Tout ce que vous pensiez qu’il est interdit de faire en bibliothèque… mais qui en réalité est permis !

J’ai eu l’occasion d’intervenir récemment devant des collègues du SCD de Lyon I pour une formation sur l’application du droit d’auteur en bibliothèque. Mais on m’avait demandé d’aborder le sujet d’une manière originale, en insistant pour une fois davantage sur ce qu’il est permis de faire plutôt que sur ce qui est interdit.

« Tout ce que vous pensez qu’il est interdit de faire en bibliothèque en raison de la propriété intellectuelle… mais qui en réalité est permis ! »  : voilà la thématique que je devais traiter et il m’a rapidement semblé que la meilleure manière de le faire était de réaliser une carte heuristique répertorier et classer les usages autorisés des oeuvres en bibliothèque (cliquez sur l’image ci-dessous pour accéder à cette carte).

carte

Les différents types d’usages sont inventoriés à partir de la liste suivante :

  • Reproduire
  • Diffuser, communiquer au public
  • Mettre à disposition pour consultation, prêter
  • Usages en ligne
  • Produire des contenus
  • Ressources sous licences libres

A chaque usage est associée une pastille de couleur indiquant si la bibliothèque dispose d’une autorisation (et sur la base de quel fondement juridique) :

légende

La pastille est verte pour les usage couverts par une exception ou une limitation au droit d’auteur, ce qui dispense la bibliothèque d’avoir à demander une autorisation préalable aux titulaires de droits. J’ai indiqué en jaune les hypothèses où ont été mis en place des systèmes de licences légales ou de gestion collective obligatoire qui facilitent les usages, généralement en faisant intervenir une société de gestion collective. Enfin, la couleur rouge signale les cas les plus contraignants où  la bibliothèque va devoir recueillir le consentement du ou des titulaires de droits et le formaliser par le biais d’un contrat.

J’ai ajouté également une catégorie « zone grise », signalée par une pastille bleue, pour les usages qui sont manifestement illégaux, mais pour lesquels une forme de tolérance de fait s’est installée, les ayants droit n’attaquant pas les bibliothèques en justice (on pense par exemple au prêt de CDs qui n’est couvert par aucun mécanisme légal, mais il existe un certain nombres d’autres hypothèses similaires).

Un symbole « dollars ($) » signale par ailleurs si les usages font  l’objet, d’une manière ou d’une autre, d’une rémunération ou d’une compensation financière versée aux titulaires de droits.

Au final, cet exercice s’est avéré particulièrement intéressant. On constate par exemple que c’est dans le champ de la reproduction que les bibliothèques disposent des marges de manoeuvre les plus étendues, du fait qu’elles bénéficient d’un nombre relativement important d’exceptions au droit d’auteur introduites par le législateur. Pour ce qui concerne le prêt d’oeuvres, les possibilités sont bien plus réduites, car la licence légale instaurée en 2003 se limite au seul domaine du livre papier et ne couvre pas les autres types de supports. Pour tous les autres types d’oeuvres les bibliothèques sont tributaires de la mise en place d’autorisations contractuelles, qui font encore parfois défaut. La diffusion des oeuvres est clairement le secteur dans lequel les marges de manoeuvre sont les plus réduites et la situation est encore plus fermée pour tout ce qui touche au numérique et à Internet.

J’ai ajouté des liens hypertexte pour renvoyer au bout de chaque branche de la carte vers des textes de référence. Si vous pensez à des hypothèses que je n’ai pas envisagées, n’hésitez pas à me les signaler en commentaire à ce billet et je les ajouterai dans la carte. J’ai placé ce document sous licence Creative Commons BY et il est donc librement téléchargeable, rediffusable et modifiable par ceux qui le souhaiteraient.

La conférence a également été filmée et voici les deux vidéos :


7 réflexions sur “Tout ce que vous pensiez qu’il est interdit de faire en bibliothèque… mais qui en réalité est permis !

  1. Je me demandais si la projection de vidéo hébergées sur Internet par Youtube par exemple, sous licence standard (et ne contrevenant pas au droit d’auteur), était autorisée, sans autorisation de l’auteur.
    D’une manière générale, le contenu mis en ligne gratuitement et légalement sur la Toile peut-il être diffusé dans le cadre d’une projection publique (et non une consultation individuelle) ?

    1. Bonjour,

      Non, a priori les vidéos diffusées sur Youtube sous licence standard ne peuvent pas faire l’objet de projection publique. Les fonctionnalités et les CGU de Youtube permettent le visionnage sur le site et à partir de site tiers via le lecteur exportable, mais la projection constitue une nouvelle représentation de l’oeuvre qui nécessite en tant que telle une autorisation préalable.

      Ce ne serait possible qu’avec des vidéos placées sous licence Creative Commons, en respectant les conditions posées par la licence.

      Même dans un contexte pédagogique, la diffusion sera limitée à 6 minutes et uniquement à partir d’une « source licite » (c’est-à-dire d’une vidéo postée sur un compte officiel).

      1. Bonjour,
        je vous remercie de ces précisions sur le droit de projection des vidéos Youtube. Nous sommes donc d’accord que si l’autorisation est donnée par le créateur, il n’y aura aucun problème ? Un contrat-type existe-t-il ?
        Cordialement,

        1. Oui, bien entendu si vous arrivez à avoir l’accord du titulaire de droits sur la vidéo, vous pourrez la diffuser. La difficulté parfois avec les contenus audiovisuel, c’est de trouver exactement qui disposent des droits sur le contenu pour obtenir une autorisation valide. Pour une vidéo « professionnelle », c’est en général le producteur. Pour une vidéo « amateur », ce sera plutôt le créateur lui-même.

  2. Bonjour,

    Merci pour ce travail remarquable dont j’ai pu avoir connaissance grâce à https://www.facebook.com/veilledoc/ qui rebloggait https://www.facebook.com/MDIV35/posts/1115113838509179.

    Parmi les sites musicaux offrant la fonction « embed », on peut signaler http://bandcamp.com/

    Par ailleurs, dans le cas où vous avez le temps de répondre, je me pose les questions suivantes.
    Peut-on afficher dans une bibliothèque, sans demande d’autorisation, une affiche de film récent (par exemple donnée par un exploitant de salle) à des fins de décoration ou autre ?

    D’autre part, un artiste qui aurait donné à un morceau de musique une licence permettant l’utilisation sans autorisation peut-il tout de même s’opposer à une utilisation qui lui déplairait (par un part politique, une publicité, etc.) ? Question adjacente : peut-on changer d’avis et modifier ou annuler une licence libre ?

    Encore merci. Cordialement.

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