Droit d’auteur et marchandisation de la culture : mais de qui se moque-t-on ?

Les grandes manoeuvres autour de la réforme européenne du droit d’auteur continuent et même s’amplifient. Ce week-end notamment, un colloque sur le droit d’auteur a été organisé en marge du Festival de Cannes, au cours duquel ont défilé à la tribune Fleur Pellerin, Manuel Valls et Günther Oettinger, le commissaire européen en charge des questions d’économie numérique.

Depuis la parution du rapport de l’eurodéputée Julia Reda en janvier dernier, nous avons assisté à un véritable déferlement d’actions de lobbying conduites par les titulaires de droits pour s’opposer à la réouverture de la directive de 2001. La coalition pro-copyright qui s’est nouée pour abattre le rapport Reda est la plus puissante que l’on ait vue depuis les années 90 et les arguments employés dans cette campagne ont parfois atteint – il faut bien le dire – des sommets d’outrance et de malhonnêteté intellectuelle.

Mais je dois avouer que les propos qui ont fusé lors du colloque de dimanche à Cannes m’ont donné envie plus d’une fois d’adopter cette posture corporelle…

Image par Alex E. Proimos. CC-BY. Source : Wikimedia Commons.

Fleur Pellerin s’est notamment fendue de la déclaration ci-dessous qui m’a fait bondir et que je vais commenter dans ce billet :


Ce géo-blocking qui cache la forêt… 

Il est déjà en soi assez cocasse de critiquer la marchandisation de la culture depuis Cannes, où le festival se double d’un des plus grands marchés des oeuvres cinématographiques au monde… Mais affirmer que la réforme du droit d’auteur envisagée au niveau européen aurait pour effet de renforcer l’assimilation de la culture à une marchandise constitue un tour de force rhétorique et un exercice de novlangue ministérielle digne des plus belles pages de 1984.

La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force. Et la réforme du droit d’auteur, c’est la marchandisation de la culture…

Cet argument est pourtant martelé par les titulaires de droits depuis des semaines, car il s’agit d’un moyen commode d’attaquer la Commission européenne. Celle-ci prête d’ailleurs elle-même le flanc à ce genre d’attaques, car elle a associé la réforme du droit d’auteur à l’objectif de constituer un grand marché européen pour les biens culturels numériques. Günther Oettinger a d’ailleurs rappelé lors du colloque son intention de lutter contre le géo-blocking, en permettant aux citoyens européens d’accéder plus largement à la culture, notamment par l’instauration d’une « portabilité des droits » d’un pays de l’Union à l’autre.

Mais cette question du géo-blocking est devenue dans ce débat l’arbre qui cache la forêt, car les pistes avancées par le rapport Reda vont bien au-delà. L’eurodéputée s’attache en effet dans ses propositions  surtout au rééquilibrage des rapports entre la protection des droits et l’usage des oeuvres, notamment par le biais des exceptions et limitations au droit d’auteur.

L’exception au droit d’auteur, un instrument de « dé-marchandisation » de la culture

Or – et c’est là que les choses deviennent intéressantes – une exception au droit d’auteur est un mécanisme qui a précisément pour objet de « dé-marchandiser » l’usage d’une oeuvre, là où le droit d’auteur au contraire sert principalement à monétiser des utilisations. Il en résulte donc que le rapport Reda aurait pour effet, s’il était mis en oeuvre dans l’Union européenne, d’aboutir à un rééquilibrage entre la sphère marchande et la sphère non-marchande de la Culture, au profit de cette dernière.

Quelques exemples pour étayer ces propos. Julia Reda propose par exemple d’élargir les exceptions en faveur de l’enseignement et de la recherche, notamment en créant une exception pour que les chercheurs puissent procéder à de la fouille de textes et de données (Text et Data Mining). En l’absence d’une telle exception, les grands éditeurs scientifiques vont proposer des licences payantes pour autoriser et conditionner de tels usages. Leur intention est donc bien de constituer un nouveau marché autour du Text et Data Mining et l’on voit bien que l’exception est justement ici le moyen pour que ces usages de la connaissance échappent à la marchandisation.

Julia Reda propose également de généraliser en Europe la « liberté de panorama », qui fait déjà l’objet d’un pilonnage en règle assez impressionnant en France. Cette exception au droit d’auteur, consacrée déjà dans de nombreux pays européens (mais pas en France, of course…), autorise notamment la photographie de bâtiments récents situés dans l’espace public et la republication des clichés sur Internet. En l’absence de liberté de panorama, le droit d’auteur organise en réalité un monopole commercial autour de ces photographies d’oeuvres (par exemple, par des vendeurs de cartes postales). Au contraire en introduisant une telle exception, on autorise une expansion de la sphère des usages amateurs, en laissant la possibilité au public de produire directement de telles photos et de les partager sur Internet, comme Wikipedia nous y invite par le biais du concours Wiki Love Monuments.

Liberté de panorama dans le monde. Par Mardus. CC-BY-SA.

Il existe également une exception en faveur des handicapés dans le régime du droit d’auteur, qui permet aux malvoyants et aux malentendants d’accéder à des versions adaptées des oeuvres. Consacrée à présent par un traité international, cette exception a pour but, pour des raisons élémentaires de décence, de faire en sorte que le handicap ne constitue pas « un marché comme un autre ». Au grand dam d’ailleurs de bon nombre d’éditeurs qui ont fait des pieds et des mains pour empêcher l’adoption de ce traité et plusieurs Etats européens tentent encore de retarder son entrée en vigueur

Externalités positives et droits du public

Comme le rappellent les économistes, le droit d’auteur tel qu’il est conçu actuellement a pour objet de distribuer des droits de propriété sur les objets que constituent les oeuvres culturelles dans l’optique de les soumettre à l’espace de calculabilité du marché. Le droit d’auteur est donc en réalité l’instrument principal de marchandisation de la culture. Mais il existe tout de même des limites qui peuvent, au nom de l’intérêt général, être posées par le législateur : il s’agit des exceptions et limitations au droit d’auteur, qui viennent soustraire un usage au marché.

« La loi du marché », film présenté cette année au festival de Cannes. En matière de culture, le droit d’auteur est objectivement du côté des lois du marché…

Le but des exceptions est ainsi d’organiser des « externalités positives », c’est-à-dire un effet bénéfique du point de vue social non pris en compte par le système d’établissement des prix qui gouverne le fonctionnement du marché. Cela ne signifie pas nécessairement que les titulaires de droits ne seront pas rémunérés, puisque les exceptions peuvent s’accompagner d’une compensation financière, mais celle-ci ne sera alors pas distribuée par le biais des mécanismes du marché, mais par un système de financement mutualisé (exemple de la redevance pour copie privée ou des sommes que verse l’Etat pour l’exception pédagogique).

On voit donc que les propos de Fleur Pellerin sur la « marchandisation de la culture » sont complètement à l’inverse de la réalité, mais cela n’a pas empêché la ministre de poursuivre cet exercice raffiné de novlangue orwelienne, en ajoutant cette déclaration à la précédente :

La paix, c’est la guerre ; la liberté, c’est l’esclavage ; et voilà maintenant que le droit d’auteur, c’est le « droit du public »… A vrai dire, la question des « droits du public » est aussi vieille que le droit d’auteur lui-même. Elle a surgi notamment à la Révolution française, lorsque le législateur a consacré pour la première fois en 1791 le droit d’auteur dans la loi. Le député Le Chapelier, rapporteur de cette loi, exprimait bien cette tension entre la propriété des auteurs et les droits du public :

La plus sacrée, la plus légitime, la plus inattaquable, et, si je puis parler ainsi, la plus personnelle de toutes les propriétés, est l’ouvrage fruit de la pensée d’un écrivain ; c’est une propriété d’un genre tout différent des autres propriétés. Lorsqu’un auteur fait imprimer un ouvrage ou représenter une pièce, il les livre au public, qui s’en empare quand ils sont bons, qui les lit, qui les apprend, qui les répète, qui s’en pénètre et qui en fait sa propriété.

Au départ, les révolutionnaires avaient pris en compte le droit du public en limitant la durée du droit d’auteur dans le temps (mécanisme du domaine public, où les oeuvres entraient 10 ans après la mort de l’auteur). Mais par la suite, ce sont bien les exceptions et limitations au droit d’auteur qui ont organisé ces « droits du public », y compris durant la période de protection, même si juridiquement parlant les exceptions ne sont pas consacrées dans l’Union européenne avec la même force que les droits des auteurs.

Éjecter les exceptions en dehors du débat public. 

En réalité, l’un des buts de la coalition qui s’est nouée contre le rapport Reda est de discréditer au maximum les exceptions au droit d’auteur pour faire en sorte qu’elles n’aient plus droit de cité dans le débat public. C’est particulièrement clair quand on observe le discours des représentants des titulaires de droits les plus virulents. Par exemple, Pascal Rogard, le directeur de la SACD, s’est lui aussi exprimé lors du colloque à Cannes, pour assimiler subrepticement les exceptions au piratage :

Ce « travail de sape » idéologique se retrouve ailleurs. Il s’est notamment exprimé d’une manière particulièrement grossière et brutale lors du dernier salon du livre à Paris, au cours d’une table-ronde autour du droit d’auteur et de la liberté d’expression. Dans un galimatia mélangeant allègrement  la réforme du droit d’auteur, la lutte contre la censure et l’attentat contre Charlie Hebdo, l’éditrice Tiresa Cremisi est allée jusqu’à dire que « les pays qui cherchent à modifier le droit d’auteur se rapprochent des dictatures. » (oui, vous avez bien lu…) :

Le droit d’auteur est un droit de l’homme. Les pays qui ne reconnaissent pas le droit d’auteur, qui cherchent sournoisement à le modifier ou à le contourner, se rapprochent des dictatures.

Une telle assertion est intéressante, surtout quand on la soumet à l’épreuve des faits. Si l’on regarde ce qui s’est produit ces dernières années, on constate que les pays qui ont modifié leur droit d’auteur pour reconnaître de nouvelles exceptions sont  rares. Mais on peut citer deux exemples notables : tout d’abord le Canada, qui a élargi son exception pédagogique et reconnu une exception en faveur du mashup en 2012, et ensuite l’Angleterre, qui a procédé à une réforme intéressante en 2014, pour consacrer des exceptions en faveur de la citation, de la parodie, des usages pédagogiques, ainsi qu’une exception innovante en faveur du Text et Data Mining.

Vous admettrez sans doute avec moi que le Canada et l’Angleterre ne sont certainement pas les pires exemples de régime dictatoriaux que l’on connaisse sur terre. Par contre, si l’on veut jouer à ce petit jeu idiot, on pourra remarquer que la Russie de Poutine a renforcé ces dernières années sa loi sur le droit d’auteur de manière drastique, en instaurant notamment des moyens de blocage sans juge inquiétants pour la liberté d’expression sur Internet. Et au passage, la loi russe s’est tellement durcie que même l’exercice de l’exception de citation sur Internet semble à présent compromis…

« Le droit d’auteur, c’est la liberté et la démocratie. Poutine renforce le droit d’auteur. Donc Poutine est l’ami de la liberté et de la démocratie. » Voilà le genre de syllogismes ineptes qui ne semblent plus déranger les maximalistes du copyright…

Si l’on écoute les titulaires de droits, les exceptions au droit d’auteur seraient devenus des instruments d’oppression au service des régimes dictatoriaux ou une forme de piraterie institutionnalisée. Mais il est intéressant de comparer ces propos avec ceux de Farida Shaheed, la rapporteure spéciale pour les droits culturels auprès du comité des droits de l’Homme de l’ONU. Dans un rapport remarqué paru au début de l’année, elle a écrit noir sur blanc que la propriété intellectuelle ne devrait pas être considérée comme un droit de l’homme et elle s’est prononcée avec force en faveur de l’extension des exceptions au droit d’auteur, indispensables selon elle pour concrétiser le « droit de participer à la vie culturelle » et le « droit d’accès à la culture et à la connaissance » reconnus par les déclarations internationales. Farida Shaheed a d’ailleurs prononcé le 6 mai dernier un discours devant le Parlement européen (malgré d’ailleurs une tentative de censure…) , où elle a défendu vigoureusement ces conceptions :

Copyright exceptions and limitations are tools that can – and therefore should – be used to ensure that States abide by their obligations in the field of human rights, in particular the right to freedom of expression, including artistic expression, and the right to take part in cultural life. I have therefore recommended that exceptions and limitations of copyright be developed to ensure the conditions for everyone to enjoy their right to take part in cultural life by permitting legitimate educational usages, expanding spaces for non-commercial culture and making works accessible for persons with disabilities or speakers of non-dominant languages.

Ne voyez-vous pas comme un contraste avec le fatra idéologique des ayants droit et la novlangue ministérielle qui le relaie ?

Jusqu’où iront-ils ?

Ce qui est le plus dommageable, c’est de voir combien cette conception maximaliste du droit d’auteur est à présent reprise par les représentants politiques, en s’imposant peu à peu comme la nouvelle « doxa » incontestable de la politique culturelle.

L’artillerie lourde déployée par les titulaires de droits commence d’ailleurs déjà à faire fléchir la Commission, avant même le vote final du Parlement sur le rapport Reda qui a été reporté au mois de juin. Lors des annonces faites la semaine dernière à propos de la stratégie numérique européenne, on voit que la Commission s’accroche encore au géo-blocking, mais qu’elle est en train de reculer sur la question des exceptions au droit d’auteur. Seul le Text et Data Mining est encore explicitement évoqué, alors que d’autres pistes étaient envisagées à l’origine et l’accent se déplace de plus en plus vers la lutte contre le piratage et la remise en cause du statut des intermédiaires techniques.

Le momentum politique est hélas clairement en train de basculer du côté des titulaires de droits. Jusqu’où iront-ils à présent dans leurs revendications ? Dans les années 90, la dernière fois qu’un coalition pro-copyright aussi vaste s’est nouée, les titulaires de droits ont obtenu l’adoption d’un traité international qui a consacré la notion de DRM (verrou numérique), ainsi qu’une extension des droits de 20 ans aux États-Unis et en Europe. Cette fois-ci, on voit en filigrane dans leur discours que ce sont les exceptions et le domaine public qui sont dans leur collimateur. Si la nouvelle directive européenne sur le droit d’auteur est mauvaise, la situation globale risque d’être gelée pour 15 ans…

Pour terminer avec ce colloque sur le droit d’auteur à Cannes, ce que je trouve le plus ironique, c’est qu’il était inauguré par Pierre Lescure, nouveau président du Festival. Or souvenez-vous, le rapport Lescure qui était censé servir à préparer « l’acte II de l’exception culturelle » en France recommandait d’élargir certaines exceptions au droit d’auteur. Et certaines de ses propositions étaient même assez audacieuses, notamment celles en faveur des usages transformatifs (mashup, remix) ou des pratiques pédagogiques. Si l’on regarde bien, le rapport Lescure – qui n’était certes pas exempt de défauts – converge sur de nombreux points avec le rapport Reda, ce qui montre bien à quel point la situation s’est dégradée en l’espace de deux ans…

***

La vérité, c’est que si l’on veut combattre la marchandisation de la culture et mettre en place une véritable exception culturelle en Europe, c’est davantage du côté des exceptions au droit d’auteur qu’il faut se tourner, plutôt que vers un énième durcissement du copyright…

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Sérigraphie par Christopher Dombres. CC-BY. Source : Flickr.


14 réflexions sur “Droit d’auteur et marchandisation de la culture : mais de qui se moque-t-on ?

  1. D’ici quelques temps, je pourrais risquer gros a faire une citation cinematographique, mais voila: « …, ca ose tout, c’est meme a ca qu’on les reconnait. »

    Ils se moquent d’etre coherents ou logiques, puisqu’ils ont les moyens de se faire entendre de ceux qui sont au pouvoir. Le point le plus interessant est quand meme de voir combien les lobbies du copyright ont reussi a faire accepter presque tout et n’importe quoi aux politiciens. Je me souviens encore d’une epoque ou les memes (ou presque) arguments avaient echoue a faire interdire, tour a tour, l’impression, la radio, la television, les cassettes audio et video et le CD. Deja alors, ils criaient a « la mort de la culture », « l’impossibilite de lutter contre le gratuit » et d’autres arguments entendus maintes fois ces dernieres annees au sujet d’Internet.

    Mais le numerique et Internet ont apporte un changement majeur. Ou alors, c’est que les politiciens d’aujourd’hui ont perdu l’integrite de ceux d’alors.

    A mon avis, le plus probable est que les arguments du monopole du copyright trouvent un echo dans la classe politique: la peur partagee de perdre le monopole de la parole publique, de cesser d’etre « l’elite » qui decide qui a le droit d’etre entendu du peuple tout entier. Des arguments fallacieux, des sophismes parfaitement transparents, voire meme des inversions flagrantes du sens des mots, tout cela s’efface devant le simple fait qu’ils s’adressent a des gens deja convaincus que le numerique est un danger pour la societe… ou du moins pour leur vision de la societe version annees 80.

  2. La marchandisation de la culture n’a effectivement plus de limites, mais comment s’en étonner ? Et l’État s’en fait non seulement le promoteur, mais aussi l’opérateur, et partant : le bénéficiaire, comme on peut le voir avec l’ahurissante affaire de pillage par la SNCF à la fois du patrimoine (le bien commun) et de la création contemporaine (la culture telle qu’elle se fait).

    Quelques liens :
    – un article d’Arrêt sur images (disponible gratuitement pour 24 h et peut-être plus) : http://www.arretsurimages.net/chroniques/2015-05-20/SNCF-cherche-pigeons-id7746
    – les débats, instructifs et intéressants, sur le forum du dit site : http://www.arretsurimages.net/forum/read.php?4,1444843 (non, je ne suis pas abonné d’ASI…)
    – le communiqué enthousiaste des services de Mme Pellerin : http://www.culturecommunication.gouv.fr/Politiques-ministerielles/Arts-plastiques/Actualites/Appel-a-manifestation-d-interet-AMI-de-la-SNCF (pour plus de précisions, suivre les liens sur la page).
    – et enfin la réaction écœurée de collectifs et de syndicats d’artistes et de plasticiens : https://www.change.org/p/a-tous-les-artistes-d%C3%A9noncez-le-concours-appel-%C3%A0-manifestation-d-int%C3%A9r%C3%AAt-de-la-sncf

    Vous nous causiez de 1984, Lionel ???

  3. J’ai l’impression qu’ils font un amalgame entre les prérogatives personnelles du droit d’auteur (respect de l’œuvre, intégrité, etc…) et les prérogatives patrimoniales du droit d’auteur (représentation, reproduction et rémunération corrélative). Ils se servent des arguments des premières prérogatives (la peur de remettre en cause le droit moral de l’auteur) pour défendre les secondes (les exceptions ne concernent que les droits patrimoniaux de l’auteur).

  4. Dans ce billet, comme dans d’autres de ce blog :
    – droit d’auteur est synonyme de copyright. C’est une erreur fondamentale.
    – La rhétorique consistant à stigmatiser les lobbyistes est navrante quand elle vient d’un lobbyiste patenté.
    – Le « point 1984 » est très rapidement franchi, tellement c’est commode et facile ; la soi disant novlangue, c’est du langage juridique. Il devrait être, certes, compréhensible par tout un chacun. Ici, difficile de voir le problème de compréhension pour les personnes, même sans formation juridique (dont je suis), qui s’intéressent à ces questions.
    – Dans « marchandisation », il y a rémunération des auteurs et des exploitants. L’auteur du billet penche clairement pour les seconds (peut-être malgré lui), en prônant des exceptions (certes compensées mais au profit des cessionnaires ou selon des mécanismes opaques pour les auteurs)
    – Ottinger veut un copyright européen (pas un droit d’auteur) : où Calimaq s’enferme dans ses contradictions, puisqu’il veut un *copyright*. En tout état de cause, il n’est pas de bonne méthode de vouloir harmoniser le droit d’auteur par les exceptions : cela doit se faire positivement ; c’était l’erreur de la directive 2001/29. Je serais plus convaincu par une plaidoirie pour un critère d’originalité faible (comme cela semble inévitable dans une harmonisation EU), plutôt que de s’exciter sur les exceptions (je ne serais pas d’accord mais au moins ce serait plus cohérent)
    – Exceptions ? Celle sur les handicapés est dans les tuyaux du MCC pour l’élargir ; celle sur le data mining est plus complexe et il est bien facile de postuler.
    – Marchand / non-marchand… Concrètement et juridiquement personne ne sait ce que cela veut dire. n site web sans pub est non marchand. Puis un jour il met de la publicité, mais l’accès reste gratuit : cela reste « non marchand » ?
    – L’audiovisuel a toujours été pris en compte par le Droit comme une chose à part, dont les solutions ne sont pas à généraliser à tout le droit d’auteur.

    J’en oublie…. En précisant qu’il ne s’agit que d’un commentaire à ce billet et non de ce qui a été dit à Cannes.

    Sincèrement,

    Z.

    PS : Que la Ministre utilise le mot de « portabilité » est une excellente chose, même s’il ne semble pas très bien utilisé.

    PS2 : les licences CC utilisées systématiquement ici ne sont pas conforme au droit français, que ce soit le formalisme des cessions ou le droit moral. Quelle crédibilité… Il existe d’autres licences plus appropriées pour un français qui publie en France.

    1. Sur la soit-disant distinction entre droit d’auteur et copyright, je recommande la lecture de cette interview de l’avocat Emmanuel Pierrat qui est assez éloquente : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2006-05-0014-002

      « beaucoup de gens raisonnent encore avec une vision, qui remonte selon moi à la Guerre froide, de séparation complète des deux versants de l’Atlantique. Mais le monde a changé, il est temps de se réveiller. En pratique, cela fait très longtemps qu’on est sur le même modèle, à peu de choses près. »

      Vous faites visiblement partie de ces gens qui s’illusionnent encore sur cette conception romantique du droit d’auteur à la française. Personnellement, j’ai abandonné toute illusion à cet égard après le vote de la loi sur les livres indisponibles qui consacre de manière éclatante la déchéance du droit d’auteur français en un droit d’éditeur : https://scinfolex.com/2014/03/01/verdict-dans-laffaire-relire-la-propriete-intellectuelle-cest-le-vol/

      Nous avons réussi en la matière à faire bien pire que le pays du copyright…

      Au passage, je ne veux ni un copyright, ni un droit d’auteur, mais une reconnaissance positive des droits des individus sur la culture. Il y a des choses intéressantes à prendre dans le régime du copyright sur cette question ; il y en a aussi dans celui du droit d’auteur continental.

      La réforme positive du droit d’auteur que j’appelle de mes voeux est de toute façon d’une tout autre nature, et elle est à conduire aussi aussi bien dans le copyright que dans le droit d’auteur : https://www.laquadrature.net/fr/elements-pour-la-reforme-du-droit-dauteur-et-des-politiques-culturelles-liees

      La distinction marchand/non-marchand est déjà une notion opératoire, consacrée dans le Code de propriété intellectuelle, notamment au sujet du périmètre de plusieurs exceptions (usages pédagogiques, exception conservation, etc.). C’est de plus une distinction que l’administration fiscale utilise quotidiennement sans que cela ne soulève de difficulté particulière. Voir par exemple ici : http://www.nextinpact.com/news/81999-philippe-axel-existe-t-il-espace-non-marchand-sur-internet.htm

      Les propositions de la Quadrature du Net sur la délimitation de la sphère du partage non-marchand entre individus sont précises et pour répondre à votre question, un site qui aurait recours à de la publicité serait considéré comme faisant un usage commercial : http://paigrain.debatpublic.net/?p=4203 (à vrai dire, c’est aussi ce qui ressort des licences Creative Commons, qui ont une conception extensive de l’usage commerciale et je pense qu’elles ont raison).

      Je n’ai pas le temps de reprendre chaque point de votre commentaire, mais je termine en commentant votre dernier PS, que je trouve particulièrement croustillant et tellement révélateur…

      PS2 : les licences CC utilisées systématiquement ici ne sont pas conforme au droit français, que ce soit le formalisme des cessions ou le droit moral. Quelle crédibilité… Il existe d’autres licences plus appropriées pour un français qui publie en France.

      J’ai souvent rencontré des gens comme vous, portant le droit d’auteur en bandoulière, mais on voit bien que le respect des créateurs vous importe peu, puisque que vous terminez en me déniant ma capacité, en tant que créateur, à décider du destin de mes oeuvres. Si le droit d’auteur est bien un droit de l’auteur, sa volonté de faire passer son oeuvre dans le domaine public doit être respectée.

      Sinon, le droit d’auteur n’est pas un droit de l’auteur, mais autre chose – ou peut-être le droit de quelqu’un d’autre… (on ne saura pas d’ailleurs qui vous êtes vraiment, cher « Zozo »…)

      Vous prétendez que la licence CC0 que j’utilise est non conforme avec le droit français, mais je vous mets au défi de citer une jurisprudence qui ait explicitement statué sur cette question. Vos affirmations sont en réalité purement idéologiques et révélatrice d’un phénomène « d’auto-intoxication doctrinale », hélas très répandu en France.

      J’ai déjà expliqué ailleurs dans le détail qu’il est tout à fait possible d’interpréter l’esprit des règles du droit français comme compatible avec la notion de domaine public volontaire : https://scinfolex.com/2013/07/17/reconnaitre-le-domaine-public-volontaire-sans-fragiliser-lauteur-dans-les-contrats-dedition-reponse-a-la-sgdl/

      C’est une chose d’autoriser le renoncement au droit moral au profit d’une personne déterminée dans un contrat d’édition et personnellement, je ne suis pas certain en effet que ce soit une bonne chose, en raison du rapport économique déséquilibré qui existe entre l’auteur et l’éditeur. Mais c’est une chose complètement différente de renoncer à exercer son droit moral vis-à-vis de tous (erga omnes), afin d’ouvrir son oeuvre et de la verser dans le domaine public par anticipation.

  5. Dire que droit d’auteur et copyright ne sont pas strictement synonymes ne revient pas à en exacerber les divergences. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Je suis d’accord avec votre citation de Maître Pierrat, qui néanmoins n’est peut-être pas l’autorité la plus indépendante en la matière (il a des clients, on le comprend). Et les indisponibles n’ont rien à voir là-dedans (soit dit en passant, vous devriez les défendre aujourd’hui si vous voulez que la CJUE interprète la notion d’exception de manière large).
    Sur le non-marchand, vous faites fausse route : des décisions judiciaires retiennent le caractère commercial de sites gratuits.
    Sur les CC, il n’y a pas de jurisprudence et n’en aura sans doute jamais : cela tient à la réalité du contentieux judiciaire. Cela n’empêche pas de conduire une analyse juridique dont vous vous passez. Pourquoi avons nous créé la licence Art Libre ou la licence CeciLL ?
    Ensuite, ce n’est pas pour moi une question de respecter le créateur ou non : c’est un constat juridique, en l’état actuel du droit et non dans le monde de Calimaq qui voit le droit comme il le rêve.

    Bien sincèrement,

    Z.

    1. « Pourquoi avons nous créé la licence Art Libre ou la licence CeciLL ? ».

      Ces licences avaient principalement un intérêt lorsque les autres licences, type GNU-GPL ou Creative Commons, n’étaient pas traduites en français. La non-disponibilité d’un contrat en français a en effet des conséquences juridiques.

      Mais sur le fond, ces licences sont très proches de leurs équivalents américains. La Licence Art Libre est similaire à une licence Creative Commons CC-BY-SA. Et contrairement à ce que vous paraissez affirmer, les mêmes questions peuvent se poser avec cette licence à propos de la compatibilité avec le droit français (inaliénabilité du droit moral ou formalisme des cession).

      Comme je l’ai dit précédemment, vous parlez de « constat juridique » ou « d’état actuel du droit », mais ce n’est qu’une énorme imposture, en l’absence de jurisprudence permettant d’étayer vos propos. Les juges sont les seuls habilités à pouvoir délivrer une interprétation authentique du droit : tout le reste n’est qu’opinion, la votre comme la mienne.

      Contrairement à vous, qui ne comprenez visiblement pas les principes de fonctionnement du droit, je ne prétends pas que les Creative Commons ou la CC0 sont compatibles avec les principes du droit français. Je dis qu’il existe une interprétation de ces principes compatibles avec ces licences et je donne des arguments pour le démontrer. In fine, ce sont les juges qui trancheront, en choisissant parmi les différentes interprétations possibles.

      Vous ajoutez  » il n’y a pas de jurisprudence et n’en aura sans doute jamais : cela tient à la réalité du contentieux judiciaire« . Vous invoquez cette fois la « réalité » à laquelle vous semblez beaucoup tenir, mais hélas la réalité vous contredit superbement, car il y a déjà eu des contentieux impliquant les Creative Commons aux Etats-Unis, en Espagne, en Allemagne, en Israël et chaque fois, les juges ont reconnu la validité de ces licences, parfois dans des pays ayant un système juridique très proche du nôtre (Espagne, Allemagne).

      Voyez ici pour l’accès à ces décisions : https://wiki.creativecommons.org/Case_Law

      Tout ceci pour dire que vos propos ne font globalement qu’ajouter au galimatia ambiant que je dénonce dans cet article… Vous m’accusez de rêver, mais c’est vous qui êtes noyé dans les brumes idéologiques…

      Dernière chose : même si l’emploi de la licence CC0 était explicitement considéré comme non-conforme au droit français, je continuerai à l’employer, car en matière d’application des licences, les usage sociaux sont aussi importants (sinon plus) que la lettre du droit. Il y a des gens dans le passé qui ont voulu complètement sortir du système du droit d’auteur (https://scinfolex.com/2012/03/16/rien-nest-a-nous-grandeur-et-misere-du-domaine-public-volontaire/) et il y en aura toujours.

      Et il existe toute une communauté qui se fédère autour de l’usage de cette licence, y compris en France comme en témoigne ce billet publié la semaine dernière : http://www.antredugreg.be/parce-quil-ny-a-rien-de-plus-beau-que-le-don-et-le-partage/

      1. Il existe également des contentieux en France impliquant des licences libres.

        Voir par exemple: Arrêt du 16 septembre 2009 – Cour d’Appel de Paris – Pôle 5 Chambre 10 – RG n°04/24298 (http://www.neufbox4.org/wiki/index.php?title=Arr%C3%AAt_du_16_septembre_2009_-_Cour_d%27Appel_de_Paris_-_P%C3%B4le_5_Chambre_10_-_RG_n%C2%B004/24298).

        Les juges tiennent compte de ces licences particulières qui s’analysent, en droit français, en contrat sui generis.

        1. Oui, cette décision concerne la GNU-GPL (dont la validité en droit français est bien reconnue), mais la discussion portait ici sur les Creative Commons à propos desquelles on ne compte pas encore de jugement.

  6. – « Ces licences avaient principalement un intérêt lorsque les autres licences, type GNU-GPL ou Creative Commons, n’étaient pas traduites en français. La non-disponibilité d’un contrat en français a en effet des conséquences juridiques. »

    Non. Ce sont des contrats internationaux par hypothèse. La loi toubon n’a jamais été une raison d’être de ces licences.

    – « Les juges sont les seuls habilités à pouvoir délivrer une interprétation authentique du droit  »

    Et les juges ne sont pas forcément d’accord entre eux, et l’on n’est pas obligés de se soumettre à leur analyse. Encore heureux, si on constate l’évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation depuis 20 ans en matière de droit d’auteur.

    – « Je dis qu’il existe une interprétation de ces principes compatibles avec ces licences et je donne des arguments pour le démontrer »

    Précisément, je n’ai pu constater aucun argument de votre part. Vous souhaitez dénier le droit moral, soit. Mais il est dans la loi, à ce jour. Quant au formalisme… comparez les clauses de cession de Art Libre et de CC. Votre interprétation de L. 131-3 CPI devrait être bien audacieuse.

    – « mais la discussion portait ici sur les Creative Commons à propos desquelles on ne compte pas encore de jugement. »

    Oui. ^_^…

    1. On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif et encore moins un troll qui veut troller…

      Vous répondre ne ferait que remettre une pièce dans la machine.

      Je laisse les lecteurs de ce blog cliquer sur les liens que j’insère pour se faire une opinion par eux-mêmes.

  7. En pratiquant l’autocitation à outrance, cela n’est pas de nature à convaincre le lecteur qui aime se faire sa propre opinion.

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