Légalisation du partage et livre numérique en bibliothèque : même combat ?

A priori, la question de la légalisation du partage et celle du livre numérique en bibliothèque peuvent paraître assez éloignées, même si elles concernent toutes les deux l’accès à la culture et à la connaissance. Néanmoins, l’association EBLIDA, représentant les bibliothèques et les centres de documentation au niveau européen, a publié cet été une déclaration relative au livre numérique en bibliothèque qui jette un pont intéressant avec la question du partage.

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Now and Then. Par JEPoirrier. CC-BY. Source : Flickr.

Intitulé « The Right To E-Read », ce texte s’inscrit dans le cadre d’une campagne lancée depuis l’an dernier par Eblida pour défendre l’accès aux livres numériques dans les bibliothèques publiques en Europe. L’originalité de cette prise de position, destinée à interpeller la Commission européenne, réside dans le fait qu’elle invoque le mécanisme juridique de l’épuisement des droits, comme un fondement possible et souhaitable pour la mise à disposition de livres numériques en bibliothèque. Or c’est sur ce point qu’il y a rapprochement possible avec la question de la légalisation des échanges non-marchands. La Quadrature du Net propose en effet de recourir à l’épuisement des droits pour consacrer la possibilité pour les individus d’échanger des fichiers correspondant à des oeuvres protégées sans but de profit.

Que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe, la question du « prêt numérique » en bibliothèque se pose depuis plusieurs années, mais c’est à mon sens la première fois que je vois des représentants des bibliothèques en Europe se tourner vers l’épuisement des droits pour défendre leur position. Il me semble que cette stratégie adoptée par Eblida est intéressante, justement par le rapprochement qu’elle permet avec la question de la légalisation du partage.

Pour un droit de lire en numérique en bibliothèque

Pour comprendre exactement de quoi il retourne, je traduis ci-dessous la seconde partie de la déclaration « The Right To E-Read« , qui aborde directement le sujet de l’épuisement des droits :

  • En raison de l’épuisement du droit de distribution après la première vente, une bibliothèque publique est en mesure d’acheter une oeuvre publiée, comme un livre, chez un libraire et d’utiliser des exemplaires pour les prêter à ses usagers. Cela n’interfère pas avec les droits de l’auteur (ou d’autres titulaires de droits). La bibliothèque peut alors en conséquence décider en accord avec sa politique documentaire quels livres elle souhaite acquérir et prêter.
  • D’après leur interprétation du droit d’auteur, les éditeurs affirment que le prêt numérique est un service auquel le principe de l’épuisement des droits ne s’applique pas. Ils pensent que les titulaires de droits sont libres de décider s’ils veulent donner accès à une oeuvre spécifique et selon quelles conditions. Si cette interprétation s’imposait, cela signifierait que ce serait les éditeurs, et plus les bibliothécaires, qui décideraient quelles doivent être les collections numériques dans les bibliothèques.
  • Il se produira un tournant majeur, et de notre point de vue inacceptable, si l’on laisse ainsi aux éditeurs la possibilité de décider de la politique documentaire des bibliothèques. Cela signifierait que les bibliothèques ne seraient plus en mesure de garantir un accès libre à la culture et l’information pour les citoyens.
  • En juillet 2012, la Cour de Justice de l’Union Européenne a décidé que le principe de l’épuisement des droits à propos de l’achat d’un logiciel s’appliquait à la fois au fichier numérique et au support physique. Certains experts juridiques estiment que, d’après ce jugement, l’épuisement des droits serait aussi applicable aux livres numériques. Plusieurs affaires en justice sont pendantes actuellement devant les tribunaux, qui auront valeur de test. Mais il faudra plusieurs années avant que la CJCE rende un jugement.
  • Cette incertitude juridique empêche les bibliothèques de développer des services attractifs autour des livres numériques pour leurs publics et au-delà de mettre en place des offres légales dans l’intérêt de toutes les parties prenantes.

C’est pourquoi Eblida en appelle à la Commission européenne pour mettre en place un cadre juridique clair qui permettrait aux bibliothèques d’acquérir et de prêter en rémunérant de manière appropriée les auteurs et autres titulaires de droits. Comme avec les livres imprimés, une révision du cadre du droit d’auteur permettra aux bibliothèques de continuer à remplir leurs missions au bénéfice des citoyens européens.

Et si le prêt numérique échappait au droit européen ?

A la première lecture, j’avoue avoir eu un peu de mal à suivre Eblida dans son raisonnement. En effet, l’activité de prêt public d’oeuvres protégées est régie en Europe par une directive européenne, adoptée en 1992 pour harmoniser les droits de prêt et de location en Europe. Elle prévoit explicitement que le prêt public relève du droit de distribution dont bénéficie les titulaires de droits, alors que cette question faisait débat jusqu’à son intervention. Cette directive a été transposée en France par le biais d’une loi en 2003, qui a mis en place un système de licence légale pour le prêt des ouvrages physiques en bibliothèque.

Who needs books ? Par Boltron. CC-BY-NC. Source : Flickr.

A priori, on pourrait donc se dire que le « prêt numérique » des ebooks relève de ce mécanisme et qu’il n’est donc pas en dehors de l’orbite des prérogatives des titulaires de droits, comme le laisse entendre Eblida dans sa déclaration. Mais c’est sans doute aller trop vite dans le raisonnement et le texte d’Eblida permet justement de réinterroger ce qui paraissait comme une évidence.

C’est précisément à cette conclusion qu’est arrivé un rapport du Ministère de l’Éducation et de la Culture publié en mars dernier aux Pays-Bas. Voici ce que le site Actualitté disait à propos de cette étude :

Selon l’IVIR, l’institut pour les lois de l’information, le droit féodal du royaume ne couvre que les copies physiques de livre dans le cadre de la circulation et la reproduction. Par voie de conséquence, les livres numériques sont en l’état interdits de prêt. Ou, pourrait-on dire, invisibles en matière juridique. A moins de se lancer dans de bien fastidieux accords contractuels entre les parties concernées « tels que les auteurs, les éditeurs, les organisations des droits, des distributeurs et des bibliothèques » , a expliqué le ministre de l’éducation, Jet Bussmaker.

Eblida est visiblement d’accord avec la première partie de l’analyse (les livres numériques ne sont pas couverts par la directive de 1992 sur le prêt), mais pas avec la seconde (les livres numériques sont en l’état interdits de prêt). Eblida estime en effet que l’activité de mise à disposition de livres numériques par les bibliothèques pourrait être couvert par le mécanisme de l’épuisement des droits, ce qui la placerait en dehors du champ du droit d’auteur.

Néanmoins, Eblida précise que cette affirmation n’a pas encore été confirmée par la jurisprudence européenne. Elle fait référence à l’importante décision Usedsoft de 2012, par laquelle la CJCE a estimé que la revente de logiciels était possible sur la base de l’épuisement des droits. Mais on ne sait pas encore si un tel raisonnement pourrait être retenu pour des livres numériques. En avril 2013, une Cour fédérale allemande a visiblement estimé que la revente d’occasion d’ebooks n’était pas possible. Mais cela ne nous dit pas quelle serait la position de la CJCE si elle était saisie d’une telle affaire, ni non plus si la mise en disposition en bibliothèque doit être traitée de la même manière que la revente. En Angleterre pendant ce temps, le législateur va visiblement intervenir pour mettre en place un droit de prêt numérique au profit des bibliothèques, ce qui tend aussi à prouver que cette activité est en dehors du périmètre de la directive de 1992 (sinon l’Angleterre ne pourrait pas agir sur ce terrain de son propre chef).

L’épuisement des droits, terrain favorable pour les bibliothèques

Il y aurait en effet un grand avantage pour les bibliothèques à ce que la mise à disposition de livres numériques à leurs usagers relève du mécanisme de l’épuisement des droits. En effet, cela signifierait qu’à l’inverse d’une exception ou d’une licence légale, cette activité sortirait complètement du champ du droit d’auteur. La conséquence en serait qu’une rémunération des titulaires de droits ne serait pas obligatoire (aux États-Unis, le prêt de livres physiques se fait sur la base d’un mécanisme proche de l’épuisement des droits – First Sale Doctrine – et il ne donne lieu à aucune rémunération, si ce n’est l’achat des livres physiques). Et si une rémunération était tout de même envisagée au profit des auteurs et des éditeurs, l’épuisement des droits aurait encore pour avantage qu’elle n’aurait pas à être organisée comme une compensation pour un préjudice subi.

Personnellement, j’aurais donc tendance à penser que tout comme pour la légalisation du partage non-marchand entre individus, l’épuisement des droits constituerait sans doute le terrain le plus favorable pour les bibliothèques, même s’il n’est pas garanti que cette interprétation soit au final retenue.

The White Room. Par Schub@. CC-BY-NC-SA. Source : Flickr.

Si l’on considère au contraire, comme le font les éditeurs, que l’activité de mise à disposition des livres en bibliothèques ne relève pas de l’épuisement des droits, on peut alors faire jouer les mécanismes du droit d’auteur, soit sur une base contractuelle (comme c’est le cas au Québec par exemple), soit sur une base légale (comme va le faire l’Angleterre) pour donner une assise juridique à ces mises à disposition d’oeuvres protégées.

Sortir du piège du « prêt numérique » en bibliothèque

Mais un certain nombre de bibliothécaires considèrent qu’accepter de positionner le livre numérique en bibliothèque sur ce terrain est très dangereux, car cela ne peut conduire qu’à des offres étroitement contrôlées par les éditeurs, tant au niveau des contenus que des prix et des conditions de mise à disposition, avec un recours massif aux DRM pour empêcher la dissémination. Silvère Mercier sur son blog tire la sonnette d’alarme depuis un moment déjà, en essayant de sensibiliser les professionnels français à cette problématique et en leur montrant que d’autres modèles que le prêt de livres numériques « chronodégradables » sont possibles.

En France pourtant, il semble bien que l’on s’achemine vers un système contractuel, dans le cadre du projet PNB développé par Dilicom (PNB pour Prêt Numérique en Bibliothèque). Bénéficiant visiblement du soutien du Ministère de la Culture (à qui il économisera la lourde tâche de devoir faire preuve de courage politique en légiférant), PNB laissera les éditeurs libres de choisir leur modèle de diffusion et on peut parier que beaucoup opteront pour des DRM attachés aux fichiers.

Dans ce contexte, qui va placer les bibliothécaires français face à un choix difficile, il me semble que l’approche prônée par Eblida est infiniment préférable. Le terrain de l’épuisement des droits n’est sans doute pas celui qui sera le plus simple à actionner politiquement, mais il est celui qui respecte le mieux les droits culturels des citoyens, tout en n’excluant pas la mise en place d’une rémunération équitable pour les auteurs et éditeurs. A défaut, mettre le doigt dans le piège des DRM chronodégrables reviendra pour les bibliothèques à participer au mouvement d’érosion des droits des individus vis-à-vis des contenus culturels et à se tirer une balle dans le pied sur le long terme. Beaucoup rêvent de transfomer les bibliothécaires en verrouilleurs d’accès plutôt qu’en donneurs d’accès. La question du livre numérique peut leur donner une occasion en or de réaliser ce dessein…

Miser sur l’épuisement des droits, c’est aussi saisir l’opportunité de constituer un front politique élargi, en se joignant aux militants qui agissent pour la légalisation du partage entre individus. Et si cette question est toujours présente en France malgré les conclusions du rapport Lescure, c’est bien au niveau européen qu’il est le plus important d’agir, car c’est à ce niveau qu’une telle réforme peut intervenir.

L’angle d’attaque retenu par Eblida paraît donc extrêmement intéressant et il serait bon que les bibliothécaires français examinent très sérieusement cette option, avant de s’engager sur des terrains minés où il sera très difficile de peser. J’aurais cependant une remarque à faire à propos de la manière dont Eblida présente la question de l’épuisement des droits.

Il est à mon sens crucial de cesser même d’employer la fausse métaphore du « prêt numérique », qui ne peut qu’occasionner des glissements dans le raisonnement et ramener aux DRM. On ne peut réfléchir avec des fichiers numériques (par définition non rivaux) comme on le fait avec des exemplaires physiques. Le « prêt » d’un livre numérique n’a en réalité aucun sens, sauf à vouloir reconstituer artificiellement de la rareté dans l’environnement numérique. Le même raisonnement peut être tenu à propos de la revente d’occasion de fichiers numériques, qui n’a pas plus de sens, comme la Quadrature du Net l’a rappelé dans cette déclaration.

A vrai dire, si le partage entre individus venait à être légalisé, on peut penser que l’essentiel de la fonction de fourniture des œuvres en numérique serait directement assurée par les réseaux décentralisés. Internet deviendrait la Bibliothèque, mais cela ne veut pas dire que les bibliothèques deviendraient inutiles : leur rôle se déplacerait sans doute vers des fonctions de médiation numérique, ainsi que vers la reconfiguration de leurs espaces physiques. C’est déjà d’ailleurs une tendance largement engagée, pour le plus grand bien de la profession, dans beaucoup d’établissements.

***

La Commission européenne a annoncé qu’elle envisageait une réouverture de la directive de 2001 sur le droit d’auteur et des consultations sont engagées à ce sujet, y compris en France. Le moment est donc bien choisi pour Eblida d’attirer l’attention de la Commission européenne sur l’épuisement des droits.

Légalisation du partage et place du livre numérique en bibliothèque ne sont peut-être pas des combats exactement superposables, mais ils pourraient entretenir des liens beaucoup étroits si une compréhension plus claire des enjeux se faisait. Il y aurait grand intérêt à ce que bibliothécaires et militants des libertés numériques agissent de concert sur des bases communes. La déclaration d’Eblida permet dans tous les cas d’engager un débat, dont on espère qu’il se prolongera.

Mise à jour du 27/08/2013 : L’IFLA, l’organisation internationale représentant les bibliothèques, a publié une autre déclaration intitulée « Libraries, e-Lending and the Future of Public Access to Digital Content ». Elle critique fortement le recours aux DRM dans le contexte des bibliothèques, au nom de la défense des leurs missions fondamentales.


41 réflexions sur “Légalisation du partage et livre numérique en bibliothèque : même combat ?

  1. Un citoyen ou un groupe de citoyens tenant une « bibliothèque » peut parfaitement gérer un dépôt de livres numériques sous licences libres. De sorte qu’il n’y a aucune sorte de questions étranges à se poser. C’est ce qu’ont fait depuis 30 ans les fondateurs des logiciels libres, grâce à qui l’internet a pu ainsi exister et perdurer.

    De sorte que je trouve extrêmement curieux ce post qui se pose de bien étranges questions sur on ne sait quel point précisément.

    Utiliser des contenus libres ne demande aucune sorte de questionnement que ce soit, il faut et il suffit de le faire.

    1. Je suis le premier à essayer d’inciter les bibliothécaires français à intégrer des livres sous licences libres dans leurs collections https://scinfolex.wordpress.com/2012/12/20/les-bibliotheques-et-locean-du-web-trois-exemples-concrets-et-une-mise-au-defi/ (et ce n’est déjà pas une mince affaire…).

      Mais combien représente la proportion des livres sous licence libre par rapport à l’écrasante majorité de ceux qui sont toujours sous copyright ? Pas 1%… Peut-être même pas 0,1%!

      Il en résulte que se cantonner à la Culture libre en ce qui concerne le livre revient à se couper de l’essentiel de La culture tout court (hormis le domaine public, mais nos contemporains ont la fâcheuse tendance à vouloir vivre avec leur temps…).

      La piste des licences libres peut représenter une alternative dans le domaine des logiciels, parce que les logiciels sont substituables. Je peux faire avec LibreOffice ce que je peux faire avec Word.

      Mais Louis-Ferdinand Céline, André Breton, Camus, Becket, Ionesco et tant d’autres sont toujours sous copyright et ils sont pas « substituables ». Sans compter les pans entiers de la culture qui continuent à être publiés sous le signe du droit d’auteur.

      La vraie question est donc de savoir comment faire en sorte d’élargir les droits culturels des individus vis-à-vis de la culture protégée.

      La Culture libre à bien sûr aussi son rôle à jouer, mais on ne peut prétendre qu’elle puisse jouer à elle seule tout le rôle. C’est l’erreur fondamental du « librisme » de le penser…

      Libre à vous de croire qu’une bibliothèque numérique digne de ce nom puisse se passer de Céline et de Camus, mais le bibliothécaire que je suis n’est pas de cet avis.

      Et au fait, quelle est la dernière oeuvre de littérature « libre » que vous avez lu ? Juste pour voir…

      1. Je viens de lire « le sutra du lotus » de Siddharta Gautama, qui est dans le domaine public, qui donc est libre, on le trouve ici. J’ai lu aussi le Stallman, et j’ai contribué à l’utilisation des manuels scolaires libres du livrescolaire.fr en mathématiques.

        Après l’erreur de conception est toujours la même. Parce qu’un individu explique que l’on peut faire autrement, d’autres individus vont le pointer du doigt en pensant qu’on ne peut pas « tout faire comme cela »… Mais jamais il ne dit qu’il faille que « tout » se fasse sous cette forme.

        Le fait que l’on PUISSE utiliser, créer, produire, distribuer, des ouvrages sous licence libre, et que donc l’on contribue en faisant ainsi, à 100%, à l’extension de la connaissance de cette possibilité, n’implique en rien d’OBLIGER quiconque à faire de même, ni même à faire TOUT de cette façon.

        De sorte que chacun reste parfaitement libre de choisir et de faire par lui-même, tout ou partie, et de CHOISIR ainsi d’utiliser ou pas un degré de liberté nouveau ainsi éclairci et découvert.

        Y compris donc un bibliothécaire. Il y a énormément d’ouvrages sous licence libre qui n’ont rien à envier aux ouvrages sous copyright, et qui méritent toute l’attention de l’homme honnête et curieux. Largement de quoi remplir plusieurs bibliothèques.

        Après comme on le signale par ailleurs, il y a d’autres types de blocages, qui n’ont rien à voir avec le fait de choisir d’exercer un degré de liberté nouveau, mais ont tout à voir avec avec un niveau de connaissance erroné de la nature d’une économie libre.

        1. Même erreur que dans le domaine de l’écologie : nous sommes tous absolument libres de n’acheter que des produits bio et équitables, mais il se trouve que nous ne le faisons pas à 100% (et que nous n’avons de toutes façons pas la possibilité de le faire à 100%). Résultat : le bio et l’équitable apportent une contribution au changement du système, mais ils ne peuvent être considérés comme une solution globale. Ils jouent à la marge et non au coeur du problème. La solution passe nécessairement par des changements politiques, qui IMPOSERONT des modifications obligatoires dans le système de production et de consommation. Sans cela, aucune possibilité d’espérer surmonter la crise écologique… C’est exactement la même chose avec la culture et les licences libres.

          L’écologie politique existe ; à quand un librisme politique ? Stallman l’a pourtant parfaitement compris : http://politiquedunetz.sploing.fr/2012/10/stallman-soutient-le-parti-pirate-suedois-sur-les-reformes-des-droits-dauteur-des-marques-et-du-brevet/ Mais ce n’est pas le cas de bon nombre de ses « disciples ».

          PS : domaine public et oeuvres sous licence libre sont deux choses très différentes. Comme d’habitude, vous vous en sortez par une pirouette rhétorique. Quel est le dernier ouvrage de littérature sous licence libre au sens propre du terme que vous avez lu ? Et si vous vous privez absolument de lire des livres sous copyright, de voir des films sous copyright, d’écouter de la musique sous copyright, je vous plains.

          1. La solution passe nécessairement par des changements politiques, qui IMPOSERONT des modifications obligatoires

            Voici la bête qui sortant de terre, montre sa tête et ses cornes…

            Quel est le dernier ouvrage de littérature sous licence libre au sens propre du terme que vous avez lu ?

            J’ai cité le Stallman, j’ai cité aussi lelivrescolaire.fr, j’aurais pu donner aussi la Théorie Relative de la Monnaie, que je n’ai pas fait que lire, mais que j’ai produite, sous licence GPL. J’aurais pu citer encore tous les ouvrages traitant de LaTex, et autres… Par ailleurs non, il n’y a pas de différence entre « domaine public » et « libre », le « domaine public » n’étant qu’une licence libre parmi toutes. Ainsi je peux parfaitement éditer, publier, diffuser Voltaire ou Rousseau, les LIBERTES étant possibles. Là encore là où l’un montre les libertés, l’autre s’attarde sur le nom = l’insignifiant.

            Et si vous vous privez absolument de lire des livres sous copyright, de voir des films sous copyright, d’écouter de la musique sous copyright, je vous plains.

            Je vais me citer de nouveau, puisque apparemment le message a du mal à passer. Mais étant donné que nous sommes devant la bête, qui s’en étonnera ?!

            Le fait que l’on PUISSE utiliser, créer, produire, distribuer, des ouvrages sous licence libre, et que donc l’on contribue en faisant ainsi, à 100%, à l’extension de la connaissance de cette possibilité, n’implique en rien d’OBLIGER quiconque à faire de même, ni même à faire TOUT de cette façon.

            Cette volonté de prétendre imposer quoi que ce soit à tous sous des prétextes autoproclamés comme étant « le bien » contre « le mal » est une profonde incompréhension de la nature des 4 libertés économiques.

            Quoique se drapant dans des draps blancs, Satanas n’en reste pas moins de la même nature.

            1. Satanas, la Bête… vous allez vraiment mal…

              Ces propos inquiétants suffisent à vous discréditer.

              Dois-je craindre bientôt de me faire traduire devant un tribunal libriste et de me faire fusiller ?

              1. Il faut simplement craindre qu’il n’y a aucune chance que tu réussisses à imposer obligatoirement quoi que ce soit. Remballe tes velléités sous terre, et simplement vois et comprend que les libertés ne s’imposent pas. Elles s’adoptent ou se rejettent par l’individu qui les considère. Prétendre qu’il faille « obliger » et « imposer » n’est pas de l’ordre de la liberté. Penser même que l’on PUISSE « obliger » et « imposer » c’est démontrer que l’on a pas compris du tout l’essence des libertés.

                1. Comment expliquer alors que l’APRIL ait milité et obtenu que l’usage des logiciels libres dans l’enseignement supérieur devienne prioritaire ? http://www.pcinpact.com/news/81109-le-parlement-donne-priorite-au-logiciel-libre-dans-enseignement-superieur.htm

                  C’est assurément une grande victoire et je pense que les militants de l’APRIL doivent avoir une compréhension assez claire de « l’essence des libertés » que vous m’opposez.

                  Il y a bien là quelque chose qui va être imposé par la loi.

                  Pouvez-vous m’expliquer ce mystère ?

                  Les propositions que je formule ne sont pas d’une autre nature.

                  1. Je n’ai jamais affirmé nulle part que le système politique, monétaire et social qui agit en ces temps sombres(t) soient de la nature d’un système politique monétaire et social libre. Que des individus pensent que l’on puisse imposer ses vues à autrui tout en étant compatible avec les libertés est un fait que je n’ai jamais nié non plus.

                    Etre cohérent avec les 4 libertés économiques implique de ne pas imposer ses vues à autrui, de ne pas imposer un système monétaire, de ne pas imposer un système politique, de ne pas imposer quoi que ce soit, mais de permettre à tout individu de pouvoir adopter, développer, diffuser ce qui est conforme aux libertés.

                    Il n’y a donc aucun mystère à constater que des individus choisissent la voie de la liberté, et d’autres ne la choisissent pas. Chacun étant libre, ceux qui veulent obliger autrui peuvent tout à fait trouver des individus qui acceptent d’être obligés. Cela n’enlève rien pour ceux qui veulent ne pas se conformer à ce qui est incohérent avec leur choix d’adopter pleinement les libertés, et donc n’acceptent pas qu’autrui prétendent les obliger à quoi que ce soit.

                    1. Donc vous condamnez le fait que l’APRIL ait milité pour imposer par voie légale que le logiciel libre devienne prioritaire à l’Université ?

      1. Un excellent exemple d’une bibliothèque libre contenant 6000 titres sous licence libre, dont d’ailleurs certains sous la licence libre particulière qu’est la licence « domaine public » ! ;)

        1. 6000 titres… Formidable ! Là où la Bibliothèque nationale contient 20 millions d’ouvrages et contrairement à une idée reçeu, largement plus de la moitié sont sous copyright. L’analyse du contenu de Google Books l’avait montré (et cela s’explique par le fait que la production éditoriale a explosé au 20ème siècle). Ce schéma – tiré d’une présentation de Lawrence Lessig – montre que seulement 16% des livres de GB sont dans le domaine public https://scinfolex.files.wordpress.com/2010/11/lessig.jpg?w=640

          Par ailleurs, le domaine public n’est pas une licence, mais un statut légal. C’est un abus de langage et une erreur sur le plan juridique d’assimiler le domaine public à une licence. Hormis les cas – là aussi ultra-minoritaires – de domaine public volontaire utilisant la licence CC0 (comme sur ce blog).

          Le domaine public étant de nature légale, l’essentiel du combat pour le domaine public passe aussi par la loi : https://scinfolex.wordpress.com/2012/10/27/i-have-a-dream-une-loi-pour-le-domaine-public-en-france/

          1. Le nombre est une simple instance de mesure et ne gage d’aucune légitimité de quoi que ce soit. Ainsi bien qu’une armée de 10 millions d’hommes soumette 1 million d’autres hommes, cela n’enlève rien à la nature non-libre de ce phénomène.

            Par ailleurs quant bien même 1 seul homme dirait une Vérité, le fait que 100 milliards d’autres hommes dénigrent cette Vérité n’enlève rien à sa nature.

            Le fait que des individus de très grand mérite aient décidé de créer, développer, et diffuser une bibliothèques de livres permettant aux individus qui les adoptent d’exercer les libertés, alors qu’il existent beaucoup de bibliothèques essentiellement composées de livres sous licence privatrice est une action pleinement cohérente avec les libertés.

            Le fait que des individus de très grand mérite aient décidé de créer, développer, et diffuser des logiciels libres, alors que le nombre était du côté des logiciels privateurs, l’économie était du côté des logiciels privateurs, la monnaie et la politique étaient du côté des logiciels privateurs, est une action pleinement cohérente avec les libertés.

            De sorte qu’exercer ses libertés ne dépend aucunement de ce que d’autres individus ont choisi de faire, ni même de ce que ce même individu qui exercerait ses libertés ait pu faire ou fera.

            Agir pleinement en conformité avec les libertés n’est donc qu’un acte purement individuel qui se suffit à lui même, et ne dépend pas de ce qu’autrui décide de faire ou de ne pas faire.

            De sorte que celui qui agit librement n’a aucune velléité d’imposer et d’obliger autrui en quoi que ce soit.

        2. Je crois qu’il y a incompréhension. Le sujet n’est pas tant qu’on puisse ou pas faire une bibliothèque avec uniquement des contenus sous licence libre et des contenus du domaine public. Techniquement on le peut.

          Mais contrairement au logiciel où on cherche un moyen d’atteindre une tâche et où donc on peut militer pour l’usage de X à la place de Y, la Culture ne se substitue pas.

          Si on parle de moyens légaux et de changements législatifs, c’est que justement contrairement au logiciel il n’y a pas le « choix ». Je ne peux pas décider de remplacer Camus dans notre culture française, quelles que soient mes convictions. Camus en fait partie intégrante, comme de nombreuses oeuvres sous droit qui sont essentielles pour comprendre notre société actuelle et comment nous sommes arrivés là.

          Un choix pourrait être de se couper des oeuvres toujours sous droits et non partagées sous licence libre, mais ce serait limiter sa compréhension du monde d’aujourd’hui et créer une sous-culture dissidente. Le bibliothécaire a des objectifs explicitement opposés à ces deux conclusions. De fait il se doit d’inclure ces oeuvres non libres, quand bien même il mettrait fortement en avant la partie « domaine public ».

          L’absence de choix relevée plus haut est le moteur pour considérer qu’on ne peut pas exclure une partie de la population de cet accès à la culture (en partie libre, mais pas que).

          1. Merci pour cet excellent commentaire !

            On remarquera d’ailleurs que la problématique dans le domaine des manuels scolaires est similaire à celle des logiciels, justement parce que les manuels scolaires libres sont « substituables » à ceux produits par les industriels du droit d’auteur.

            C’est ce qui permet d’envisager dans ce domaine des stratégies très offensives comme celle-ci : http://m.actualitte.com/n/44602

          2. Les « nous » les « on » ou encore « la population » sont des concepts aisément réfutables. Tout comme « notre culture française ». Là encore c’est penser l’unicité pour tous, alors qu’il y a tous les individus uniques. Chaque individu a sa propre culture, et prétendre qu’il faille gérer « la culture » n’est encore qu’une façon de prétendre imposer une vue particulière à tous.

            JE ne suis pas d’accord avec cette imposition.

            Et cette simple affirmation, d’un seul JE, qui n’est pas d’accord avec vous, suffit à ce que vous ne considériez pas la pensée « nous » comme légitime, si on veut respecter les libertés.

            Et quoique qu’un autre individu pense malgré cette Vérité qu’il y ait quelque légitimité que ce soit à imposer une vue unique à tous au lieu d’accepter tous les individus uniques, ce seul individu suffira à nier cette approche.

            Tandis qu’à l’opposé pour ce seul individu, il ne voit aucune sorte de problème à ce que des individus soient d’accord pour se trouver obligés envers d’autres individus, puisque c’est leur libre choix que de fonctionner de cette manière.

            Il n’en expliquera pas moins que la nature des libertés est de ne pas obliger. Libre à chacun de les adopter ou pas.

            1. «  » »Les « nous » les « on » ou encore « la population » sont des concepts aisément réfutables. Tout comme « notre culture française ». Là encore c’est penser l’unicité pour tous, alors qu’il y a tous les individus uniques. Chaque individu a sa propre culture, » » »

              Puis-je objecter « hors sujet » ?

              Dégager une(plusieurs) culture(s) commune(s) ne nie certainement pas l’individualité. Certains considèrent même que c’est justement la culture commune qui définit la nation. C’est certain que si tu commences à nier la notion de culture comme notion de groupe, tu n’arrivera pas à t’accorder avec le rôle du bibliothécaire qui est justement de sélectionner, sauvegarder, partager et mettre en valeur ce patrimoine.

              Mais pour être plus factuel :

              Dictionnaire de l’Académie, 9ème. Culture :
              ★III. À propos des productions de l’esprit et des valeurs qui les accompagnent.
              ☆1. Ensemble des acquis littéraires, artistiques, artisanaux, techniques, scientifiques, des mœurs, des lois, des institutions, des coutumes, des traditions, des modes de pensée et de vie, des comportements et usages de toute nature, des rites, des mythes et des croyances qui constituent le patrimoine collectif et la personnalité d’un pays, d’un peuple ou d’un groupe de peuples, d’une nation.
              ☆2. Ensemble des valeurs, des références intellectuelles et artistiques communes à un groupe donné ; état de civilisation d’un groupe humain.

              Si tu refuses le « nous », le « on », le « population », le qualificatif lié à la nation (française), tu commences à nier purement la notion même de culture, qui n’est attachée qu’à ce que les groupes ont justement de commun.

              Et si tu crois pouvoir te détacher de l’ensemble dans lequel tu vis, de ses références, de ses influences ; si tu crois que bien qu’unique et différent des autres tu n’en es pas le produit, tu mets clairement en valeur le besoin urgent de remettre les bibliothécaires sur le devant de la scène.

              1. Et si tu crois pouvoir te détacher de l’ensemble dans lequel tu vis, de ses références, de ses influences.

                Non, je te nie toute possibilité si infime qu’elle soit que tu puisses définir et caractériser de ton propre côté « un » ensemble dans lequel je vis. Pas « l’ensemble », qui suppose qu’il existerait LE groupe. Un tel groupe n’existe pas.

                De sorte que si tu crois à « LA » culture et à « LA » société en voulant de ce fait imposer (car c’est bien aussi de l’impôt qu’il s’agit) tu ne fais que jouer le jeu d’un dogme.

                1000 individus définissent 1000 ensembles qui n’ont rien de commun a-priori, quoiqu’un individu pourrait dire que selon son point de vue, il y aurait telle ou telle similitude entre tel ou tel ensemble, ce point de vue reste un point de vue unique, qui n’a aucune légitimité à se substituer à ce que conceptualise autrui pour définir ce qui le constitue et ce qui ne le constitue pas.

                Il n’y a donc ni négation ni absence de négation, ni les deux, ni l’absence des deux.

                Tout comme il est parfaitement erroné de dire il y a « la » fonction d’onde, ou que de dire il y a « l’espace-temps » sans avoir compris préalablement qu’il y a ni superposition, ni non-superposition, ni espace-temps hors l’individu qui l’observe.

          3. Inversement, il y a des logiciels qui ne sont pas forcément substituables car plus proches de la culture que des outils (exemple : certains jeux video)

            1. Effectivement. Je pense qu’avec cette question de la substituabilité, on touche à quelque chose d’important, qui permet de démêler bien des choses.

  2. Donc vous condamnez le fait que l’APRIL ait milité pour imposer par voie légale que le logiciel libre devienne prioritaire à l’Université ?

    Je n’ai jamais dit une telle chose. Et affirmer cela serait de l’ordre du faux.

    Un individu qui agit librement n’a aucunement besoin de condamner quoi que ce soit. Simplement il n’est pas obligé, ne se conforme pas, n’accepte aucunement qu’autrui lui impose quoi que ce soit.

    Que des individus pensent qu’ils sont en mesure d’imposer des lois qui ne soient pas dans les faits librement acceptées ne font qu’agir selon leur propre croyance. Un individu libre choisira indépendamment de cette croyance ce qu’il fait ou ce qu’il ne fait pas.

      1. Le fait de ne pas comprendre la nature d’une réponse ne signifie pas qu’il n’y a pas eu de réponse. Ainsi à la question « affirmez-vous oui ou non que la somme des angles d’un triangle fait 180° ? » celui qui connaît la nature des concepts ne répond pas « oui » ou « non ».

        De la même façon celui qui connaît la nature des libertés ne fait ni condamnation ni absence de condamnation, ni les deux, ni l’absence des deux. Il explique ce que signifie adopter les libertés.

  3. Bel exemple de dogmatisme libertarien, limite troll… personnellement je frémis quand on commence à parler de nature dans le domaine du social.
    Mais j’ai une tout autre question.
    Après tout le modèle éditorial et le droit d’auteur qui lui sert de clé de voute sont récents à l’échelle de l’histoire du document. Le modèle la bibliothèque et le partage qui lui sert de clé de voute sont beaucoup, beaucoup plus anciens. N’y aurait-il pas là un argument pour fonder une légitimité et la traduire dans le droit ?

    1. Vous voyez qu’il peut y avoir des points de vue beaucoup plus extrémistes que les miens… ;-)

      Pour répondre à votre question, effectivement, les bibliothèques peuvent s’appuyer sur une tradition bien plus ancestrale que le droit d’auteur. Il y avait des bibliothèques avant qu’il n’y ait des libraires, des éditeurs, des auteurs (au sens où nous l’entendons aujourd’hui) et même des livres ! Cette épaisseur historique est sans doute une chose qui devrait fonder leur légitimité. Et pendant longtemps, cette légitimité a été si forte que leur activité n’était pas encadrée juridiquement, malgré l’existence du droit d’auteur (avant 2003 en France, il n’y avait pas de cadre pour le prêt des livres et il n’y en a toujours pas pour le prêt des CD musicaux, par exemple).

      Quelque part, considérer que la mise à disposition de contenus numériques par les bibliothèques à leurs usagers relève l’épuisement des droits serait une manière de se reconnecter avec cette longue tradition. Cela fait seulement 10 petites années que le droit d’auteur s’est saisie de cette activité. 10 petites années qui ont pourtant tout changé et qui menacent maintenant l’avenir. Mais je veux croire qu’il existe une chance pour inverser cette tendance.

      Sans compter que comme je le dis dans le billet, épuisement des droits ne veut pas dire nécessairement que l’on ne mette pas en place une rémunération pour les auteurs et les éditeurs. C’est la même chose qu’avec le partage non-marchand : on peut le consacrer par l’épuisement des droits et mettre en place une contribution créative pour financer la création, mais celle-ci ne constituera pas la réparation d’un soit-disant préjudice découlant de l’usage et cela change tout. Il pourrait en être de même pour la mise en disposition en bibliothèque : consécration sur la base de l’épuisement des droits et alimentation d’une part de la contribution créative.

      Bref, en changeant de perspective, il y a manière de repenser cette question en profondeur.

      Le problème, c’est que politiquement en France, on est très loin de ces conceptions et le projet PNB est porteur d’une vision diamétralement opposée…

  4. Calimaq,
    Il y a quelque chose que mon esprit informaticien a du mal à comprendre !
    Autant, je suis contre les DRMs (et aussi la pub) pour la vente de biens immatériels (selon mon modèle de partage), autant les DRMs me semblent inévitables pour le prêt sur le Net, accessible de tout PC (en bibliothèque ou de chez-soi ). Raisons par l’absurde; si le prêt numérique est disponible gratuitement sans DRM, alors il n’y a aucun intérêt à rétribuer directement les auteurs et on sait ce qu’il en est de la contribution créative. En revanche, ce prêt avec DRM doit absolument être gratuit. Même la notion d’abonnement n’a pas de sens car pour une œuvre donnée, faudrait-il que je m’abonne à telle bibliothèque ou à telle autre en concurrence, alors que je me fiche de la localisation si ma requête part de chez-moi. La concurrence entre bibliothèque numérique n’a pas de sens non plus!
    Le prêt numérique (la mise à disposition gratuite d’une version numérique) est un moyen simple de combler le problème des vidages des rayons de livres papier en bibliothèque. Exemple simple: je suis allé cet été à la bib. Jean Cabanis à Toulouse pour emprunter le livre de O. Bomsel « Protocoles Editoriaux; Qu’est ce que publier ? ». L’exemplaire était parti, avec les 3/4 des rayons (il n’y avait pas grand monde aussi !) parce que la durée de prêt a été rallongée jusqu’à début Octobre et le nombre (12 livres!). J’aurais bien aimé repartir avec une URL d’une version numérique avec DRM. En revanche, ce qui est triplement inacceptable, surtout pour un bouquin dont je conteste vivement le raisonnement (et que je n’achèterai pas) est :
    – qu’il soit si cher 17€ en e-book
    – qu’il y ait un DRM à l’achat
    – que ce soit le travail payant d’un chercheur (grassement payé par une chaire) donc déjà payé par l’état.
    Dans ce cas précis, oui, tout travail scientifique ou éducatif devrait être disponible sur le Net gratuitement sans DRM et peu importe qui le dépose (une bibliothèque ou n’importe quel site web), mais pour une œuvre culturelle (non scientifique) dont l’auteur (seul et unique ayant droit) est encore vivant, diffuser avec DRM/ en streaming est compréhensible. (c’est ce que j’appelle « échantillonage » sur la page wikipédia de « bien immatériel »)
    Même si tout le fond numérique des bibliothèques est disponible en un clic, il y a quand même un intérêt à aller physiquement dans les bibs et naviguer dans les rayons, le hasard et le conseil des conservateurs peut donner des merveilles.
    Ma solution a le mérite de la clarté prêt gratuit=DRM, achat=sans DRM.

    1. Je vous recommande d’aller lire ce billet écrit par Silvère Mercier sur le blog Bibliobsession http://www.bibliobsession.net/2013/07/22/faut-il-collectionner-des-livres-numeriques-dans-les-bibliotheques/ Vous verrez qu’il existe d’autres modèles possibles pour l’accès au livre numérique en bibliothèque, qui ne passent pas par des DRM chronodégradables positionnés au niveau de chaque fichiers.

      Nous sommes un certain nombre dans la profession à rejeter catégoriquement les DRM, comme incompatibles avec le sens même de nos missions http://labibapprivoisee.wordpress.com/2011/03/14/boudons-les-catalogues-des-gros-editeurs-bourres-de-drm/

  5. Bonjour,
    Merci beaucoup pour cet excellent billet. Il n’y a rien à ajouter sur les mécanismes pervers qui se sont instaurés sur le marché du ebook pour les collectivités. Il faut rappeler que dans la situation actuelle, des politiques éditoriales empêchent massivement les bibliothèques de fournir à leur lecteur d’accéder à un service de lecture d’ebook…

    Merci en particulier de tenir un discours ferme sur les DRM. J’apporterais peut-être une nuance, vu la réalité actuelle du marché et des négociations avec les éditeurs :
    – Il faut reconnaître qu’il y a DRM et DRM. Certaines sont proprement inacceptables, en particulier la DRM « Harper Collins » qui détruit le fichier après un certain nombre de consultations. Le livre n’est ni acheté, ni objet d’ un abonnement : que reste-il de l’idée de faire une collection ? Si cela se présentait en France, un boycott pur et simple serait la meilleure solution.
    – L’autre « cas » est le fournisseur qui accumule des mesures techniques au-delà du raisonnable. Le problème alors posé est celui de l’usage, cette complexification «décourageant» la lecture. L’actualité nous en donne un bon exemple : http://www.bibliobsession.net/2013/09/04/couperin-rejette-loffre-de-numilog-bonne-nouvelle/

    Au cours des discussions avec les fournisseurs, on se rend souvent compte que la possibilité ou non d’exclure des DRM dépend avant tout du secteur éditorial (c’est plus facile pour le secteur académique que pour la littérature grand public…). Une étude sérieuse du marché est donc indispensable, sur le modèle de ce qui a été fait aux Etats-Unis (http://www.digitalbookworld.com/2012/a-shocking-message-from-libraries/). Ce type d’action finira sans doute par détruire les fantasmes entretenues par le secteur de l’édition.

    Sans prétendre être un expert, je souhaiterais également soulever deux questions juridiques posée par votre billet :
    1- Sur l’épuisement des droits : il me semble que ce terme peut être entendu de différentes façons. Soit dans le sens de la first sales doctrine, comme vous le signalez (pas de droit de suite). Il me semble que cela est difficile à envisager pour le livre électronique : l’arrêt que vous citez corrèle sauf erreur au droit de revente l’obligation de destruction du fichier. Une autre piste consisterait dans une diminution progressive de la durée d’exploitation (modèle économique déjà en vigueur pour les revues – les embargos sur les revues) qui permettrait une ouverture graduelle dans le temps. Cela est-il une voie pour l’open access ?

    2- La question du droit de prêt numérique : peut-il échapper au droit européen ?
    Je suis entièrement d’accord avec vous : le « prêt numérique » veut désormais tout dire et rien dire.
    Il est quelque chose comme l’ « objet transitionnel » des éditeurs vis à vis des bibliothèques, censé limiter leur peur des bibliothèques. Il est certain que son application en France en loi de 2003, qui privilégie une ponction des budgets d’achat des bibliothèques, rend difficilement audible les avantages que pourrait avoir une gestion collective du prêt électronique.

    En dehors de ce « rôle » vis-à-vis de l’édition, il ne faut toutefois pas oublier que le droit de prêt concerne en priorité les auteurs. Pour l’instant, comme le rappelle l’enquête néerlandaise, le droit de prêt de livre est limité aux objets physiques.
    Cette analyse n’engage que moi, mais il me semble qu’une harmonisation des régimes légaux du livre électronique et du livre papier est inévitable : on conçoit mal qu’un auteur « papier » soit plus favorisé qu’un auteur « électronique ».
    Cette réflexion sur l’harmonisation de l’univers légal papier et électronique a été évoqué par la Commission dans son étude d’impact de la directive dès 2002 (http://eur lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2002:0502:FIN:EN:PDF).
    La définition légale du livre électronique en France (LPULN en particulier) tendrait à montrer que cette harmonisation est aussi en marche dans la commercialisation du livre ou sur le plan fiscal.

    Vous avez donc entièrement raison de souligner l’importance de l’ouverture de la directive de 2001. Les actions de l’Eblida et de l’IFLA permettront aux Bibliothèque de se faire entendre dans ces débats et de trouver peut-être des mécanismes de régulation satisfaisants, loin des horribles fichiers bardés de DRM…

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