Et si on libérait (vraiment) les licences libres de la propriété intellectuelle ?

Avertissement : Ce qui va suivre est hautement expérimental, et en partie spéculatif, mais l’idée me paraissait valoir la peine d’être développée.

Image par Christopher Dombres. CC0/Domaine public. Source : Flickr.

Cette semaine, on a appris qu’une cour de justice américaine avait reconnu la valeur contractuelle de la licence GNU-GPL, alors que celle-ci a déjà presque 30 années d’existence, et n’a pas attendu cette consécration jurisprudentielle pour produire des effets réels. Le site TechoLlama se réjouit de cette décision, dans la mesure où elle apporte de solides arguments au débat juridique sur la validité des licences libres :

Nous continuons, décision après décision, à avoir l’assurance que les licences Open Source sont bien valides ; non seulement cela, mais nous avons maintenant l’assurance qu’elles constituent bien des contrats au sens propre du terme. Il n’y a pas si longtemps, je devais encore me défendre lors d’une conférence contre les allégations d’avocats qui affirmaient que les licences de logiciels libres n’ont pas de valeur juridique.

C’est assurément une bonne nouvelle de voir le système juridique reconnaître le principe même des licences libres et l’admettre en son sein, car cela autorise notamment à aller en revendiquer l’application en justice lorsqu’elles ne sont pas respectées. C’est particulièrement important pour la clause de copyleft (Share Alike – Partage à l’Identique) que l’on retrouve dans la licence GNU-GPL, qui protège les logiciels libres des tentatives de réappropriation exclusive et garantit leur caractère de biens communs.

Il faut à cette occasion rappeler que les licences libres ne constituent pas des « alternatives » au droit d’auteur, contrairement à ce que l’on peut parfois entendre. Elles sont au contraire pour les titulaires d’un droit d’auteur une manière légitime d’exercer leurs prérogatives, étant entendu que le droit d’auteur constitue tout autant une faculté d’autoriser que d’interdire. Depuis 2006, le Code de Propriété Intellectuelle français, même s’il ne contient aucune allusion explicite aux licences libres, reconnaît de son côté la possibilité pour les auteurs de mettre gratuitement leurs oeuvres à la disposition du public :

L’auteur est libre de mettre ses oeuvres gratuitement à la disposition du public, sous réserve des droits des éventuels coauteurs et de ceux des tiers ainsi que dans le respect des conventions qu’il a conclues.

Tout ceci est fort bien et vaut tout autant pour la licence GNU-GPL que pour toutes les licences libres ou de libre diffusion, comme les Creative Commons, qui se sont appuyées sur le droit d’auteur pour trouver un fondement dans le système juridique général. C’est en cela que l’on compare souvent le geste initial de Richard Stallman à un « hack juridique » par lequel il est parvenu à renverser le copyright en copyleft, sans avoir pour cela à passer par une réforme législative. De la même manière, les Creative Commons ont été imaginés par le juriste Lawrence Lessig pour donner aux auteurs eux-mêmes la possibilité de faire fonctionner autrement le droit d’auteur, dans un contexte où il tendait à se verrouiller de plus en plus au niveau législatif (vote en 1998 du Mickey Mouse Act, notamment).

Les licences libres sont donc nées sous la forme d’une véritable « inception » du copyleft au sein même du droit d’auteur, en vertu d’une tactique qui s’apparente à celle du Cheval de Troie ou de la prise de judo (s’appuyer sur la force de l’adversaire pour le maîtriser). C’est finalement ce qui leur donne leur force, mais aussi paradoxalement, une certaine forme de fragilité, car ces instruments restent en réalité dépendants du système juridique auquel elles empruntent leur validité. La juriste Séverine Dusollier avait déjà pointé en 2006 cette contradiction dans un intéressant article intitulé « Les licences Creative Commons : les outils du maître à l’assaut de la maison du maître« . Le titre s’inspire d’une phrase prononcée lors d’un discours en 1979 par l’écrivaine féministe Audre Lordre :

Les outils du maître ne détruiront jamais la maison du maître.

La question se pose en effet à propos des licences libres, dans la mesure où elles ne représentent pas un instrument de contestation, en lui-même, du droit d’auteur. Cela ne constituerait en soi pas un problème, si le droit d’auteur n’avait pas fini par être subsumé par le système sous le concept juridique de « propriété intellectuelle« , autrement plus nocif et vilipendé d’ailleurs par Richard Stallman. C’est en effet une question philosophique majeure de savoir si l’on peut appliquer le concept même de propriété aux créations de l’esprit (oeuvres, inventions, marques, etc.) qui constituent des objets immatériels, par définition non-rivaux. Stallman considère que le concept de propriété intellectuelle n’est qu’un « séduisant mirage », rapprochant artificiellement les champs pourtant très différents de la propriété littéraire et artistique et de la propriété industrielle. A ce titre, il condamne radicalement le terme de « propriété intellectuelle », pure construction idéologique à ses yeux, au point de recommander de ne jamais l’employer :

toute opinion à propos de « la question de la propriété intellectuelle », et toute généralisation faite à propos de cette soi-disant catégorie, est presque sûrement absurde. Si vous pensez que toutes ces lois ne sont qu’un même sujet, vous aurez tendance à choisir vos opinions à partir d’une sélection de généralisations abusives, dont aucune n’a la moindre valeur.

[…] Si vous voulez réfléchir clairement aux problèmes soulevés par les brevets, les copyrights, les marques déposées ou diverses autres lois, la première étape est d’oublier l’idée de les mettre toutes dans le même sac, de les traiter comme des sujets séparés. La deuxième étape est de rejeter les perspectives étriquées et l’image simpliste véhiculées par l’expression « propriété intellectuelle ».

Le problème, c’est que si ce débat philosophique à propos de la propriété intellectuelle reste ouvert, il est déjà tranché depuis un bon moment par la jurisprudence qui, aussi bien au niveau français qu’européen, a explicitement raccroché le droit d’auteur, le droit des brevets et le droit des marques au fondement du droit de propriété. On vient d’ailleurs encore d’en avoir une nouvelle confirmation cette semaine avec une décision du Conseil Constitutionnel rendue à propos du statut des webradios dans laquelle il affirme que les droits des producteurs et des interprètes (droits voisins) constituent bien une forme de propriété. Donc même si l’on critique la pertinence du concept de « propriété intellectuelle » (ce qui est mon cas), on est aujourd’hui contraint de reconnaître que le droit positif lui a accordé une réalité. Ce qui fait par ricochet que les licences libres elle-mêmes ne sont désormais plus qu’une émanation indirecte de cette même propriété intellectuelle. Comme je le dis parfois, le droit se moque éperdument de ce que nous pensons de lui : il possède sa propre objectivité qui s’impose à nous et cela vaut (hélas) à présent pour l’existence du concept de propriété intellectuelle. Dura Lex, Sed Lex…

A titre personnel, c’est ce genre de considérations qui m’avaient fait adopter la licence CC0 (Creative Commons Zero) pour les écrits que je publie sur ce blog. Alors que j’avais commencé par utiliser la licence CC-BY, j’ai voulu en changer en 2013 parce que je me suis rendu compte que je ne voulais pas simplement « renverser » le droit d’auteur, mais en sortir complètement. J’avais alors appelé ce geste « Copy-Out » par opposition au « Copyleft » et le choix de la licence CC0 m’avait alors paru cohérent pour manifester mon intention de verser directement mes oeuvres dans le domaine public, sans laisser aucune trace de droit d’auteur :

Pour moi, l’intérêt principal, c’est de sortir en dehors du cadre du droit d’auteur. Avec les licences libres, on passe de la logique du copyright à celle du copyleft, mais on reste encore dans le système du droit d’auteur. Les licences libres ne sont pas une négation du droit d’auteur, mais une autre manière de le faire fonctionner. Avec la licence CC0, on n’est plus dans le copyright, ni même dans le copyleft, mais littéralement dans le copy-out. On décide sciemment que son œuvre n’est plus saisie par le droit d’auteur et ne doit plus être comprise à travers ce filtre. Je ne prétends pas que cette voie doive être suivie par tous les auteurs. Mais au stade où j’en suis, c’est cohérent avec ma démarche.

Sauf qu’en réalité, la licence CC0 ne permet pas réellement d’accomplir cette volonté, car le système juridique (français) ne reconnaît, sans doute, pas aux auteurs la possibilité de renoncer valablement à leur droit moral. Mais plus profondément, la CC0, en dépit de son caractère radical, reste encore une licence de droit d’auteur, qui ne permet à l’auteur d’en sortir qu’en y renonçant (ce qui suppose donc d’abord d’y être entré…). On reste finalement dans la même logique « d’utiliser les outils du maître pour détruire la maison du maître« , d’où d’ailleurs les limites rencontrées à propos du renoncement au droit moral.

Or il arrivera peut-être un moment où « rester dans la maison du maître » risque de devenir dangereux, voir intenable, pour les licences libres. On voit en effet de plus en plus d’évolutions législatives aberrantes qui tendent à « écraser » les licences libres, en « forçant » les auteurs à maintenir leurs oeuvres dans le système classique contre leur volonté. C’est ce qui se passe par exemple en matière de sonorisation des lieux ouverts au public, qui sont soumis à une redevance perçue par la SPRE, même en ce qui concerne les oeuvres sous licence libre pour lesquelles les auteurs ont pourtant autorisé l’usage gratuit. Le risque existe aussi à présent en matière de photographies, suite au vote l’an dernier de la « taxe Google Images » qui pourrait forcer l’entrée en gestion collective des photos sous licence libre pour contraindre les moteurs de recherche à payer pour leur usage. Et des menaces plus redoutables encore se profilent à l’horizon, avec la discussion qui a lieu en ce moment au niveau du Parlement européen autour un « droit inaliénable à la rémunération » susceptible de provoquer un véritable désastre pour la Culture libre.

La question n’est donc pas simplement philosophique, car elle touche en réalité aux limites de la stratégie du « Cheval de Troie » qui a été employée jusqu’à présent par les fondateurs des licences libres. Si le système réagit en secrétant des « anticorps juridiques » neutralisant la portée effective des licences libres en prenant le pas sur la volonté des auteurs, alors la « maison du maître » finira par l’emporter et le hack juridique initial de Stallman sera devenu inutile. C’est pourquoi il importe à mon sens aujourd’hui de réfléchir à la façon d’aller plus loin, en coupant une bonne fois pour toutes le cordon ombilical qui raccroche les licences libres à la propriété intellectuelle.

Jusqu’à une date récente, je pensais qu’une telle entreprise était vouée à l’échec, car je ne voyais pas comment trouver un autre fondement juridique auquel raccrocher les licences libres. Mais une proposition récente de licence Open Source applicable aux semences a montré qu’en réalité, on pouvait raisonner outside the box (voir le billet que j’ai écrit à ce sujet sur S.I.Lex). Le domaine des semences soulève des questions particulières, dans la mesure où le droit d’auteur n’est pas applicable à ce type d’objets, qui ne sont pas considérées comme des « oeuvres de l’esprit ». Les droits que l’on peut revendiquer sur des semences relèvent de la propriété industrielle (Certificats d’Obtention Végétale, brevets) et le dispositif est conçu de telle sorte qu’il est devenu très difficile pour les personnes qui voudraient mettre en partage des semences d’obtenir de tels titres de propriété. Le système s’est donc « protégé » en amont du hack que pourrait constituer le Copyleft appliqué aux semences, en le rendant quasiment « inconstructible » tant qu’on reste sur le terrain des droits de propriété intellectuelle. Mais les initiateurs du projet Open Source Seeds ont essayé de trouver une parade en se raccrochant à une convention internationale – le Protocole de Nagoya – qui reconnaît des droits sur les ressources génétiques au bénéfice de populations sans les relier au concept de propriété intellectuelle :

Le Protocole permet au détenteur souverain des droits sur une ressource génétique de définir les conditions de son utilisation à travers un accord préalable et sur la base de clauses définies par contrat. La perpétuation de ces règles est garantie par la documentation obligatoire accompagnant l’usage de ces ressources. En Europe de l’Ouest, le détenteur souverain des droits est généralement le détenteur de la ressource elle-même. Celui-ci est tout d’abord le sélectionneur à l’issue du processus de sélection végétale. A travers la possibilité ouverte par le Protocole de Nagoya qui permet au détenteur des droits sur la ressource génétique de définir ses conditions d’usage, la Licence Semence Libre peut être mise en œuvre. En cela, le protocole de Nagoya est un puissant levier dans la mise en place de la licence.

Si, en pratique, il n’est pas certain que cette nouvelle licence règle à elle seule tous les problèmes auxquels se heurtent les promoteurs des semences libres, elle repose néanmoins sur une intuition géniale et c’est la première fois, en tous cas, qu’une licence libre ne cherche plus à trouver appui sur la propriété intellectuelle.

On peut à présent se poser la question de savoir si la démarche est susceptible d’être élargie à d’autres objets que les semences, et notamment aux oeuvres de l’esprit relevant du champ du droit d’auteur. Si l’on adopte la même tactique, il faut se demander s’il existe des textes internationaux auxquels se raccrocher, susceptibles de conférer des droits sur des créations culturelles, indépendants de la propriété intellectuelle ? Or la réponse est oui : plusieurs traités internationaux, et notamment la Convention de l’UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, ont en effet consacré la notion de « droits culturels », qui pourrait être ici utilement mobilisée.

On trouve en effet dans le texte de l’UNESCO, vierge de toute allusion à la propriété intellectuelle, plusieurs passages intéressants :

[…] la diversité des expressions culturelles, y compris des expressions culturelles traditionnelles, est un facteur important qui permet aux individus et aux peuples d’exprimer et de partager avec d’autres leurs idées et leurs valeurs.

[…] Dans le cadre de ses politiques et mesures culturelles […], chaque Partie peut adopter des mesures destinées à protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles sur son territoire.

Ces mesures peuvent inclure :

[…] les mesures qui visent à encourager les organismes à but non lucratif, ainsi que les institutions publiques et privées, les artistes et les autres professionnels de la culture, à développer et promouvoir le libre échange et la libre circulation des idées et des expressions culturelles ainsi que des activités, biens et services culturels, et à stimuler la création et l’esprit d’entreprise dans leurs activités.

Le dernier paragraphe me paraît très pertinent, car on pourrait l’utiliser pour créer une licence libre assise sur les droits culturels, et non sur la propriété intellectuelle, destinée à promouvoir « le libre échange et la libre circulation des idées et des expressions culturelles« . D’après la convention, un État a manifestement la faculté de mettre en place un tel instrument dans le but de favoriser la diversité culturelle. D’autres textes peuvent également être cités, qui sont venus préciser le contenu des droits culturels, comme la déclaration de Fribourg adoptée en 2007. Elle compte parmi les droits culturels celui d’accès et de participation à la vie culturelle impliquant :

la liberté de développer et de partager des connaissances, des expressions culturelles, de conduire des recherches et de participer aux différentes formes de création ainsi qu’à leurs bienfaits.

Rappelons aussi que les droits culturels ont aussi connu une première reconnaissance en France avec l’article 28 de la loi NOTRe et l’article 3 de la loi sur la liberté de création :

L’État, à travers ses services centraux et déconcentrés, les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que leurs établissements publics définissent et mettent en œuvre, dans le respect des droits culturels énoncés par la convention de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 2005, une politique de service public construite en concertation avec les acteurs de la création artistique.

Les débats restent vifs et complexes pour savoir quelle est la portée exacte de cette insertion des droits culturels dans la loi française, mais pourquoi ne pas considérer que l’État serait tenu à ce titre de reconnaître la validité d’une licence libre assise sur les droits culturels et non sur la propriété intellectuelle ? L’entreprise me paraît dans tous les cas valoir la peine d’être tentée.

Cela nous permettrait de disposer, non plus seulement de licences libres, mais de licences vraiment « libérées » pour reconstruire autour des droits culturels sa propre maison à la Culture libre.


20 réflexions sur “Et si on libérait (vraiment) les licences libres de la propriété intellectuelle ?

  1. Bonjour, Cloem créée et peut publier des milliards de variations de textes de brevet: c’est aussi un hack du droit des brevets. Cordialement

    1. Bonjour,

      Visiblement, Jamendo a porté l’affaire en appel. Ils s’étaient vu fermer la porte du conseil constitutionnel, mais ils auront peut-être plus de chances ensuite. Il faut l’espérer, mais j’ai l’impression que le problème réside dans le cadre législatif lui-même et je ne suis pas certain que les juges puissent à présent faire bouger les choses, mais nous verrons bien.

  2. Votre article suggère qu’en plaçant la « propriété intellectuelle » sur le terrain du « droit naturel », la « loi » garantirait une réelle liberté à ceux qui veulent s’affranchir de toute contrepartie financière sur leurs œuvres.
    C’est pertinent.
    Mais il me semble qu’il y a une contradiction dans la démarche.
    Celle qui consiste à demander les clés au gardien de la prison pour avoir la permission d’être libre.
    Ça ne fait qu’accréditer le rôle du gardien.
    Même si vous soulignez à juste titre que « Les outils du maître ne détruiront jamais la maison du maître ».
    Avec raison, vous questionnez le sens des mots et les notions qu’ils véhiculent à travers la manière dont la « loi » les formule.
    Et c’est là à mon sens qu’il y a un profond malentendu quand on emploi le mot « loi ».
    Dans le domaine scientifique on distingue la « loi » de la « règle ».
    La « loi » est un système naturel – Gravité, harmonie sonore, propagation de la lumière …
    Alors que la « règle » est un système artificiel – Façonné et déterminé par les humains.
    C’est là que le bât blesse.
    Car le terme de « loi » dans la vie sociale fait passer pour « naturel » quelque chose qui ne l’est pas.
    Il en sous-tend l’idée, et ce mot n’a sans doute pas été choisi au hasard.
    C’est pourquoi introduire du « naturel » dans des règles qui passent pour des « lois » me parait relever d’un oxymore.
    Ne croyez pas que je néglige votre démarche et votre réflexion.
    Seulement quand la « loi » décide que le « gratuit » génère désormais en dehors des vrais auteurs des revenus pour les majestés affiliées aux sociétés de gestions collectives,
    là on nage dans une partouze d’oxymores. (goog images & co)
    Les « lois » naissent de faits qu’elles se soucient d’encadrer.
    Et dans ce domaine, quand la « loi » permet cet état de fait,
    je ne me situe plus dans un « État de droits »,
    mais dans un « État de faits » qui se passe du légal.
    Non qu’il faille éliminer tout cadre légal.
    Mais il y a un « légal » légitime
    et un autre qui ne l’est pas.
    De là, il me semble pertinent de commencer par créer un autre espace qui ne soit pas propice à faire fleurir les dérives dont vous parlez chaque semaine.
    À commencer par éliminer le mot « Biens » qui réfère encore au Capital même s’il s’applique aux « Communs ».
    Idée soutenue par Antoinette Rouvroy et à laquelle je souscris.
    J’espère que vous pardonnerez la position radicale de mes propos.
    Mais je crois que nous n’en sommes plus à tenter de vivre avec un système qui est déjà mort.
    Juste adoucir la transition avant qu’elle ne devienne « intestinale ».
    Amicalement

  3. Dans la foulée, j’ai oublié de signer le billet d’humeur ci-dessus –
    Voilà qui est fait.

    Amicalement
    Fabienne GUEDY

  4. Salut,

    Je travaille sur ZeMarmot (https://film.zemarmot.net/), le film d’animation Libre en CC by-sa. On s’est déjà croisé à des évènements, mais je ne pense pas qu’on ait jamais discuté.

    C’est un sujet très intéressant. Il est en effet toujours compliqué d’expliquer que l’on n’est pas d’accord avec le droit d’auteur (même s’il partait d’une bonne intention probablement: rémunérer les auteurs; ce n’est pas du tout comme cela qu’il est utilisé de nos jours; c’est devenu un mirage), surtout quand des libristes vous rétorquent que les licences libres sont basées sur le droit d’auteur/copyright et donc que forcément ça veut dire que c’est bien. Or on les utilise uniquement en dépit, comme un « hack » de la loi, voire un « cheval de troie » ainsi que vous l’appelez. Or malheureusement les exemples que vous citez ont été des coups durs et me faisaient peur. Personnellement je ne croyais plus qu’on pourrait jamais s’affranchir du droit d’auteur ou pire de la « propriété intellectuelle » (même si cela restait un rêve d’espoir, voire un but), je m’étais presque résigné. Mes espoirs résidaient plutôt dans ce que les bases de ces derniers puissent changer si un jour tout le monde utilisait les licences libres (c’est la raison pour laquelle on utilise CC by-sa, car pour moi il s’agit de l’étape transitoire nécessaire, alors que CC-0 est plus une conclusion).

    Mais ton article me donne espoir. Si tu souhaites travailler sur le sujet, je serais intéressé par participer, et notamment pour peut-être appliquer la licence, fruit d’un tel travail, à notre film. Cela pourrait permettre d’avoir une visibilité réelle à ce projet de licence en l’appliquant immédiatement à un projet un peu important.
    En tous cas, je suis au moins intéressé pour discuter du sujet, puisque notre association (LILA) traite de l’Art Libre.
    Cordialement,

    Jehan

    1. > Il est en effet toujours compliqué d’expliquer que l’on n’est pas d’accord avec le droit d’auteur

      Le compliqué est quand on dit ne pas être d’accord avec le droit d’auteur mais qu’on veut le garder car ça sert vachement quand même : en effet, ZeMarmot n’est pas en CC-BY (qui est plus une demande de nommer que de garder des droits pour soit, personnellement je met le BY un peu à part mais ça se débat) mais en CC-BY-SA (qui interdit donc à celui qui reçoit certains droits comme celui de redistribuer dans une autre licence)

      > (c’est la raison pour laquelle on utilise CC by-sa, car pour moi il s’agit de l’étape transitoire nécessaire, alors que CC-0 est plus une conclusion)

      la CC-BY-SA est une licence transitoire (comme CC-BY-NC-SA) vers CC0, oui, mais uniquement pour ceux qui ont du mal à être convaincus à laisser des libertés aux autres, et qui y vont à petit pas.
      Pour les gens pour qui la CC0 est la conclusion, ils peuvent dès maintenant utiliser cette licence et abandonner les droits d’auteur au maximum, aucune raison d’attendre.

      Il y a donc incohérence entre « on dit ne pas être d’accord avec le droit d’auteur » mais avoir du mal à l’assumer en montrant vraiment qu’on n’est pas d’accord (= il faut dès maintenant mettre ZeMarmot en CC0), sinon on montre qu’on souhaite avoir un droit d’auteur et décider de ce qu’on laisse comme droits aux gens.

      Bref, déjà la première chose à faire est de passer ZeMarmot en CC0 (ou au pire CC-BY, qui ne change pas grand chose en pratique car on ne peu abandonner le BY facilement en France), pour annoncer publiquement et factuellement (pas que des paroles) qu’on est contre le droit d’auteur. En attendant, vous êtes plutôt publiquement pour car vous vous gardez des droits alors que vous pouvez décider de ne pas vous en garder sous le coude ;-)

      1. Je ne ferai qu’une seule réponse à ce message, car ça peut rapidement partir en troll. :-)

        Donc non, il n’y a pas incohérence. C’est justement plus le « SA » (donc la partie copyleft) qui m’intéresse dans le CC by-sa que le « BY ». Il ne s’agit pas de garder des droits « pour nous » mais de tenter de répandre une liberté en restreignant la licence des dérivés (pour « nous », ça ne change pas grand chose; pire même, ça risque de limiter les réutilisations, donc la notoriété potentielle, un des arguments majeurs des gens en faveur des licences BSDs; mais ce choix est fait en connaissance de cause car je veux m’assurer que chaque dérivé, chaque copie, arrive dans les mains/yeux/oreille des gens comme une œuvre libérée). En gros, on est dans la discussion GPL version BSD « all over again » (et justement de même que je mets mes œuvres en CC by-sa, je mets mon code en GPL par défaut). Si cette discussion pouvait être balayée d’un revers de la main en « c’est incohérent », il n’y aurait pas ces longues discussions de dizaines de pages sur divers sites entre les bien-fondés de GPL et BSD, comme ici entre CC by-sa et CC-0/by (raisons pour laquelle je vais aussi arrêter mes réponses sur ce sujet précis avec cet unique message).

        Donc non, aucune incohérence. Je crois profondément en l’Art Libre et au Logiciel Libre; et oui je suis un « GPListe », on va dire. À la fin, je veux un monde où tout pourrait être en CC by/0 et BSD, voire même sans licence (dans un monde hypothétique où le sans-licence ne signifie plus « aucun droit à personne sauf à l’auteur » par défaut comme dans notre société de droits d’auteurs actuelle; mais bien « faites vous plaisir ») et j’estime pour cela que le copyleft est un chemin nécessaire. C’est une discussion vieille comme le logiciel libre et on va pas la refaire ici.

        1. > En gros, on est dans la discussion GPL version BSD « all over again »

          tout à fait. Mais voila, il faut assumer ses idées : si on ne veut PAS tuer le droit d’auteur, il ne faut pas dire qu’on veut le tuer.
          Tu veux du « SA » / « GPL »? Soit, mais il faut assumer que tu veux poser des contraintes à celui qui reçoit, exactement comme Apple ou Microsoft ou U2, et ne pas dire que tu n’aime pas avoir un outil qui empêche les autres de faire ce qu’ils veulent.

          > Si cette discussion pouvait être balayée d’un revers de la main en « c’est incohérent », il n’y aurait pas ces longues discussions de dizaines de pages sur divers sites entre les bien-fondés de GPL et BSD

          C’est hors sujet : les gens GPL veulent des contraintes « pour le bien » et c’est ça qui est est débattu.
          Pas le refus des outils pour imposer.

          > Donc non, aucune incohérence. Je crois profondément en l’Art Libre et au Logiciel Libre; et oui je suis un « GPListe »,

          A partir du moment où tu ne veux pas lâcher le contrôle sur ton oeuvre, tu ne peux pas dire que tu ne veux pas du droit d’auteur, car c’est exactement le seul outil possible pour arriver à tes fins.
          Il faut assumer : es-tu prêt à laisser ton oeuvre aux autre, ou veux-tu garder des droits? Si tu veux garder des droits (par exemple interdiction de « fermer » un oeuvre), tu es demandeur du droit d’auteur, c’est incohérent de demander la mort du droit d’auteur et sa protection en même temps.

          > C’est une discussion vieille comme le logiciel libre et on va pas la refaire ici.

          Tu amènes un sujet hors sujet, celui de savoir si garder des droits pour toi est un mal nécessaire ou pas.
          Ce n’est pas le sujet : je te dis juste que c’est incohérent de vouloir garder des droits (que seul le droit d’auteur te permet de faire) et vouloir sa mort.
          Je ne dis pas que être copyleftiste est mal, je dis juste qu’il faut assumer vouloir mettre des contraintes à ceux qui reçoivent ton oeuvre (et donc vouloir le droit d’auteur, au contraire, et donc arrêter de dire « je ne suis pas d’accord avec le droit d’auteur » alors que tu ne veux surtout pas le lâcher, afin d’avoir la liberté de mettre des contraintes à celui qui reçoit ton oeuvre)

          1. Je me permets juste un petit commentaire pour signaler qu’il existe une position intermédiaire à ces deux « extrêmes », et c’est celle que j’adopte : je ne suis pas contre le droit d’auteur, je ne souhaite pas sa mort, mais je suis contre le fait qu’il soit imposé à des gens qui n’en veulent pas. Et plus encore que d’y renoncer, les auteurs doivent avoir la liberté de choisir s’ils veulent ou non entrer sous le régime du droit d’auteur, comme le suggère très justement cet article.
            Ainsi, le droit d’auteur n’a, à mon sens, pas besoin d’être détruit. Dès lors qu’il ne serait plus qu’une option, il me semble logique que ses dérives actuelles seraient vouées à disparaître.

          2. > tout à fait. Mais voila, il faut assumer ses idées : si on ne veut PAS tuer le droit d’auteur, il ne faut pas dire qu’on veut le tuer.
            > Tu veux du « SA » / « GPL »? Soit, mais il faut assumer que tu veux poser des contraintes à celui qui reçoit, exactement comme Apple ou Microsoft ou U2, et ne pas dire que tu n’aime pas avoir un outil qui empêche les autres de faire ce qu’ils veulent.

            Eh bien non… Dans la mesure ou le droit d’auteur est imposé, on choisit de l’appliquer d’une manière a limiter son impact au maximum : le copyleft. Cela garantit que mon travail ne peux pas être repris et être réintégré dans le droit d’auteur classique, il restera copyleft. La licence est un hack qui utilise les mêmes mécanismes légaux que Apple ou Microsoft mais leur but est de casser le droit d’auteur transitivement.

            Si demain mon travail peut être déclaré comme expression culturelle, par exemple, et qu’il devient automatiquement impossible de se l’approprier derrière avec du droit d’auteur, pas de problème.

            Si il reste possible de se l’approprier, alors pourquoi ne pas envisager deux modes de « licences » ? Si le travail est partagé comme expression culturelle, alors on offre toutes les libertés de cette manière, et si quelqu’un veut de l’approprier avec le droit d’auteur, il aura une licence copyleft a respecter.

    2. Bonjour,

      Merci de ton intérêt pour le sujet et pour ces propositions. Il y a plusieurs personnes qui se sont manifestées, suite à la publication de ce billet, pour dire qu’elles étaient intéressées pour travailler sur une licence basée sur les droits culturels.

      Je vais voir s’il y a moyen de lancer quelque chose et je garderai ton contact.

  5. Très intéressant article. Comme Peha et Jehan, je suis intéressé par ce travail autour d’une licence qui sortirait de la propriété intellectuelle, et suis prêt à y participer si quelque chose se met en place. Je partage l’analyse de Jehan et ai adopté la même démarche jusqu’à présent.

    1. Comme Yann, Jehan & co, je suis intéressé aussi et je suivrai de près ou de loin les évolutions de réflexion s’il y en a.

      J’avoue trouver l’idée intéressante de par son côté expérimental, mais aussi par son côté anticipation (car je rejoins Calimaq sur le fait que, tôt ou tard, le « hack » du copyleft va *vraiment* emmerder les promoteurs de la propriété intellectuelle, et qu’ils ne laisseront pas faire sans réagir… par le droit).

      Par contre, je trouve la piste encore un peu fraîche, voir naïve : « mais pourquoi ne pas considérer que l’État serait tenu à ce titre de reconnaître la validité d’une licence libre assise sur les droits culturels et non sur la propriété intellectuelle ? ».
      Justement parce que l’État (ou plutôt une majorité de députés & sénateurs) ne se diront pas juste « Oh zut, on ne l’avait pas vu venir. Bon, ben, tant pis. On a perdu. Ils ont gagné. On retourne à notre refonte du code du travail. »
      Faire passer un amendement pour modifier la loi NOTRe ne leur prendra pas 6 mois.

      Bref, je crois dans le pouvoir du droit, mais je crois qu’il est aujourd’hui inférieur au pouvoir de l’argent (évidemment, c’est un constat subjectif que je fais, pas une validation).

      C’est un peu comme quand la CNIL se félicite du fait de pouvoir sanctionner les abus des GAFAM (et autres) jusqu’à 4% du C.A. ou que l’UE condamne Google a une amende de 2,42 milliards
      Dans les 2 cas, je me permet d’être *extrêmement* sceptique : les enjeux financiers sont évidemment gigantesques, mais les enjeux politiques le sont encore plus (rappelons que Zuckerberg a de bonnes chances d’être le futur président américain).
      Je parie donc une bière (libre, bien entendu) que Google ne paiera pas cette amende, ni les 5% d’intérêts.

      Si je rappelle ce contexte, c’est parce que l’idée proposée (que je kiffe, je le rappelle), va bien devoir le prendre en compte : nous vivons dans une économie totalement mondialisée, et l’intérêt de cette économie est aussi, autant que possible, de normaliser le droit. S’imaginer une « exception culturelle » française durable dans le temps me parait au mieux naîf, au pire aveugle.

      « Et alors, on fait quoi ? » Honnêtement, je n’en sais trop rien. Le point principal de ce commentaire était juste de pointer le fait qu’une telle idée ne serait réellement valable sur le long terme *que* si elle prenait en compte la situation mondiale, et notamment l’évolution d’une situation mondiale ou le droit se voit « grignoter » peu à peu par l’économie (avec l’aval d’un executif convaincu … de son bon droit :p). Et que cette économie est de plus en plus tirée par des entreprises du numériques qui à la fois souhaitent des licences libres (qui font baisser leurs coûts de R&D entre autres), et à la fois ont basé leur modèle économique sur le fait de jouer les intermédiaires entre des annonceurs (qui veulent vendre qqchose) et des clients/internautes (qui, soumis à la pression publicitaire/marketing, vont « choisir » d’acheter ce quelque chose). Dans ce cadre, promouvoir la création « d’œuvres culturellement libres » risquent vite de leur poser un problème en impactant leur business model.

      (désolé, c’était brouillon, mais post-apéro ;) )

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