De la loi sur les indisponibles au registre ReLIRE : la blessure, l’insulte et la réaction en marche

Tous les acteurs impliqués dans le dossier de la numérisation des livres indisponibles voulaient que l’ouverture du registre ReLIRE au moment du Salon du Livre constitue une célébration, mais cette petite fête risque bien d’être gâchée, tant les réactions d’indignation se multiplient à l’encontre du dispositif mis en place.

Au vu des dispositions fixées par la loi et précisées dans le décret d’application, on savait déjà qu’un déséquilibre patent avait été instauré dans ce système au bénéfice des éditeurs et au détriment des auteurs. Mais on aurait tout de même pu penser que la base ReLIRE serait conçue de manière suffisamment rigoureuse pour faciliter la possibilité de retrait volontaire que la loi a prévu dans les six mois après l’inscription d’un livre au registre (opt-out).

Une affiche de mai 68 conservée à la BnF, qui prend une saveur particulière depuis la mise en ligne de la base ReLIRE...
Une affiche de mai 68 conservée à la BnF, qui prend une saveur particulière depuis la mise en ligne de la base ReLIRE…

Non seulement il n’en est rien, mais le registre ReLIRE contient des erreurs lourdes, épaisses et manifestes, dont on se demande comment elles ont pu seulement être commises.

Violations frontales de la loi

Comme l’a signalé @BlankTextField ici, ReLIRE comporte visiblement d’étranges erreurs. On y trouve par exemple 538 titres publiés postérieurement au 1er janvier 2001, qui ne sont donc pas couverts par la loi du 1er mars 2012. Plus surprenant encore, ReLIRE contiendrait quelques rééditions de livres publiés au 18ème et 19ème siècle,  ainsi que de simples reprints, qui n’ont absolument rien à y faire… La BnF était censée jouer le rôle de « tiers de confiance » dans le dispositif, mais de telles erreurs risquent bien de la transformer aux yeux de beaucoup en un véritable « tiers de défiance »…

Mais le pire, comme François Bon l’a signalé dans ce billet poignant, c’est qu’un certain nombre de titres ont été inclus dans le registre, alors même qu’ils sont encore disponibles en papier ou en numérique. Que l’on soumette les auteurs d’ouvrages indisponibles à un opt-out est déjà une chose très contestable en soi (comme il est expliqué ici), mais que des auteurs de livres encore disponibles soient soumis à cette procédure, sous peine de voir leurs droits aspirés en gestion collective, c’est tout simplement une violation frontale de la loi.

ReLIRE pousse l’ironie jusqu’à avoir mis en place un formulaire pour signaler qu’un titre figurant dans la base est en réalité disponible, comme s’il s’agissait d’une simple erreur à rectifier, alors qu’il s’agit de violations de la loi ! Je dirai ça à la police, la prochaine fois que je suis pris en excès de vitesse : merci de me le signaler ! Combien d’auteurs sont dans ce cas (peut-être des milliers de titres au vu des signalements…) ? Et comment feront-ils s’ils laissent passer le délai de 6 mois, au-delà duquel il deviendra beaucoup plus difficile pour les auteurs de faire valoir leurs droits ?

Nous violons frontalement la loi. Merci de nous le signaler.
Nous violons frontalement la loi. Merci de nous le signaler.

Opt-in pour les éditeurs ?

Il est difficile de comprendre comment de telles bévues ont pu être commises. Comment un simple tri par dates n’a pas été effectué avant la publication et comment, sur une liste de 60 000 titres, il n’a pas été possible d’éviter de tels dommages collatéraux ? 60 000 références, on n’est quand même pas dans le Big Data ! En réalité, si l’on observe froidement les choses, il est assez facile de comprendre ce qui s’est passé : l’objectif a manifestement été de publier cette première liste en avançant à marche forcée avant le Salon du Livre, à des fins d’affichage politique et tant pis si au passage, on écrasait quelques auteurs !

Les Indisponibles ? Ho, c’est très simple. Reportez-vous à ce schéma (fourni sans tube d’aspirine !).

Le ridicule a été poussé jusqu’à nommer par arrêté un « conseil scientifique » le 20 mars, dont la mission consiste justement à définir les critères et la méthode d’établissement de la liste des ouvrages inclus dans la base. Or cette fameuse liste a été publiée dès le lendemain, en même temps que le Registre ReLIRE. On en déduit soit que les membres de ce conseil sont des surhommes qui ont abattu le travail  de sélection de 60 000 livres en une nuit, soit que la besogne a été accomplie ailleurs – on ne sait où, par qui et comment – avec à la clé, les ratages qui éclatent au grand jour à présent.

Parlons donc plutôt de caution que de conseil scientifique et un document interne de la BnF, publié sur Actualitté, a montré qu’il faut lire autre chose que l’arrêté pour comprendre comment les choses fonctionnent en réalité… Une partie de ces titres a été sélectionnée dans le cadre d’un marché passé avec Electre, mais le document indique aussi que 10 000 ouvrages auraient été « fournis par les éditeurs ». Qu’est-ce que cela peut signifier ? Mystère, sinon que l’on voit que les éditeurs bénéficient en réalité sans doute d’une forme d’opt-in, puisqu’ils ont la main sur la liste, alors que les auteurs de leur côté restent individuellement soumis à l’opt-out. Cette « cuisine interne » aboutit à quelque chose de vraiment pire que tout ce que l’on pouvait imaginer !

Les chiens ne font pas des chats…

Il est vrai que d’un bout à l’autre, cette affaire des livres indisponibles aura été marquée par l’opacité et le manque de transparence. Bouclé très en amont du vote de la loi, dans un accord-cadre conclu en secret entre le Ministère de la Culture, le SNE, la SGDL et la BnF, le dispositif général des Indisponibles est le résultat de tractations qui n’ont rien à voir avec le débat démocratique que l’on aurait été en droit d’attendre sur un sujet aussi important.

Le gouvernement a ensuite demandé, sans aucune justification réelle, à ce que la loi soit votée en urgence, ce qui présentait l’avantage de rendre le débat plus difficile devant les assemblées. Et à présent, aux commandes de cette base, nous retrouvons les mêmes acteurs qu’au départ, le nouveau gouvernement socialiste ayant choisi d’ignorer les critiques, émanant notamment du collectif d’auteurs Le Droit du Serf, qui proteste depuis des mois contre la spoliation en cours de leurs droits.

01/02/2011 : un an avant le vote de la loi, tout était déjà prévu à l’avance, dans un accord secret, qui n’a été révélé que sur l’insistance de certains députés, à la toute fin des débats parlementaires…

Les chiens ne font pas des chats, dit-on, et il était logique qu’une loi accouchée dans ces conditions débouche sur une telle mise en oeuvre.

Beaucoup de choses ont déjà été écrites à propos de cette loi sur les indisponibles, mais je voudrais rappeler rapidement les principaux points qui font que, vis-à-vis des auteurs, des bibliothèques et du public, ce dispositif est inacceptable.

Malheur à Petit Auteur !

Cette loi entérine en premier lieu le lent processus de déchéance du droit d’auteur en un droit d’éditeur, avec la bienveillance de l’Etat. Normalement, un éditeur qui laisse un ouvrage devenir indisponible commercialement commet un manquement vis-à-vis de ses obligations vis-à-vis de l’auteur, susceptible de faire tomber le contrat d’édition et d’entraîner un retour complet des droits à l’auteur. On appelle cela le « défaut d’exploitation permanente et suivie », mais pour le constater, le Code de Propriété Intellectuelle a prévu une procédure compliquée, attestant que le livre est bien « épuisé », qui fait que peu d’auteurs n’obtiennent en réalité le retour effectif de leurs droits.

L’artifice majeur de la loi du 1er mars 2012 consiste à avoir déclaré qu’un livre signalé indisponible dans le registre ReLIRE ne devait pas être considéré comme épuisé au sens de la loi. Matériellement pourtant, c’est exactement la même chose, mais juridiquement cela permet à l’éditeur de conserver le bénéfice du contrat d’édition, quand bien même il s’est mis en faute vis-à-vis de l’auteur. Et cet auteur, qui devrait bénéficier de l’intégralité des droits, va être obligé une fois son livre entré en gestion collective de partager les revenus de l’exploitation de l’ouvrage à 50/50 avec son éditeur. Les éditeurs empochent donc une masse de droits sur l’exploitation numérique du patrimoine écrit du XXème siècle, sans avoir à bouger le petit doigt. Passé six mois, la société de gestion viendra même lui apporter sur un plateau la possibilité de récupérer ces droits, avec un beau courrier recommandé ! Si l’on met de côté la morale et le respect de l’esprit du Code, il faut bien reconnaître que cette manoeuvre constitue un véritable coup de maître !

La base ReLIRE relookée de manière intéressante par la Team ALexandriZ

Évidemment me direz-vous, les auteurs peuvent s’opposer à l’entrée de leurs ouvrages en gestion collective en faisant jouer l’opt-out qui leur est ouvert pendant 6 mois. Mais outre le fait que cela ne règle en rien la question du retour des droits dans leur giron, nous avons maintenant la preuve éclatante que cette procédure est tout sauf simple à exercer, surtout au vu de la manière dont la base ReLIRE a été conçue. J’avais écrit l’an dernier un billet pour montrer que les auteurs risquaient d’être soumis à un véritable parcours du combattant, mais je pensais quand même qu’il leur serait relativement facile de sortir du dispositif dans les premiers six mois. Le billet écrit par François Bon, qui s’est frotté à la procédure, est là pour nous montrer qu’il n’en est rien… Voilà ce qui fait dire à Yal Ayerdhal, l’un des principaux opposants à ce système, que nous sommes confrontés à un véritable piratage d’Etat ! Loin d’avoir fait mieux que Google, la France a employé exactement les mêmes procédés douteux que le moteur de recherche, avec les mêmes conséquences à la clé.

Désastre pour les bibliothèques et l’intérêt du public

Pour prendre la mesure du désastre, il faut également prendre en compte la situation des bibliothèques, et pour cela, se rappeler qu’il existe en France d’autres bibliothèques que la BnF (ce que beaucoup d’acteurs ont dramatiquement tendance à oublier…).

Les bibliothèques sont également de grandes perdantes dans cette affaire, car si cette loi a été votée en urgence, c’est en grande partie pour prendre de vitesse et contrer une directive sur les œuvres orphelines votée en octobre 2012, qui leur aurait été plus favorable. Car dans le corpus des ouvrages indisponibles, une part significative doit être constitué d’oeuvres orphelines, pour lesquelles les auteurs par définition ne réagiront pas. C’est ce que j’avais appelé « la grande manoeuvre des indisporphelines » : englober les orphelines mécaniquement dans les indisponibles grâce à l’opt-out, ce que Google avait lui aussi essayé de faire dans son règlement et que la Justice américaine lui a refusé.

Or la directive européenne prévoyait un système différent par lequel les bibliothèques françaises, après avoir établi par des recherches diligentes que les ouvrages étaient bien orphelins, auraient pu numériser et mettre en ligne gratuitement les ouvrages à la disposition du public. Il y a fort lieu de penser que cette possibilité de diffusion gratuite a complètement affolé les titulaires de droits en France, qui ont utilisé l’artillerie lourde de leur lobbying pour neutraliser la directive au profit du système des Indisponibles. L’idée d’un accès privilégié en bibliothèque est quand même revenue par le biais du Sénat, mais elle a été à nouveau consciencieusement démantelée dans le texte final de la loi…

Vue par les acteurs à l’origine de la loi sur les indisponibles, voilà à quoi ressemble une bibliothèque (par GreenViking. CC-BY-NC-SA)

Alors que restera-t-il au final aux bibliothèques ? Comme d’habitude, elles seront considérées comme de simples vaches à lait, à qui l’on proposera des abonnements payants pour l’accès à des produits conçus à partir des indisponibles. Et c’est d’autant plus choquant que la numérisation des ouvrages sera financée en partie avec l’argent public du Grand Emprunt, sans aucune contrepartie en matière d’accès public. On retrouve les mêmes dérives que dans l’affaire Proquest de numérisation du domaine public à la BnF. Et que la première des bibliothèques de France puisse à nouveau jouer un rôle central dans cette affaire n’en est que plus choquant. Silvère Mercier écrivait ceci sur son blog il y a quelques mois, qui reste cruellement d’actualité :

Ils ne voient pas l’erreur historique qu’aura été l’absence de mobilisation générale de notre Bibliothèque Nationale pour un accès public et libre aux œuvres orphelines. A un moment donné, la stratégie d’un établissement s’oppose aux intérêts de l’ensemble des politiques publiques dont il est censé être le navire amiral…  Quelle occasion manquée de devoir se soumettre au diktat des éditeurs et de sécuriser les accès ! Quelle soumission aveugle au sacro-saint secteur privé ! Rappelons que l’argument massue, l’argument économique, ne tient pas une seconde puisque les éditeurs eux-mêmes via le SNE nous avaient fait part d’une étude démontrant la très faible rentabilité du marché des indisponibles… Ce sont bien les bibliothèques comme bras (dés)armé de l’accès pour tous à l’information qui sont entravées par les chaînes économiques du livre !

Et le public dans cette histoire ? Il sera lui aussi perdant, car comme nous l’avons dit plus haut, bien que de l’argent public soit mobilisé pour la numérisation des indisponibles, aucune contrepartie en terme d’accès public n’est prévue, même pas pour les usages pédagogiques et de recherche par exemple. Le public perd aussi le bénéfice qu’il aurait pu retirer de la mise à disposition gratuites des oeuvres orphelines, si la directive européenne avait pu s’appliquer en France. Et last but not least, comme la BnF a décidé de sacrifier la numérisation d’une partie des oeuvres du domaine public pour affecter l’argent à la numérisation des 10 000 premières oeuvres indisponibles, le public perdra aussi l’accès gratuit dans Gallica à ces ouvrages anciens…

Destruction des autres possibles

Certaines voix ne sont pas d’accord avec ces critiques. Emmanuelle Bermès par exemple a écrit sur son blog un billet dans lequel elle s’étonne de l’opposition qui s’exprime contre la base ReLIRE :

On ne peut pas à la fois critiquer la loi sur le droit d’auteur dans le fait qu’elle est inadaptée au monde numérique, et en même temps tirer à boulets rouges sur la première initiative visant à essayer de trouver des solutions intermédiaires.

Se ranger du côté du « pragmatisme » est bien commode (et très à la mode…), mais à titre personnel, c’est bien parce que je critique l’inadaptation du droit d’auteur au numérique que je juge complètement inacceptable la loi sur les Indisponibles et le dispositif ReLIRE. Philippe Aigrain sur son blog a très bien expliqué que la loi sur les Indisponibles avait eu pour objectif principal de fermer la porte à d’autres solutions plus équilibrées :

[…] la loi sur les œuvres indisponibles est un plan concerté pour la destruction d’un possible et son remplacement par une trajectoire indésirable pour l’immense majorité d’entre nous.

Des alternatives existaient, qui auraient permis de mettre en place des solutions bien plus équilibrées, sans tordre le cou aux principes les plus essentiels du droit d’auteur. Concernant les oeuvres indisponibles, la seule solution équitable était celle du retour automatique des droits à l’auteur et l’inclusion des oeuvres dans le registre sur la base d’un opt-in strict. Aux Etats-Unis, la justice américaine en est arrivé à la conclusion dans le procès Google que l’opt-out est trop dangereux, parce qu’il peut engendrer trop de dérives, mais en France au Pays de Beaumarchais, nous l’avons maintenu. C’est complètement incompréhensible !

Par ailleurs, pour la partie des oeuvres orphelines au sein des indisponibles, le mécanisme prévu par la directive européenne garantissait une solution plus équilibrée, même si elle n’était pas parfaite. Le cas des oeuvres orphelines est très délicat et il faut en la matière éviter au maximum les risques de réappropriation. Dès lors, seule la diffusion non-marchande d’une oeuvre orpheline est acceptable, dans un but d’intérêt général, et c’est exactement ce que prévoit la directive. Les bibliothèques auraient pu assurer cette diffusion et la BnF se serait honorée dans une telle entreprise, alors qu’à la place la loi française organise un transfert des droits sur les orphelines vers une société de gestion collective, qui les exploitera commercialement sans retour financier possible vers les auteurs. C’est profondément injuste et socialement néfaste, même si certains y trouvent leur compte…

Pathétique château de cartes…

Philippe Aigrain estime dans son billet que les dysfonctionnements repérés dans cette affaire des Indisponibles sont si lourds qu’il faut commencer à parler de « corruption des institutions » :

J’utilise pour décrire ce processus d’ensemble une expression qui a été mise en avant par l’Edmund J. Safra Center for Ethics de Harvard à partir d’une initiative de Lawrence Lessig : la corruption des institutions. Elle résulte d’une collusion entre des intérêts privés établis (ici les grands éditeurs) et institutionnels (certaines formes de gestion collective), un ensemble limité de personnes priviligiées (les gros percepteurs des revenus de droits ou de la gestion collective) et des visions de l’action publique dont le but est de servir ces intérêts (la DGMIC) ou d’en capturer des bénéfices dérivés (la direction de la BnF). Cette collusion produit ses effets à travers les réseaux que tissent ces acteurs pour influencer la production de la loi et les nominations des responsables de l’action publique (y compris les élus) et pour organiser les marchés à leur profit.

Par Micheal of Scott. CC-BY-NC-ND

Je parlerai volontiers pour ma part de décomposition de l’action publique, qui commence à devenir singulièrement inquiétante en matière de politique du livre, depuis maintenant des années. Les lois se succèdent, issues de petits cercles qui se côtoient et se connaissent, loin de la lumière du débat public. L’alternance politique n’a rien changé au problème, en grande partie parce que les équipes ministérielles n’ont pas bougé. J’avais été glacé par exemple de constater que deux instigateurs importants de cette loi sur les indisponibles, votée sous l’ancien gouvernement, ont été élevés à la dignité de Chevaliers des Arts et des Lettres par Aurélie Filippetti (je vous laisse chercher...). Et tout porte à croire que le pouvoir en place, au plus haut niveau, soutiendra jusqu’au bout cette loi sur les indisponibles et le dispositif ReLIRE.

Pour beaucoup, l’ouverture de la base ReLIRE a ajouté l’insulte à la blessure qu’avait constituée le vote de la loi du 1er mars 2012. Mais la réaction est déjà en marche et elle sera à la mesure du mépris dont les instigateurs de ce texte ont fait preuve !

Comme le rappelle souvent le site Actualitté, il existe une faille béante dans toute cette machinerie des Indisponibles, qui ne peut plus être refermée à ce stade. De très lourds soupçons d’inconstitutionnalité pèsent en effet sur le texte, et sa conformité avec la Convention de Berne fait question. Pour mettre en oeuvre la base ReLIRE, le gouvernement devait nécessairement prendre un décret, mais publier cet acte, c’était exposer le flanc à un recours au Conseil d’Etat et plus loin ensuite, devant le Conseil constitutionnel qui a le pouvoir d’annuler la loi.

Tout le dispositif des Indisponibles peut donc s’effondrer brutalement comme un château de cartes, sanctionné par les plus hautes juridictions de ce pays. Il sera alors temps de démêler l’écheveau des responsabilités qui ont pu conduire à ce véritable fiasco pour l’intérêt public…


68 réflexions sur “De la loi sur les indisponibles au registre ReLIRE : la blessure, l’insulte et la réaction en marche

  1. Les choses ont été très vite, à la limite de ce qui peut être, d’un point de vue extérieur, considéré comme acceptable ; mais il fallait pour Bruno Racine que tout soit bouclé avant le salon du livre, théâtre d’ultimes génuflexions devant Hollande et destinées à obtenir un troisième mandat pour que soit poursuivie, coûte que coûte pour les usagers, une politique scélérate de mise en coupe réglée des fonds patrimoniaux et d’aliénation du service public, de ses missions, du nom même de la Grande Bibliothèque à des intérêts privés, financiers, « partenaires » à qui on livre avec un zèle confondant le bien de la nation. La responsabilité du Ministre de la Culture est immense et si le Président Racine voit son mandat prorogé par décret du Conseil des Ministres dans quelques jours, cela sera un signe politique létal et le commencement de la fin. IL FAUT TOUT METTRE EN OUVRE POUR EMPÊCHER CELA AVANT QU’IL NE SOIT TROP TARD.

  2. Quand on sait que le mari de madame sanson siège au conseil d’état, on a dû mal à être optimiste sur l’issue d’un éventuel recours…
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Marc_Sanson

    Pour les erreurs impardonnables de la base, on les imagine sans mal issues du travail fait sous pression d’une poignée de vacataires engagés par la bnf avec les sous du grand emprunt…

  3. Juste une précision. Vous écrivez que « la base contient plusieurs centaines de livres publiés au 18ème et au 19ème siècle », mais les liens que vous fournissez vers des tweets ne corroborent pas cette affirmation. Dans le premier cas, il est question de 5 (c’est ainsi que j’interprète les « quelques balles perdues ») titres entre « Date d’édition : 178* et Date d’édition : 182* » (ce que je n’ai pas pu vérifier, d’ailleurs), et dans le second cas, n’y figurent que des titres parus au XXe siècle, qui rentrent donc dans l’époque visée par la loi. Est-ce que j’ai mal compris ou est-ce qu’il faudrait rectifier le tir ?

  4. Parmi les autres erreurs dans cette liste, l’inclusion de textes traduits. J’ai repéré des anthologies composées par des éditeurs français mais contenant des textes anglais et américains, essentiellement dans le domaine de la science-fiction (voir Gérard Klein, concerné en tant qu’auteur mais aussi en tant qu’anthologiste, et Jacques Goimard, seul ou en collaboration avec Michel Lebrun, ainsi que des anthologies publiées par les défuntes éditions Naturellement).

    1. Pour ce qui est des traductions, c’est un véritable problème en effet. La loi parle seulement de « livres publiés en France », mais cela peut tout à fait mettre en cause les droits d’auteurs étrangers (outre les droits propres aux traducteurs).

      On retombe alors sur des critiques qui avaient été faites à Google, lorsqu’il avait prétendu englober dans son accord des ouvrages étrangers.

      La réaction d’auteurs étrangers sera intéressantes à suivre.

      Et cela n’est pas sans lien non plus avec une éventuelle violation de la Convention de Berne…

      1. Bonjour Calimaq

        J’aurais une autre question : est-ce qu’un auteur ayant déjà repris (relancé) ses oeuvres sous forme numérique pourrait se sentir lésé de voir son travail présent dans la liste du registre ?

        Comme ses oeuvres sont déclarées « indisponibles », comme le sous-entend le registre, cela pourrait porter préjudice à ses ventes numériques en cours, non ?
        Ou à celles de l’éditeur numérique que l’auteur a choisi.

        A ce niveau, est-on dans la diffamation ou dans la calomnie ?

        Y a-t-il là sujet à une demande de dédommages et intérêts ?

        Autre point qui m’intéresse : quelle est la valeur juridique d’une demande de retrait de ses oeuvres via le système informatique ? (lorsqu’un simple bug informatique pourrait tout réinitialiser)

        Ne faudrait-il pas une lettre avec AR pour s’éviter toute éventuelle récidive ?

        Merci pour tes réponses.

        Bien cordialement
        B. Majour (qui se demande si la BNF a vraiment pensé à toutes ces occurrences avant de produire sa liste de Registre… comme si tous les auteurs s’étaient endormis sur leurs acquis.)

  5. C’est amusant : c’est soit sortir de l’oubli et réclamer des dus comme un réveil de bois-dormant, soit rester dans l’oubli et l’inaccessibilité, et ne rien gagner car on reste dans l’invisibilité. Étant auteur moi-même, je ne gagne rien de mes œuvres, car personne de RICHE n’en veut. Sur l’internet, je suis pillé et pauvre…. mais lu !
    De plus je suis vraiment partisan de baisser cette durée d’héritage à 18 ans après la mort de l’auteur (et non pas 70 !!! quel délire !), pour que ses enfants puissent profiter de son travail ; mais pas plus, car le jeune adulte doit savoir se débrouiller dans la vie. Mort, un auteur doit entrer dans la gracieusité de l’humanité… dont il est issu.
    Pour finir, on sait bien que lorsqu’on est pas édité, c’est qu’il n’y a rien à gagner, alors pourquoi lorsqu’on vous RÉ-édite, réclamez-vous des « droits » ??? Préféreriez-vous rester avec les souris, les araignées et les mites ? Alors, je préfère ne rien acheter de vous, car vous ne devez pas valoir grand-chose, avec tant de petitesse d’esprit, sauf votre honneur, bien sûr ! Heureux que vous ayez correspond à l’état d’esprit d’une époque, vous pleurez maintenant car on fait de vous de l’Histoire : que ne pas se contenter de tant semble étrange : soyons généreux, que diable, face au réveil de l’oubli !

    1. Peut-êztre êtes-vous footballeur, rentier héritier ou personnalité des médias, grand bien vous fasse. Ou peut-être que si vous n’êtes pas réédité, c’est que vous n’avez aucun talent, auquel cas même à l’œil, quel intérêt. Mais si vous trouvez normal que d’autre se fassent du fric sur vos écrits et êtes prêt à renoncer à vos droits sans même qu’on vous le demande gentiment, bravo, vous êtes au top de cette mode des larbins léchant les bottes de plus puissant qu’eux en espérant qu’on leur jette trois miettes. Et je ne vous lirai que par erreur, vous qui vous cachez derrière un pseudo ronflant. N’obligez pas d’auytres à suivre votre voix, tout le monde n’a pas envie d’écarter les fesses comme un bon petit…

  6. Eh ben, eh ben, que dire face à tant d’ire ? Simplement que l’auteur de ce billet s’égare, étant sans doute mal informé, alors qu’il n’était pourtant pas si difficile de le faire. Quelques rectifications semblent nécessaires ;-). Et pour savoir « d’où je parle » : je dirige depuis trente ans les Éditions La Découverte et j’ai été étroitement associé, en tant que président du groupe des éditeurs universitaires du Syndicat national de l’édition, tant à la loi ici contestée qu’à sa mise en œuvre.

    « ReLIRE comporte visiblement d’étranges erreurs. On y trouve par exemple 538 titres publiés postérieurement au 1er janvier 2001, qui ne sont donc pas couverts par la loi du 1er mars 2012. »
    Ces titres sont, sauf erreur toujours possible, des « manifestations » (éditions) publiées de titres initialement publiés avant 2001 et aujourd’hui indisponibles : elles ont donc toute leur place dans le registre.

    « Plus surprenant encore, ReLIRE contiendrait quelques rééditions de livres publiés au 18ème et 19ème siècle, ainsi que de simples reprints, qui n’ont absolument rien à y faire… »
    Bien sûr, de « simples reprints » d’œuvres du domaine public n’ont rien à y faire, mais le conditionnel est en effet de mise : il n’est pas si facile, vu les possibles insuffisances des bases de données bibliographiques, de vérifier si toutes les éditions de ces œuvres sont ou non de « simples reprints » et si elles ne comportent pas un appareil critique qui ne relève pas du domaine public. Et c’est précisément l’objet de la publicité donnée par la base ReLIRE de permettre que ces éventuelles anomalies soient corrigées. Comment faire autrement, SVP ?

    « ReLIRE pousse l’ironie jusqu’à avoir mis en place un formulaire pour signaler qu’un titre figurant dans la base est en réalité disponible, comme s’il s’agissait d’une simple erreur à rectifier, alors qu’il s’agit de violations de la loi ! Je dirai ça à la police, la prochaine fois que je suis pris en excès de vitesse : merci de me le signaler ! »
    Dios mio ! Mais où sont donc l’« ironie » et la « violation de la loi » ? Cette remarque acerbe est sans le moindre fondement, car l’établissement du statut « indisponible » est tout sauf simple (à la différence d’un radar constatant un excès de vitesse). La seule base existante mentionnant le statut d’indisponibilité d’un livre, Electre, peut comporter des erreurs, malgré tous ses efforts, car elle agrège des informations venant des distributeurs (et encore, certains petits échappent peut-être) qui peuvent parfois être erronées. De surcroît, comme l’explique justement le site ReLIRE : « Il n’existe pas en France de base de données interprofessionnelle recensant la disponibilité numérique. D’autre part, la disponibilité est très mouvante. Des erreurs sont donc possibles, et chacun est invité à les signaler à la BnF. Le registre est conçu en ce sens : il est possible de signaler la disponibilité d’une œuvre en indiquant les précisions nécessaires à sa vérification (coordonnées de l’éditeur, lien vers le site de l’éditeur, vers la fiche de l’ouvrage sur le site d’une librairie en ligne, etc.). » Mais Lionel Maurel s’est-il donné la peine de lire ces explications et de s’intéresser au vaste problème que constitue la vérification de la fiabilité des bases de données bibliographiques (y compris celle de la BNF, qui est très loin d’être sans défauts s’agissant des titres du dépôt légal antérieurs aux années 1980) ?

    « Le ridicule a été poussé jusqu’à nommer par arrêté un « conseil scientifique » le 20 mars, dont la mission consiste justement à définir les critères et la méthode d’établissement de la liste des ouvrages inclus dans la base. Or cette fameuse liste a été publiée dès le lendemain, en même temps que le Registre ReLIRE. On en déduit soit que les membres de ce conseil sont des surhommes qui ont abattu le travail de sélection de 60 000 livres en une nuit, soit que la besogne a été accomplie ailleurs – on ne sait où, par qui et comment – avec à la clé, les ratages qui éclatent au grand jour à présent. »
    Mais où est le « ridicule », sinon aux yeux de celui qui ne veut pas s’informer ? Ce n’est pas parce que ce « conseil scientifique » (dont je fais partie, honte sur moi) n’a été nommé que le 20 mars qu’il aurait travaillé « en une nuit » pour établir une première liste de 60 000 titres (limitée aux sciences humaines et sociales, à l’histoire et à la fiction), soit à peine plus de 10 % du corpus estimé : à l’avenir, sa mission sera justement d’affiner les critères et les méthodes de constitution de la base. En pratique, il y a plus de trois ans que des représentants des auteurs, des éditeurs et des bibliothécaires (pas mal de professionnels, qui n’ont rien de « clandestins ») ont engagé, sous la houlette très officielle du ministère de la Culture, le travail nécessaire pour construire un dispositif, aujourd’hui contesté, dont le seul objectif est de rendre accessibles des centaines de milliers de livres épuisés du XXe siècle. La mise au point de la première liste, certainement à améliorer, a nécessité des mois de travail de beaucoup de gens – en particulier d’une équipe ad hoc de la BNF, remarquablement compétente –, consacrés à la résolution de mille problèmes purement techniques, tant la vérification d’une vraie indisponibilité est complexe.

    « Une partie de ces titres a été sélectionnée dans le cadre d’un marché passé avec Electre, mais le document indique aussi que 10 000 ouvrages auraient été « fournis par les éditeurs ». Qu’est-ce que cela peut signifier ? Mystère, sinon que l’on voit que les éditeurs bénéficient en réalité sans doute d’une forme d’opt-in, puisqu’ils ont la main sur la liste, alors que les auteurs de leur côté restent individuellement soumis à l’opt-out. Cette « cuisine interne » aboutit à quelque chose de vraiment pire que tout ce que l’on pouvait imaginer ! »
    Les éditeurs ne « bénéficient » de rien du tout : si certains d’entre eux (ceux qui avaient les fonds les plus anciens) ont été sollicités par la BNF, c’est simplement parce que, Electre ne recensant que des titres publiés depuis sa création au début des années 1980, nombre de titres publiés antérieurement et déjà épuisés à cette date ne pouvaient y figurer. Il était donc important que des éditeurs « anciens » puissent vérifier sur les listes (établies à partir de la base bibliographique de la BNF) de leurs titres antérieurs au début des années 1980 ceux qui étaient effectivement indisponibles à ce jour : je l’ai fait par exemple pour ma maison (créée en 1959) et je peux vous assurer que c’est un travail long et complexe (que beaucoup d’autres maisons devront d’ailleurs poursuivre), qui n’encourage de surcroît aucun « opt-in » (car si jamais je souhaite à l’avenir exploiter moi-même certains de ces titres épuisés, il me sera beaucoup plus facile de le faire en pratiquant l’« opt-out » sur le registre). Où est la « cuisine interne », sinon dans la vision de ceux qui n’ont pas compris le dispositif ?

    « Or la directive européenne prévoyait un système différent par lequel les bibliothèques françaises, après avoir établi par des recherches diligentes que les ouvrages étaient bien orphelins, auraient pu numériser et mettre en ligne gratuitement les ouvrages à la disposition du public. Il y a fort lieu de penser que cette possibilité de diffusion gratuite a complètement affolé les titulaires de droits en France, qui ont utilisé l’artillerie lourde de leur lobbying pour neutraliser la directive au profit du système des Indisponibles. »
    « Fort lieu de penser » : là, on n’est pas très loin de la paranoïa… Car les « titulaires de droits », auteurs comme éditeurs, je peux en témoigner, n’ont jamais le moins du monde été « affolés » par la perspective d’une diffusion gratuite des œuvres orphelines, puisque, par hypothèse, celles-ci n’ont plus d’ayants droit identifiables. L’article L. 134-8 de la loi a introduit simplement un délai de dix ans avant de permettre cette diffusion gratuite conforme à la directive européenne, laps de temps assez raisonnable pour s’assurer qu’une telle œuvre est vraiment orpheline et ne léser aucun ayant droit, tant la tâche est complexe (« Sauf refus motivé, la société de perception et de répartition des droits mentionnée à l’article L. 134-3 autorise gratuitement les bibliothèques accessibles au public à reproduire et à diffuser sous forme numérique à leurs abonnés les livres indisponibles conservés dans leurs fonds dont aucun titulaire du droit de reproduction sous une forme imprimée n’a pu être trouvé dans un délai de dix ans à compter de la première autorisation d’exploitation »).

    « Des alternatives existaient, qui auraient permis de mettre en place des solutions bien plus équilibrées, sans tordre le cou aux principes les plus essentiels du droit d’auteur. Concernant les œuvres indisponibles, la seule solution équitable était celle du retour automatique des droits à l’auteur et l’inclusion des œuvres dans le registre sur la base d’un opt-in strict. »
    « Inclure des œuvres [indisponibles] dans le registre sur la base d’un opt-in strict » : cela revient à attendre, avant de commencer la numérisation de masse (seul moyen de maintenir les coûts de cette opération à un niveau raisonnable), que plusieurs dizaines de milliers d’auteurs et d’ayants droit aient exercé cet opt-in. Autant dire jamais, ou plutôt attendre quelques décennies que toutes ces œuvres tombent dans le domaine public. Il serait plus honnête de dire franchement que c’est le projet même de rendre dès maintenant disponible les livres disparus du XXe siècle qui doit être abandonné. Il faudrait d’autres arguments pour prouver que la loi de 2012 « tord le cou aux principes les plus essentiels du droit d’auteur », alors même – et les auteurs y ont veillé –, qu’elle met leurs droits en avant en leur permettant l’opt-out.

    « Pour mettre en œuvre la base ReLIRE, le gouvernement devait nécessairement prendre un décret, mais publier cet acte, c’était exposer le flanc à un recours au Conseil d’État et plus loin ensuite, devant le Conseil constitutionnel qui a le pouvoir d’annuler la loi. »
    Euh, alors là, je ne sais vraiment plus si Lionel Maurel sait encore de quoi il parle, car le décret en question a bien été publié, le 1er mars 2013, il est là :
    http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027119991&dateTexte=&categorieLien=id
    comme il le signalait d’ailleurs lui-même au début de son billet, qu’il semble avoir oublié à la fin…

    « Pour beaucoup, l’ouverture de la base ReLIRE a ajouté l’insulte à la blessure qu’avait constitué le vote de la loi du 1er mars 2012. Mais la réaction est déjà en marche et elle sera à la mesure du mépris dont les instigateurs de ce texte ont fait preuve ! »
    Ni « insulte » ni « blessure », donc, mais la « réaction », en effet. Car il est difficile de ne pas trouver assez « réactionnaire » cette démonstration si mal ficelée, qui semble plaider de facto pour le maintien dans les ténèbres des centaines de milliers de livres indisponibles du XXe siècle, alors même que nombre de bibliothécaires râlent de longue date contre les éditeurs qui ne les republient pas (essentiellement faute d’acheteurs qui permettraient de couvrir les coûts de réédition) et dont le numérique rend enfin possible économiquement la renaissance…

    1. Si une équipe travaille depuis des mois sur cette liste, n’y a t il personne qui ait pensé au plus simple ? Un petit script qui cherche les numéro ISBN chez Amazon, ensuite recherche simple par titre ? Cela aurait déjà éliminer un grand nombre d’œuvres disponibles ou rééditées, sujet de polémique pour nombreux auteurs.

      Il en va de même pour l’opt-out qui doit se faire livre par livre, une situation propre à en décourager plus d’un. Devoir se justifier d’être l’auteur plus d’une centaine de fois pour quelque chose que l’on a pas demander, c’est un peu kafkaïen.
      Si une procédure « multi-livres » existe, elle est peu visible.

      Je suis curieux de voir le résultat de cette numérisation de masse, la qualité est déjà absente des productions commerciales de la plupart des grand éditeurs, je redoute la calamité que sera probablement ces numérisations par un prestataire peu consciencieux (encore inconnu du public ? ). Si c’est le même que pour la BnF, on est mal parti en tout cas…

      1. « Un petit script qui cherche les numéro ISBN chez Amazon, ensuite recherche simple par titre ? »
        Euh, vous ne savez pas que les ISBN n’existent que depuis le milieu des années 1970 et qu’il est impossible de repérer ainsi les titres antérieurs du XXe siècle ? Et que la qualité de la base d’Amazon est très inférieure à celle d’Electre, laquelle est elle-même loin d’être parfaite ?

          1. Effectivement, un petit script interrogeant la base Kindle aurait permis d’éliminer de la liste des titres déjà réédités en numérique. Dont les miens…
            Une simple lecture un peu attentive de la liste aurait aussi permis d’éliminer des auteurs comme Frédéric Dard/San Antonio dont on imagine mal qu’il ne soit pas réédité systématiquement. Voire de se poser la question des auteurs étrangers comme Simenon, Vonarburg, etc.
            Mettre une copie du contrat d’édition proposé aux auteurs en téléchargement sur le site aurait également permis de répondre à de nombreuses questions (mais peut-être d’en susciter d’autres, plus gênantes…)
            Même si « les ISBN n’existent que depuis le milieu des années 70 », faut-il renoncer à la possibilité de corriger une partie des erreurs sous le prétexte qu’on ne peut pas les corriger toutes ? Si c’est ce que vous pensez, je suis heureux que vous ne soyez pas médecin…

    2. Bonjour,

      Votre commentaire comporte des éléments d’information importants qui feront l’objet d’une réponse dans un billet. J’aurai ainsi l’occasion de répondre aux prétendues « inexactitudes » que vous évoquez.

      Pour l’instant, je me contenterai de dire une seule chose : je trouve vraiment étonnant que vous admettiez sans y voir aucun problème avoir bénéficié de la faculté d’insérer vos propres ouvrages dans la base ReLIRE, tandis que d’autres éditeurs et l’intégralité des auteurs restent soumis à l’opt-out. Qu’est-ce donc que cela, si ce n’est un opt-in ?

      Ce type de pratiques introduit une distorsion grave dans le dispositif et jamais la loi n’a prévu une telle chose.

      @tous : Réponse plus détaillée à venir dans un billet.

      1. Cher Lionel Maurel, je ne sais comment vous l’expliquer : je n’ai « bénéficié » de rien du tout, sauf du pénible « privilège » de vérifier titre par titre si, à ma connaissance, des titres du fonds ancien de ma maison étaient ou non indisponibles, sans que cela me donne le moindre avantage par rapport aux auteurs concernés (bien au contraire, c’est pour eux que j’ai travaillé, voir plus loin ma réponse aux commentaires de Lucie Chenu).

        1. Je salue en tout cas votre démarche de venir commenter ici et apporter ces éléments d’informations.

          Le manque de transparence et de dialogue a très lourdement pesé dans cette affaire. Vous avez peut-être l’impression qu’un dialogue a eu lieu, parce qu’il y a eu trois années de discussion entre MCC/BnF/SGDL et SNE, mais il aurait fallu ouvrir cette discussion beaucoup plus largement et permettre un vrai débat à l’Assemblée, ce qui n’a pas été le cas. Tout a été ficelé dans un accord-cadre gardé secret pendant les débats et qui n’a été révélé qu’à la toute fin du vote de la loi (sous la pression, recours CADA et demandes répétées des députés).

          Je profite du fait que vous paraissez être en ligne pour vous signaler que vous avez commis une erreur importante dans votre première réponse. Les rééditions de livres après le 1er janvier 2001 ne sont pas dans le périmètre de la loi. C’est très clair dès l’article premier qui parle de « livres » et non d’oeuvres ; c’est même écrit en toutes lettres dès la page d’accueil de ReLIRE. Ces livres récents n’ont donc rien à faire dans la base et il semble qu’ils constituent tout de même un pour cent du corpus total, alors qu’un simple tri par date aurait permis de les enlever.

          Toutes les personnes qui s’intéressent à ce dossier sont unanimes sur ce point. Vous confondez oeuvres et manifestations.

          Sans vouloir vous accablez, je ne comprends tout simplement pas comment un membre du conseil scientifique du registre peut se tromper à ce point. Cela me sidère…

          Je répondrai dans le détail à vos commentaires dans un billet rapidement.

          Je dois le dire que je vais le faire en partie la mort dans l’âme, car je sais qui vous êtes.

          Plus de dialogue, plus d’ouverture, cessez de faire les lois en petits cercles ! S’en remettre à un vrai débat public !

          Voilà ce qu’il manque dans ce pays pour éviter ce genre de situations de conflit à couteaux tirés.

          Hélas, il est trop tard à présent et c’est la justice qui démolira tout l’édifice de cette loi sur les indisponibles.

    3. « Ce n’est pas parce que ce « conseil scientifique » (dont je fais partie, honte sur moi) n’a été nommé que le 20 mars qu’il aurait travaillé « en une nuit » pour établir une première liste de 60 000 titres (limitée aux sciences humaines et sociales, à l’histoire et à la fiction), soit à peine plus de 10 % du corpus estimé : à l’avenir, sa mission sera justement d’affiner les critères et les méthodes de constitution de la base.  »

      En tout cas, merci à vous tous membres du conseil scientifique pour avoir pensé à inclure les classiques (sciences humaines et sociales ou fiction ? a priori pas histoire en tout cas – enfin je crois) que sont les Roucasseries (http://relire.bnf.fr/recherche?search=jean+roucas) ou les Éclats de rire de Lagaf (http://relire.bnf.fr/recherche?search=Lagaf). De bien belles heures de lecture en perspective.

      (merci Sylvain d’avoir déniché dans Relire ces incontournables fleurons trop tôt épuisés)

    4. @François Gèze : quelques points de votre discours me chagrinent. Vous dites, en répondant à Calimaq (désolée pour la multiplication de guillemets) :
      « « ReLIRE comporte visiblement d’étranges erreurs. On y trouve par exemple 538 titres publiés postérieurement au 1er janvier 2001, qui ne sont donc pas couverts par la loi du 1er mars 2012. »
      Ces titres sont, sauf erreur toujours possible, des « manifestations » (éditions) publiées de titres initialement publiés avant 2001 et aujourd’hui indisponibles : elles ont donc toute leur place dans le registre. »
      Pourtant, l’article L134-1 du CPI modifié stipule « On entend par livre indisponible au sens du présent chapitre un livre publié en France avant le 1er janvier 2001 qui ne fait plus l’objet d’une diffusion commerciale par un éditeur et qui ne fait pas actuellement l’objet d’une publication sous une forme imprimée ou numérique. » Les « manifestations » publiées ultérieurement n’ont donc absolument pas leur place dans le registre.
      « « Plus surprenant encore, ReLIRE contiendrait quelques rééditions de livres publiés au 18ème et 19ème siècle, ainsi que de simples reprints, qui n’ont absolument rien à y faire… »
      Bien sûr, de « simples reprints » d’œuvres du domaine public n’ont rien à y faire, mais le conditionnel est en effet de mise : il n’est pas si facile, vu les possibles insuffisances des bases de données bibliographiques, de vérifier si toutes les éditions de ces œuvres sont ou non de « simples reprints » et si elles ne comportent pas un appareil critique qui ne relève pas du domaine public. Et c’est précisément l’objet de la publicité donnée par la base ReLIRE de permettre que ces éventuelles anomalies soient corrigées. Comment faire autrement, SVP ? »
      En regardant le livre, censé être physiquement présent à la BNF? Encore faut-il se souvenir de la façon de feuilleter un tel objet non numérique ;-)
      « « Une partie de ces titres a été sélectionnée dans le cadre d’un marché passé avec Electre, mais le document indique aussi que 10 000 ouvrages auraient été « fournis par les éditeurs ». Qu’est-ce que cela peut signifier ? Mystère, sinon que l’on voit que les éditeurs bénéficient en réalité sans doute d’une forme d’opt-in, puisqu’ils ont la main sur la liste, alors que les auteurs de leur côté restent individuellement soumis à l’opt-out. Cette « cuisine interne » aboutit à quelque chose de vraiment pire que tout ce que l’on pouvait imaginer ! »
      Les éditeurs ne « bénéficient » de rien du tout : si certains d’entre eux (ceux qui avaient les fonds les plus anciens) ont été sollicités par la BNF, c’est simplement parce que, Electre ne recensant que des titres publiés depuis sa création au début des années 1980, nombre de titres publiés antérieurement et déjà épuisés à cette date ne pouvaient y figurer. Il était donc important que des éditeurs « anciens » puissent vérifier sur les listes (établies à partir de la base bibliographique de la BNF) de leurs titres antérieurs au début des années 1980 ceux qui étaient effectivement indisponibles à ce jour : je l’ai fait par exemple pour ma maison (créée en 1959) et je peux vous assurer que c’est un travail long et complexe (que beaucoup d’autres maisons devront d’ailleurs poursuivre), qui n’encourage de surcroît aucun « opt-in » (car si jamais je souhaite à l’avenir exploiter moi-même certains de ces titres épuisés, il me sera beaucoup plus facile de le faire en pratiquant l’« opt-out » sur le registre). Où est la « cuisine interne », sinon dans la vision de ceux qui n’ont pas compris le dispositif  ? »
      Je pense que vous n’avez pas compris le propos de Calimaq (qui me corrigera si je me trompe). Ou alors, vous faites semblant. L’opt in, vous en avez déjà bénéficié lorsque vous avez eu la possibilité de choisir les titres que vous voulez inclure dans le registre. Vous aurez beau jeu, à présent, de dire « il me sera beaucoup plus facile de le faire en pratiquant l’« opt-out » sur le registre ». Nous sommes en effet cruellement conscients qu’il vous sera facile, à vous et à vos confrères éditeurs, de vous servir de l’opt out de manière à exploiter en numérique les ouvrages que vous ne diffusez plus, le tout sans avenant au contrat d’édition, sans bon à tirer, sans travail de relecture ni de mise en contexte, sans aucun boulot éditorial.
      « « Or la directive européenne prévoyait un système différent par lequel les bibliothèques françaises, après avoir établi par des recherches diligentes que les ouvrages étaient bien orphelins, auraient pu numériser et mettre en ligne gratuitement les ouvrages à la disposition du public. Il y a fort lieu de penser que cette possibilité de diffusion gratuite a complètement affolé les titulaires de droits en France, qui ont utilisé l’artillerie lourde de leur lobbying pour neutraliser la directive au profit du système des Indisponibles. »
      « Fort lieu de penser » : là, on n’est pas très loin de la paranoïa… Car les « titulaires de droits », auteurs comme éditeurs, je peux en témoigner, n’ont jamais le moins du monde été « affolés » par la perspective d’une diffusion gratuite des œuvres orphelines, puisque, par hypothèse, celles-ci n’ont plus d’ayants droit identifiables. »
      Les auteurs titulaires de droits des œuvres orphelines ne risquaient pas d’être affolés, puisque par définition… ils n’existent pas! Les éditeurs, par contre, sont parfaitement identifiables et identifiés. Et la perspective de mettre à disposition gratuitement les œuvres orphelines ne pouvait que leur déplaire! Dix ans de gagné, c’est déjà ça.
      « « Des alternatives existaient, qui auraient permis de mettre en place des solutions bien plus équilibrées, sans tordre le cou aux principes les plus essentiels du droit d’auteur. Concernant les œuvres indisponibles, la seule solution équitable était celle du retour automatique des droits à l’auteur et l’inclusion des œuvres dans le registre sur la base d’un opt-in strict. »
      « Inclure des œuvres [indisponibles] dans le registre sur la base d’un opt-in strict » : cela revient à attendre, avant de commencer la numérisation de masse (seul moyen de maintenir les coûts de cette opération à un niveau raisonnable), que plusieurs dizaines de milliers d’auteurs et d’ayants droit aient exercé cet opt-in. Autant dire jamais, ou plutôt attendre quelques décennies que toutes ces œuvres tombent dans le domaine public. »
      Allons donc! Des livres publiés en 1980 ou en 2000 ne sont pas près de tomber dans le domaine public. Leurs auteurs sont encore en vie et en activité, pour la plupart.
      Mais vous avez raison: trop d’auteurs risquaient de ne pas vouloir de ce dispositif – quel auteur sensé accepterait qu’on réédite ses ouvrages sans avenant au contrat, si on lui posait la question? – et donc, il valait mieux, pour vous, ce système d’opt out.
      « Il serait plus honnête de dire franchement que c’est le projet même de rendre dès maintenant disponible les livres disparus du XXe siècle qui doit être abandonné. »
      Tiens, d’« œuvres épuisées », on est passé à « livres indisponibles » et maintenant « disparus ». Il n’est pas question de livres disparus, s’ils avaient disparu, on ne pourrait pas les scanner. Il s’agit de livres que leurs éditeurs ont cessé de travailler et pour cela, pour ce non-travail, ils (les éditeurs en question) vont toucher de l’argent. Il s’agit de dépenser de l’argent public pour numériser en masse des ouvrages sans en demander l’autorisation aux auteurs de façon à renflouer les caisses des éditeurs à cause de qui les ouvrages en question sont indisponibles.
      Je ne parlerai pas pour Calimaq, mais je vous le dis franchement: il faut abandonner ce projet malsain, oui :-)
      « Il faudrait d’autres arguments pour prouver que la loi de 2012 « tord le cou aux principes les plus essentiels du droit d’auteur », alors même – et les auteurs y ont veillé –, qu’elle met leurs droits en avant en leur permettant l’opt-out. »
      Non, elle ne met pas leurs droits en avant. Pour mettre leurs droits en avant, il faudrait que la loi exige des éditeurs de proposer des avenants aux contrats d’édition. En l’état, elle nie, elle bafoue leurs droits.
      « « Pour beaucoup, l’ouverture de la base ReLIRE a ajouté l’insulte à la blessure qu’avait constitué le vote de la loi du 1er mars 2012. Mais la réaction est déjà en marche et elle sera à la mesure du mépris dont les instigateurs de ce texte ont fait preuve ! »
      Ni « insulte » ni « blessure », donc, mais la « réaction », en effet. Car il est difficile de ne pas trouver assez « réactionnaire » cette démonstration si mal ficelée, qui semble plaider de facto pour le maintien dans les ténèbres des centaines de milliers de livres indisponibles du XXe siècle, alors même que nombre de bibliothécaires râlent de longue date contre les éditeurs qui ne les republient pas (essentiellement faute d’acheteurs qui permettraient de couvrir les coûts de réédition) et dont le numérique rend enfin possible économiquement la renaissance… »
      Plus précisément, dont l’argent public rend enfin possible la renaissance.
      Quant au couplet sur les ténèbres, si réellement l’indisponibilité des œuvres vous chagrinait, vous militeriez pour la numérisation des ouvrages du domaine public par Gallica – de fait, l’argent alloué à Gallica est détourné pour les juteux indisponibles du XXe siècle – et pour la numérisation et la mise à disposition en bibliothèques des œuvres orphelines, selon la circulaire européenne que la loi sur les Indisponibles du XXe siècle shunte allègrement.
      Pour vous paraphraser, il serait plus honnête de dire franchement que la modification du CPI est une belle aubaine (provoquée par le SNE) qui va renflouer vos caisses et que l’idée de demander leur avis aux auteurs, l’idée qu’ils puissent refuser et diminuer d’autant vos bénéfices vous fait horreur.

      1. Quelques réponses rapides :
        1) Comment vérifier si toutes les éditions d’œuvres sont ou non de « simples reprints » relevant du domaine public et si elles ne comportent pas un appareil critique qui ne relève pas du domaine public : « En regardant le livre, dites-vous, censé être physiquement présent à la BNF? Encore faut-il se souvenir de la façon de feuilleter un tel objet non numérique ;-) » Bien évidemment, ce travail, long et fastidieux, sera fait avant de numériser ; mais en attendant, il n’y a rien de choquant à de tels livres inclure dans le registre, liste fatalement provisoire (comme le stipule la loi) des titres pour lequel le doute sur l’existence d’un appareil critique est fondé.

        1. Complément de ma réponse de 23 h 13, postée trop rapidement :
          2) Vous dites, sur la question de comment « vérifier si toutes les éditions de ces œuvres sont ou non de “simples reprints” et si elles ne comportent pas un appareil critique qui ne relève pas du domaine public » : « En regardant le livre, censé être physiquement présent à la BNF ? Encore faut-il se souvenir de la façon de feuilleter un tel objet non numérique ;-) »
          Certes, et cela sera évidemment fait quand il s’agira de le numériser. Mais c’est un travail long et fastidieux pour des milliers de titres. Et, en attendant, cela n’a rien d’absurde, dans le doute, de le placer dans le registre, dont il pourra toujours être retiré.

          3) Vous dites : « Nous sommes en effet cruellement conscients qu’il vous sera facile, à vous et à vos confrères éditeurs, de vous servir de l’opt out de manière à exploiter en numérique les ouvrages que vous ne diffusez plus, le tout sans avenant au contrat d’édition, sans bon à tirer, sans travail de relecture ni de mise en contexte, sans aucun boulot éditorial. »
          J’ignore qui est ce « nous » dont vous vous revendiquez, mais je vous rassure : si je pratiquais cet opt out pour republier un tel livre épuisé, ce ne pourrait être que dans le cadre d’un nouveau contrat avec l’auteur ou ses ayants droit. Sinon, j’y renoncerais, à charge pour la Sofia de l’exploiter en poursuivant tous ses efforts pour identifier les ayants droit bénéficiaires des droits d’auteur (c’est l’objet même de la loi). Libre à vous d’estimer qu’il est inutile de faire revivre les livres indisponibles du XXe siècle, opinion que ne partagent pas de nombreux auteurs et bibliothécaires.

          4) Vous dites, à propos des œuvres « orphelines » : « [Leurs] éditeurs, par contre, sont parfaitement identifiables et identifiés. Et la perspective de mettre à disposition gratuitement les œuvres orphelines ne pouvait que leur déplaire ! Dix ans de gagné, c’est déjà ça. »
          Euh, là, vous semblez ignorer qu’une œuvre n’est réputée « orpheline », selon la Commission européenne, que s’il est impossible d’identifier aussi bien son auteur que son éditeur. Si ce dernier existe encore, c’est à lui que revient la responsabilité de rémunérer ses ayants droit (ou sinon à la Sofia, dans le cadre de la loi de 2012).

          5) Vous dites : « trop d’auteurs risquaient de ne pas vouloir de ce dispositif – quel auteur sensé accepterait qu’on réédite ses ouvrages sans avenant au contrat, si on lui posait la question ? – et donc, il valait mieux, pour vous, ce système d’opt out. »
          Mais non : la loi vise exclusivement à résoudre la question des auteurs ou ayants droit d’œuvres indisponibles impossibles à identifier facilement, principalement ceux des livres publiés dans la première moitié du XXe siècle. Et l’opt out permet précisément à ceux qui « ne veulent pas de ce dispositif », parce qu’ils estiment possible de trouver un nouvel éditeur, de s’en retirer.

          6) Vous dites : « Il s’agit de livres que leurs éditeurs ont cessé de travailler et pour cela, pour ce non-travail, ils (les éditeurs en question) vont toucher de l’argent. Il s’agit de dépenser de l’argent public pour numériser en masse des ouvrages sans en demander l’autorisation aux auteurs de façon à renflouer les caisses des éditeurs à cause de qui les ouvrages en question sont indisponibles. Je ne parlerai pas pour Calimaq, mais je vous le dis franchement : il faut abandonner ce projet malsain, oui :-) »
          Là encore, je vous rassure : si ces centaines de milliers de livres restent épuisés, c’est simplement parce qu’ils n’avaient plus, selon leurs éditeurs, assez de lecteurs potentiels pour financer (même à perte) leur réédition. Leur nouvelle exploitation ne contribuera nullement à « renflouer les caisses » de leurs éditeurs d’origine, mais, au mieux, à apporter des droits d’auteurs à leurs ayants droit. Il s’agit d’abord – comment vous le faire comprendre ? –, d’un projet patrimonial dont la finalité financière est simplement inexistante.

          7) Vous dites : « l’argent alloué à Gallica est détourné pour les juteux indisponibles du XXe siècle »
          Autre erreur, double : seuls les 10 000 premiers titres indisponibles (sur 500 000 estimés), afin de lancer l’opération sans trop tarder (tant elle est complexe et incertaine) seront numérisés grâce aux fonds attribués par le CNL à la BNF pour la numérisation des livres du domaine public, et cela pour une somme dérisoire en comparaison avec les dizaines de millions d’euros consacrés par le CNL depuis des années à cette tâche (pour des centaines de milliers de livres), sans aucune contrepartie, ce qui est très bien. Le financement de la numérisation de l’essentiel des indisponibles sera assuré par les fonds du « grand emprunt », géré par le CGI et la Caisse des dépôts.
          Quant au caractère « juteux » des indisponibles, c’est une simple absurdité, voir mes réponses précédentes.

          8) Vous dites que « la modification du CPI est une belle aubaine (provoquée par le SNE) qui va renflouer vos caisses et que l’idée de demander leur avis aux auteurs, l’idée qu’ils puissent refuser et diminuer d’autant vos bénéfices vous fait horreur. »
          C’est donc une obsession, parfaitement infondée, comme vous auriez pu le vérifier si vous vous étiez donné la peine d’une enquête minimum auprès des éditeurs du SNE que vous accablez. Je peux témoigner que nombre d’entre eux ont été dès le début assez hostile à ce dispositif, dont ils ne voyaient pas l’utilité ni l’intérêt économique, et que ceux qui l’ont soutenu n’ont été animés que par le souci de l’intérêt général : est-ce que cela peut vous dire quelque chose ;-) ? Mais bon, inutile de discuter, puisque selon vous, le seul objectif de tous les éditeurs serait de « ne pas diminuer leurs bénéfices » : il en existe certainement de cette sorte, et je suis désolé pour vous si vous estimez que c’est le cas de ceux auxquels vous avez confié vos livres, mais ce n’est certainement pas celui de ceux qui se sont mobilisés avec les représentants des sociétés d’auteurs, le ministère de la Culture et la BNF pour faire revivre le patrimoine littéraire du XXe siècle.

          1. @François Gèze : décidément, nous ne nous comprenons pas, et plus ça va plus j’ai l’impression qu’il vous manque des informations cruciales, ce qui, étant donné votre nomination au sein du conseil scientifique qui « veille à la cohérence des corpus constitués dans le cadre du « Registre des livres indisponibles du xxe siècle » [et] supervise l’établissement et la mise à jour de la liste des livres indisponibles mentionnée à l’article R. 134-1 du code de la propriété intellectuelle » m’étonne un brin, et m’inquiète beaucoup.

            Quelques réponses à vos réponses :-)
            1) et 2) (qui portent sur le même sujet) « Bien évidemment, ce travail, long et fastidieux, sera fait avant de numériser ; mais en attendant, il n’y a rien de choquant à de tels livres inclure dans le registre, liste fatalement provisoire (comme le stipule la loi) des titres pour lequel le doute sur l’existence d’un appareil critique est fondé. »

            —> Plus haut, vous nous affirmiez que cela fait plus de trois ans que « des représentants des auteurs, des éditeurs et des bibliothécaires (pas mal de professionnels, qui n’ont rien de « clandestins ») » travaillent sur cette base. C’était votre réponse à Calimaq s’étonnant que le conseil scientifique dont le rôle est « [d’arrêter] la liste des livres indisponibles qui y sont enregistrés » (ce n’est pas moi qui le dis, c’est le CPI modifié) ait été nommé la veille, seulement, de la publication de la liste. Voulez-vous dire qu’en trois ans on s’est contenté de recopier la base de données de la BNP ? Que personne n’a pris en main un ouvrage? Trois ans pour faire ce que n’importe quel hacker est capable de faire en quelques jours, et cela sans posséder les codes d’entrée ?

            « Certes, et cela sera évidemment fait quand il s’agira de le numériser. Mais c’est un travail long et fastidieux pour des milliers de titres. Et, en attendant, cela n’a rien d’absurde, dans le doute, de le placer dans le registre, dont il pourra toujours être retiré. »

            —> Rien d’absurde ? Admettons. Ce n’est pas le plus grave dans cette liste mal ficelée. M’inquiètent beaucoup plus la présence de livres collectifs seulement indiqués par le titre et le directeur d’ouvrage, de telle sorte que les auteurs ayant collaboré à l’ouvrage ne peuvent le trouver par la seule recherche de leur nom. M’inquiètent beaucoup plus les fautes d’orthographe sur les noms d’auteurs, de telle sorte que les auteurs ne peuvent trouver leurs ouvrages par la recherche de leur nom. Et m’inquiète surtout le fait que les auteurs ou leurs ayants droit qui n’ont pas internet risquent fort de ne jamais entendre parler du processus. Vos auteurs ayant publié en 1953, ou leurs ayants droit, par exemple, ne connaitront pas l’existence de cet opt out. Comment pourront-ils exercer leur droit de retrait ?

            3) « J’ignore qui est ce « nous » dont vous vous revendiquez »
            —> Pardon, je ne me suis pas présentée dans les règles. Je suis auteur et anthologiste (appelons ça « éditrice scientifique », même si ça n’a aucun sens lorsqu’on parle de fiction) – mais ce que j’ai publié au XXe siècle ne rentre pas dans le cadre de la loi sur les Indisponibles, puisqu’il s’agit d’articles et d’une thèse (réellement scientifiques, eux ;-) ) sans contrat d’édition, le reste est paru au XXIe siècle – et l’un des ayants droit des ouvrages totalement épuisés de mon grand-père. J’ai signé l’an dernier la pétition contre la loi sur les Indisponibles qu’on peut trouver ici : http://www.petitionpublique.fr/?pi=P2012N21047&nbsp

            « mais je vous rassure : si je pratiquais cet opt out pour republier un tel livre épuisé, ce ne pourrait être que dans le cadre d’un nouveau contrat avec l’auteur ou ses ayants droit. »

            —> Je vous félicite et je prends acte. Ce n’est pas ce que prévoit la loi et ce n’est pas ainsi qu’agiront vos confrères, dans leur majorité.

            « Libre à vous d’estimer qu’il est inutile de faire revivre les livres indisponibles du XXe siècle, opinion que ne partagent pas de nombreux auteurs et bibliothécaires. »

            —> Je ne formulerais pas les choses ainsi. Je dirais plutôt qu’il est tout à fait utile de faire revivre certains des livres indisponibles du XXe siècle, ceux que leurs auteurs ou ayants droit souhaitent faire revivre, mais qu’il est honteux, dangereux d’imposer à tous ce qui convient à quelques-uns.
            Et en tant que lectrice, me direz-vous ? Oh, il y a des livres que je rêve de retrouver, des disques et des films aussi. Tout comme il m’arrive, l’été, de crever d’envie de piquer une tête dans la piscine de mon voisin. (J’habite dans le sud, il peut faire très chaud.) Pourtant, je me retiens.

            4) « Euh, là, vous semblez ignorer qu’une œuvre n’est réputée « orpheline », selon la Commission européenne, que s’il est impossible d’identifier aussi bien son auteur que son éditeur. Si ce dernier existe encore, c’est à lui que revient la responsabilité de rémunérer ses ayants droit (ou sinon à la Sofia, dans le cadre de la loi de 2012). »

            —> Vous faites erreur ! La proposition de directive européenne (je ne retrouve pas l’url) dit « Une autorisation préalable est nécessaire pour pouvoir mettre à la disposition du public, dans
            le cadre d’une bibliothèque ou d’archives numériques accessibles en ligne, une œuvre protégée
            par des droits d’auteur. Lorsque le titulaire de ces droits ne peut être identifié ou trouvé,
            l’œuvre est dite «orpheline». »
            La directive européenne définitive (qu’on peut lire ici http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2012:299:0005:0012:FR:PDF ) parle elle aussi clairement de droit d’auteur : « Le droit d’auteur constitue le fondement économique de
            l’industrie créative dès lors qu’il favorise l’innovation, la
            création, les investissements et les productions. La numé­
            risation de masse et la diffusion des œuvres sont par
            conséquent un moyen de protéger le patrimoine culturel
            européen. Le droit d’auteur est un moyen important de
            s’assurer que le secteur créatif est rémunéré pour son
            travail. Les droits exclusifs de reproduction et de mise à la disposition du public des titulaires de droits à l’égard de leurs œuvres et autres objets protégés (…) nécessitent le consentement préalable des titulaires de droits pour la numérisation et la mise à disposition du public d’une œuvre ou d’un autre objet protégé. Dans le cas des œuvres orphelines, il est impossible d’obtenir ce consentement préalable à l’exécution d’actes de
            reproduction ou de mise à disposition du public.
             »
            (Désolée, ça fait beaucoup de citations, mais enfin, il est important de savoir de quoi l’on parle.)
            Vous avez beau jeu ensuite de citer la loi de 2012 sur les indisponibles – alors que nous parlons des orphelines, tout le monde suit? – à laquelle je reproche, justement, de shunter la directive européenne sur les orphelines. Oui, je persiste et signe : les éditeurs d’œuvres orphelines qui, pour la plupart sont encore en activité, ou les éditeurs numériques qui remporteront le marché proposé par la Sofia gagnent, grâce à cette loi sur les indisponibles, dix ans de revenus sur des ouvrages que, si l’on avait suivi la directive européenne sur les orphelines, on aurait mis gratuitement à disposition des lecteurs, par l’intermédiaire des bibliothèques dont c’est le rôle, me semble-t-il.

            5) « Vous dites : « trop d’auteurs risquaient de ne pas vouloir de ce dispositif – quel auteur sensé accepterait qu’on réédite ses ouvrages sans avenant au contrat, si on lui posait la question ? – et donc, il valait mieux, pour vous, ce système d’opt out. »
            Mais non : la loi vise exclusivement à résoudre la question des auteurs ou ayants droit d’œuvres indisponibles impossibles à identifier facilement, principalement ceux des livres publiés dans la première moitié du XXe siècle. »

            —> Mais pas du tout ! « auteurs ou ayants droit d’œuvres indisponibles impossibles à identifier », c’est la définition des auteurs ou ayants droit des œuvres orphelines ! Encore une fois, vous faites une confusion entre les deux. De la part d’un simple interlocuteur sur le net, je n’aurais pas trouvé ça gravissime et j’aurais tenté de lui expliquer en quoi il se trompait en m’armant de patience. De la part d’un membre du « comité scientifique [qui] veille à la cohérence des corpus constitués dans le cadre du « Registre des livres indisponibles du xxe siècle » [et] supervise l’établissement et la mise à jour de la liste des livres indisponibles mentionnée à l’article R. 134-1 du code de la propriété intellectuelle », je trouve cette confusion inquiétante. Faites-vous erreur ou basez-vous votre communication sur des contre-vérités  ?

            « Et l’opt out permet précisément à ceux qui « ne veulent pas de ce dispositif », parce qu’ils estiment possible de trouver un nouvel éditeur »

            —> Ou parce qu’ils ne souhaitent pas voir leur ouvrage réédité, ou encore pas dans ces conditions-là, parce qu’ils n’aiment pas le numérique, ou parce qu’ils veulent connaître avant le prix qui sera proposé au public, ou encore parce qu’ils veulent savoir s’il y aura des DRM… il y a mille et une raisons de ne pas vouloir de ce dispositif.

            « Et l’opt out permet précisément à ceux qui « ne veulent pas de ce dispositif », parce qu’ils estiment possible de trouver un nouvel éditeur, de s’en retirer.

            —> En réalité, l’opt out permet uniquement à ceux qui utilisent fréquemment internet de s’en retirer. Et c’est contre cette profonde injustice que je m’insurge, entre autres.

            6) « Là encore, je vous rassure : si ces centaines de milliers de livres restent épuisés, c’est simplement parce qu’ils n’avaient plus, selon leurs éditeurs, assez de lecteurs potentiels pour financer (même à perte) leur réédition. Leur nouvelle exploitation ne contribuera nullement à « renflouer les caisses » de leurs éditeurs d’origine, mais, au mieux, à apporter des droits d’auteurs à leurs ayants droit. »

            —> Pardon ? Vous voulez dire que vous renoncerez à tout pourcentage sur les ouvrages que vous allez éditez en numérique afin de laisser sa part complète à l’auteur ou à ses ayants droit ? Bravo !
            Un peu de sérieux : bien sûr que les éditeurs sont les grands gagnants de l’histoire. Ils vont toucher jusqu’à 50% de ce qui restera après déduction des frais de gestion et de numérisation, pour avoir laissé des livres tomber dans l’oubli. C’est un sacré jack pot ! L’auteur touchera lui aussi 50% mais sur un nombre de livres bien évidemment inférieur. Combien de livres indisponibles avez-vous dans le registre, monsieur Gèze ? 431, c’est pas mal, hein ? Et les éditions Gallimard dont le PDG et ex-patron du SNE a signé l’accord-cadre ayant servi à monter cette loi ? 1182. Et on n’a, pour le moment, qu’un dixième des indisponibles en base…
            Combien allez-vous gagner grâce à la numérisation effectuée avec l’argent public ?

            « Il s’agit d’abord – comment vous le faire comprendre ? –, d’un projet patrimonial dont la finalité financière est simplement inexistante. »

            —> Non. C’est faux. La finalité financière est risquée – et si ça ne marchait pas ? Si les lecteurs n’en voulaient pas ? Pas grave, c’est l’argent public – mais elle existe. Sinon, vous auriez proposé depuis belle lurette à vos auteurs des avenants à leurs contrats afin de procéder à une édition numérique de leurs ouvrages.

            7) « Vous dites : « l’argent alloué à Gallica est détourné pour les juteux indisponibles du XXe siècle »
            Autre erreur, double : seuls les 10 000 premiers titres indisponibles (…) »

            —> OK, je reformule : une partie de l’argent alloué à Gallica est détourné pour les juteux indisponibles du XXe siècle »

            « Quant au caractère « juteux » des indisponibles, c’est une simple absurdité, voir mes réponses précédentes. »

            —> LOL  ! « J’ai raison parce que j’ai dit que j’avais raison » Argument non recevable ;-)
            C’est juteux parce que vous encaissez sans dépenser, sans investir. Vous économisez même sur le travail que vous auriez dû accomplir avec l’auteur : lui proposer un avenant, lui proposer un bon à tirer, lui proposer de corriger ou d’inclure une préface ou des notes de bas de page pour situer en contexte les ouvrages anciens. Ce n’est pas de l’édition, c’est de la numérisation de masse. Et même si vous, vous affirmez que vous proposerez un contrat aux auteurs pour les ouvrages que vous choisirez de numériser, il n’empêche que l’ensemble du dispositif dont vous êtes l’un des garants est une atteinte au droit d’auteur.

            8) « Vous dites que « la modification du CPI est une belle aubaine (provoquée par le SNE) qui va renflouer vos caisses et que l’idée de demander leur avis aux auteurs, l’idée qu’ils puissent refuser et diminuer d’autant vos bénéfices vous fait horreur. »
            C’est donc une obsession, parfaitement infondée, comme vous auriez pu le vérifier si vous vous étiez donné la peine d’une enquête minimum auprès des éditeurs du SNE que vous accablez. Je peux témoigner que nombre d’entre eux ont été dès le début assez hostile à ce dispositif, dont ils ne voyaient pas l’utilité ni l’intérêt économique, et que ceux qui l’ont soutenu n’ont été animés que par le souci de l’intérêt général : est-ce que cela peut vous dire quelque chose ;-) ? »

            —> Oui, l’intérêt général, c’est le domaine public, c’est la directive sur les œuvres orphelines. Pas les livres indisponibles sous droit, pas l’opt out. Pas le plongeon dans la piscine de mon voisin, même s’il fait chaud dans le sud en été.

            « Mais bon, inutile de discuter, puisque selon vous, le seul objectif de tous les éditeurs serait de « ne pas diminuer leurs bénéfices » : il en existe certainement de cette sorte, et je suis désolé pour vous si vous estimez que c’est le cas de ceux auxquels vous avez confié vos livres, mais ce n’est certainement pas celui de ceux qui se sont mobilisés avec les représentants des sociétés d’auteurs, le ministère de la Culture et la BNF pour faire revivre le patrimoine littéraire du XXe siècle. »

            —> Si, bien sûr que si, discutons. La discussion ne peut qu’être intéressante, ne serait-ce que parce qu’elle permet de connaître et de comprendre le point de vue de l’interlocuteur !
            Il faut tout de même que je vous (re)dise deux choses : tout d’abord, je ne trouve pas anormal qu’un éditeur cherche à gagner de l’argent. Ça n’est pas sale, l’argent. Ça permet de publier d’autres ouvrages plus confidentiels, ça permet de verser des droits d’auteur. Je trouve anormale et injuste la loi sur les indisponibles, je déteste le principe de l’opt out (sur Internet, qui plus est) et je suis choquée que le registre soit si mal fait, car il est la seule base légale sur laquelle un auteur peut s’appuyer pour sortir de l’opt out. Je n’aurais pas trouvé anormal le fait qu’on numérise les ouvrages avec l’argent public, si cela s’était fait selon le principe de l’opt in. Parce que oui, bien sûr, que c’est intéressant, de voir revivre des livres !
            Ensuite, le patrimoine littéraire du XXe siècle n’est pas mort. Vous semblez vous focaliser sur les ouvrages parus dans la première moitié du XXe siècle, mais ce n’est pas la majorité du registre, loin de là ! De nombreux livres parus en 1980 ou en 2000 pourraient être réédités, en papier ou en numérique, par de petits éditeurs passionnés et amoureux de leur travail. Mais comment prendraient-ils ce risque financier – parce que là, pour le coup, eux prendraient un véritable risque financier – si le livre en question est numérisé dans le cadre de la loi sur les Indisponibles ? D’ailleurs, en auraient-ils seulement le droit ? Que se passe-t-il si un auteur qui n’a pas refusé l’opt out a une proposition de réédition, d’ici deux ou trois ans ? A-t-il le droit de l’accepter ?

            Croyez-moi, les auteurs ont de bonnes raisons de s’inquiéter. Et quand on voit que le registre comporte des livres parus après le 1er janvier 2001, on ne peut que se demander à quelle sauce on sera mangé, par la suite.

              1. Merci :-) En fait, je cherchais la proposition de directive que je citais, qui date de 2011 et dont j’ai le PDF dans mon ordinateur. Je crois que c’est là http://www.europarl.europa.eu/oeil/popups/summary.do?id=1153757&t=e&l=fr La définition d' »oeuvres orphelines » y est plus précise que dans la directive elle-même où la notion d' »ayant droit » est un peu floue, ce qui fait qu’on peut croire qu’elle englobe les éditeurs.
                De fait, j’ai l’impression d’une confusion savamment entretenue sur l’appellation « ayant droit » dont les sens sont divers et parfois oppposés, tout comme sur oeuvres/ouvrages/livres ou épuisés/indisponibles/disparus/orphelines !

  7. Je vais résumer quelques interrogations suites aux derniers commentaires :

    * On trouve des livres disponibles dans la base ReLIRE, visiblement volontairement, dans le cas où une ancienne édition est indisponible. C’est à mon sens clairement une déviation de la loi, si ce n’est dans le texte, au moins dans l’esprit.

    * S’il y a des livres qui ne devraient pas s’y trouver, c’est surtout en raison de la complexité. L’excuse est franchement insatisfaisante et je vois mal quiconque violant la loi demander son irresponsabilité du fait que la tâche est complexe. Le manque éventuel de temps pour établir la liste est une circonstance agravante et non une circonstance atténuante. C’est au contraire parce que c’est complexe que les conditions de constitution sont scandaleuses. Oui il peut y avoir des erreurs, mais elles sont inexcusables si elles s’accompagnent d’un manque de moyens mis en oeuvre. Aurait-il été par exemple scandaleux de travailler publiquement pendant les trois ans précédents pour que tout le monde aide à qualifier la base plutôt que de la montrer au dernier moment avec un décompte de six mois pour se signaler ?

    * Sur la question de la peur de la directive européenne et donc de la précipitation pour mettre en oeuvre ce dispositif qui évite la diffusion gratuite, c’est effectivement une interprétation mais si ça ajoute au débat : J’ai entendu dire explicitement un haut responsable de l’édition au salon du livre annoncé qu’il fallait sauvegarder la rareté du livre et éviter à tout prix une trop grande offre gratuite pour le lecteur qui risquerait sinon de tuer le marché. On ne parlait alors pas des indisponibles, mais on parlait de bibliothèque. L’interprétation semble très loin d’être irréaliste ou totalement paranoïaque.

    * Il est difficile de faire du tri dans les oeuvres anciennes, surtout avant 1980. C’est probablement vrai mais ça n’excuse en rien de ne pas le faire, au moins pour les oeuvres postérieures à 1980. C’est particulièrement vrai une fois éclairé par http://relirebay.teamalexandriz.org/analyse.php : 76% de la base est postérieure à 1980 et il est possible que sur le reste se trouvent des titres qui ont eu des rééditions non identifiées postérieures à 1980. Il aurait été légitime d’investir un minimum pour mieux qualifier les trois quarts de la base.

  8. Quelques petites remarques à contre-courant :
    – tout d’abord, il faut remercier F Gèze d’avoir pris le temps d’argumenter dans cet espace qui lui est, a priori, hostile. Il n’était pas obligé. Et on ne peut à la fois lui reprocher le manque de débat, des arrières-pensées mercantiles, un passage en force et ses propos. Quel intérêt aurait-il à s’exprimer ici ? Je crois qu’il faut, au contraire, l’écouter et croire à la sincérité de ses arguments, même si on peut ne pas y acquiescer. Personnellement, je suis fatigué des anathèmes et des dialogues de sourds, qui n’ont pour seules conséquences que de conforter les convaincus dans leurs citadelles, alors que tous les jours le web fait bouger les lignes. Un peu de modestie serait bienvenue.
    – ensuite même si je suis d’accord pour considérer que cette loi n’est sans doute pas conforme aux principes du droit d’auteur, il faut reconnaître qu’à ma connaissance dans aucun autre pays (mais Lionel me contredira s’il le faut) la question des indisponibles n’est mise sur la table comme en France. Et personnellement, je remercie les promoteurs de ReLIRE pour cela. Si la loi est inconstitutionnelle (ce que je crois), elle devra être réformée, mais j’espère que l’on ne jettera pas ce début de base de données avec l’eau du bain. Avec tous ses défauts, cela reste la première pierre d’un édifice bien utile qui peut placer la France à la pointe de ces questions. Et si la loi est inconstitutionnelle, il est assez superflu de se chamailler sur des détails.
    – Sans doute, les éditeurs ont vu là un moyen de faire de l’argent, vendre des livres est tout de même leur métier. Beaucoup ? Cela reste vraiment à prouver. Personnellement comme auteur et comme citoyen, je suis plutôt content d’avoir en France des éditeurs qui vivent de leur travail et d’un travail bien fait. Que certains soient mieux placés que d’autres, ce n’est que le fonctionnement habituel des industries culturelles.
    – Les auteurs ont été méprisés ? Vraiment, que d’enflures dans tous ces propos… les auteurs ou ceux qui parlent en leur nom ne sont jamais très posés quant il s’agit de leur travail. Sans doute on aurait pu ou du faire mieux, mais j’ai vraiment le sentiment que dans tous les « onauraitdu », les « yaka » il y a beaucoup d’ignorance de la réalité concrète du métier d’éditeur et de ses bricolages et aussi de la réalisation d’une base de données.
    – Et je vais aggraver mon cas en disant que je ne suis pas non plus choqué du rôle joué par la BnF dans cette affaire. A l’échelle de la nation, elle se positionne comme un acteur de la mise en valeur du patrimoine écrit. Elle n’est pas chargée d’écrire les lois. Dans le cadre qui lui est donné, il est plutôt bienvenu qu’elle se positionne sur ce terrain, même si quelques scories auraient pu être évitées.
    En résumé, il faudra bien trouver une formule, plus équilibrée du côté des auteurs, pour avancer sur la question des indisponibles, mais cela passera par des compromis et des bricolages, y compris juridiques, entre tous les acteurs et avec les moyens limités dont on dispose. Croire le contraire, c’est simplement se raconter des histoires. Et réjouissons-nous que l’on avance et débatte sur les livres indisponibles…

    1. Je trouve qu’il y a beaucoup d’acceptation de l’inacceptable dans votre commentaire, mais passons.

      Par ailleurs, j’y vois aussi une sorte de biais technocentré, que je retrouve hélas chez beaucoup, qui s’intéressent à la base de données, sans la mettre en perspective avec ce qu’elle sert à faire.

      Vous estimez que la loi est inconstitutionnelle (ce qui est aussi mon avis), mais vous mentionnez cela en passant, comme si c’était un élément parmi d’autres dans l’affaire. Violer la constitution est pourtant un acte grave.

      Vous êtes fatigué des anathèmes ; moi je suis fatigué de toute cette tiédeur ambiante, enrobant les acteurs impliqués dans la politique du livre, au point d’avoir lentement laisser dériver sans réagir les pratiques, avec les résultats que l’on constate à présent. C’est clairement un problème politique structurel qui se pose dans ce pays, auquel il faudra un jour ou l’autre porter remède.

      En cela, je suis entièrement d’accord avec les mots choisis par Philippe Aigrain, qui appellent à mon sens une vraie réaction : http://paigrain.debatpublic.net/?p=6827

      Pour répondre à votre question, il y a des pays qui ont déjà agi en matière de numérisation d’oeuvres sous droits, par exemple en Norvège https://scinfolex.wordpress.com/2010/12/03/numerisation-doeuvres-sous-droits-lexemple-qui-venait-du-froid/ et en matière d’oeuvres orphelines, on peut citer l’exemple de système de gestion collective étendue du Danemark : http://www.iabd.fr/2008/04/14/le-statut-juridique-des-oeuvres-orphelines-paris-14-avril-2008/

      Mais pour ma part, c’est du côté des Etats-Unis que je continue à regarder, avec le projet Digital Public Library of America, qui doit se lancer le mois prochain et qui portera également sur les œuvres épuisés et orphelines.

      La philosophie de ce projet, vraiment tournée vers la diffusion de la connaissance, est excellente et je pense que les bricolages français feront vraiment pâle figure à côté : http://dp.la/2013/04/02/press-the-national-digital-public-library-is-launched/

  9. Pas éditrice, pas auteur, même si d’affect et de sensibilité, je me positionne résolument du côté du Droit du Serf et de la protection a priori des droits de l’auteur. Lectrice assidue, en revanche.

    Puisque M. Gèze a la gentillesse et l’ouverture d’esprit de répondre, je vais poser une question qui peut sembler idiote, qui a probablement été débattue, mais c’est POURQUOI.
    Oui, je sais, je suis naïve, et vous allez voir que ça ne va pas s’arranger…

    Parce que la numérisation répond bien à une question, et cette question c’est « comment »: comment rendre de nouveau disponible à moindre coût un ouvrage qui ne l’est pas (et oui, comme tout lecteur, il y a des livres que j’aimerais retrouver, là n’est pas la question).

    Si j’ai bien compris, le fonctionnement théorique idéal « pré » ReLiRe est le suivant: Un éditeur achète les droits d’exploitation papier d’un livre. Il l’édite. Il le vend; Au bout d’un moment, tout est vendu, mais on ne prévoit plus assez de ventes pour que ça vaille le coup de rééditer sur papier (coûts d’impression, de stockage, de distribution, de retours, etc.). Le livre devient donc indisponible, parce qu’il n’est plus exploité. Alors (toujours dans le monde de Oui-Oui, que je fréquente assidument, j’aime bien), au bout d’un temps raisonnable, l’éditeur « perd » ses droits sur l’ouvrage qu’il n’exploite pas et ceux-ci reviennent à l’auteur qui peut, au choix, les revendre, s’auto-éditer en numérique ou en papier, le réécrire mieux, ou s’asseoir dessus parce que c’est l’auteur et que c’est son choix.

    Et puis au bout d’un certain temps après la mort de l’auteur, le bouquin tombe dans le domaine public.

    Le projet ReLiRe, si j’ai bien compris, s’intéresse précisément à ces oeuvres qui sont sous droit, et non exploitées… et là je ne comprends pas: est-ce qu’il n’y a pas assez d’oeuvres introuvables qui appartiennent au domaine public, et qui bénéficieraient d’une numérisation?

    Puisque les titres en question sont sous droit par définition même du projet, n’est-ce pas aux titulaires de ces droits de les exploiter? Pourquoi faudrait-il absolument que quelqu’un le fasse à leur place?
    La culture et le patrimoine de l’humanité ne peuvent-ils attendre que ces titres soient libres de droit? c’est à ça que sert le passage dans le domaine public, non?

    Finalement, le débat tel que je le perçois revient à ça: les titres sont sous droits, mais ne sont pas exploités par les détenteurs de ces droits, soit pour raison de rentabilité (éditeurs), soit faute de débouchés, ou par choix personnel (auteurs), et la loi prend dès lors la décision que ces livres DOIVENT être exploités coûte que coûte.

    Donc… Pourquoi?

    Magali

  10. J’aurai l’air de tomber de la planète Mars (en fait du Québec) mais pour moi le gros problème de ce dispositif c’est qu’on va rémunérer des éditeurs qui se sont assis sur leur c… et leurs indisponibles ET vont quant même retirer des bénéfices du travail fait avec l’argent des contribuables. Quant à moi seuls les auteurs devraient gagner des sous dans cette opération.

  11. Le problème est tout simplement qu’il s’agit d’une _nationalisation_ des oeuvres de plus de dix ans. Les ratés ne sont que le signe de l’amateurisme. Le véritable travail de la BNF devrait justement être une bonne indexation, pas de se substituer aux éditeurs qui sont grillés pour les rééditions (environ la moitié des publications annuelles).

    Le pb des livres épuisés est un pb spécifique qui pourrait par contre faire l’objet d’une loi pour que les auteurs ne soient pas lésés par les éditeurs, d’une façon plus générale (bien que ce soit en principe prévu dans les contrats). La BNF a peut-être tenu compte de cette réalité. Mais le délai de 10 ans, c’est ridicule!

    De plus, avec les nouvelles possibilités d’impression à la demande, les éditeurs pourraient faire un pool pour rendre les faibles ventes toujours disponibles.

  12. Bonjour. Je ne sais si cela a déjà été répondu mais quid des livres étrangers (belges par exemple)? Quelles devraient être les démarches des auteurs belges (ou de leur société de gestion)? Ils vérifient la liste. Ils s’aperçoivent qu’un (ou plusieurs) de leurs livres est dedans. Ils peuvent demander le retrait du livre? Ils peuvent demander à ce que le livre reste dans le registre? Quel serait le rôle de leur éditeur? A qui iront les futurs revenus? Aux auteurs? Aux éditeurs? Aux auteurs et aux éditeurs?

    1. Bonjour,

      La loi précise qu’elle s’applique pour tous les livres indisponibles publiés en France, avant le 1er janvier 2001 et pas qu’elle s’applique à raison de la nationalité de l’auteur.

      Donc de deux choses l’une : soit les ouvrages dont vous parlez ont été publiés en Belgique et non en France, et ils n’ont rien à faire dans la base. Soit ces livres ont bien été publiés en France et ils sont bien concernés (s’ils sont réellement indisponibles, ce qui est à vérifier de près vu le nombre d’erreurs constatées).

      Si les livres entrent bien dans le champ de la loi, auteurs et éditeurs peuvent se manifester pour se retirer, en suivant les procédures indiquées.

      Si les titulaires veulent rester dans le dispositif, ils n’ont rien à faire (puisqu’il s’agit d’un opt-out).

      S’ils restent dans le dispositif, le partage des revenus de l’exploitation se fera 50/50 entre l’auteur et l’éditeur.

      Je suis allé vite, mais grosso modo, c’est cela.

      Je précise que si les livres dont vous parlez ont été publiés en Belgique et pas en France, il y a violation de la loi et les titulaires belges sont à mon sens absolument fondés à agir en justice pour réclamer réparation.

      Cordialement,

      Calimaq

  13. Que pensez-vous de cette possibilité d’ajouter un livre à la banque de données: « http://relire.bnf.fr/vos-droits-proposer-ajout-livre »? je ne pense pas que c’était prévu par la loi du 1er mars 2012. Je me trompe?

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