Sommes-nous en train de nous faire plumer par Twitter ?

La semaine dernière, tombait cette nouvelle consternante que le chant des oiseaux pouvait être approprié par le  biais du droit d’auteur… Hasard ou coïncidence, nous apprenions également que Twitter avait vendu pour plus de 250 millions de dollars nos « gazouillis ». Les messages échangés sur le réseau social  ont en effet été cédés  à deux compagnies anglaises, Gnip et Datasift, qui pourront exploiter les tweets archivés depuis deux ans.

En vertu de cet accord, ces sociétés pourront accéder  non seulement aux textes des tweets, mais également aux autres données liées aux micromessages, afin de produire des analyses poussées. Ce datamining devrait permettre à des marques de déceler à partir des données sociales des tendances quant aux comportements et préférences de leurs clients.

Bien que l’accord ne porte que sur les tweets publiés, à l’exclusion des messages privés et des tweets supprimés, de nombreuses protestations ont fusé, notamment aux États-Unis, au nom des dangers en matière d’atteinte à la vie privée que ce type d’arrangements comporte. L’infographie ci-dessous montre bien le grand nombre d’informations personnelles qu’un simple tweet peut contenir :

D’autres critiques ont pointé le fait que les utilisateurs de Twitter pouvaient se prévaloir d’un droit de propriété intellectuelle sur leurs timelines, qui aurait été bafoué par cet acte de vente. Cette question est cependant complexe à trancher, car il est loin d’être certain que nos tweets soient suffisamment originaux pour constituer des “œuvres de l’esprit“, protégeables par le droit d’auteur.

La vente de ses archives s’inscrit pour Twitter dans la quête d’un modèle économique viable, qui s’est toujours avérée problématique. Néanmoins pour qu’il y ait vente, encore faut-il que Twitter puisse se prévaloir d’un titre de propriété sur les contenus produits par ses utilisateurs. De ce point de vue, il est intéressant de se plonger dans le passé, car l’évolution des conditions générales d’utilisation du site (CGU) montre que cette vente a été préparée depuis plusieurs années, par de subtils glissements de clauses contractuelles.

Petite archéologie des CGU de Twitter

Les conditions d’utilisation de Twitter ont changé plusieurs fois dans le temps et l’on trouve sur cette page du site un historique des différentes versions, qu’il est intéressant de comparer.

A l’origine en effet, depuis sa création en 2006 jusqu’en 2009, Twitter s’affichait comme un des réseaux les plus “loyaux” vis-à-vis de ses utilisateurs et se distinguait de ce point de vue nettement d’un Facebook, qui s’est toujours montré  agressif dans l’appropriation des contenus de ses usagers.

La première version des CGU du site affichait fièrement la devise “Ce qui est vôtre est vôtre” :

Copyright (Ce qui est Vôtre est Vôtre)

  1. Nous ne revendiquons aucun droit de propriété intellectuelle sur le contenu que vous fournissez au service Twitter. Votre profil, ainsi que le contenu que vous avez envoyés reste les vôtres. Vous pouvez supprimer votre profil à tout moment en supprimant votre compte. Cette action supprimera également n’importe quel texte et image que vous avez enregistré dans le système.
  2. Nous encourageons les utilisateurs à faire partager leurs créations dans le domaine public ou d’envisager la licence progressive.

Ces engagements de Twitter étaient très forts et se rapprochaient assez sensiblement de ceux du Bill of Rights du réseau social alternatif Diaspora par exemple, qui a mis le respect des droits de ses utilisateurs au centre de son fonctionnement :

7. Control: We will work toward enabling users to own and control their data and won’t facilitate sharing their data unless they agree first.

Par ailleurs, le fait d’inciter les usagers à placer les contenus créés dans le domaine public ou sous une licence libre rapprochait Twitter de médias sociaux comme Wikipedia ou Flickr, qui favorisent la constitution de biens communs informationnels.

Les tweets dans la cage des CGU de Twitter (Bird Cage. Par Dedlam. CC-BY-NC-SA. Source : Flickr)

Cependant, il existait une faille de taille dans la « loyauté » de ces conditions d’utilisation, dans la mesure où Twitter ne s’engageait nullement à leur maintien pour l’avenir :

Nous nous réservons le droit de modifier les présentes Conditions d’Utilisation à tout moment. Si les modifications constituent un changement important des conditions d’utilisation, nous vous notifierons par courrier électronique ou non, suivant les paramètres que vous avez choisis pour votre compte. Ce qui constitue un « changement important » sera déterminé à notre seule discrétion, en toute bonne foi suivant notre bon sens et notre jugement.

Finalement en 2009, alors que la pression du modèle économique devenait de plus en plus pressante, Twitter décida de faire jouer cette clause afin de produire une deuxième version de ses CGU, tout en paraissant rester fidèle à son engagement « Ce qui est à vous est à vous« .

Vos droits

L’utilisateur conserve ses droits sur tout Contenu qu’il soumet, publie ou affiche sur ou par l’intermédiaire des Services. En soumettant, publiant ou affichant un Contenu sur ou par le biais des Services, l’utilisateur accorde à Twitter une licence mondiale non exclusive, libre de redevance avec le droit de sous-licencier, utiliser, copier, reproduire, traiter, adapter, modifier, publier, transmettre, afficher et distribuer le Contenu à tous les médias ou à toutes les méthodes de distribution (connues à présent ou développées ultérieurement).

Cette licence nous autorise à rendre vos tweets publics pour tous et autorise les autres utilisateurs à faire de même. Mais, ce qui est à vous est à vous – le contenu des tweets est le vôtre.

L’utilisateur convient que cette licence accorde le droit à Twitter de mettre le Contenu à la disposition d’autres sociétés, organisations ou individus qui travaillent en partenariat avec Twitter pour la syndication, la diffusion, la distribution ou la publication d’un tel Contenu sur d’autres supports et services, soumis à nos termes et conditions d’utilisation du Contenu.

La lecture des passages en gras laisse une désagréable sensation de contradiction, car si « ce qui est à nous est nous« , les contenus sont également à Twitter, ainsi qu’aux sociétés partenaires avec lesquelles il fait affaire. C’est exactement ce qui vient de se produire avec Datasift et Gnip, à qui Twitter a revendu les tweets sur la base de cette « licence mondiale sous-licenciable » que lui accordent ses usagers. Ce régime assez troublant de « propriétés parallèles » sur les contenus se retrouve en réalité sur la plupart des réseaux et médias sociaux aujourd’hui.

Conflits de co-propriété sur les contenus de Twitter

A vrai dire, si l’on se plonge un peu dans le passé, Twitter a déjà fait l’objet de tensions quant à la propriété de son contenu, qui résultent en grande partie de ce régime de propriétés superposées.

Une première polémique avait en effet éclaté en 2010 aux États-Unis lorsque Twitter avait conclu un accord avec la Bibliothèque du Congrès pour le dépôt et la conservation de ses archives. Au nom de la protection de la vie privée, beaucoup de protestations s’étaient élevées, invoquant un manquement de la part de Twitter aux obligations le liant à ses usagers.

Bien que Twitter dispose d’une licence sur ses contenus, certains estimaient que les usagers pouvaient vouloir faire disparaître certains tweets et que cette décision devait entraîner une suppression de l’archive de la Bibliothèque du Congrès. Du fait de ces complications, il aura fallu plus d’un an et demi à la Bibliothèque du Congrès pour ouvrir effectivement ce service aux chercheurs, dans des conditions très contrôlées.

Étrangement, dans le même temps, Twitter avait annoncé un partenariat avec Google pour permettre au moteur de recherche d’indexer ses archives et de proposer en ligne un service appelé Google Replay, qui s’avérait finalement assez proche du service proposé aujourd’hui par Datasift ou Gnip. Cette fonctionnalité avait même été  intégrée un temps aux onglets de Google,  à l’instar de  Google Images ou Googles Actualités. Mais avec l’arrivée de Google +, le réseau social du géant californien,  des tensions entre les deux firmes ont conduit fin 2011 à la rupture de ce partenariat, ce qui a laissé à Twitter le champ libre pour une revente de ses archives à d’autres sociétés.

Par ailleurs, d’autres tensions sont apparues à propos de la propriété des contenus de Twitter et notamment des images échangées via des applications tierces, comme Twitpic ou Yfrog. Une affaire avait par exemple éclaté lorsque l’AFP avait repris et exploité sans autorisation une photo prise par un reporter lors du tremblement de terre à Haïti en 2010 et échangée sur l’instant sur Twitter, via l’application Twitpic.

L’agence, qui soutenait que les contenus rendus publics sur le réseau devenaient « libres de droits », avait finalement été sévèrement condamnée par un tribunal de New York, qui avait reconnu au contraire que les usagers de Twitpic restaient propriétaires des contenus partagés. Un peu plus tard, lors des émeutes de l’été 2011 en Angleterre, la BBC revendiqua elle-aussi le droit d’utiliser librement les photographies publiées sur Twitter, sur la base du fait que leur circulation sur le réseau les faisait appartenir au « domaine public ». Devant la tornade de protestations déclenchée par ses propos, la chaîne anglaise avait été forcée de s’excuser et de modifier sa position.

Tweets sur le point de se faire attraper... (Tiny birds in my hands. Par Ilse. CC-BY-NCF-ND. Source : Flickr)

Les conflits de copropriété des contenus peuvent également survenir entre utilisateurs de Twitter. En 2011 par exemple, les Inrocks se faisaient l’écho d’utilisateurs spécialisés dans l’humour sur Twitter se plaignant que certains de leurs bons mots soient repris par les médias traditionnels, par exemple comme titres d’articles,  ou par des comiques dans leurs spectacles.

L’article avait d’ailleurs soulevé un débat intéressant quant à la possibilité de plagier ou de « contrefaire » un tweet, ce qui ne peut être admis que si l’on arrive à démontrer qu’un message de 140 caractères est suffisamment original pour être protégé par le droit d’auteur. Ce terrain est d’ailleurs assez glissant, car poussé jusqu’à l’absurde, il permettrait de considérer un simple ReTweet comme une contrefaçon !

Mais les problèmes posés par le régime de « double propriété des contenus » avaient surtout été révélés en 2011 par la polémique soulevée par Twitpic, lorsque cette plateforme conclut un accord avec l’agence de presse WENN, afin de lui accorder un droit exclusif d’exploitation des photos publiées par ses usagers. Cet arrangement avait montré que la licence accordée par les utilisateurs d’un réseau pouvait bien à tout moment servir à ce dernier à revendre les contenus à des tiers. C’est finalement ce qui vient de se passer avec Twitter avec la revente de ses données à Datasift et Gnip.

Twitter pouvait-il revendre ses contenus à des tiers ?

Peut-on réellement contester à Twitter le droit de revendre ainsi ses contenus ?

L’auteur du blog AnglePI pense pouvoir démontrer que cet acte de vente n’est pas valable, en s’attaquant à la validité de la licence imposée par Twitter à ses utilisateurs. En effet, il considère qu’un certain nombre de tweets peuvent être reconnus comme des « œuvres de l’esprit » originales, susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur. Si c’est le cas, un formalisme particulier est imposé par le droit français en matière de cession des droits, que ne respecterait pas les conditions d’utilisation de Twitter. Il existe notamment une règle dans le Code de Propriété Intellectuelle français qui veut que « la cession globale des œuvres futures est nulle« . Twitter ne pourrait donc imposer à ses utilisateurs de lui céder un droit sur leurs tweets, postérieurs à l’inscription.

Des critiques similaires avaient été faites, sur la base du droit français, au site de partage de photos Darqroom, par la juriste Joëlle Verbrugge sur son blog Droit et Photographie, que l’on peut transposer aux conditions de Twitter. En effet, le droit d’auteur français impose pour que les cessions de droits soient valides que « le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée« . Or les clauses très larges que l’on retrouve dans la plupart des CGU des réseaux sociaux sont sans doute trop imprécises pour satisfaire à ces exigences.

Le problème, c’est que pour que ce raisonnement soit valide, encore faut-il que les tweets puissent bien être considérés comme des œuvres de l’esprit. Or comme j’ai déjà eu l’occasion de le montrer par ailleurs, il est probable que seule une petite partie des messages échangés sur Twitter satisfassent aux conditions posées par les juges pour reconnaître la présence d’une œuvre originale. Très proche de l’oralité et de la conversation usuelle, Twitter permet principalement d’échanger des considérations factuelles et des informations brutes, qui ne peuvent être protégées.

Twitter avait-il le droit de nous plumer ainsi ? (Feather Harvest. By storebukkebruse. CC-BY. Source : Flickr)

Certes le droit français (à la différence du droit américain) permet de protéger en eux-même des titres d’œuvres, ce qui prouve que des formes courtes peuvent être admises à la protection du droit d’auteur. Mais l’originalité est également conçue d’une manière assez exigeante par les juges français. Récemment par exemple, un tribunal a estimé qu’un cours magistral ne constituait pas une création suffisamment originale pour être protégée par le droit d’auteur. D’autres décisions ont confirmé que toutes les photos n’étaient pas des créations originales, à défaut de porter « l’empreinte de la personnalité de leur auteur« .

Dès lors, on ne pourrait apporter de réponse qu’au terme d’une analyse des tweets l’un après l’autre, ce qui serait épouvantablement complexe en cas de procès. La licence de Twitter serait sans doute valable pour certains tweets et pas pour d’autres. Ce « pointillisme » rendrait un procès engagé contre Twitter nécessairement hasardeux.

Ajoutons par ailleurs que dans le cas de l’affaire qui avait opposé l’AFP à un photographe utilisateur Twitpic, le tribunal américain en charge du dossier avait été amené à se prononcer sur la validité de la licence exigée par Twitpic et ne l’avait pas remise en cause. On vient cependant d’apprendre qu’un juge allemand a condamné la licence de Facebook, proche de celle de Twitter, comme incompatible avec les règles du droit d’auteur. Quelle serait la réponse d’un juge français confronté à une telle question ? Il est hasardeux de répondre, mais cela donnerait lieu à un procès passionnant !

Tout ceci amène à conclure que du point de vue de la propriété intellectuelle, on reste dans un certain flou quant à la validité de ces ventes de contenus opérés par les réseaux de contenus. Ces incertitudes reflètent la difficulté qui existe pour le droit d’auteur « classique » à saisir des contenus aussi volatils, fugitifs et circulants que les tweets.

Juridiquement, la vente de ses archives par Twitter pose d’ailleurs des questions beaucoup plus tangibles de protection des données personnelles. Car même si les contenus postés par les utilisateurs sont « publics » par défaut sur le réseau, il existe des conditions supplémentaires posées par la loi, en ce qui concerne le traitement des données à caractère personnel, dont le datamining effectué par les partenaires de Twitter constitue un exemple. Et de ce point de vue, Twitter soulève d’autres questions, notamment en ce qui concerne l’usage des applications mobiles.

L’arbre Twitter qui cache la forêt des médias sociaux…

Nous avons vu que c’était ce régime de « propriété parallèle » sur les contenus échangés sur les réseaux sociaux qui créait ces situations complexes et pathogènes. Mais la situation peut être plus compliquée encore et la propriété de nos contenus prend parfois une forme  « kaléidoscopique », surtout pour les plus connectés d’entre nous.

Il y a quelques temps, je m’étais amusé à poster sur Twitter le message « Quel est le statut juridique de cette phrase », pour le suivre sur les différents réseaux qui étaient connectés à mon compte.

Parti de Twitter, le message rebondissait sur Facebook, puis passait sur LinkedIn, sur Friendfeed, Identi.ca, pour finir sur mon portail Netvibes (et peut-être ailleurs encore sans que je ne m’en aperçoive…). Le résultat de cette petite odyssée, c’est que cette phrase s’est retrouvée soumise à au moins six contrats distincts, tous subtilement différents, en fonction des licences concédées aux plateformes !

Au final, il en résulte un inextricable sac de nœuds contractuels… à l’image de cette propriété diffractée qui est notre lot sur le web des médias sociaux. En connaissant mieux les licences et les conditions d’utilisation, l’usager serait sans doute mieux à même de faire son propre choix, car toute cette chaîne d’exploitation des contenus repose en définitive sur le consentement de l’utilisateur.



39 réflexions sur “Sommes-nous en train de nous faire plumer par Twitter ?

  1. reste toujours l’éternelle question, comme pour nous avec nos microscopiques expériences d’édition numérique : qui paye les serveurs, et les technicos qui sont derrière ?

    est-ce que twitter devrait proposer des comptes premium pour se financer (à titre personnel j’y serais prêt) ou bien est-ce que ce genre d’initiative commerciale permet de maintenir service international à large échelle ? – pour ma part, parfaite indifférence à l’utilisation qui pourrait être faite de mes twitts, alors que la prestation reçue, en veille, en propulsion de mon boulot perso ou du boulot de publie.net, en outil d’échange, est considérable…

    contradiction du fait qu’aucune initiative web de cette taille (idem facebook) n’ait jamais pu surgir du monde du libre, ni du monde institutionnel ? – du moins dans notre étroite partie occidentale du monde…

    reste évidemment que grande reconnaissance à toi de nous aider à y voir clair dans ces « sacs de noeuds » et leurs conséquences juridiques

    1. Bonjour François,

      Merci pour les questions soulevées dans ce commentaire et dans le suivant.

      J’avoue ne pas avoir résisté à la tentation de faire un bon (?) mot dans le titre de ce billet, en disant que Twitter était en train de nous plumer. Mais je suis au final plus nuancé et je pense d’ailleurs qui faut grandement se méfier lorsqu’on emploie des expressions qui renvoient au « vol » dans l’environnement numérique.

      Ce qui m’intéresse beaucoup dans l’infrastructure juridique des réseaux et médias sociaux, c’est cette forme de propriété « diffractée » sur les contenus qui fait que les données vont « appartenir » à plusieurs acteurs en même temps.

      L’autre question qui retient mon attention, c’est celle de « L’Hybride juste », selon une expression de Lawrence Lessig. Les médias sociaux relèvent en fait d’une économie « hybride » qui s’appuie à la fois sur des ressorts économiques classiques (publicité, par ex) et des modèles de contribution volontaire des usagers (les User Generated Content). Dans sa réflexion, Lessig se demande à quelles conditions ces plateformes « hybrides » peuvent-elles être considérées comme « justes » (je préfère « loyales ») avec leurs usagers.

      En vendant nos tweets, Twitter s’est-il comporté de manière loyale avec nous ?

      Finalement, je serais tenté de partager ton avis sur la question. Twitter doit bien développer un modèle économique, ne serait-ce comme tu le dis pour péreniser ses infrastructures. La revente de ses contenus à ce type de firmes de data mining n’est peut-être pas la plus mauvaise solution, notamment comme alternative à la publicité. Surtout que visiblement en ce qui concerne Datasift et Gnip, les données seront anonymisées et il ne sera possible que de procéder à des analyses de tendance statistiques. Du point de vue du respect de la vie privée, il est fort possible que ce partenariat soit loyal (même si je préfère rester prudent, n’ayant pas poussé plus loin l’analyse).

      Du point de vue de la propriété intellectuelle, il est difficile de dire si la licence revendiquée par Twitter est valide ou non, surtout dans le cadre assez formaliste du droit français. Personnellement, j’ai toujours plutôt eu tendance à considérer que nos tweets devraient échapper au droit d’auteur. J’avais été frappé lorsque tu avais dit à Place de la Toile, que Twitter était une « petite radio textuelle ». Même s’il y a de vraies expériences d’écriture sur Twitter, nos usages relèvent majoritairement de l’ordre de la conversation et il me semble que la conversation et l’oralité devraient rester libres.

      Ceci dit, la vraie question est celle que tu poses et je regrette de ne pas l’avoir abordée. Tu dis que Twitter a fini par acquérir une véritable « valeur publique », qu’il relève de « l’intérêt public » pour ses usagers comme plateforme. Si je veux le dire avec mes mots, je dirais que Twitter est devenu une forme de « bien commun », qu’une communauté a intérêt à partager et à préserver. Il en est sûrement ainsi parce que Twitter constitue un espace public d’expression, un forum, une agora.

      Il y a donc une véritable interpénétration du public et du privé dans Twitter, qui est au cœur de cette recherche du modèle économique.

      C’est très intéressant aussi de constater qu’aucun projet libre n’a pu se développer comme alternative réelle à Twitter pour l’instant (il y a bien Diaspora, mais son usage reste limité). Wikipedia a pourtant réussi à se développer comme alternative libre dans son domaine, OpenStreetMap aussi pour la cartographie, mais pour les réseaux sociaux, nous restons dans ces modèles hybrides, qui conjugent production volontaire des contenus et modèles propriétaires des plateformes.

      Au final, je dirais que pour moi, l’aspect le plus « déloyal » de Twitter est de s’être donné le droit de modifier brutalement ses CGU en 2009, alors qu’auparavant, il aurait eu le potentiel de devenir un projet presque « libre ». Facebook récemment a été obligé par les autorités américaines de s’engager à ne plus procéder à aucun changement rétroactif de ses CGU sans l’accord explicite des usagers : http://www.lefigaro.fr/hightech/2011/11/12/01007-20111112ARTFIG00402-facebook-force-d-accepter-un-pacte-sur-la-confidentialite.php. Ce serait pour moi un des critères principaux de « loyauté » de l’Hybride juste et c’est pour cela que j’ai voulu adopter une approche « archéologique » dans ce billet.

      Voilà quelques réflexions qui ne répondent pas directement à tes questions, mais peut-être d’autres voudront se joindre à la discussion ?

      A bientôt,

      Lionel

      1. merci, Lionel

        je crois que pour aucun de nous c’est temps perdu qu’essayer de développer tout cela, et le développer dans sa complexité, juridique, économique, informationnelle, créative puisque ds twitter usages nous sont indissociables

        très important ce que tu dis sur modèles « hybrides »

        et ne me serais pas permis intervenir ici, si mêmes questions, en minuscule, ne venaient pas traverser nos modèles blogs/livres num

        et merci pour le rappel concernant Wikipedia – j’ai dit à RM, jeudi dernier, la dette qu’on avait à cette plateforme et combien, au moment où je rendais mon prochain manus au Seuil, m’était indémêlable ce que je devais à constante utilisation WP dans le temps même de l’écriture – mais justement bonne question : dans l’économie « microscopique » de WP (au regard de monstres comme FB ou TW) l’équipement structurel sous twitter, en R&D + serveurs, serait-il possible ?

        mais si WP nous ouvrait outil comme TW, en version libre, sûr que ça mériterait de s’y accrocher avec les dents

        de plus en plus cette notion de « valeur publique » revient dans tous nos échanges…

  2. je complète, mais c’est encore des questions :

    – il y a 2 ans, on avait régulièrement des saturations de tw, et malgré la richesse des fonctions (listes, blocages, mentions, messages) le parc serveurs et R&D a considérablement évolué – possible chiffrer approximativement ces locations de bande passante et installs fixes ?

    – facebook et Google (même si eux + compliqués) se financent par la pub : tout l’intérêt de twitter est qu’on évite la pub, est-ce qu’on est prêt en tant qu’utilisateurs à financer cette absence de pub ?

    – je me sers de twitter via une appli payante, Echofon Pro, d’ailleurs remarquablement bon marché eu égard à mon utilisation, 20$ alors que je l’utilise sur mes 2 ordis et idem pour mon iPhone : je suppose qu’Echofon reverse une dîme à Twitter, on peut évaluer ces bénefs ?

    – des réseaux bâtis sur une utilisation premium se sont révélés incapables de rivaliser avec twitter, par exemple je suis sur LinkedIn (en free, pas en premium) mais je dois reconnaître que je n’en ai aucun usage, c’est juste intéressant d’observer comment des gens du monde « pro » qui se refusent à s’investir dans les réseaux, se sentent autorisés ou protégés en se créant compte LinkedIn

    – curieux que twitter n’ait pas proposé une séparation particulier/entreprises : quasi toutes les maisons d’édition y ont désormais des comptes, et même pour publie.net ce serait justifié de rémunérer le compte entreprise

    – ils avaient créé des comptes « certifiés » (je crois que @pressecitron avait été un des rares Fr choisis), on n’en a plus entendu parler ?

    – comme pour le « domaine public », sur quelle base établir « l’intérêt public » d’un site, et la perte que ce serait pour nous tous (pas grave, on reconstituerait vite le campement ailleurs) si Twitter était avalé par un Google ou un Microsoft… l’échec (point de vue peut-être seulement perso ? en tout cas moi je ne m’en sers pas) de Google + comme exemple….

    – le fait que Twitter soit encore largement évolutif, on le voit aux nouveaux usagers qui arrivent, au caractère de masse que ça prend, et à comment chacun de nous est encore en phase d’invention ou d’évolution de ses propres usages, et que ce n’est pas le moment de rigidifier un outil qui se révèle aussi capable d’interférer avec le coeur de nos usages web (ce n’était pas gagné : de juillet à septembre 2008, j’avais 14 followings/followers, et on se demandait vraiment tous si ça valait le coup ce nouveau machin…)

    1. Encore quelques précisions pour répondre à ton second message :

      – Il y a un peu de pub dans Twitter sous la forme des liens sponsorisés : http://www.blueboat.fr/twitter-experimente-les-tweets-sponsorises

      – Pour les applications payantes, il faut aller voir les conditions d’utilisation des API de Twitter : https://dev.twitter.com/terms/api-terms J’avoue ne jamais avoir creusé à fond cette question, mais visiblement, l’usage commercial des données de Twitter est largement possible via ses API et pas forcément monétisé. Il y a cependant des limites (comme celle de remonter dans le temps en exploitant les archives) qui peuvent être levées contre paiement. Si quelqu’un est plus calé que moi sur le sujet, ce serait intéressant qu’il nous explique comment cela fonctionne exactement.

      – Twitter a lancé des pages de marques en décembre dernier (mais assez peu utilisées) : http://www.presse-citron.net/twitter-gros-changements-a-venir-pour-les-pages-de-marques

      – Pour les comptes vérifiés, Twitter indique ici que ce service n’est plus accessible au grand public : https://support.twitter.com/articles/269158-comptes-verifies# Par contre, Twitter procède de lui-même à des vérifications, visiblement pour les célébrités, mais aussi pour les annonceurs qui travaillent avec lui (les fameux tweets sponsorisés). C’est donc une sorte de service premium offert aux annonceurs (et aussi un moyen pour Twitter de prévenir les problèmes liés à l’usurpation d’identité).

  3. l’enjeu de twitter se situe à deux niveaux principaux.

    * Un site centralisé
    * Un protocole propriétaire

    Le site centralisé est une maladie que le monde libre a une tendance à répéter (Wikipedia et OpenStreetMap en sont des exemples.) Ceci dit ils ont le bénéfice de permettre une utilisation plus ouverte que nombre de plateformes propriétaires. Par exemple, OpenStreetMap avec MapQuest ou Apple ou de nombreuses autres petites sociétés.

    Un protocole propriétaire: Twitter contrôle le protocole de communication (API) avec sa plateforme et en fait un système qui n’est pas distribué de façon à garder les utilisateurs captifs et cela me gène beaucoup. Twitter aurait tout à fait la capacité d’implémenter OStatus et de permettre ainsi d’autres plateformes de se raccorder et d’intercommuniquer.

    Je ne suis pas d’accord avec François sur la gratuité. Cela me dérange de payer de mes données personnelles pour ses services. La fausse question que tout le monde se pose est « Mais les utilisateurs seraient-ils prêts à payer ? » C’est vraiment du Tartuffe, car la solution que je ne saurais voir n’est pas disponible. La plupart de ces services ne propose aucune formule payante, donc on ne peut répondre à la question.

    L’autre enjeu est aussi du type « des jeux pour la plèbe, » les services sont ils financer par le datamining et la publicité pour répondre à un besoin du public OU le monde de la publicité créé un service pour mieux vendre de la publicité. « On va créer cette option ainsi les utilisateurs pourront partager des données plus intéressantes qui vont nous générer du cash. »

    Ce n’est pas un monde que je trouve très attractif.

    1. d’accord avec toi, Karl, plus ta capacité à lever le capot et savoir ce qu’il y a dessous – mais reste la notion d’ « intérêt public » sur laquelle on était : cet outil j’en suis actuellement tributaire dans les 2 sens, pour ma veille d’une part, pour ma capacité d’intervention d’autre part

      1. C’est une notion d’intérêt privé, pas public :) Le fait d’être dépendant à cet outil c’est parce que nous le voulons bien. Je n’ai pas de téléphone (je crois bien que comme moi tu ne réponds pas au téléphone) et pourtant il y a de nombreux intérêts à en avoir. Je n’ai pas de compte Facebook, je n’ai pas de compte Google. Le niveau de concessions est différent entre chacun de nous sur ce que l’on est prêt ou pas à accepter d’intérêts privés. Apple a atteint la limite. Twitter est en train de rejoindre à grande vitesse. Ce n’est surtout pas une question de compétences techniques

        1. je comprends bien sûr ton point de vue, Karl, et cohérence – disons que pour faire la guerre j’ai besoin d’être aussi sur ce champ de bataille, et donc d’en accepter les contraintes, aussi bien pour mes Mac/iPhone que pour Twitter ET Facebook, pas du tout les mêmes communautés, les mêmes circulations – on peut aussi se dire que ça ne devrait pas être une guerre, comme Duras disait qu’il ne faut pas enseigner Baudelaire, mais que c’est à chacun de venir le trouver tout seul – paradoxe qui sort du paradoxe initial, mais je ne me vois pas renoncer : impossible concevoir aimer texte de qqun, ou écrire si c’est pour soi, sans cette notion de circulation et partage associé

    2. Salut,

      D’abord, « un protocole propriétaire » : une API ce n’est pas un protocole, Twitter utilise HTTP à ce que je sache.

      Ensuite, proner la décentralisation c’est bien. Confronter l’idée à la réalité, c’est mieux.

      Tu nous expliques comment tu conçois un site web de type OSM ou Wikipedia totalement décentralisé (qui prendrait évidemment en charge l’auth des users, la gestion des BDD, la journalisation, etc.) ?

      1. Marc,

        Un protocole, c’est une convention d’échange de message. Il y en a à de nombreux niveaux. Par example, des protocoles de communications comme TCP, et des protocoles d’applications comme HTTP ou SMTP par exemple. Il y a d’autres couches inférieures. Une API est une convention pour interagir avec un programme et c’est orthogonal au protocole. En espérant que cela soit clair. Je maintiens pour twitter. Il y a bien un protocole qui résulte d’un échange de message utilisant la couche de protocole applicative HTTP. Ce qui me dérange dans le cas de twitter justement, c’est que cela ne soit pas vraiment conçu comme un protocole ouvert avec la possibilité d’interfacer plusieurs serveurs indépendants (comme nous le faisons pour smtp, pour usenet, etc.)

        Pour ce qui est de la décentralisation, la réalité est en effet essentielle. Ce qui permet de réaliser la robustesse des données de Wikipedia est la license qui autorise le fait de distribuer son contenu au travers de la planète et de le répliquer. Il y a une certaine forme de décentralisation placée sur les langages avec des wikipedias par langues. Ce qui n’est pas une panacée non plus, puisqu’une langue n’est pas forcément une identification avec une culture. Donc Wikipedia dans sa facture actuelle et dans son modèle technique est un nivellement encyclopédique global. (Attention je ne dis pas c’est mal, c’est juste un fait). Concevoir un système décentralisé c’est en effet un autre modèle de société qui intègre la polarisation granulaire ainsi que le manque d’exhaustivité. Si vous êtes développeurs pour prendre une analogie proche du code. Il est possible d’imaginer d’avoir git comme modèle de développement (chacun son fork), et d’avoir des condensations (branches) et ou même des répertoires centralisés (github). Wikipedia concentre toutes les parties du modèles. Bien sûr dans un « modèle à la git » wikipedia aurait été une réalité différente.

        En espérant que cela éclaire un peu.

    1. je vais même plus loin: quel en est l’intérêt ? Tous ces bidules sont inspirés de ce concept de « notoriété » inculqué aux jeunes américains; il y existe même des concours annuels de notoriété (kif kif le nombre d’amis…). Mais quel est le « poids » de chacun de ces « amis » ? Tellement peu élevé que le vent les emporte ! Et ramène l’ensemble (malgré quelques tentatives de le rendre signifiant) au « gestionnaire de chiens écrasés ».

  4. D’après-moi personne ne peut s’étonner par la manière dont Twitter utilise nos (ses ?) données. Comme je l’ai justement twitté (quelle ironie) il y a quelques jours lors de l’éclatement en France de cette affaire : Si vous ne payez pas pour un service, vous n’êtes pas le client, vous êtes le produit qui est vendu.

  5. bonjour
    – autre question adjointe : la responsabilité éditoriale dans ce contexte est-elle et/ou doit-elle être liée à son modèle ? Si Twitter devient propriétaire de ces données, en devient-il également responsable éditorial à partir de ce moment-là ?
    Quoique ‘intérêt de Twitter est moins d’être en propriété des tweets que des comptes et ces comptes sont bien créées avec un environnement juridique ( CGU + droit du pays )

  6. « car l’évolution des conditions générales d’utilisation du site (CGU) montre que cette vente a été préparée depuis plusieurs années, par de subtils glissements de clauses contractuelles. »

    Et qu’est-ce que ça nous dit de Facebook, très précisément ?

  7. Si l’on peut douter qu’un seul tweet soit original au sens du droit d’auteur, on peut se demander en revanche si *l’ensemble des tweets d’une personne* ne constituerait pas une œuvre de l’esprit. Cette théorie semble fondée sur le plan de l’originalité, puisque cet ensemble reflète beaucoup plus la personnalité de son auteur qu’un simple tweet. Par ailleurs, cela permettrait de faire bénéficier le RT de l’exception de courte citation qui, prise dans un contexte critique ou polémique, éviterait le grief de contrefaçon.

  8. Oui, bien sûr. Celui qui n’a pas compris que tout ce qu’il met en ligne sur un réseau social profite… au réseau social. Cette polémique sur les droits d’auteur me fait rire. Il serait temps que l’on dépasse ce schéma. Ce que je dis souvent à mes clients : si vous ne voulez pas que l’on vous « pique » vos contenus, ne les mettez pas sur Internet. Si vous mettez vos contenus sur Internet, c’est que vous voulez qu’ils soient repris et diffusés. Ne venez pas ensuite jouer les vierges effarouchées en disant qu’on vous a piqué vos contenus… (je dis pas ça comme ça, hein ! Je suis polie avec mes clients…). Il faut savoir ce que l’on veut. Les majors de l’industrie musicale (et ça commence avec l’audiovisuel) ont imposé leur loi. Résultat ? De nombreux titres impossibles à écouter, même sur des sites comme Deezer. Résultat ? On n’écoute pas les morceaux, on ne les connait pas etc… Soyons logiques. Mettez vos contenus sur Internet, signez les. Toujours… Ne mettez pas en ligne ce que vous voulez garder pour vous, et sachez, effectivement, que si vous ne payez pas un service, c’est que C’EST VOUS le service. Une fois que vous savez ça, éclatez-vous et profitez d’Internet pour ce qu’il vous offre de meilleur. Et essayez de faire en sorte que ce que vous postez sur Internet vous profite aussi à vous, et pas seulement au réseau social que vous utilisez… En bref, réfléchissez avant de faire n’importe quoi, et, dans le cas contraire, ne venez pas vous plaindre ensuite… Les réseaux sociaux on toujours dit « venez communiquer chez nous, vos contenus seront repris et diffusés, vous génèrerez de l’audience… » Il n’ont jamais dit (ou alors mollement) « communiquez chez nous, vous contenus seront repris et diffusés, mais jamais copiés… » Il faut rester logique…

  9. COURRIER QUE J’AI ENVOYE A LA C.N.I.L. (ça mange pas de pain ;-) VS L’ACCORD TWITTER – LIBRARY OF CONGRESS SUR L’ARCHIVAGE DES TWEETS PUBLICS A CETTE BIBLIOTHEQUE :
    ———————————————————————
    Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés
    8, rue Vivienne
    CS 30223
    75083 Paris cedex 02

    Objet : Questions à la CNIL à propos de l’accord Twitter-Library of Congress et l’archivage des « tweets » publics

    Madame, Monsieur,

    Je tenais beaucoup depuis un certain temps à avoir l’avis de la CNIL sur le sujet qui suit, aussi je me permets de vous contacter.

    J’ai été un utilisateur de Twitter pendant presque un an environ (avril 2013 – mars 2014), ayant jusqu’à trois comptes, puis deux seulement vers juillet (2013 donc). Tous mes comptes sont aujourd’hui supprimés ; J’ai fait une demande de copie intégrale à Twitter Inc. de deux de mes comptes, copie qui m’est bien parvenue, sur 2 CDs.

    Tous mes tweets et comptes ont toujours été publics.

    J’ai appris à un moment, il y a déjà quelques mois (fin 2013 peut-être), que Twitter avait passé un accord, un « deal » (mot utilisé par beaucoup des médias internet qui ont évoqué le sujet, voir ici par ex : http://www.numerama.com/magazine/15507-les-messages-sur-twitter-seront-archives-par-la-bibliotheque-du-congres.html) – passé plus ou moins officieusement dès avril 2010, puis signé et officialisé le 7 décembre 2011 – avec la Library of Congress américaine, située à Washington : Cet accord consiste en ce que Twitter autorise la Bibliothèque du Congrès, plus grande bibliothèque du monde, à archiver, conserver, tous les tweets publics ayant jamais été émis, depuis le tout premier en mars 2006 (tweet du créateur et Président de Twitter Jack Dorsey).

    Cet accord a été passé, selon Twitter et la Bibliothèque, pour offrir grosso modo, aux chercheurs, analystes, sociologues etc., le moyen d’étudier, à partir de cette gigantesque base de données que sont les centaines de milliards de tweets (300 milliards en 2014), les différentes « tendances » de la société dans les domaines sociaux et sociétaux, culturels, économiques, politiques, historiques etc. etc.

    Nous sommes nombreux à y avoir immédiatement vu un risque colossal pour la sécurité et la confidentialité des utilisateurs Twitter (et même de leurs relations qui n’ont jamais été sur ce réseau).

    En effet, cet archivage systématique à la Bibliothèque (directement à partir des serveurs de Twitter) signifie bien évidemment que tous nos tweets publics sont archivés, stockés, enregistrés, conservés, à vie (et même après notre mort !), à perpétuité. Maintenant imaginons la situation suivante : Le ou les pays dans lesquels vivent les utilisateurs de Twitter qui ont émis des tweets deviennent des pays à caractère totalitaire, dictatorial, violent, doctrinal à la doctrine unique, violemment répressifs ou menaçants envers les éventuels opposants, dissidents ; dissidents, qui auront, avant (ou pendant, ces régimes autoritaires), éventuellement émis des tweets publics plus ou moins hostiles au régime autoritaire et persécuteur en place : Ces pays et régimes, avec cette base de donnée gigantesque de la Bibliothèque n’auront plus qu’à accéder à cette base de donnée (moyennant peut-être quelques pourparlers avec les Etats-Unis pour en obtenir la possibilité, nous savons que tous les arrangements sont possibles en politique) pour, très facilement, se procurer tout ce qui serait susceptible de les intéresser et aider pour réprimer ou ficher les auteurs – et/ou leurs descendants, proches, relations etc. ! – de tweets dissidents, « subversifs ».

    Et par ailleurs, quid du droit à l’oubli (même s’il n’existe pas encore réellement d’ailleurs !), avec cet archivage ad vitam aeternam ? Et personnellement, je ne vois pas comment je pourrais moi aller effacer mes tweets archivés à la Bibliothèque du Congrès ! Ils y sont « bien au chaud », « sauvegardés », « en sécurité », et pour longtemps !

    Face à ces dangers potentiels énormes, – potentiels seulement peut-être mais pas du tout inenvisageables, au moins en théorie -, personnellement je me contrefiche du but de « l’analyse des tendances de la société et du monde » pour certains chercheurs, analystes et sociologues en tous genres ! Je ne l’ai jamais demandé et je ne veux pas que mes tweets soient archivés dans le cadre de ce « projet », décidé unilatéralement sans l’accord des utilisateurs ! (Un «don » de Twitter à la Bibliothèque.) Et Twitter n’a d’ailleurs pas été conçu pour cela !

    Et je ne suis donc tout simplement pas du tout d’accord avec le fait que mes tweets soient conservés à la Bibliothèque !

    J’ai donc quelques questions à vous soumettre :

    1) Quand donc les utilisateurs Twitter lambda comme moi ont donné leur accord à ce « deal » ? Et comment ?
    2) Est-ce que cet archivage est intégralement conforme avec le droit français et le droit européen?
    2) Pourra-t-on à un moment supprimer nos tweets de la Bibliothèque, et si oui, quand et comment? Et sans bien sûr qu’ils ne soient préalablement précautionneusement sauvegardés, transférés, et stockés ailleurs ! Non ! Eliminés pour tout le monde !
    3) Quelle est la position de la CNIL sur ce « deal » ?
    4) La CNIL envisage-t-elle de lutter contre cet accord ou, du moins, d’obtenir pour les ressortissants français la possibilité de supprimer leurs tweets de la Bibliothèque ?
    5) Sinon, peut-on porter plainte auprès d’un autre organisme que la CNIL, avec quand même un minimum de chances de résultat ?
    6) Faut-il solliciter un organe de l’Union Européenne ?

    Je vous remercie très sincèrement par avance pour vos réponses claires, détaillées, et concrètes!

    Meilleures salutations,
    ———————————————————————

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