Tout un symbole : le fameux « Bibliothécaire » d’Arcimboldo sous Public Domain Mark

C’est sans doute l’une des représentations les plus célèbres du métier de bibliothécaire, que celle réalisée par le peintre Arcimboldo pour l’Empereur Maximillien II. Toutes les personnes qui exercent cette profession (et moi le premier !) ont dû éprouver une certaine fascination pour cette image…

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Le Bibliothécaire. Par Arcimboldo. Domaine public.

L’original de ce tableau est conservé actuellement au Château Skokloster en Suède et j’ai eu l’excellente surprise de constater qu’une version numérisée en haute définition avait été mise en ligne sous Public Domain Mark.

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Sous le portrait, la Public Domain Mark.

Cela signifie que l’établissement certifie que l’oeuvre appartient bien au domaine public et choisit de la diffuser sans ajouter de nouvelles couches de droits, en respectant son intégrité juridique.

Le Château Skokloster s’est associé à deux autres grandes institutions patrimoniales de Suède – l’Armurerie Royale et le Hallwyl Museum – pour mettre en ligne plus de 40 000 images, en utilisant des licences ouvertes, comme les Creative Commons ou la Public Domain Mark. Dans un récent communiqué de presse, Le directeur Magnus  Hagberg, qui dirige le regroupement des trois institutions, justifie ce choix en rappelant que la numérisation de ces oeuvres est financée par de l’argent public et qu’il est donc logique que ces contenus soient diffusés de manière ouverte. Il insiste sur l’importance des usages pédagogiques et de recherche qui vont pouvoir ainsi être libérés et met en avant un partenariat avec Wikimedia Commons pour augmenter la diffusion de ces oeuvres.

Une banque d’images permet la recherche au sein de ces documents, dont plus d’un quart sont en haute définition (et cette proportion est appelée à augmenter au fil des mises en ligne).

A titre de comparaison avec les pratiques françaises, on peut constater qu’un autre portrait d’Arcimboldo, L’Automne conservé au Louvre, est diffusé avec une mention de Copyright « Tous droits réservés ».

arcim louvreLa mention exacte que l’on lit sous le tableau est « Musée du Louvre /A. Dequier – M. Bard », les deux noms renvoyant sans doute à ceux des photographes qui sont intervenus pour réaliser le cliché du tableau. Le Louvre considère que cette reproduction constitue une « nouvelle oeuvre », pouvant faire l’objet d’un droit d’auteur, et se fait céder les droits par les photographes pour les exploiter ensuite à son tour. C’est ainsi que peut renaître une couche de droits d’auteur sur le domaine public et que le copyfraud trouve sa voie…

Sur le site de la banque d’images suédoise, le nom du photographe – Samuel Uhrdin – qui a fait la reproduction du tableau d’Arcimboldo figure également, dans les métadonnées associées du fichier. Il s’agit d’une reconnaissance du travail technique effectué par ce professionnel, mais cela ne conduit pas à de nouveaux droits et c’est tout à fait cohérent avec la philosophie même du droit d’auteur, qui protège seulement l’originalité dans la création.

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Un autre point est également intéressant dans la manière dont ces institutions suédoises gèrent les droits associés à ces images. Pour les clichés d’objets tridimensionnels, comme ceux qu’abritent le Musée de l’Armurerie, ce n’est pas la Public Domain Mark qui a été utilisée, mais des licences Creative Commons (CC-BY- et CC-BY-SA). Le fait ici de reconnaître un droit d’auteur aux photographes n’est pas constitutif d’un copyfraud, car contrairement à un tableau en deux dimensions, où la reproduction ne peut pas faire naître d’originalité, la photographie d’une sculpture ou d’un objet laisse davantage de place aux choix de la personne qui prend le cliché. C’est d’ailleurs la position que défend la Wikimedia Foundation pour le chargement des images dans Wikimedia Commons, alors qu’elle rejette l’idée qu’un copyright puisse être appliqué sur la photographie d’un tableau.

Ici le choix du musée suédois a été de reconnaître les droits des photographes, mais de mettre les photos des objets sous licence libre, ce qui favorise très largement les usages. Cette politique permet de disposer sous licence CC-BY-SA de véritables trésors nationaux, comme cette armure du Roi de Suède, Gustav 1er.

armure

Il faut se réjouir de voir de nouvelles institutions publiques s’emparer de la Public Domain Mark. Et pour revenir au Bibliothécaire d’Arcimboldo, c’est un symbole particulièrement fort, de voir cette icône rendue au domaine public, à un moment où bien des bibliothèques – et non des moindres –  semblent avoir perdu le sens de leur devoir envers la diffusion de la connaissance.

Et pour se convaincre de l’importance de laisser grandes ouvertes les portes de la réutilisation, voyez cette vidéo, qui mélange différents tableaux, dont les fameuses têtes composées d’Arcimboldo, pour composer une histoire sous forme de mashup.

PS : merci @BlankTextField de m’avoir signalé la mise en ligne de ces images en Suède.


9 réflexions sur “Tout un symbole : le fameux « Bibliothécaire » d’Arcimboldo sous Public Domain Mark

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