des titres en bibliothèques, surtout que les conditions m’ont l’air relativement équitables (possession réelle des livres numériques). Par contre, il y a une limitation un fichier=un exemplaire, qui est plus contestable.

      Ce qui est particulièrement intéressant, c’est l’idée que la plateforme offre un service de « curation crowdsourcée » par les utilisateurs pour faire émerger, au sein de la masse des ouvrages sur Smashwords, les titres qui se démarquent des autres, via leurs statistiques de vente.

      Et le système d’opt-out ouvert aux auteurs garantie que la volonté des titlualires de droits soit bien respectée.

      Merci pour cette découverte !

      1. En fait, d’après ce que je vois, il y a une possibilité d’acheter de « multiples exemplaires » d’un même livre.
        « if the hold count exceeds a certain number of patrons, the library purchases additional copies »

        Là où on peut être plus réservé, c’est sur l’utilisation de DRMs (cf Adobe Content Server), mais les bilbiothèques de prêt sont en fait le seul endroit où je vois une quasi légitimité de l’utilisation de ceux-ci.

        Sur la partie « curation crowdsourcée », je suis d’accord sur l’intérêt de principe.

        Quand au système d’opt-out, il est intégré dans le process avec une ouverture encore plus grande : Les auteurs peuvent aussi jouer sur les prix, proposant par exemple des prix préférentiels (ou au contraire majorés) aux librairies.
        Dans une « étude de marché » préalable à la mise en place de ce système, (http://blog.smashwords.com/2012/08/smashwords-pricing-manager-tool-enables.html)
        il y a a même 1/4 des auteurs qui proposeraient leurs livres gratuitement aux librairies !
        (pour 30% environ à un prix majoré, et 30% minoré).

        C’est le cas d’ailleurs d’une de mes auteurs préférés (comme quoi il n’y a pas que des navets ;) )

  1. Et ce ne sont que des exemples… Des contenus libres de droits (et de qualité) sont extrêmement nombreux. On ne compte pas les auteurs installés qui finissent par libérer leurs oeuvres après quelques années d’exploitation (voir parfois durant l’exploitation). Mais effectivement, ils ne sont pas référencés, pas ajoutés aux collections. Un peu comme si le libre n’intéressait pas les bibliothèques… Est-ce parce qu’ils sont confondus avec l’autoédition ? Est-ce parce qu’ils sont obnubilés par l’édition commerciale ;-).

    Je disais l’autre jour à Silvère chez Thomas que je ne pensais pas que les bib. devaient imaginer demain construire une offre sur le seul domaine public ou le libre de droit. Mais ils partent de tellement loin, qu’effectivement, rien que leur en rappeler l’existence est important.

    1. Oui, il y a un potentiel énorme en la matière, mais c’est encore comme dans un « angle mort » de la pensée bibliothéconomique…

      Si les bibliothèques ne le font pas, d’autres le feront, mais ce serait quand même bien que ces établissements comprennent leur intérêt de le faire, et la plus-value qu’elles pourraient apporter en la matière.

      Le cas d’ « Oral Literature in Africa » est vraiment intéressant. Il s’agit là d’un ouvrage universitaire, qui a connu de nombreuses éditions et qui n’a rien à voir avec de l’auto-édition. A l’occasion de la campagne Unglueit, l’auteur a produit une nouvelle édition revue et augmentée. De nombreuses BU françaises ont des versions antérieures en papier dans leurs collections, mais aucune n’a référencé la version numérique sous Creative Commons, alors que c’est juste l’affaire d’une notice et d’un lien dans le catalogue.

      Il faut croire que les collections en bibliothèque, c’est un peu comme la psychanalyse : si le bibliothécaire ne paie pas, il a le sentiment que ça ne marche pas ;-)

      Pourtant un système comme celui d’Unglueit aurait tout son sens pour les bibliothèques justement (à condition qu’ils élargissent vraiment leurs offres).

      Les mentalités changeront peut-être, mais une des premières choses à faire, ce seraient peut-être justement de prolonger le billet de Silvère et le minen, par une veille systématique sur ces « pépites » libres à intégrer dans les catalogues, à la manière de Ziklibrenbib, mais vers des ressources autre que la musique.

  2. Bonjour Calimaq

    Et pour terminer, je vous indique un quatrième ouvrage numérique que les bibliothèques pourraient intégrer dans leurs collections, mais il s’agit cette fois d’une petite mise au défi…

    C’est plus qu’une petite mise au défi…

    Cette « édition pirate » a été acceptée par l’auteur et juridiquement, je trouve cela finalement moins choquant […]

    C’est juste de la contrefaçon. ;-)

    En effet, même si l’auteur « accepte » cette situation, tu oublies deux autres personnes qui n’ont pas donné leur aval : l’éditeur et l’illustrateur !

    Tant que les droits ne sont pas retournés à l’auteur, seul l’éditeur peut décider de ce qu’il en est. Or la Team Alexandriz est poursuivie pour contrefaçon… par des éditeurs.

    Avant d’envoyer les collègues dans de la contrefaçon, ce serait bien de demander à l’éditeur s’il est d’accord pour cette version piratée. (http://www.riviereblanche.com)

    Pour le prêt des CD, je me suis renseigné auprès de la SACEM. Le prêt est possible, il n’y a pas de base légale, mais pas de base illégale non plus.

    Nul doute que les pépites de cette nature sont sans doute très nombreuses sur la Toile, mais encore faut-il être en mesure de les dénicher. C’est certainement une des tâches vers lesquelles les bibliothécaires peuvent se tourner

    Le problème ici, c’est qu’on est encore dans l’épiphénomène. Quelques cas isolés.
    (au moins dans ce que tu exposes ici)

    N’oublie pas que les bibliothèques travaillent par lot.
    Présenter quelques titres en rayon, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant pour contenter l’usager.

    Ce que tu proposes, c’est comme d’aller chiner les petits éditeurs. Un boulot chronophage au possible. On est face à une tâche possible mais que bien peu pratiquent de manière exhaustive. Si certains la pratiquent de manière exhaustive.

    Comme le précisait Bertrand Calenge, on est bien face à une problématique de filtre.
    Le premier filtre, c’est le temps.

    Le temps et la rentabilité sont couplés.
    Si on passe 10 heures sur le Web, pour ramener trois livres gratuits… ça fait du 150 euros (salaire) pour trois livres.

    La seule différence, c’est que ces trois titres, on peut les partager en veille et, là, la rentabilité devient manifeste. (150 euros divisés par 4-5000 structures, c’est un coût très acceptable)

    Le tout, c’est d’avoir un lieu où partager ce genre d’information.
    Un blog, un bouillon, une branche de Bibliopedia, etc.

    Parce que les petites gouttes font les grandes rivières.

    Parce que les petites gouttes de l’océan Web font les grandes rivières ordonnées des collections.

    Sur le Web, c’est certain, il faut des veilleurs.
    Veilleur, c’est le nom d’acquéreur sur le Web.

    C’est une tâche qui peut être effectuée en parallèles d’autres. Ou alors, on peut commencer à s’intéresser aux filets à jeter en mer « Web » pour faire apparaître ce genre de livres gratuits. (gratuits et légaux ;-) )

    Outils, requêtes, thésaurus employés, etc.

    Comment pratiquent les acquéreurs dans le monde papier, avec les nouveaux moyens informatiques ?

    Ou alors comment pratiquent les bibliothécaires/lecteurs qui cherchent ce genre d’ouvrages numériques ?

    Bien cordialement
    B. Majour

    1. Cette « édition pirate » a été acceptée par l’auteur et juridiquement, je trouve cela finalement moins choquant […]

      C’est juste de la contrefaçon. ;-)

      En effet, même si l’auteur « accepte » cette situation, tu oublies deux autres personnes qui n’ont pas donné leur aval : l’éditeur et l’illustrateur !

      Je ne suis quand même pas inconscient à ce point ! Thomas Geha lui-même indique sur son blog qu’il n’a pas signé de contrat d’édition pour la version numérique : http://gehathomas.wordpress.com/2012/11/13/a-comme-alexandriz/

      je n’ai signé aucun contrat numérique pour ce titre

      Et plus loin aussi cette phrase :

      La Team Alexandriz me dit que je suis peut-être le premier écrivain (au moins de SF) à ne pas rejeter en bloc cette idée et à accepter certaines solutions proposées (je suis étonné ; et pas : comme je le disais, c’est plus compliqué quand un éditeur possède les droits numériques, mais c’est à lui de faire le boulot sur la préservation et le respect des droits, pas à l’auteur.

      Certes la création du fichier par la Team n’était pas régulière, mais il y a bien eu ensuite acceptation par l’auteur et il était bien titulaire des droits sur la version numérique.

      Pour le prêt des CD, je me suis renseigné auprès de la SACEM. Le prêt est possible, il n’y a pas de base légale, mais pas de base illégale non plus.

      La SACEM dit que le prêt est possible parce qu’elle le tolère, mais juridiquement il est bel et bien interdit et les prêts constituent des actes de contrefaçon, il n’y a aucun doute possible là-dessus. Le droit n’aime pas les chats de Shrödinger : une situation est légale ou elle ne l’est pas : noir/blanc ; ouvert/fermé ; 0/1. Tel est le droit. S’il n’y a pas de base légale, c’est que l’acte est illégal. Or il n’y a pas de droit de prêt dans la loi pour les CD.

      Donc je maintiens, les bibliothèques font de la contrefaçon à échelle industrielle avec les CD depuis des décennies (10% du marché français me suis-je laissé dire), mais ça ne dérange personne (et on est même prêts à remettre joyeusement cela avec les jeux vidéos). Par contre, quand il s’agit en toute légalité de faire une copy party ou de mettre à disposition « A comme Alone », y’a plus personne… Allez comprendre…

      Sinon entièrement d’accord avec ta dernière remarque : oui, c’est chronophage de repérer ces « pépites » et oui, il n’y a pas de circuit normalisé et balisés pour faire entrer ces ressources dans les collections. C’est sans doute là que le bât blesse principalement.

      Mais comme tu le suggères, la solution peut venir de la veille partagée et d’une forme de « curation » organisée à grande échelle.

      Cela reste à bâtir, mais c’est à mon sens un chantier très stimulant.

      Ziklibrenbib a déjà ouvert la voie pour la musique ; il faudrait réfléchir à la manière d’organiser cela pour les différents types de médias (vidéos, jeux, livres, etc).

      Les bibliothécaires ont fait des signets pendant des années et ce repérage des ressources libres n’en différent pas tellement, mais il faut réussir à faire émerger une organisation.

      1. Bonjour Calimaq

        J’espère bien que tu n’es pas inconscient. :-)

        Mais je tiens quand même à souligner que cette oeuvre numérique, au moins pour l’image présentée, utilise la maquette de la collection Rivière Blanche, plus une illustration qui n’est pas non plus libre de droit.

        Le texte oui.
        Mais, le reste ?

        C’est là tout le problème du travail de la Team Alexandriz.

        On a une contrefaçon du texte, et surtout de l’ouvrage en lui-même, de sa présentation, de son image..

        C’est pourquoi j’ai quand même un doute tant qu’il n’y a pas accord des autres détenteurs de droits… ou tout au moins l’illustrateur. Puisque, après échange d’email avec l’éditeur, il ne semble pas y avoir de problème de son côté. (il confirme d’ailleurs qu’il n’a pas les droits numériques sur le texte)

        L’illustrateur s’appelle JUAN.

        Il se pose aussi un problème important vis-à-vis du texte lui-même.

        (je n’ai signé aucun contrat numérique pour ce titre, mais ces droits appartiendront à Critic pour la réédition). indique Thomas Geha sur son billet. Pas sûr que Critic apprécie cette concurrence dans les bibliothèques.

        Et si Thomas Geha a concédé (en quelque sorte) le droit de copie à la Team Alexandriz et à ses lecteurs, rien ne dit qu’il ait accepté de le faire pour les bibliothèques.

        Je connais beaucoup de freeware qui indiquent « free for personal use », ou « free for private, non-commercial use ».

        Dans le cadre des bibliothèques, on est loin d’être « private » ou « personal use ».

        On est donc vraiment en bordure obscure.
        Et presque dans un encouragement à pirater les oeuvres pour forcer la main aux auteurs.
        C’est vraiment dommageable sur des oeuvres récentes et non épuisées.

        Pour la contrefaçon des CD musicaux, on peut remonter la même idée à avant la loi sur le prêt de livres.
        Etait-ce de la contrefaçon là aussi ?

        Je ne crois pas, c’est un usage qui remonte à bien avant le droit d’auteur.

        De toute manière, peut-on parler de contrefaçon tant que personne n’a porté plainte ?
        Si la SACEM ou les ayants droit ne portent pas plainte, il n’y a pas contrefaçon.
        Et il sera difficile de porter plainte pour contrefaçon après plus de 50 ans de tolérance.

        Sans compter la perte de 10 % de marché.
        Pour le livre, en bons commerçants, les éditeurs ont préféré l’option contractuelle.

        Je tique sûr : Le droit n’aime pas les chats de Shrödinger : une situation est légale ou elle ne l’est pas : noir/blanc ; ouvert/fermé ; 0/1. Tel est le droit. S’il n’y a pas de base légale, c’est que l’acte est illégal.

        C’est une vision très réductrice de la justice. ;-)

        Si je prête mon marteau à mon voisin, on n’est pas dans la cas binaire : légal ou illégal. On est dans une zone de tolérance.

        La justice, au travers du droit, n’est pas aussi binaire, elle ne juge que ce qui pose problème.
        Enfin, c’est comme ça que je la vois depuis des années.

        Tant que personne ne dépose plainte, la tolérance l’emporte.
        Et quand on sait qu’il faut déposer plainte pour le bon motif, sous peine d’être débouté, c’est certain, la justice ce n’est pas du 0/1. Sinon les plaintes seraient aussi du 0/1.

        Autres éléments qui vont à l’encontre de cette simplification réductrice;
        Si on était vraiment dans du 0/1, pourquoi en ce cas parler de zones de non droit ?
        Comment créer ou innover sans que la justice tranche aussitôt sur la légalité de l’invention. Et cela sur des inventions dont on ne connaît pas encore les usages ???

        Ça n’aurait pas de sens.

        Si le droit est vraiment du 0/1, alors tu dois pouvoir répondre sans problème à : Internet, légal ou pas légal ?

        Moi, je te réponds : tout dépend de l’usage.
        Et tout dépend surtout des personnes qui ne sont pas contentes et qui s’estiment lésées.

        Quand tout le monde y trouve son compte, pourquoi la justice devrait-elle s’en mêler ?

        Bref, dans la vie, on est plus souvent dans une zone de gris que dans les extrêmes 0/1.
        D’ailleurs, le 0/1 est une vision hyper-réductrice.

        Croise un 0/1 avec un autre 0/1, ça te donne déjà du 50 / 50 pour une situation tranchée vs zone grise. (00 / 01 / 10 / 11)

        Continue la multiplication des 0/1, et tu verras vite que la zone de gris prend toute la place.

        Dans le cas du prêt de CD, on n’est pas non plus dans la contrefaçon telle que définie sur la Wikipedia : « La contrefaçon est le fait de reproduire ou d’imiter quelque chose sans en avoir le droit ou en affirmant ou laissant présumer que la copie est authentique ».

        C’est là où la situation est grise pour le prêt des CD. Achats réels, et prêts tolérés. Jusqu’à décision contraire. Comme dans le cas des livres, de manière fort récente (pour la décision contraire).

        Les bibliothécaires ont fait des signets pendant des années et ce repérage des ressources libres n’en différent pas tellement, mais il faut réussir à faire émerger une organisation.

        C’est exact.

        J’ai cru voir un éphéméride des oeuvres tombant dans le domaine public sur savoirscom1.
        Il n’y a pas beaucoup de différences avec un repérage ponctuel.

        Même si, comme le dit Bertrand Calenge, le statut libre d’une oeuvre ne constitue pas une garantie de qualité ou de succès.

        Sauf qu’il faut bien commencer par quelque chose pour monter une collection numérique.

        Sans gouttes d’eau, pas de rivière.

        Bien cordialement
        B. Majour

        1. Je n’ai pas le temps de répondre en détail, mais juste sur un point quand même, qui m’a fait bondir.

          Vous dites : peut-on considérer qu’il y a contrefaçon tant que personne n’a porté plainte ?

          Transposons ce raisonnement dans d’autres champs et vous verrez à quel point il ne tient pas.

          Je peux tuer mon prochain. Tant que personne ne porte plainte, ce ne sera pas un meurtre.

          Je peux dérober tant que je veux. Si personne ne porte plainte, ce n’est pas du vol.

          Etc, etc…

          Vous vous rendez compte ?

          1. Bien sûr que je me rends compte :-)

            Parce que c’est exactement le cas.
            Sous le règne de mafia, les gens ne sont pas assassinés, ils ont des « accidents ».

            Rappelle-toi aussi que le père romain avait droit de vie et de mort sur ses enfants, sur ses esclaves… tant que personne n’a trouvé ça cruel et injuste.

            Tuer son ennemi, ce n’est pas non plus un crime. On peut même recevoir les honneurs pour ce fait.

            Alors oui, je me rends compte que nous sommes bien dans des zones de tolérances. Suivant les circonstances, ces zones bougent. Comme elles l’ont fait dans le cas du livre, prêt toléré avant la loi sur le prêt public, rémunéré ensuite.

            Le jour où le numérique va prendre toute la place face au livre papier ; le jour où il ne sera plus rentable de maintenir cette « taxe » sur le livre papier, on reviendra à une situation qui a perduré pendant cinq siècles. Sans que ce soit illégal ou de la contrefaçon.

            Ce sera juste sans intérêt. :-)

            Au moins sans intérêt monétaire.

            Bien des entreprises ne portent pas plainte pour contrefaçon, parce que la rentabilité de l’action est loin d’être évidente, si elle l’est vraiment au bout du compte.
            Si Thomas Geha ne porte pas plainte, c’est parce qu’il sait que son action n’empêchera pas la circulation de son oeuvre piratée… même s’il aurait préféré ne pas l’être, piraté. Forcément, ma réaction première est un magnifique « eh merde… »
            Il sait aussi qu’il n’en a pas les moyens financiers.

            C’est le cas de très nombreux auteurs.
            De plus, il s’agirait d’attaquer le public qui te lit (ses futurs acheteurs), pour obtenir quoi ? Quelques euros symboliques ?

            Face à une bibliothèque ou plusieurs bibliothèques, l’affaire serait plus rentable.
            Et des professionnels ne pourront pas invoquer le fameux « je ne savais pas », ou même le droit à la copie privée (copie qui est devenue illégale – depuis peu – s’il ne vient pas d’une source légale. Le droit est mouvant. Vrai aujourd’hui, faux demain. ;-) ).

            Bref, ton défi me semble du genre très risqué… lorsqu’il me semble plus facile de demander l’accord de l’auteur/illustrateur/maquettiste, et que certains sont même prêts à offrir gratuitement des oeuvres pour qu’elles soient lues.

            Benoît Roux, directeur des éditions Libel, expliquait cette semaine à ActuaLitté:
            « Nous avons besoin des bibliothèques pour faire découvrir nos ouvrages. Moi, je serai prêt à offrir gratuitement les livres numériques de ma maison aux établissements, pour qu’ils puissent les proposer en prêt. Je ne sais pas ce que pensent les grandes maisons d’édition, mais de notre côté, nous voulons que nos œuvres soient lues, et les auteurs pensent de même… »

            http://biblionumericus.fr/a-propos-du-pret-debooks-en-bibliotheque/

            Si c’est vrai pour des éditeurs, c’est vrai pour des auteurs.
            Là aussi, il y a des choses à creuser, des pistes à explorer.

            Passe de bonnes fêtes.
            B. Majour

  3. Moi ce sont vos propos que je trouve choquant bien moins que « les tombereaux de CD » Je suis scandalisée par ce que vous écrivez qui remet en question les pratiques de professionnels de la musique ! Si certains discothécaires s’étaient contentés de dénoncer, comme vous sans bouger, il y a quasiment 50 ans l’absence de droit pour prêter de la musique ou en serions-nous aujourd’hui ? Eux ils ont osé, vous vous osez quoi ? Vous êtes devenu un gendarme du web, vous dénoncez des pratiques qui ne vous agréent pas. Ces pratiques, que vous seul, estimez illégales ont permis un usage, un accès à la musique pour les usagers qui n’est plus remis en cause par personne sauf vous ! Vous bibliothécaire ! un comble !
    N’oubliez que dans l’article du BBF que vous citez il y a un contrepoint une « little night music » une petite musique comme un petit silex dans votre chaussure…

    1. Oui, je suis bibliothécaire comme vous l’écrivez, et je suis aussi juriste, autant l’un que l’autre.

      Je n’estime pas ces pratiques illégales, elles le sont. C’est incontestable et cela découle d’un raisonnement logique. Jonathan Garry le reconnaît d’ailleurs dans son commentaire.

      Je trouve assez inquiétant que vous puissiez en arriver à vous auto-persuader du contraire. Cela relève pour moi de la politique de l’autruche.

      Sans compter que je n’ai aucunement l’intention de « remettre en cause les pratiques des professionnels de la musique ». Je n’ai jamais dit, ni dans ce billet, ni ailleurs, qu’il fallait que les discothécaires arrêtent d’acheter des CD.

      J’étudie depuis plusieurs années, et le plus attentivement possible, le cadre juridique dans lequel les bibliothèques exercent leur activité et je constate des lacunes importantes dans le système. Il me paraît fondamental d’avoir une analyse claire de la situation.

      Je n’ai rien de particulier contre les discothécaires et sans doute ai-je eu le tort de prendre seulement l’exemple des CD, mais il y a, à vrai dire, beaucoup de situations dans lesquelles les bibliothèques remplissent des activités sans base légale. Un certain nombre d’établissements sonorisent des espaces sans contrat avec la SACEM ; d’autres mettent à disposition des photocopieurs sans déclaration auprès du CFC ; le PEB est très largement une activité située dans une zone grise ; le prêt de jeux vidéo s’exerce lui aussi sans base légale ; l’usage d’un scanner est extrêmement compliqué dès lors que l’on veut rester dans les clous de la loi ; beaucoup de bibliothèques numériques contiennent des documents borderline, etc, etc…

      J’ai pris l’exemple des CD parce que c’est celui qui est le plus frappant et parce qu’il s’agissait dans ce billet de développement des collections.

      Ce que je voulais pointer du doigt, c’est le deux poids, deux mesures. Je suis certain que beaucoup de bibliothécaires ont de forts scrupules à intégrer le livre de Thomas Geha dans leurs collections, parce qu’il vient de la Team AlexandriZ (et pourtant l’auteur lui-même a répondu qu’il pouvait accepter cette mise à disposition, à condition que les bibliothèques s’engagent à acheter la réédition à venir). Pourtant les mêmes bibliothécaires accomplissent quotidiennement des actes contraires à la loi et sans doute beaucoup, comme vous, ont fini par se persuader que c’était légal. D’où une distortion dans l’appréhension des choses.

      Je ne pense pas que les discothécaires aient eu tort de procéder ainsi, en achetant des CD malgré l’absence de base légale. Par contre, je pense qu’à long terme, cela a été dommageable de ne pas avoir cherché à donner une base légale à ces pratiques, parce que les bibliothèques ont comme « disparu du radar » des titulaires de droits et cela a nuit au développement de l’offre numérique à destination de nos établissement.

      Les pratiques entre temps ont basculé et les bibliothèques se trouvent dans une situation très délicate vis-à-vis de la musique en général.

      Vous parlez de S.I.Lex dans la chaussure ; je dirais que vous vous êtes tirés sur le long terme une balle dans le pied, par défaut de prise en compte du paramètre juridique.

      1. Ce sera mon dernier com’ car oui vous etes juriste mais vous n’êtes plus que cela au détriment du reste. Je crois que vous êtes aveuglé par votre obsession du droit même si il vous a été démontré dans quelques réponses ci-dessus que l’absence de loi ne faisait pas d’une pratique son illégalité et puis la loi n’est-elle pas composée aussi de jurisprudences ? Mais bon je ne suis pas juriste.
        Je n’arrive pas à comprendre votre position à tout dénigrer y compris maintenant le manifeste de l’ACIM, pourquoi ne pas l’avoir dit à l’époque ? C’est trop facile, je vous repose la question et vousconcrètement vous faites quoi a part dénoncer et dire ce qu’il aurait fallu faire ? Quant au fait que nos pratiques nuisent au développement de l’offre numérique de nos établissements, c’est vraiment une méconnaissance totale du contexte et faire abstraction de toutes les initiatives en cours à l’initiative de discothécaires : Calice en Alsace, dogmazik à Gradignan, etc.
        je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année juridique en espérant que vous ne passerez pas trop de temps à chercher si la trève des confiseurs à bien une base légale.

        1. C’est bien, continuez à faire l’autruche.

          « La loi est aussi composée de jurisprudences ». Pour en arriver à dire des choses pareilles, effectivement vous n’êtes pas juriste…

          Lorsque des choses comme celles-ci se produiront en France : http://www.rtbf.be/info/belgique/detail_sabam-les-bibliotheques-doivent-payer-des-droits-pour-des-lectures-a-haute-voix?id=7726143, vous vous souviendrez sans doute de ce commentaire et vous comprendrez ce que veut dire « Nul n’est censé ignorer la loi ».

          Quant à votre remarque sur le « mais que faites-vous au lieu de vous plaindre ? « , elle frise le grotesque. Je ne compte plus les déplacements, interventions, formations, conseils et expertise donnés à des collègues, prises de position, discussions avec des titulaires de droits, contacts avec des députés et des sénateurs, travail associatif, où je défends la cause des publics et de l’accès à la connaissance.

  4. Ah et j’oubliais aussi opposer ainsi le livre numérique et la musique c’est bien, ça fait avancer le débat,c’est constructif : « Vous êtes dans l’illégalité la plus complète quand vous prêtez des CD ; vous ne le serez pas en proposant ce livre numérique à vos lecteurs… »
    Relancer la vieille opposition entre bibliothécaires et discothécaires… A quand le point Godwin ?

  5. Bonsoir,

    Le liminaire de ce billet m’a fait bondir. Je n’ai jamais prétendu que les bibliothécaires devaient se limiter à filtrer l’offre commerciale de l’édition ( ce qui serait aujourd’hui aussi stupide que suicidaire), mais me suis demandé ce que pouvaient devenir les critères volontiers convoqués comme la réputation de l’éditeur….. Je me permets d’auto-citer la fin de mon billet ici incriminé :

    « On devine que se cantonner au seul modèle validé de l’édition traditionnelle – fut-elle numérique – va devenir intenable, sauf si les éditeurs abordent enfin les questions numériques sans s’accrocher à leur rocher : la récente loi sur le prix du livre numérique ne va guère encourager les nécessaires évolutions, tant le livre numérique y est vu comme un double homothétique de la version imprimée…smileys Forum
    On devine également qu’abolir des millénaires de transmission assis d’abord sur la capacité bibliothécaire de mémoire maitrisée, pour se noyer dans un flux régulé par de multiples médiations incontrôlées, pose la question sociale et politique d’un savoir partagé, car nous ne sommes pas les seuls, loin de là, à revendiquer cette ‘curation‘, et le fait que des réseaux se déclarent ‘sociaux’ ne les rend aucunement porteurs de l’intérêt collectif, ni d’ailleurs réellement sociaux…

    Alors, on fait comment ? »

    1. J’ai parfois le sentiment que vous avez une vision d’internet qui me rappelle beaucoup celle d’un Finkielkraut. Quelque chose de sauvage, « incontrôlé » dites-vous, mais c’est assez étonnant, parce qu’on bon vieux Netvibes, outil dont les bibliothécaires se sont souvent d’ailleurs emparés de manière intéressante, permet de canaliser tout ce flux incontrôlé et de le transformer en quelque chose de lisible et d’assimilable.

      Bien sûr, la « curation » n’est pas le propre des bibliothécaires, mais il me paraît fondamental que nous soyons sur ce créneau.

      Je pense surtout que l’enjeu réside dans une mutualisation de la veille et des outils,afin de gagner en efficacité et en visibilité. La grande question est de savoir qui en France serait à même de piloter cette fédération et la réponse n’est pas simple.

      Par contre, vos tirades sur ces épouvantables réseaux sociaux qui osent participer au débat public m’insupportent au plus haut point. Vous pouvez dire ce que vous voulez, mais ils sont des lieux où émergent de vraies formes de sociabilité et des espaces où le débat public prend forme aujourd’hui.

      Je suis preneur d’un débat avec vous sur la question, en public, pourquoi pas à l’ENSSIB d’ailleurs ? Quand vous voulez, à condition que cela se fasse dans des conditions loyales.

  6. Je continue de rebondir en appuyant cette démarche qui consiste à repérer des pépites hors les circuits verrouillés, mais, comme Sophiebib, je pense que le statut juridique de l’œuvre n’est pas une condition première de sa sélection – ni une garantie de sa qualité et de son succès de lecture.

    1. Très amusant, en fait, cette remarque.

      Le statut juridique de l’oeuvre n’est donc pas une condition première de sa sélection. Faux et archi-faux : le statut juridique de l’oeuvre surdétermine l’acquisition, car il en est la condition de possibilité ou d’impossibilité.

      Pour les livres, le champ des acquisitions est global, grâce à la licence légale sur le droit de prêt qui ouvre aux bibliothèques l’ensemble de la production éditoriale, sans que les ayants droits puissent les empêcher d’acheter et de prêter les ouvrages.

      Pour les ressources numériques au contraire, pas de licence légale et une faculté laissée aux titulaires de droits de décider si oui ou non les oeuvres pourront être mises à disposition en bibliothèque.

      Il en résulte pour les ressources numériques une grande pauvreté de l’offre, qui réduit drastiquement la capacité pour les bibliothèques à développer leurs collections.

      Il est donc bien patent que le statut juridique de l’oeuvre est la condition première de sa sélection.

      Vous vouliez cependant dire que ce n’est pas parce qu’une oeuvre est sous licence libre qu’il faut la sélectionner.

      Mais où ai-je dit cela ? Les trois ouvrages que je présente ici ne sont pas les premiers que je rencontre ; ils ont à mon sens une grande qualité.

      Je m’étonne malgré tout qu’un spécialiste de la politique documentaire comme vous ne perçoive pas l’importance du paramètre légal dans la capacité des bibliothèques à faire collection.

  7. La musique a innové depuis bien plus longtemps que le livre. Pour des raisons techniques et historiques. Historique parce qu’il a fallu se battre pendant très longtemps pour avoir un semblant de reconnaissance de la profession de la place de la musique. Se battre pour une légitimité qui associait Musique & Loisir quand on opposait Livre & Savoir. Et on continue encore aujourd’hui, avec nos moyens, avec effectivement cette tolérance (qui n’a pas été remise en question, pas même par les éditeurs et distributeurs ou sociétés d’ayants-droits et ce, encore récemment). La Culture a ses madeleines, et les mentalités évoluent bien difficilement. Mais notre travail mérite un minimum de respect malgré tout, en tout cas plus que le choix bien maladroit du terme « tombereau ».

    Nous sommes également des militants. Pas des militants du Droit, mais des militants du quotidien, des usagers, et d’une certaine écoute sur l’évolution des pratiques. Et malgré tout la « médiatisation » du Libre, cela reste encore aujourd’hui une pratique extrêmement marginale, et que pourtant nous n’oublions pas, loin de là (cf. Ziklibrenbib notamment, mais bien d’autres initiatives). Militants également dans une éducation à l’oreille, dans une valorisation des acteurs locaux de la musique (de l’EP à la maquette), dans la défense et la mise en avant de labels qui, sans nous, les charrieurs de tombereaux, n’existeraient plus. La pluralité est bien notre travail et je repère, à titre personnel que 30% de mes acquisitions physiques ne sont pas présentes sur les plateformes d’écoute grand public.

    Des veilleurs, également, et depuis bien longtemps. Depuis la dématérialisation de la presse musicale qui n’existe pratiquement plus, depuis que nos sources d’acquisition existent dans des langues différentes et dans des univers extrêmement variés. Oui, sans émettre de bouillon au sens où vous l’entendez (et qui est d’un intérêt important, je le souligne), nous avons développé également des pratiques de veille efficaces. Satisfaire les envies et susciter des découvertes, accompagner dans des parcours musicaux et étendre les horizons des possibles, c’est ça, notre travail. Ce n’est pas nous cacher derrière une tolérance, que tout le monde connait pour trembler derrière nos platines en attendant qu’on nous explique que ce qui n’est pas légal est illégal. Les devants ont été pris, les faits et les pratiques sont devenus tolérée par les intéressés et ceci, dans un souci de démocratisation accru envers les publics. Alors, illégal, oui. Bouc-émissaire et exemple à monter au pilori des nouveaux chevaux de bataille, il ne faut pas pousser.

    Je ne me permettrai pas de caricaturer ton travail, Lionel. Il est intéressant même si souvent sujet à polémique dans des conceptions de travail imbriquées dans des contextes plus politiques que professionnels (Ne pas oublier qu’un bibliothécaire peut être un militant, si sa direction lui signifie des fins de non-recevoir, c’est extrêmement compliqué à contourner).

    Alors, s’il te plait, évite de caricaturer en une phrase une partie malgré tout importante, innovante, militante des bibliothécaires et de la mettre en porte-à-faux du reste de la profession et en argument juridique. J’imagine que ce n’était pas ta volonté première, mais le ressenti est violent.

    1. Je vous renvoie à la réponse que j’ai faite au commentaire de Sophie Cornière.

      Je relativiserais grandement cette idée de la « tolérance » des titulaires de droits, qui résulte davantage d’une indifférence à mon sens. Et comme je l’ai dit à Sophie, cette indifférence, les bibliothèques l’ont payée cher, car il en a résulté une insuffisance criante d’offre légale de musique numérique pour les bibliothèques.

      J’avais vraiment été frappé de voir que le manifeste de l’ACIM « La musique a toute sa place en bibliothèque » (http://www.acim.asso.fr/spip.php?article335) ne contient aucune référence à l’arrière-plan légal de la question, alors que c’est un des noeuds du problème.

      Que vous soyez des militants, que que vous ayez développé des pratiques de veille ; que vous ayez innové dans un contexte difficile, je ne le remets nullement en cause. Le but de ce billet n’était pas du tout celui-là.

      Par contre, sur le positionnement stratégique global de la profession concernant cette question du droit de prêt des CD, je pense que c’était une erreur de ne pas attirer l’attention des pouvoirs publics sur cette lacune et pousser pour la mise en place d’un cadre.

      L’enjeu à présent est de ne surtout pas refaire cette erreur pour le livre numérique.

      1. Merci pour la réponse.

        Indifférence, il y eut, à une certaine époque durant laquelle la poule aux oeufs d’or de l’édition phonographique prospérait. Indifférence, il n’y a plus, depuis que les premières difficultés financières sont apparues. On parlera donc aujourd’hui et depuis une quinzaine d’années d’une réelle tolérance, corroborée par les discours des ayants-droits reçus à Paris par l’ACIM. Tolérance doublée d’une certaine pression également, car c’est un fait, les bibliothèques musicales représentent en effet plus de 10% du chiffres du marché. On peut donc parler également d’entente pragmatique.

        Le rapport entre cette tolérance et la numérisation est d’ailleurs bien plus complexe que ça. Il n’y en a pas. Nous avons entamé depuis des années les difficiles parcours nous permettant de développer des offres. Le fait de ne pas avoir de base juridique pour le prêt n’est pas en soi un problème puisqu’il faut nécessairement repartir de zéro, comme le Livre s’y escrime aujourd’hui.

        Sur l’illégalité, je vais parler en non-juriste. Hérésie sûrement, mais je n’en ai pas la formation, et je n’ai au fur et à mesure des années d’exercice jamais rencontré d’éléments clairs, nets et précis. Je serais dans l’illégalité si j’avais peur de mes pratiques. Ce n’est pas le cas. Elles sont assumées, argumentées et résultent effectivement de décennies de pratique. Je ne me sens pas dans un maquis mais dans une zone neutre dans laquelle les différents acteurs n’ont pas contractualisés leur accord tacite.

        Quant au Manifeste de l’ACIM, il ne concernait pas le juridique ou le numérique, mais de l’empirisme. Il s’agissait d’une vision de la Culture à partager, diffuser et valoriser, ce que certaines collectivités avaient tendance à oublier avec le sempiternel refrain de la fin d’un support. Le résultat est d’ailleurs non-négligeable, de nombreuses collectivités ayant fait marche arrière sur cette absence de la musique hybride (physique et/ou numérique) dans leurs murs.

        Les débats de la Commission Lescure permettront réellement de connaitre la position de la profession sur ces éléments.

        Pour revenir rapidement sur le thème de l’article, je n’ai à priori pas de souci avec l’idée de placer l’ouvrage en question dans les rayonnages. Il faut créer la pratique, enfoncer des portes ouvertes dans une seule optique : Le Public.

        C’est exactement ce que les discothécaires ont fait, il y a de cela plusieurs décennies et ce qu’ils continueront de faire.

  8. Intéressant. De cet article et des commentaires, je pioche des sites web que je rajoute à ma liste de sites sous licences libératrices (Creative Commons, Art Libre, GPL, etc.) ou dont les auteurs refusent le droit d’auteur (http://www.gwennseemel.com , CopyHeart, Un Monde Sans CopyRight, etc.). Avec cette liste qui s’allonge, on peut se passer de sites sous licences privatrices (encourageant la propriété exclusive et autres restrictions au libre partage).

  9. Du point de vue de la justice une activité peut être considérée comme légitime sur le plan moral ou philosophique, même si elle est illégale sur le plan juridique.
    On peut donc contester la légalité du prêt de CD, mais il en effet un peu tard pour douter de sa légitimité. C’est ce qui fait que fort heureusement rendre la justice ne relève pas uniquement de la mise en application d’un système, mais de la décision d’un juge.
    Il me semble que si le prêt de CD en bibliothèque ne s’inscrit pas dans le périmètre de la légalité, il n’a jamais été contesté par une décision de justice. Si tel est le cas, je ne pense pas que cet état de fait résulte de la magnanimité des producteurs ou des ayants droit, mais bien plus de la grande difficulté à organiser de façon globale ou légale la collecte et la répartition de ces revenus. Pour quelles raisons précisément, je ne saurai l’affirmer, mais j’imagine que si les éditeurs ou les producteurs n’avaient pas prévu la gestion particulière de ce droit de prêt dans les contrats qu’ils ont faits signer aux auteurs, compositeurs et interprètes, il doit leur être difficile après coup de se poser comme le défenseur d’un tel droit.
    En tout cas je veux que l’on éclaire ma lanterne sur ce point.
    Cordialement
    Arsène Ott

    1. Bonjour Arsène Ott

      Je pense que Calimaq part du principe que, en droit, tout ce qui n’est pas explicitement permis est interdit, donc illégal. (enfin, peut-être. Pour moi, le pourquoi de cette illégalité du prêt de CD n’est pas bien clair. Au moins en ce qui concerne les droits bafoués, mais je vais chercher. :-) )

      Si je reprends ce que dit la Wikipédia : Le droit est « l’ensemble des règles imposées aux membres d’une société pour que leurs rapports sociaux échappent à l’arbitraire et à la violence des individus et soient conformes à l’éthique dominante. »

      « L’éthique dominante » est une expression intéressante, et m’explique la mouvance du droit.
      Elle peut aussi expliquer que le prêt de CD n’est pas remis en cause (pour l’instant).

      Tant que l’éthique dominante estime que le prêt de documents est respectueux des lois, il n’y aura pas d’action entreprise.
      Ou alors, (même si je n’y crois pas) on est dans une zone de non droit… comprendre dans une zone qui n’est pas encadrée par des règles de droits explicites. Pour un juriste, c’est préjudiciable pour l’une et pour l’autre partie. Quand rien n’est clair, les situations peuvent débouler sur des paroxysmes, soit l’interdiction pure et simple de prêter des CD… Comme c’était le cas pour les livres avant la loi sur le prêt : les auteurs pouvaient interdire le prêt de leurs livres en bibliothèque.

      Cf. http://www.la-sofia.org/sofia/Adherents/lang/fr/ddp.jsp
      Certes, le droit de prêt n’était pas expressément inscrit dans les textes en vigueur, mais se trouvait inclus dans le droit de destination, lui-même corollaire du droit de reproduction, c’est-à-dire qu’un auteur aurait théoriquement pu, sur cette base, autoriser ou interdire la mise à disposition de son œuvre dans une bibliothèque de prêt.

      Ce doit être aussi vrai pour le prêt de CD.

      Mais il existe aussi un autre droit, celui de ne pas faire appliquer tous les droits qui nous appartiennent. (ce qui me permet de dire plus haut : « Tant que l’éthique dominante estime que le prêt de documents est respectueux des lois, il n’y aura pas d’action entreprise ».)

      Si je vois des enfants se servir dans mon prunier, je peux décider de ne rien dire.
      Ou alors clôturer, mettre du barbelé, acheter un gros chien… ou tout simplement porter plainte en justice contre eux et leurs parents.

      Si personne n’a encore porté plainte en justice ou demander le retrait d’un CD en bibliothèque, c’est sans doute parce qu’il y a effectivement « de la magnanimité des producteurs ou des ayants droit ». Ou de l’intérêt, publicité, écoute, bouches à oreilles…

      Si je suis vendeur de gâteaux aux prunes, je peux quand même laisser les enfants se servir dans mon prunier… parce qu’ils diront combien mes prunes sont bonnes. Et si mes prunes sont bonnes, par ricochets, mes gâteaux aussi.

      Maintenant, pour répondre à votre question :
      Pour quelles raisons précisément, je ne saurai l’affirmer, mais j’imagine que si les éditeurs ou les producteurs n’avaient pas prévu la gestion particulière de ce droit de prêt dans les contrats qu’ils ont faits signer aux auteurs, compositeurs et interprètes, il doit leur être difficile après coup de se poser comme le défenseur d’un tel droit.

      Ils le peuvent toujours.
      Visiblement à travers le « droit de destination ».

      Et ce n’est pas à eux de prévoir la gestion particulière de ce droit de prêt. Mais elle « peut être confiée à des sociétés de gestion collective représentant des auteurs ou des artistes interprètes ou exécutants. »

      En lisant cette page : http://europa.eu/legislation_summaries/internal_market/businesses/intellectual_property/l26030_fr.htm

      Dérogation au droit de prêt

      Les États membres peuvent déroger au droit exclusif de prêt à condition que les auteurs au moins reçoivent une rémunération au titre de ce prêt, qui peut être fixée en tenant compte de leurs objectifs de promotion culturelle. Lorsque les États membres exercent ce droit de dérogation en ce qui concerne les phonogrammes, les films et les programmes d’ordinateur, ils introduisent une rémunération au moins pour les auteurs.

      On se rend compte que c’est à l’Etat de déroger.

      Alors quand Calimaq dit que nos collègues discothécaires sont dans l’illégalité, j’ai l’impression qu’il n’a pas poussé le bouchon assez loin.

      Ce ne sont pas les discothécaires qui sont dans l’illégalité, mais bel et bien l’Etat qui n’a pas fait son travail.
      L’Etat qui n’a pas dérogé au droit exclusif de prêt, lorsqu’il sait pertinemment que des documents multimédias sont prêtés à longueur d’année. Ceci depuis 2006 ! (et même avant)

      Pourquoi ne l’a-t-il fait au moment de la loi sur le prêt de livres ?
      Lorsqu’il suffisait de changer le mot livre par document et d’établir une bonne foi pour toute le prêt de documents en bibliothèque (qui ne s’arrête pas au livre… CD, DVD, partitions, jeux, etc. et maintenant ebooks !)

      Ah oui, par contre, il aurait fallu payer « une rémunération au moins pour les auteurs ».
      Ça peut expliquer bien des choses.

      Reste que l’Etat peut se retrancher derrière ceci :
      Cette directive « demande aux États membres de prévoir le droit d’autoriser ou d’interdire la location et le prêt d’originaux et de copies d’œuvre protégées par le droit d’auteur. »

      Ce droit d’autoriser ou d’interdire la location et le prêt d’originaux est déjà présent.
      Aux ayants droit de le faire appliquer.

      Ou non ! ;-)

      Faire appliquer ce droit, c’est passer pour un rapace et un grippe-sou.
      Ou un salaud pour qui refuse le prêt.

      Lorsque l’Etat pourrait déroger… contre rémunération des auteurs.

      Bien cordialement
      B. Majour

  10. Tout à fait d’accord avec vous mais comment exercer une veille efficace sur l’océandu web? L’offre commerciale est hyper (trop?) Visible alors que celle dont vous parlez l’est beaucoup moins, à part les éditeurs numériques connus de tous.si vous pouviez nous donner des liens ….merci . julie bibliothécaire

  11. Bonjour (et bonne année!),
    je suis étonnée que la loi française ne prévoit rien pour le prêt des CD, c’est effectivement un peu abuser de la part du/des gouvernement(s) de n’avoir jamais rien fait à ce sujet – d’autant plus que d’autres Etats ont quand même posé des bases intéressantes sur ce sujet. En Belgique (là où je travaille), la loi sur la DA (http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/loi_a.pl?language=fr&caller=list&cn=1994063035&la=f&fromtab=loi&sql=dt='loi'&tri=dd+as+rank&rech=1&numero=1) spécifie ainsi :

    « Art. 23. § 1. L’auteur ne peut interdire le prêt d’oeuvres littéraires, (de bases de donnés, d’oeuvres photographiques,) de partitions d’oeuvres musicales, d’oeuvres sonores et d’oeuvres audiovisuelles lorsque ce prêt est organisé dans un but éducatif et culturel par des institutions reconnues ou organisées officiellement à cette fin par les pouvoirs publics.
    § 2. Le prêt d’oeuvres sonores ou audiovisuelles ne peut avoir lieu que six mois après la première distribution au public de l’oeuvre.
    Après consultation des institutions et des sociétés de gestion des droits, le Roi peut, pour tous les phonogrammes et les premières fixations de films ou pour certains d’entre eux, allonger ou écourter le délai prévu à l’alinéa précédent. »

    Ceci permet quand même de travailler un peu plus tranquillement, non ?
    Sinon, merci pour le billet et pour les liens !

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