La directive Copyright n’est pas une défaite pour l’Internet Libre et Ouvert !

Qu’est-ce qu’une victoire et qu’est-ce qu’une défaite ?  En un peu plus de 10 ans de militantisme pour les libertés dans l’environnement numérique, j’ai souvent eu l’occasion  de me poser cette question. Et elle surgit à nouveau de la plus cruelle des manières, suite au vote du Parlement européen en faveur de la directive sur le Copyright, alors même que le précédent scrutin en juillet avait fait naître l’espoir d’une issue différente.

438 voix pour la directive Copyright contre 226 voix contre et 39 abstentions : la défaite semble sans appel. Et pourtant…

L’expérience m’a cependant appris que rien n’est plus trompeur que les votes parlementaires pour apprécier si l’on a « gagné » ou « perdu ». En 2012, lorsque le Parlement européen avait rejeté l’accord anti-contrefaçon ACTA, nous pensions avoir remporté une victoire historique qui changerait le cours des choses. Et nous avons ensuite sincèrement œuvré en ce sens, pensant que ce serait le premier acte d’une réforme positive du droit d’auteur. Mais le recul nous montre qu’il s’agissait en réalité d’une simple séquence au sein d’un ensemble plus vaste, qui a progressivement conduit au revers de cette semaine.

Les votes dans les assemblées nous abusent telles des illusions d’optique, parce qu’ils ressemblent à ce que les spécialistes de stratégie appellent des « batailles décisives ». Pendant des siècles, les généraux ont cherché à obtenir cet ultime Graal de l’art militaire : un unique affrontement ayant la faculté de mettre fin à la guerre en désignant sans ambiguïté un gagnant et un perdant. Mais les historiens ont montré que la bataille décisive constituait aussi un mythe dangereux, dont la poursuite pouvait devenir la cause même de la défaite. En 1941, au début de l’opération Barbarossa, l’armée nazie remporte ainsi sur les soviétiques une série de victoires comptant parmi les plus spectaculaires de toute l’histoire. Mais ces succès ne l’empêchèrent pas ensuite de connaître un échec cuisant devant Moscou, qui marquera le point de départ d’un lent déclin les conduisant à une déroute totale en 1945. Or une des grandes différences entre l’Armée allemande et l’Armée rouge durant la Seconde Guerre mondiale, c’est que la seconde avait compris qu’il lui fallait arrêter de chercher à remporter une bataille décisive pour espérer gagner la guerre, tandis que les nazis se sont accrochés jusqu’au bout à ce mythe qui a fini par les perdre.

L’opération Barbarossa, une série de victoires insolentes se renversant un une des plus grandes débâcles de l’histoire…

Or il y a un parallèle à faire entre cette histoire et celle de la lutte pour les libertés numériques. Trop souvent, nous avons concentré nos énergies sur des combats législatifs, hypnotisés par l’idée que le décompte des voix conduirait à une sorte « d’ordalie démocratique ». Cela nous a donné plusieurs fois l’illusion d’avoir remporté quelque chose, comme au moment du rejet de l’ACTA, alors que les racines du problème restaient intactes. Mais heureusement en sens inverse, si la victoire n’est jamais acquise en cas de succès législatif, il en est de même pour la défaite. Et rien ne serait plus faux que de penser que le vote de cette semaine sur la directive Copyright constitue la fin de l’histoire, sous prétexte que nous aurions encaissé là une défaite décisive !

Nous avons pas « perdu Internet » !

Certes les articles 11 et 13 du texte, qui instaurent une obligation de filtrage automatisé des plateformes et une taxe sur les liens hypertextes au profit des éditeurs de presse, représentent des monstruosités contre lesquelles il était nécessaire de lutter. Mais il convient à présent d’apprécier exactement la portée de ces mesures, pour réadapter très rapidement notre stratégie en conséquence à partir d’une appréhension claire de la situation. Or cette « vision stratégique d’ensemble » est à mon sens précisément ce qui a manqué tout au long de cette campagne dans le camp des défenseurs des libertés numériques et il est inquiétant de constater que ces erreurs de jugement n’ont pas disparu maintenant que l’heure est venue d’analyser les conséquences du scrutin.

On a pu voir par exemple cette semaine l’eurodéputée du Parti Pirate Julia Reda expliquer sur son blog que ce vote constituait un « coup dur porté à l’internet libre et ouvert » (Today’s decision is a severe blow to the free and open internet). De son côté, Cory Doctorow a écrit un article sur le site de l’EFF, où il affirme que « l’Europe a perdu Internet » (Today, Europe lost the Internet). Sur Next INpact, Marc Rees déplore dans la même veine « une mise au pilori du Web tel que nous le connaissons, un affront à la liberté d’expression. » Ces appréciations font écho au mot d’ordre qui fut celui des défenseurs des libertés en campagne contre les articles 11 et 13 de la Directive : Save Your Internet (Sauvez votre Internet).

« Save Your Internet », peut-être le pire slogan que l’on pouvait choisir pour lutter contre cette directive…

Or lorsqu’on lit attentivement ces articles, tels qu’amendés par le vote des eurodéputés, on se rend compte qu’ils ne visent pas pas « l’Internet » ou « le Web » tout entier, mais seulement une catégorie d’acteurs déterminés, à savoir les plateformes centralisées à but lucratif. Ce n’est donc pas « l’Internet libre et ouvert » qui va être frappé par cette directive, mais plutôt exactement ce qui représente son antithèse ! A savoir cette couche d’intermédiaires profondément toxiques qui ont dénaturé au fil du temps les principes sur lesquels Internet et le Web s’appuyaient à l’origine pour nous faire basculer dans la « plateformisation ». Pour se convaincre que ces acteurs n’ont absolument plus rien à voir avec un Internet « libre et ouvert », il est bon de relire ce que Tim Berners-Lee, l’inventeur du web, en disait au mois d’août dernier :

Nous avons démontré que le Web avait échoué au lieu de servir l’humanité, comme il était censé le faire, et qu’il avait échoué en de nombreux endroits. La centralisation croissante du Web, dit-il, a fini par produire – sans volonté délibérée de ceux qui l’ont conçu – un phénomène émergent à grande échelle qui est anti-humain.

Or le grand mensonge sur lesquels s’appuient les GAFAM – principaux responsables de cette centralisation -, c’est de chercher à faire croire qu’ils représentent à eux-seuls l’Internet tout entier, comme si rien ne pouvait plus exister en dehors de leur emprise. En ce sens quand j’entends Cory Doctorow dire que nous « avons perdu Internet » à cause de mesures ciblant les acteurs centralisés lucratifs, je ne peux que frémir. Avec tout le respect que je peux avoir pour ce grand monsieur, ses propos paraissent avoir incorporé la prétention des GAFAM à recouvrir le web et c’est particulièrement grave. Car c’est précisément cela qui constituerait la défaite finale des défenseurs des libertés : se résigner à cet état de fait et ne pas agir sur les marges dont nous disposons encore pour briser cette hégémonie. 

Voilà pourquoi il faut aujourd’hui l’affirmer avec force : non, la directive Copyright n’est donc pas une défaite pour l’Internet Libre et Ouvert ! C’est notre vision même du sens de la lutte qu’il faut aujourd’hui urgemment reconfigurer, pour sortir de l’ornière au fond de laquelle nous sommes en train de nous enfermer et qui ne peut nous conduire qu’à de nouvelles défaites plus cuisantes encore que celle-ci. 

Sortir d’une conception « formelle » de la liberté d’expression

Sur Next INpact, Marc Rees identifie avec raison le changement le plus profond que ce texte va amener : il remet en question la distinction classique entre hébergeurs et éditeurs, issue de la directive eCommerce de 2000. Jusqu’à présent, les hébergeurs bénéficiaient d’une responsabilité atténuée vis-à-vis des actes commis par leurs utilisateurs. Au lieu de cela, la directive Copyright introduit une nouvelle catégorie d’intermédiaires dits « actifs » qui devront assumer la responsabilité des contenus qu’ils diffusent, même s’ils ne sont pas directement à l’origine de leur mise en ligne. Mais il est important de regarder quels critères la directive utilise pour identifier ce nouveau type d’acteurs :

La définition du prestataire de services de partage de contenus en ligne doit, au sens de la présente directive, englober les prestataires de services de la société de l’information dont l’un des objectifs principaux consiste à stocker, à mettre à la disposition du public ou à diffuser un nombre appréciable de contenus protégés par le droit d’auteur chargés ou rendus publics par leurs utilisateurs, et qui optimisent les contenus et font la promotion dans un but lucratif des œuvres et autres objets chargés, notamment en les affichant, en les affectant de balises, en assurant leur conservation et en les séquençant, indépendamment des moyens utilisés à cette fin, et jouent donc un rôle actif. 

On voit que le « rôle actif » se déduit de trois éléments : la taille de l’acteur, son but lucratif et la hiérarchisation automatisée de contenus. Ce sont donc bien des plateformes centralisées lucratives, type Facebook ou YouTube, qui devront assumer cette nouvelle responsabilité. Pour y échapper, elles devront conclure des accords de licence pour rémunérer les ayant droits et, à défaut, déployer un filtrage automatisé des contenus a priori. En pratique, elles seront certainement toujours obligées de mettre en place un filtrage, car il est quasiment impossible d’obtenir une licence capable de couvrir l’intégralité des œuvres pouvant être postées. 

Nous avons combattu en lui-même le filtrage automatique, car c’était une mesure profondément injuste et disproportionnée. Mais une question mérite d’être posée : au nom de quoi les défenseurs d’un « Internet Libre et Ouvert » devraient-ils s’émouvoir de ce que les plateformes centralisées et lucratives perdent le bénéfice de la quasi-immunité dont elles bénéficiaient jusqu’à présent ? La directive a par ailleurs pris le soin de préciser que les « prestataires sans finalité commerciale, comme les encyclopédies en ligne de type Wikipedia » ainsi que les « plateformes de développement de logiciels Open Source » seraient exclus du champ d’application de l’article 13, ce qui donne des garanties contre d’éventuels dommages collatéraux.

Marc Rees nous explique que cette évolution est dangereuse, parce que l’équilibre fixé par la directive eCommerce constituerait le « socle fondamental du respect de la liberté d’expression » sur Internet. Mais cette vision me paraît relever d’une conception purement « formelle » de la liberté d’expression. Peut-on encore dire que ce qui se passe sur Facebook ou YouTube relève de l’exercice de la liberté d’expression, alors que ces acteurs soumettent leurs utilisateurs à l’emprise d’une gouvernance algorithmique de plus en plus insupportable, que cible précisément la notion de « rôle actif » ? 

Il est peut-être temps de tirer réellement les conséquences de la célèbre maxime « Code Is Law » de Lawrence Lessig : le droit n’est qu’une sorte de voile dans l’environnement numérique, car c’est le soubassement technique sur lequel s’appuie les usages qui conditionne réellement l’exercice des libertés. Quoi que dise la directive eCommerce, il n’y a quasiment plus rien qui relève de l’exercice de la liberté d’expression sur les plateformes centralisées lucratives, sinon une grotesque parodie qui salit le nom même de la liberté et nous en fait peu à peu perdre jusqu’au sens ! 

En le lisant « en creux », l’article 13 dessine au contraire l’espace sur Internet où la liberté d’expression peut encore réellement s’exercer : le réseau des sites personnels, celui des hébergeurs ne jouant pas un rôle actif et – plus important encore – les nouveaux services s’appuyant sur une fédération de serveurs, comme Mastodon ou Peertube

Se doter (enfin) d’une doctrine économique claire

Allons même plus loin : en introduisant le critère de la lucrativité, l’article 13 donne aux défenseurs des libertés sur Internet l’occasion de revoir leur doctrine économique, qui m’a toujours paru constituer un sérieux talon d’Achille dans leurs positions…

Les eurodéputés ont introduit une autre exception afin que l’article 13 ne s’applique pas aux « micro, petites et moyennes entreprises« . Personnellement, je ne me réjouis pas du tout de cette insertion, car sur Internet, « micro-entreprises » veut souvent dire « start-up » et l’on sait que ces jeunes pousses aux dents longues aiment à se construire sur des modèles extrêmement toxiques de captation des utilisateurs et de prédation des données personnelles. Le critère de la taille n’est pas en lui-même pertinent, car tous les Léviathans du numérique ont commencé par être petits avant de grossir. Ce qu’il importe, c’est justement qu’aucun acteur ne soit plus en mesure d’enfler jusqu’à atteindre une taille hégémonique, et pour cela, c’est bien sur le critère de la lucrativité qu’il faut jouer. 

Dans son article sur le site de l’EFF, Cory Doctorow estime que l’Union européenne s’est tirée une balle dans le pied avec cette directive Copyright, car elle aurait imposé des contraintes insurmontables à ses propres entreprises, qui ne pourraient plus espérer désormais rattraper les géants américains ou chinois. Mais ces propos me paraissent reposer sur une vision complètement « enchantée » de la concurrence, comme s’il était encore possible de croire qu’un « marché sain » est en mesure de nous sauver des monstruosités qu’il a lui-même engendrées. 

Ce qui va se passer à présent avec l’obligation de filtrage automatisée, c’est que les grandes plateformes centralisées lucratives, type YouTube ou Facebook, vont sans doute devenir des espaces où les utilisateurs éprouveront le poids d’une répression « à la chinoise » avec la nécessité de se soumettre à un contrôle algorithmique avant même de pouvoir poster leurs contenus. Le contraste n’en sera que plus fort avec les espaces restant en dehors du périmètre de l’article 13, que les créateurs et leur public seront d’autant plus incités à rejoindre. Doit-on réellement le déplorer ?

Il faut bien voir en outre que le fait de ne pas poursuivre un but lucratif ne signifie pas que l’on ne puisse plus inscrire son activité dans la sphère économique. C’est exactement ce que fait depuis plus d’un siècle l’économie sociale et solidaire, en renonçant volontairement pour des raisons éthiques à poursuivre un but lucratif ou en limitant statutairement sa lucrativité. Voilà donc l’occasion d’en finir par le mythe selon lequel « l’Internet libre et ouvert » serait compatible avec les principes mêmes du capitalisme. C’est précisément cette illusion qui a enclenché le processus fatal de centralisation et cette dérive ne pourra être combattue qu’en revenant à la racine économique du problème. 

On retrouve ici le problème de « l’agnosticisme économique » dont j’ai déjà parlé sur ce blog à propos du fonctionnement même des licences libres. En refusant de discriminer selon les types d’usages économiques, les défenseurs du Libre se sont en réalité privés de la possibilité de développer une réelle doctrine économique. C’est ce même aveuglement aux questions économiques qui conduit à des aberrations de positionnement comme celles que l’on a vu au cours de cette campagne contre la directive Copyright. Comment mobiliser autour du mot d’ordre « Save Your Internet », alors que cet « Internet » que l’on a voulu faire passer pour « le notre » comprend en réalité les principaux représentants du capitalisme de surveillance ? C’est le sens même de nos luttes qui disparaît si nous ne nous donnons pas les moyens d’opérer des distinctions claires parmi les acteurs économiques. 

Et maintenant, que faire ? 

En juin dernier, c’est-à-dire avant même le premier vote sur la directive, La Quadrature du Net a commencé à développer ce type d’analyses, en suggérant de ne pas s’opposer à l’introduction du critère du « rôle actif » des plateformes pour au contraire le retourner comme une arme dans la lutte contre la centralisation :

Tous ces enjeux connaissent un ennemi commun : la centralisation du Web, qui a enfermé la très grande majorité des internautes dans des règles uniques et rigides, qui n’ont que faire de la qualité, de la sérénité ou de la pertinence de nos échanges, n’existant que pour la plus simple recherche du profit de quelques entreprises.

L’une des principales causes de cette centralisation est le frein que le droit a longtemps posé contre l’apparition de son remède – le développement d’hébergeurs non-centralisés qui, ne se finançant pas par la surveillance et la régulation de masse, ne peuvent pas prendre le risque de lourds procès pour avoir échoué à retirer « promptement » chaque contenu « illicite » qui leur serait signalé. Des hébergeurs qui, souvent, peuvent à peine prendre le risque d’exister.

La condition du développement de tels services est que, enfin, le droit ne leur impose plus des règles qui depuis vingt ans ne sont presque plus pensées que pour quelques géants. Prévoir une nouvelle catégorie intermédiaire dédiée à ces derniers offre l’espoir de libérer l’Internet non-centralisé du cadre absurde dans lequel juges et législateurs l’ont peu à peu enfermé.

Dans sa réaction au vote de mercredi, Julia Reda rappelle qu’il ne s’agit pas de la fin du processus et qu’il reste encore une phase de trilogue avec la Commission et le Conseil, ainsi qu’un dernier vote au Parlement, sans doute au Printemps. Elle estime qu’il resterait encore une carte à jouer, en appelant les citoyens à se mobiliser pour faire pression sur leurs gouvernements en espérant que cela puisse encore conduire au retrait de l’article 13. Mais outre que cette hypothèse paraît hautement improbable étant donné les équilibres politiques, elle me paraît relever d’une certaine forme de désarroi, comme s’il y avait encore lieu de chercher à remporter une « bataille décisive » alors que les paramètres stratégiques du combat ont profondément évolué. 

L’enjeu n’est pas de chercher – sans doute vainement – à supprimer l’article 13, mais de réussir à délimiter clairement son périmètre pour s’assurer qu’il ne s’appliquera qu’à des acteurs centralisés lucratifs procédant à une hiérarchisation des contenus. Manœuvrer ainsi ferait peser sur les GAFAM une charge écrasante, tout en préservant un espace pour développer un réseau d’acteurs éthiques non-centralisés et inscrits dans une logique d’économie solidaire. Il n’y a qu’au sein d’une telle sphère que l’on puisse encore espérer œuvrer pour un « Internet Libre et Ouvert ». 

***

Il faut aussi sortir de l’urgence immédiate imposée par cette série de votes pour se replacer dans le temps long. De toutes façons, quelle que soit l’issue des dernières négociations, il restera encore plusieurs années (3, 4, peut-être plus ?) avant que la directive ne soit transposée dans les pays de l’Union. C’est un délai appréciable qui nous laisse encore le temps de travailler au développement de cette sphère d’acteurs alternatifs. 

Du coup, si vous voulez concrètement faire quelque chose pour « l’Internet Libre et Ouvert », je ne vous conseillerai pas d’appeler votre député, mais plutôt d’aller faire un don à l’association Framasoft, car ce sont eux qui ont sans doute le mieux compris et anticipé les changements nécessaires à opérer dans notre stratégie. Avec PeerTube, l’alternative fédérée à YouTube qu’ils sont en train de bâtir, ils plantent une graine en laquelle nous pouvons encore placer nos espoirs. Et avec le collectif d’hébergeurs alternatifs CHATONS qu’ils ont fait émerger, ils ont déjà préfiguré ce que pourrait être cette alliance du Libre et de l’Economie Sociale et Solidaire dont nous avons besoin pour rebooter le système sur des bases économiques saines. 

« Une bataille perdue est une bataille que l’on croit perdue » – Napoléon. 

 

 

 

 

 

 

 


28 réflexions sur “La directive Copyright n’est pas une défaite pour l’Internet Libre et Ouvert !

  1. Bonjour,
    En tant que juriste (mais pas du tout spécialisé en matière de propriété intellectuelle je le précise) je suis quand même étonné que l’on évoque toujours les articles 11 et 13 de ladite directive sans jamais les citer in extenso.
    Ils ne sont pas pourtant excessivement longs.
    Pour le moment, aucun commentateur ne cite in extenso les formulations utilisées dans la version votée. Je n’ai pas encore lu la nouvelle version. Mais le texte originel, j’ai pu le lire…
    Dans la version originelle (celle de 2016) il était écrit ceci : (il s’agit ici de l’article 13)
    « Les prestataires de services de la société de l’information qui stockent un grand nombre d’œuvres ou d’autres objets protégés chargés par leurs utilisateurs et qui donnent accès à ces œuvres et autres objets prennent, en coopération avec les titulaires de droits, des mesures destinées à assurer le bon fonctionnement des accords conclus avec les titulaires de droits en ce qui concerne l’utilisation de leurs
    œuvres ou autres objets protégés ou destinées à empêcher la mise à disposition, par leurs services, d’œuvres ou d’autres objets protégés identifiés par les titulaires de droits en coopération avec les prestataires de services. Ces mesures, telles que le recours à des techniques efficaces de reconnaissance des contenus, doivent être appropriées et proportionnées. »
    « Les prestataires de services fournissent aux titulaires de droits des informations suffisantes sur le fonctionnement et la mise en place des mesures, ainsi que, s’il y a lieu, des comptes rendus réguliers sur la reconnaissance et l’utilisation des œuvres et autres objets protégés. »
    « Les États membres veillent à ce que les prestataires de services visés au paragraphe 1 mettent en place des dispositifs de plainte et de recours à l’intention des utilisateurs pour les litiges relatifs à l’application des mesures visées au paragraphe 1
    « Les États membres favorisent, lorsque c’est utile, la coopération entre les prestataires de services de la société de l’information et les titulaires de droits, grâce à des dialogues entre parties intéressées, afin de définir de bonnes pratiques, telles que les techniques appropriées et proportionnées de reconnaissance des contenus, compte tenu, notamment, de la nature des services, de la disponibilité des outils techniques et de leur efficacité au vu des évolutions technologiques. »
    https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52016PC0593&from=EN
    Alors quand je lis dans Numérama par exemple (le billet que vous citez) que : « L’article 13 prévoit d’obliger les plateformes à filtrer automatiquement les contenus mis en ligne, en employant des outils capables d’identifier et de bloquer les chansons ou les œuvres audiovisuelles avant même qu’elles ne soient visibles par les autres internautes », je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a un petit « souci ». Nul doute que les propos tenus dans Numérama induisent en erreur les lecteurs. Ce n’est pas tout-à-fait ce que l’on lit dans le texte officiel (il faudrait souligner certains passages). Une chose est sûre : au niveau de la Directive, même dans sa version originelle, il n’a jamais été question d’imposer et de généraliser des mesures techniques de filtrage via un logiciel approprié et ce de manière indifférencié.
    J’insiste sur le fait qu’il s’agissait simplement de prendre des « mesures » (en ne disant pas lesquelles certes), le filtrage automatisé n’étant manifestement qu’une option parmi d’autres. Par ailleurs, en toute hypothèse, ces mesures (qui ne consistent pas nécessairement en filtrage automatisé) doivent être « appropriées et proportionnées ». Sans compter que le texte vise les plate-formes qui stockent un « grand nombre d’oeuvres », ce qui signifie en clair qu’il n’a jamais été question de « généraliser » les mesures en question à des instances « Peertube » par exemple (du moins celles qui ne stockeront qu’une faible quantité de vidéos – par rapport à youtube – ce qui sera la plupart du temps le cas).
    https://www.numerama.com/politique/387412-pourquoi-la-directive-europeenne-sur-le-droit-dauteur-alarme-tant.html
    Je n’ai pas lu la dernière version du texte mais j’imagine que ce ne doit pas être tout-à-fait ce que l’on en dit…(je ne parle pas pour vous).

  2. Merci calimaq. Bien comprendre les enjeux de la loi permet de repenser des approches alternatives. En effet si l’on doit « rester petit » et « ne pas partager de contenus » sous Copyright d’un géant des médias numériques, n’est-ce pas le signe d’une opportunité certaine de favoriser la décentralisation des infrastructures numériques, les acteurs non-lucratifs et les contenus libres?

    Là où l’UE se tire une balle dans le pied, c’est à propos de l’article 11, dont la mise en œuvre en Allemagne a retiré 80% de leur trafic à la presse allemande après que Google ait décidé de ne plus lier leurs articles plutôt que d’acquitter la taxe prévue par la loi. Clairement, l’ouverture de ce procédé à toute l’Europe risque de rendre la survie de la presse européenne en ligne difficile, et faciliter au contraire la colonisation des esprits par la presse américaine déjà dominante dans la culture générale en Europe.

    En revanche, si les utilisateurs de Google Search n’ont plus accès à ces contenus, peut-être vont-ils trouver d’autres vecteurs d’information, notamment plus proches d’eux — chez leurs ami·e·s… Longue vie aux CHATONS et tant pis pour les _memes_ de la pop culture états-unienne.

  3. Lorsqu’on commença à diffuser des articles alarmant sur la « directive du Copyright » et ce fameux « article 13 », j’ai tenté de faire ma propre opinion en cherchant les sources du mécontentement. Malheureusement, soit j’ai mal cherché, soit l’Union Européenne s’y prend mal pour expliquer aux citoyens européens ses « projets de loi ».
    Bref, si ne comprends pas, comment trancher ?

    Même si l’article de ce blog est apparu après le vote de cette directive, j’aurais au moins une idée plus claire sur cette affaire. Parfois, un bon gros bloc de texte vaut la peine d’être lu.

    Merci pour cet article Calimaq. 👍

  4. Merci Calimaq pour cet article et son recadrage sur les «victimes». Il en effet important de préserver le périmètre des acteurs lucratifs concernés et des acteurs épargnés. Le fait que les producteurs de contenu soient les otages des GAFAM qui les priveraient de visibilité va peut-être leur permettre de commencer à prendre conscience que depuis des années, leurs aveuglements opportunistes sur le rôle de ses prédateurs les conduisent dans une impasse.

  5. Votre point de vue est intéressant mais je trouve qu’il souffre lui-même d’un certain nombre de biais, le premier d’entre eux étant la haine aveugle des GAFAM. On peut effectivement regretter un certain état du web, centralisé autour d’un petit nombre d’acteurs qui parviennent à capter énormément de valeur. Cependant :

    – on peut déjà reconnaitre à ces acteurs ce qu’ils ont apporté de positif. La recherche sur Internet n’était pas la même avant Google, le eCommerce non plus avant Amazon, et Qwant/Duckduckgo et toutes les boutiques de eCommerce d’aujourd’hui n’existeraient pas de la même manière sans eux

    – de la même façon que vous affirmez vous-même que la petite taille ne devrait pas être un critère d’application de la loi, pourquoi la grande taille le serait ? Ce n’est pas la taille qui compte, point. Avoir du succès n’est pas quelque chose de répréhensible, même si ce succès mène à une situation de monopole. Ce qui est répréhensible, c’est de biaiser le marché en se servant de ce succès pour empêcher d’autres acteurs d’émerger, et c’est là que le droit de la concurrence intervient. C’est l’essence même d’un marché démocratique : au nom de quel principe auriez-vous le droit de me dire de ne pas aller sur Google si j’en ai envie, voire de m’en empêcher parce que Google serait devenu « trop gros » ? L’aspect terrifiant du monopole n’est pas le monopole en lui-même, mais son abus, et nous avons de la chance, l’UE est très active sur ce segment.

    – on lit que ce que vous reprochez aux GAFAM, outre leur taille, ce sont leurs règles algorithmiques qui nous entourloupent. Là encore, je vous pose la question : est-ce au droit d’auteur d’intervenir sur la régulation des algorithmes ? Je suis en faveur d’une réglementation imposant une loyauté des algorithmes et des obligations poussées (et mises en œuvre) d’information, semblables à ce que nous avons adopté en France avec la LRN. Ce n’est pas l’objet ici.

    In fine, vous cristallisez là les critiques que je formule personnellement contre ce texte, qui est qu’il sert à « en mettre une » aux GAFAM par le biais du droit d’auteur, quand on a d’autres outils beaucoup plus pertinents et adaptés à ce qui est reproché pour agir : régulation du numérique, fiscalité.

    Or, ce texte risque de ne pas avoir l’effet escompté :

    – pour l’article 11, la presse va probablement plus en souffrir (voir l’analyse très intéressante de Guillaume Champeau https://www.champeau.info/blog/2018/09/12/droit-dauteur-preparer-la-defaite-en-celebrant-la-victoire-du-court-termisme/), justement compte tenu du contrôle que les GAFAM ont sur leurs algorithmes et leur capacité à filtrer l’informatoin

    – pour l’article 13, plusieurs points négatifs : il force quasiment le recours à une société de gestion de droits, le mal incarné (« dès lors, [les GAFAM] concluent des contrats de licence justes et appropriés avec les titulaires de droits »), et est devenu encore plus incompréhensible qu’au départ sur ses objectifs (« coopèrent de bonne foi pour faire en sorte que ni oeuvres ni autres objets protégés non autorisés ne soient disponibles via les services du prestataire ») tout en instaurant la création d’un système alternatif de justice (« les États membres créent ou désignent un organisme impartial doté de l’expertise nécessaire pour aider les parties à régler leurs litiges au moyen de ce système »).

    Ce texte n’est une bonne nouvelle pour personne.

    1. Je vous rejoins sur l’idée que c’était une très mauvaise idée d’essayer de « réguler les plateformes » en utilisant le levier de la propriété intellectuelle. Je l’avais d’ailleurs écrit ici, en privilégiant au contraire les réformes fiscales, le droit de la concurrence et la protection des données à caractère personnel. https://scinfolex.com/2018/01/25/reguler-les-plateformes-la-fausse-piste-de-la-propriete-intellectuelle/
      Par contre, il y a quelque chose qui me dérange dans votre commentaire et c’est ce que je dénonce précisément sous le terme « d’agnosticisme économique » : cette façon de penser que tous les acteurs économiques se valent et qu’il n’y aurait pas lieu de faire des distinctions entre eux.
      L’argument consistant à dire « oui, mais les GAFAM sont aussi utiles » est quelque chose qui me paraît aujourd’hui complètement inacceptable. Toutes proportions gardées, cela me choque presque autant que lorsque j’entends dire que la colonisation française aurait été « utile » aux pays qui l’ont subie ou que le régime nazi a quand même fait des choses bien comme de très utiles autoroutes…
      Si vous trouvez mon propos extrême, relisez celui de Tim Berners-Lee qui estime que la centralisation du Web nous conduit vers quelque chose « d’anti-humain ».
      Je pense qu’il a longuement mûri ses mots avant de choisir celui-ci et qu’il exprime son sentiment que nous sommes littéralement en train de perdre une part de notre humanité dans ce processus.
      Du coup, je pense vraiment que la « loyauté des algorithmes » n’est pas une mesure à la hauteur des enjeux auxquels nous devons faire face.
      Et si les plateformes centralisés lucratives perdent leur immunité de responsabilité, je ne bougerai pas le petit doigt pour les défendre et surtout pas au nom de « l’Internet Libre et Ouvert » !

      1. Et puis quand bien même les GAFAM auraient été utiles, gentils et bienveillants, ça ne leur donne pas droit à un blanc saint pour la suite des événements. Il est de nombreuses situations où le pouvoir altère l’éthique qu’on pouvait avoir initialement. Dans le cas des GAFAM il y a quand même bien longtemps que leur bienveillance est stratégique et sert avant tout à installer et renforcer des positions monopolistiques. En revanche, je suis d’accord sur le fait que le terme de GAFAM n’est pas approprié puisque Google n’est q’une entité d’Alphabet. Du coup l’acronyme sonne peut-être un mieux « AAFAM » (prononcer affame)!

  6. C’est bien beau de critiquer les GAFAM, j’essaye également de les éviter, même si je reconnais parfois leur utilité. Mais pour adapter ta pratique à ton discours, libérer ton site des appels aux api de Google, Facebook, Gravatar, Pinterest etc. serait déjà un bon début. D’autant plus qu’en intégrant toutes ces choses, tu imposes un flicage à tes visiteurs.

    Ta vision est intéressante, mais il ne faut pas se perdre et penser que les géants sont la source de tous no problèmes.

  7. Merci Calimaq pour cet article qui synthétise bien cette bataille, que je n’ai pas pris le temps de suivre dans le détail. Ça m’a fait du bien de lire un propos mesuré et nuancé, loin des formules à l’emporte-pièce qui m’ont progressivement détournée de cette lutte depuis ces dernières années. C’est important de laisser de la place dans un discours pour que les lectrices et les lecteurs puissent se faire leur propre opinion sur la question, je trouve que c’est le cas ici et je t’en remercie :)

  8. Je suis d’accord avec la tonalité de l’article, en faisant juste observer qu’il faudra tout de même attendre la transposition de la directive dans le droit national.

    1. Comme je le dis dans le billet, il faudra encore plusieurs années avant que la directive ne soit transposée, d’où l’importance de déjà réfléchir à ce qu’elle implique sur le plan stratégique pour nous adapter au nouveau contexte qu’elle va créer.

      Et soyons certains d’une chose : c’est sans doute en France que la transposition sera la plus radicale (et potentiellement dangereuse). On peut notamment penser que les ayants droit feront tout pour écraser dans la loi française les exceptions qui délimitent la portée de l’article 13 pour faire en sorte de l’étendre aux organisations non-lucratives.

      D’où une vigilance accrue à garder de notre part.

  9. Bonjour Calimq et merci pour ce point de vue. Au delà des GAFAM, pour quelles raisons les défenseurs de Wikipédia (comme par exemple les juristes de la fondation, et jusqu’à Jimmy Wales lui même) s’inquiètent ils tant si les « prestataires sans finalité commerciale, comme les encyclopédies en ligne de type Wikipedia » n’ont rien à craindre ?
    Comme à l’époque de la « bataille décisive » pour la liberté de panorama, les législateurs/lobbyistes essayent toujours de rassurer les wikipédiens en leur disant « vous n’êtes pas concernés, c’est contre les GAFA » (en oubliant souvent le M, mais je digresse), mais la clause NC est complètement incompatible avec Wikipédia, c’est le troisième pilier/principe fondateur.
    Est ce que je mélange tout si je pense que Wikipédia a raison de s’inquiéter cette fois ci encore?

    1. Bonjour,

      Non pour le coup, la directive n’a rien à voir avec la clause NC.

      Disons qu’il faut faire la distinction entre deux choses différentes.

      Si dans la définition de la liberté de panorama, on intègre une condition selon laquelle on ne peut utiliser les images de monuments que dans un contexte non-commercial, alors oui cela pose un problème pour Wikipedia, car on ne peut intégrer des images dans l’encyclopédie que si elles peuvent ensuite être librement réutilisées au sens fort du terme.

      Mais l’article 13 porte sur les questions de responsabilité et du filtrage des contenus. Et là, si on ajoute une exception précisant que les sites à but non lucratif seront exemptés de ces nouvelles obligations, on protège au contraire Wikipedia.

      Si Jimmy Wales (qui rappelons-le était à la base un entrepreneur) s’est opposé de manière catégorique à la directive, c’est parce qu’il partage la même idéologie que Cory Doctorow sur les questions économiques qui se refuse à faire des distinctions selon les types d’acteurs.

      Et j’irais même plus loin : la question que tu as posé montre exactement ce que je dis dans le billet à propos de « l’agnosticisme économique » de la pensée du Libte. Les Libristes, notamment parce qu’ils luttent contre les clauses NC, en sont venus à penser que toutes les entités économiques se valent, alors qu’il est essentiel de retrouver la capacité à faire des jugements de valeur sur les activités économiques.

  10. Bonjour Calimaq, et merci pour cette analyse. Dommage cependant qu’elle se construise contre les autres et qu’elle semble déconsidérer l’action politique et la défense des libertés « par principe ». Or, tout cela s’articule, il n’y a aucune contradiction entre « appeler son député » et soutenir Framasoft. Ces actions sont simplement sur des modes et des terrains différents. En cela, votre billet cède à une certaine facilité, vous pourriez trouver une meilleure façon d’intégrer votre analyse dans ces jeux complexes et dans la façon de pensée des acteurs impliqués.
    Militant en éducation populaire et politiquement, je peux témoigner que la marche est haute ne serait-ce que pour faire connaitre et, plus difficile, faire considérer comme « réelles » ces problématiques parmi nos concitoyens ! Mobiliser politiquement (« Save your Internet »), certes caricature, mais montre au moins qu’il existe quelque chose face aux discours dominants. Défendre une position éthique, certes manque de nuances, mais témoigne au moins qu’on peut encore aujourd’hui… avoir ‘une position éthique, ce qui n’est carrément plus à la mode.
    Je conçois bien qu’il y a des effets pervers à cela, et vous les pointez très justement. Mais il faut en tenir compte positivement, et non pas les déplorer, à mon sens. Donc, continuez à nous donner des billes, elles sont très utiles… au moins autant que les « idiots » ;)

    1. Bonjour,

      On peut difficilement me faire le reproche de déconsidérer l’action politique, ayant consacré une énergie considérable ces 10 dernières années dans ce champ (en faisant d’ailleurs souvent face à d’autres militants qui estimaient que ce type d’actions étaient inutiles). Et sur la directive Copyright elle-même, je ne compte plus les articles de presse, passages radio, réponses à des journalistes que j’ai pu faire…

      Mais c’est précisément ce que j’explique dans ce billet : la situation évolue constamment et nous oblige à reconsidérer notre stratégie si l’on veut éviter de subir éternellement les mêmes échecs.

      Par rapport à cette directive, ce que je dis, c’est qu’il me paraît contreproductif de repartir en campagne pour faire supprimer purement et simplement l’article 13, car 1) c’est courir avec une quasi-certitude vers une nouvelle défaite, étant donné les équilibres politiques en présence et 2) c’est une erreur stratégique, car l’article 13, contrairement à ce que l’on a pu entendre pendant la campagne, ne menace pas « l’internet libre et ouvert ».

      S’il faut encore intervenir dans ce débat législatif, c’est pour obtenir le maximum de garanties sur la délimitation de sa portée pour éviter qu’il ne s’applique à des acteurs décentralisés ou non lucratifs.

      Et non, je pense que c’est une véritable erreur d’avoir mobilisé autour du mot d’ordre « Save Your Internet », parce que cela revenait au contraire à faire le jeu du discours dominant, à savoir celui des GAFAM qui prétendre pouvoir représenter à eux-seuls l’internet tout entier. Et ce n’est pas avoir une position éthique que d’entretenir la confusion entre Google et Wikipédia ou Facebook et Mastodon, alors que ces acteurs sont profondément différents.

      Personnellement, je n’accepte pas de me faire enrôler au service de ce contre quoi je me bats.

  11. Merci pour votre réponse. Notez bien que j’ai pris soin de critiquer la rédaction de ce billet, pas votre engagement, reconnu et précieux, ni vous-même évidemment. La difficulté est bien dans de votre dernière phrase (« Personnellement, je n’accepte pas de me faire enrôler au service de ce contre quoi je me bats. ») qui est valable pour vos lecteurs également : alors quels mots communs pour la mobilisation ? Quelle chronologie ? Nous devons tous y travailler.

  12. Merci Calimaq pour ce billet qui me redonne du moral après ce que j’avais perçu comme une défaite sur toute la ligne. Néanmoins, sur les prédictions des conséquences de cette directive, j’ai des avis différents sur deux points.

    1) L’article 13 ne va pas amener au filtrage a priori. Pour quoi ? D’abord parce que le texte amendé le décourage (« Lors de la définition des bonnes pratiques, il est tenu compte (…) que le blocage automatique de contenu soit évité »). Secundo parce que les sociétés de gestion de droits ne gagneraient rien d’un tel filtrage. Ce que ces sociétés souhaitent est que Google et Facebook s’aquittent d’une license globale et libératoire, au forfait, pour chaque pays de l’Union. Le but avoué de cette directive n’est pas de faire un droit d’auteur plus juste mais de donner des rentes à certaines « industries culturelles » !

    2) Aujourd’hui ce n’est que les GAFAM mais demain ce sera peut-être les autres. Les sociétes de gestion ciblent aujourd’hui les GAFAM parce qu’ils sont les « deep pockets » du web. Mais si d’ici 10 ans la diffusion de vidéos migrait vers Peertube, c’est sans doute contre ce type de plateformes que les sociétés de gestion déploieront leur puissance de feu législative – comme ils l’ont souvent fait par le passé.

    1. > « Mais si d’ici 10 ans la diffusion de vidéos migrait vers Peertube, c’est sans doute contre ce type de plateformes que les sociétés de gestion déploieront leur puissance de feu législative »

      Possible, mais on leur souhaite bien du courage…
      Le but (pour nous) est de faire du logiciel à la fois une commodité https://fr.wikipedia.org/wiki/Commodit%C3%A9
      Mais aussi un commun.
      Mais aussi une communauté.
      Le tout, libre, autonome, et fédéré.

      Je ne rentre pas dans le détail, histoire de ne pas fournir trop de billes aux personnes qui chercheraient à contrer les modèles d’innovation libres/justes/durables (et qui auraient bien intérêt à lire ce blog). Ce n’est pas de la paranoïa, mais je ne vois pas trop l’intérêt de divulguer un plan qui a déjà 99% de chances de se planter tout seul sans rajouter une couche de mauvaise gestion de problématique de guerre économique.

      Notre principal souci, à nous, n’est pas le droit (je ne dis pas que ça n’en est pas un, mais que dans ma grille de lecture, ce n’est pas le principal), mais le financement.
      Là, on expérimente justement de nouveaux modèles de financements (que j’appellerai assez pompeusement « contribution symbiotique »). C’est long à se mettre en place, mais PeerTube en a partiellement bénéficié.

  13. Je suis dans l’ensemble assez d’accord. Cependant, tu critiques beaucoup les GAFAM dont tu utilises les services et imposent le tracking à tes visiteurs : Google, Facebook, Pinterest, Gravatar…

  14. Calimaq devrait faire le point sur le droit international privé de l’Internet. C’est rarement évoqué et pourtant d’une très grande importance s’agissant de technologies qui se moquent des frontières.

    Je ne sais pas moi-même (on n’est pas spécialiste en tout) comment le problème se pose en l’occurrence mais a priori, il est clair que l’Union Européenne en la matière n’a pas de compétence universelle.

    Si la plupart des Etats sont tenus par des conventions internationales s’agissant de la propriété intellectuelle, il est douteux que l’Union Européenne puisse imposer un filtrage a priori par exemple sur des instances hébergées et administrées par un Suisse ou un Islandais si les législations de ces pays ne prévoient pas des dispositions légales similaires.

    Alors s’il s’agit d’instances russes ou japonaises…

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