Coopyright : enfin une licence à réciprocité pour faire le lien entre Communs et ESS ?

Depuis plusieurs années, un débat s’est engagé sur l’opportunité de créer de nouvelles licences, qui ne seraient ni des licences « libres » (du type GNU-GPL), ni des licences de « libre diffusion » (du type certaines des licences Creative Commons). De nombreuses propositions ont ainsi été élaborées, autour du concept de «licence à réciprocité renforcée». La première de ces tentatives a été la Peer Production Licence de l’allemand Dmitry Kleiner et le belge Michel Bauwens a dégagé de son côté la notion de « Copyfair », dont il fait une des briques essentielles pour un passage vers une « Economie des Communs ». Voici comment il résume ces idées :

Les licences copyleft permettent à quiconque de réutiliser des connaissances partagées à la condition que les modifications et les améliorations soient ajoutées en retour à ces mêmes communs. C’est une grande avancée, mais il ne faut pas faire abstraction du besoin d’équité. Quand on passe à la production d’objets physiques qui nécessite de trouver des ressources pour les bâtiments, les matières premières et des paiements pour les contributeurs, l’exploitation commerciale sans entrave de ces biens communs favorise les modèles extractifs.

Ainsi, il y a nécessité de maintenir l’idée de partage des connaissances, mais de demander également une réciprocité en cas d’exploitation commerciale de ces biens communs, afin que s’ouvre une sphère d’activités pour les entités économiques éthiques qui internalisent les coûts sociaux et environnementaux. Ceci peut être accompli grâce à des licences Copyfair, qui permettent le partage complet des connaissances, mais demandent la réciprocité en échange du droit de commercialisation.

Bauwens estime que les licences Copyfair constituent un des éléments qui permettront de jeter un pont entre l’approche par les Communs et le mouvement coopératif, en renouvelant ce dernier sous la forme d’un « Coopérativisme Ouvert » (Open Cooperativism).

Le problème, c’est que ces propositions sont sur la table depuis plusieurs années à présent, mais elles tardent à produire des effets concrets, car si de nombreux prototypes ont été imaginés, aucune ces nouvelles licences n’a pour l’instant connu d’adoption à une échelle significative et on peine même à citer des exemples concrets de projets qui mettraient en oeuvre de tels principes.

J’avoue que cette situation de « blocage » a pu me conduire à penser qu’une « erreur de conception » avait été commise et j’ai exprimé des doutes sérieux à propos des licences à réciprocité (doutes qui, à vrai dire, ne m’ont pas encore complètement quitté…). Néanmoins ce retard a aussi pour origine la grande difficulté à saisir juridiquement la notion de « réciprocité » qui peut revêtir plusieurs sens différents, pas toujours compatibles les uns avec les autres.

Les choses en étaient là jusqu’à ce que je croise l’an dernier la route de l’association La Coop des Communs, qui s’est précisément donnée pour but de « créer des alliances entre les Communs et l’Économie Sociale et Solidaire ». Elle rassemble chercheurs, acteurs de l’ESS et militants des Communs, en favorisant un intéressant brassage entre ces différentes cultures.

Or la Coop des Communs a elle-même rapidement été confrontée au choix d’une licence pour ses propres productions. Il est apparu que cela pouvait constituer un excellent terrain d’expérimentation pour tenter de mettre en oeuvre juridiquement l’idée de « réciprocité pour les Communs », en faisant un pont avec l’ESS. Ces réflexions ont donné lieu à l’élaboration d’une proposition – à laquelle j’ai participé -, qui a été baptisée Coopyright (jeu de mots sur l’idée d’un « copyright coopératif »).

Une présentation figure sur le site de la Coop des Communs, mais je vais prendre un moment pour expliquer quelles sont les spécificités de cette proposition et ce qu’elle est susceptible d’apporter.

Une synthèse pour dépasser les blocages précédents

Le Coopyright s’inspire fortement de propositions précédentes (Everything Is a Remix !), en essayant de dépasser leurs faiblesses respectives.

La source principale d’inspiration reste la Peer Production Licence de Dmitry Kleiner, qui a été imaginée à partir de la licence Creative Commons CC-BY-NC-SA. Son idée était de « préciser » l’option NC (Pas d’usage commercial) en indiquant que peuvent utiliser la ressource les entités ayant une stricte forme coopérative. Plus exactement la Peer Production Licence formule ainsi sa « clause de réciprocité » :

c. Vous pouvez exercer les droits qui vous sont conférés à des fins commerciales seulement si :

i. Vous êtes une entreprise ou une coopérative dont la propriété appartient aux travailleurs (workerowned) ; et

ii. Tous les gains financiers, surplus, profits et bénéfices générés par la société ou la coopérative sont redistribués aux travailleurs.

d. Tout usage par une société dont la propriété et la gouvernance sont privées et dont le but est de générer du profit  à partir du travail d’employés rémunérés sous forme de salaires est interdit par cette licence.

On est donc dans une vision « organique » de la réciprocité, où le but est de pouvoir discriminer entre des entités commerciales de nature différente, en laissant un usage libre aux « coopératives » tout gardant la possibilité de soumettre à autorisation et à redevance les entreprises « capitalistes » classiques. Le problème, c’est que cette clause est rédigée de manière très restrictive et qu’en l’état, seul un petit nombre de coopératives peuvent satisfaire ces critères. C’est ce qu’explique bien la juriste Carine Bernault dans un article consacré aux licences à réciprocité :

Le critère organique adopté (« une entreprise appartenant à ses salariés ou une coopérative ») réduit considérablement les possibilités d’exploitation à des fins commerciales. En outre la notion de coopérative n’est pas définie par la licence. Or, si l’on prend l’exemple français des sociétés coopératives de production ou SCOP, elles se caractérisent notamment par une répartition des « excédents de gestion » qui doit bénéficier, à hauteur d’au moins 25%, à l’ensemble des salariés. Rien ne garantit donc qu’une SCOP remplisse les conditions posées par la licence pour se livrer à une exploitation commerciale de l’œuvre.

Pour ces raisons, la Peer Production Licence constitue à mes yeux davantage une « preuve de concept » qu’un outil réellement utilisable, car si l’idée générale d’un critère « organique » est intéressante, le périmètre d’application de la licence est trop étroit. Il ne couvre même pas tout le champ des coopératives et il laisse aussi dans l’ombre la multitude des autres formes institutionnelles que peut prendre l’ESS (associations, mutuelles, ESUS, etc.).

La seconde source d’inspiration est celle de la Commons Reciprocity Licence, imaginée par Miguel Said Viera et Primavera de Filippi. Dans cette proposition, l’idée est de s’éloigner d’une conception « organique » de la réciprocité pour favoriser une réciprocité « en acte ». Peu importe dans cette vision le statut des acteurs, il s’agit de permettre l’usage libre et gratuit des Communs pour ceux qui contribuent en retour aux Communs. On aboutit alors à un résultat plus souple et moins discriminant, puisque n’importe quelle entreprise peut se voir ouvert l’accès à la ressource, du moment qu’elle participe à l’entretien des Communs. Mais ce type de proposition a aussi des faiblesses (et sans doute même plus graves encore que celles de la Peer Production Licence) : car comment déterminer exactement ce qu’est un Commun ? Et qu’est-ce qui constitue une « constribution aux Communs » ? Faut-il quantifier et évaluer ces contributions et si oui, comment ? Dans leur proposition, Miguel Said Viera et Primavera de Filippi suggèrent d’utiliser la BlockChain pour résoudre ces difficultés, mais personnellement, je me méfie terriblement que de ce Deus Ex Machina si commode que constitue trop souvent en ce moment la BlockChain. Ce type de vision rompt aussi le lien entre licence à réciprocité et ESS, même s’il a le mérite d’introduire l’intéressant concept de « réciprocité en acte ».

Une troisième source d’inspiration a été le projet FairShares porté par l’association du même nom, qui développe de son côté une vision qu’on pourrait dire « institutionnelle » de la réciprocité. Dans leur proposition, il n’est en outre pas besoin d’inventer une nouvelle licence, car leur système fonctionne comme un « aiguillage » entre deux licences Creative Commons. Pour les personnes qui adhèrent à l’association et qui participent à son activité, les ressources produites sont mises à disposition sous licence CC-BY-SA (donc avec possibilité d’usage commercial). Pour les personnes et entités « extérieures », les ressources sont sous licence CC-BY-NC-ND et l’usage commercial est soumis à redevance. Ce qui est intéressant ici, c’est d’abord l’économie de moyens et la possibilité de se raccrocher aux Creative Commons, qui constituent les licences les plus connues au Monde. On trouve aussi une dimension de « réciprocité interne » mise en oeuvre au sein d’une même communauté productive. Mais on perd encore une fois le lien avec l’ESS qui faisait de son côté la force de la Peer Production Licence.

Toutes ces propositions présente des aspects intéressants, mais aucune ne paraissait vraiment satisfaisante. Pour élaborer le Coopyright, l’idée a donc consisté à essayer de réaliser une synthèse articulant les différents aspects de la réciprocité qu’on voit apparaître dans toutes ces licences et qui chacun présente leur intérêt : réciprocité organique / réciprocité en acte / réciprocité institutionnelle, /réciprocité interne-externe.

Organiser une réciprocité interne autour de deux licences Creative Commons

Le premier besoin pour la Coop des Communs était de déterminer le statut de ses propres productions, sachant que l’association est organisée en groupes de travail dédiés à des thèmes donnés.

Pour donner corps à l’idée d’une réciprocité d’une première façon, il a été décidé que les participants aux groupes de travail pourraient bénéficier des productions de ces groupes sous la licence CC-BY-SA (donc avec possibilité de modification et d’usage commercial, avec obligation de partage à l’identique), tandis que ces mêmes productions seraient mises à disposition vis-à-vis des tiers à l’association sous licence CC-BY-NC-ND.

Cette solution reprend l’idée de base du projet FairShares consistant à s’appuyer sur les licences éprouvées que sont les Creative Commons, afin de ne pas aggraver le phénomène de « prolifération des licences ». Je suis personnellement assez dubitatif sur la possibilité pour une nouvelle licence de percer dans un paysage déjà saturé de propositions, au sein duquel certaines outils, comme les Creative Commons, ont acquis la force de « standards ». Mieux vaut se servir des licences déjà existantes pour construire un « système de réciprocité » plutôt que se repartir de zéro.

Par ailleurs, cette vision des choses a le mérite d’articuler la « réciprocité en acte » et la « réciprocité institutionnelle » et je pense que c’est la seule manière sûre de procéder. Il est trop difficile de définir dans l’abstrait ce qu’est une « contribution aux Communs », car les Communs sont eux-mêmes trop différents les uns des autres. Seul chaque Commun pris individuellement est à même d’apprécier à son niveau ce que peut être une contribution significative à son fonctionnement. Dans le cas de la Coop des Communs, une personne qui veut bénéficier largement des ressources que l’association produit est invitée à venir contribuer à son fonctionnement en participant à un de ses groupes de travail. Peut-être que d’autres Communs auraient une autre manière de définir la « réciprocité en acte », mais il me semble qu’on ne pourra jamais échapper à une définition « institutionnelle » de la contribution, définie Commun par Commun.

Faire le pont avec la sphère de l’ESS par le biais du critère de la « lucrativité limitée »

Si la Coop des Communs en était restée à ce stade, elle aurait retenu une solution identique au projet FairShares, qui n’aurait pas fait le lien avec l’ESS. Or c’était une volonté forte de l’association de garder au centre cette préoccupation, mais en dépassant les limites du critère organique trop étroit utilisé par la Peer Production Licence.

Les ressources de la Coop des Communs sont par défaut mises à disposition sous licence CC-BY-NC-ND, mais il a été décidé que les entités extérieures seront exonérées d’autorisation préalable et de redevances si elles exercent une activité non-lucrative ou à lucrativité limitée.

Le concept de lucrativité limitée fait partie du riche héritage juridique de l’ESS et comme critère, il présente plusieurs intérêts. Il permet déjà de dépasser certaines des limites du critère NC (Pas d’usage commercial) des Creative Commons. Ce dernier, qui a toujours fait l’objet d’interminables débats dans les communautés du Libre, est souvent accusé d’être trop flou. Mais en réalité, ce n’est pas le cas : il est plutôt extrêmement large, puisqu’il se déclenche dès que l’usage d’une ressource entraîne une compensation monétaire ou la recherche d’un « avantage commercial ». C’est donc un pur critère de « commercialité » qui ne prend pas en compte la finalité de l’usage et son contexte, ce qui fait que des administrations ou des associations peuvent tout à fait y être soumis.

La critère de la non-lucrativité ou de la lucrativité limitée présente de ce point de vue l’avantage de réintroduire une logique « organique » dans l’appréciation de l’usage. En effet juridiquement, ce sont des entités qui vont se voir reconnaître un but lucratif ou de lucrativité limitée. Or la sphère de la lucrativité limitée recoupe aussi celle de l’ESS : cela concerne par exemple les associations œuvrant dans le champ de l’économie solidaire ou bien des structures comme les SCOP, les SCIC et les entreprises ESUS.

En outre, les entités peuvent savoir avec un bon niveau de certitude si elles sont ou non dans la sphère de la lucrativité limitée. Il s’agit en effet à l’origine d’un critère utilisé par l’administration fiscale pour accorder des déductions d’impôts et les associations savent si elles sont dans la lucrativité limitée par rapport au régime fiscal qui leur est appliqué. Pour les entités comme les SCOP, SCIC et entreprises ESUS, c’est encore plus simple, car elles sont considérées comme s’inscrivant intrinsèquement dans la sphère de la lucrativité limitée, du fait de leurs principes de fonctionnement (c’est ce qui ressort notamment de la définition de l’ESS retenue dans la loi Hamon). Et on peut ajouter que ce critère a aussi une dimension internationale, car si la définition de la lucrativité limitée peut varier selon les pays, on la retrouve dans la plupart des législations. On aboutit donc à un résultat comparable au droit d’auteur dans les licences Creative Commons : certaines notions « pivots » sur lesquelles les licences sont construites (originalité, reproduction, représentation, droit moral, gestion collective, etc.) peuvent varier selon les pays, mais cela affecte simplement l’interprétation des licences et non leur validité.

Le recours au critère de la non-lucrativité ou de la lucrativité limitée me paraît donc très intéressant à tester, car c’est peut-être par là que l’on pourra dépasser la rigidité excessive dont faisait preuve la Peer Production Licence. C’est même peut-être par ce biais que l’on pourra juridiquement opérer le rapprochement entre Communs et ESS qui permettra au « Coopérativisme Ouvert » de prendre corps.

Quelques limites encore, mais un potentiel à explorer

Le Coopyright n’est sans doute pas une proposition parfaite, mais il me semble qu’il a le potentiel pour relancer la discussion autour des licences à réciprocité sur de meilleures bases que celles sur lesquelles elle s’était engagée jusqu’à présent. Et il y a urgence à mon sens à reprendre ce débat, car de plus en plus d’acteurs de l’ESS et des Communs se retrouvent autour de cette question majeure de la « réciprocité renforcée », mais sans disposer pour l’instant d’outils juridiques efficaces pour la mettre en oeuvre.

Le Coopyright peut sans doute apporter sa contribution à ce processus et il va à présent être testé par la Coop des Communs, notamment dans le cadre de son projet « Plateformes en Communs » (un ensemble de plateformes coopératives qui se reconnaissent dans le notion de Communs et qui comprend un groupe de travail sur les questions juridiques dont je suis chargé de l’animation). Notez également que le texte même de la proposition Coopyright  a été déposé sur GitLab pour faire l’objet d’un appel à commentaires.

Pour l’instant, la principale limite du Coopyright va sans doute résider dans le champ des objets auxquels il peut s’appliquer. Etant construit sur une combinaison de licence Creative Commons, il n’est par exemple pas adapté pour les logiciels, car les licence Creative Commons ont été conçues pour les oeuvres de l’esprit, type musiques, films, textes, photos, etc. et la fondation Creative Commons elle-même recommande de ne pas les utiliser pour les logiciels. Il ne devrait néanmoins pas être difficile d’adapter des licences dédiées aux logiciels pour implémenter les mêmes principes, mais ce travail reste à faire. Par ailleurs, les licences Creative Commons rencontrent aussi des limites lorsqu’on les appliquent à des objets matériels (j’en ai déjà parlé sur ce blog) et le Coopyright ne permet pas en lui-même de dépasser cette limite.

Une autre restriction est que, pour l’instant, le Coopyright a été élaboré pour répondre aux besoins spécifiques de la Coop des Communs et cela rejaillit directement sur la manière dont la « réciprocité interne » est exprimée dans le texte (droits élargis en retour à la participation à ses groupes de travail). Mais il est assez simple pour d’autres entités qui voudraient utiliser cet outil de modifier le texte de base pour exprimer autrement ce qui constitue à leurs yeux une « contribution significative à leur activité », ouvrant le bénéfice à davantage de droits de réutilisation que la licence par défaut. Le texte du Coopyright a été lui-même placé sous licence CC-BY-SA et chacun est donc libre de procéder à des adaptations selon ses besoins.

Enfin, il me semble qu’une autre « couche » pourrait être ajoutée pour que la « réciprocité en acte » puisse être reconnue au sein d’un réseau d’entités se reconnaissant dans les mêmes valeurs. Pour l’instant, cette « réciprocité en acte » est appréciée par rapport à la contribution à un Commun donné (ici en l’occurence, la Coop des Communs). Mais imaginons qu’un groupe d’entités décident d’utiliser chacune le Coopyright pour leurs ressources : elles pourraient ensuite vouloir « faire coalition » et, dans un esprit de solidarité, considérer que la contribution à l’un des membres du réseau ouvrent des droits d’usage sur les ressources des autres membres. On aboutirait alors à la formation d’une sorte de « pot commun » de ressources, avec une appréciation « en réseau » de ce que serait la « réciprocité en acte », sur la base d’appréciations institutionnelles croisées.

***

Bref, il y a sans doute bien des choses à imaginer à partir de ces premières idées et n’hésitez pas à partager les vôtres sous ce billet ou à aller le faire sur GitLab.

PS : Une dernière chose, mais pas complètement anodine. Une licence a besoin d’un logo pour se signaler et se faire connaître. Si quelqu’un est capable d’imaginer un logo qui exprimerait les valeurs et les principes de fonctionnement du Coopyright sous une forme graphique, qu’il/elle n’hésite pas également à se faire connaître dans les commentaires !


18 réflexions sur “Coopyright : enfin une licence à réciprocité pour faire le lien entre Communs et ESS ?

  1. Merci pour cette synthèse, comme tu le sais on suit ça de près du côté de CoopCycle, notamment pour l’adaptation aux logiciels. À propos de ton post scriptum, je n’ai pas beaucoup de temps mais je vais essayer de plancher sur un sigle d’ici la fin du mois.

    1. Merci Paul pour ton commentaire. L’adaptation aux logiciels de ces propositions serait assez simple. La licence GNU-GPL peut servir d’équivalent à une licence CC-BY-SA. Ce qui manque, c’est un équivalent au CC-BY-NC-ND. Ça doit être possible à produire. Il faut juste un peu de temps de cerveau pour le faire…

  2. Je vois 2 problèmes, liés à cette licence Janus.
    D’une part, la lucrativité limitée n’est pas pérenne en dehors de l’ESS : Google et Facebook avaient des lucrativités limitées avant de devenir les oligopoles actuelles. Le réciprocité demanderait qu’on change les droits en moins permissifs. Quand on sait les techniques comptables pour optimiser (dans un sens ou dans l’autre) un résultat comptable, il ne faudrait pas d’irréversibilité pour éviter que la rentabilité soit ajustée en fonction des besoins de piocher dans le Coopyright.
    Or l’irréversibilité des droits accordés est la base de la sécurité juridique de l’utilisateur en Creative Commons. Donc, je pense qu’il y a un gros travail à faire sur le changement de droits en fonction du temps d’une telle licence.

    D’autre part, il faudrait un critère de taille : Google pourrait-il se servir dans les productions sous Coopyright d’artistes ou de makers individuels sous prétexte qu’il investit une part minime de ses résultats gigantesques dans des logiciels libres ?

    1. Bonjour,
      Non en fait, Google et Facebook n’ont jamais été dans la lucrativité limitée, et ce dès leur premier jour. Ils ont été fondés comme des sociétés commerciales classiques et celles-ci tombent automatiquement sous le coup de la clause NC.
      Ce serait la même chose avec toutes les « startups » qui pullulent, si elles sont constituées en sociétés commerciales. Peu importe qu’elles soient petites ou grosses, c’est par rapport à leur nature même que la licence les traitera. Et c’est justement l’intérêt de faire le lien avec l’ESS.
      Sinon, Google ne pourra pas non plus automatiquement se prévaloir de ses apports aux logiciels libres pour utiliser les ressources sous Coopyright. Mais c’est à chaque Commun qui utilise ce système d’estimer comment il veut récompenser la « réciprocité en actes ».
      Si un projet estime que les dons en argent ou en temps de développement sont suffisants pour ouvrir des droits complets d’usage, alors oui une entreprise comme Google pourrait passer par là pour utiliser la ressource sous licence.
      Mais c’est à chaque Commun de définir comment il veut s’articuler avec les structures capitalistes classiques.
      Sachant que la différence avec ce système, c’est que la contribution en retour est obligatoire, là où avec une licence libre classique, Google reste entièrement libre de soutenir le logiciel libre ou non.
      Et ça fait quand même une certaine différence…

  3. Je reste assez sceptique quand même sur l’aspect « réutilisation réservée aux contributeur du projet ». Même si on élargit à un réseau de confiance, j’ai le sentiment qu’on ré-enclos l »usage des ressources, certes plus largement disponibles, mais seulement pour quelques uns.

    Et ça remet en cause le partage comme revendication d’une interdépendance « entre humains ». On revient ici à une réciprocité « directe », là où un Share Alike garantie la non appropriation exclusive de la ressource tout en faisant confiance sur le fait que nous utiliserons à un moment nous aussi une ressource mise en partage. On passe d’un principe de confiance à un encadrement juridique de la méfiance.

    En plus, ressource restera commercialisée vis à vis des individus « hors communauté de contributeurs » sans limite de somme à atteindre, donc sans corrélation avec les investissement vraiment réalisés.

    Enfin, comme la structure collective (ici la coop des communs » va mourir un jour, il ne sera plus possible d’y contribuer et plus personne ne pourra prendre la décision d’en autoriser ou non le partage pour tout usage.

    Tranquillement,
    Romain

    PS : Merci tout de même sincèrement pour le travail, c’est en essayant que l’on pourra constater… mais j’ai l’impression qu’on ne change pas de paradigme économique avec cette licence.
    PS2 : un gros acteur de l’ESS Parisien nous avait dit « ceci est un bien commun de notre structure, vous devez nous demandé pour l’utiliser », concernant une méthode d’évaluation de projet. Je crois que cette licence lui aurait plu :-)
    PS3 : Et ça veut dire qu’en l’état, je ne peux ré-utiliser aucune ressource de la coop des Communs, et que mes améliorations de ces ressources si je les utilise dans un cadre non commercial se verront attribuer le même régime de licence bizaroide, ou que ma nouvelle version sera simplement en CC by SA ? Parce que là j’ai du mal à interpréter ce cas de figure, ne comprenant pas bien à quoi le « Share Alike » s’applique ?

    1. Bonjour,

      Beaucoup de choses à répondre à ce commentaire…

      Oui, cette licence est « discriminante ». Elle a directement pour but de ne pas traiter tous les réutilisateurs commerciaux de la même façon. S’il en est ainsi, c’est parce qu’on ne peut pas considérer qu’une structure ESS, qui accepte volontairement de limiter sa lucrativité pour servir d’autres buts que l’accumulation infinie du profit, puisse être considérée comme équivalente avec une société commerciale classique.

      Il n’est pas question ici de partage « entre humains », car les entreprises ne sont pas justement de simples humains. Le but de cette licence est de se donner à nouveau la possibilité d’avoir une grille de lecture économique de la réalité, là où le Libre (et pire encore l’Open Source) ont littéralement évacué ce paramètre de l’équation.

      Ensuite le Share Alike permet certes d’empêcher la réutilisation exclusive des ressources, mais pas du tout de régler le problème de valeur de la sphère des Communs vers celle de l’accumulation capitalistique. Et comme Michel Bauwens, je pense que c’est un problème majeur qu’il nous faut regarder en face.

      Par ailleurs, il suffit de lire Stallman pour voir que le Share Alike est pas du tout une marque de confiance, mais bien un principe de méfiance vis-à-vis d’acteurs qui cherchent à supprimer les libertés conférées par les licences libres. Il raconte même que c’est après avoir subi un déboire avec une entreprise qui voulait l’empêcher de réintégrer une portion de code dans un ses projets qu’il a eu l’idée d’ajouter la clause Copyleft dans la GNU-GPL.

      Par ailleurs, il ne faut pas tomber dans l’angélisme : les Communs font une large place à la confiance, mais ils n’excluent pas du tout une forme de méfiance méthodologique. Elinor Ostrom parle beaucoup dans ses écrits du problème des « passagers clandestins » et de la manière dont pour réussir les Communs doivent se doter de moyens de surveillance et de sanction.

      Je continue.

      La commercialisation de la ressource ne se fera « sans limite » puisque l’on est justement dans la sphère de la lucrativité limitée, avec des plafonds pour les associations et des obligations de réinvestissement pour les autres structures ESS.

      En l’état, tu peux tout à fait réutiliser les ressources de la Coop des Communs sous licence CC-BY-NC-ND qui permet de faire beaucoup de choses (republier, imprimer, etc.).

      Si tu les réutilises « telles quelles » sans modification, tu dois les repartager sous licence CC-BY-NC-ND.

      Si tu veux les modifier, tu fois demander l’autorisation à la Coop des Communs (ou adhérer et venir participer à un groupe de travail).

      Le Share Alike s’applique pour les contributeurs qui récupèrent les ressources sous CC-BY-SA et qui produisent des versions dérivées.

      1. Désoler je déterre cet échange sur la fin de ta réponse d’alors. Tu disais « Le Share Alike s’applique pour les contributeurs qui récupèrent les ressources sous CC-BY-SA et qui produisent des versions dérivées.  »
        Mais est-ce vraiment du CC by SA si on considère que c’est un cc by sa restreint par les critère de la Coopyright. Ce serait plutôt une licence « Coopyright BY SA » alors non ? Pour être certain de ne pas mal comprendre.
        Et merci avec du retard de tout le reste de la réponse, ça m’a permis de bien avancer dans ma tête sur le sujet !
        A++

  4. Bonjour,

    Merci Lionel pour ce billet et pour le travail que t’as fait pour qu’on arrive à la licence Coopyright. Je me suis confronté aux mêmes écueils dans ma recherche en réfléchissant aux licences à réciprocité et je trouve que l’expérimentation de la licence Coopyright qu’on mène à La Coop des Communs nous permet d’avancer.

    En réfléchissant aux écueils auxquels la licence Coopyright pourrait se confronter à son tour (toujours dans le but de pousser la réflexion et rendre l’outil plus robuste), je me dis que, à un moment donné, où plutôt à partir d’une certaine échelle du nombre de contributeurs/contributions, la réciprocité en acte, qui à mon avis est bien définie pour la Coop des Communs, se heurtera à la nécessité de devoir mesurer la contribution. On pourrait imaginer des cas extrêmes de comportements « passager clandestin » dans lesquels une personne morale ou physique contribuerait minimalement aux groupes de travail (un petit texte par an, une participation sporadique dans un atelier…) qui n’auraient pour but que de pouvoir bénéficier de l’usage commercial du commun. Pour faire un parallèle avec le logiciel, ça reviendrait à contribuer avec une ligne de code portant sur un petit détail du logiciel pour pouvoir utiliser tout le logiciel dans un but lucratif. Et bien sur tout un tas de situations intermédiaires d’asymétrie entre la contribution effective au commun et ce que l’on tire de lui où il n’y aurait pas forcément la mauvaise foi de la logique « passager clandestin ».

    Je sais bien que la question ne se pose pas à La Coop des Communs étant donnée la taille du groupe et, surtout, le fait qu’on se connaît et la confiance règne entre nous. Mais je me demande comment un passage en échelle de la licence Coopyright pour un usage comme celui de la Coop des Communs pourrait faire face à ce problème. Je n’ai pas de réponse arrêtée. J’imagine que des mécanismes de mesure des contributions devraient être mis en place pour garantir certains seuils minimaux qui définiraient la frontière entre le comportement « passager clandestin » et une « vraie » réciprocité (par exemple, assister à x% des ateliers). Or, ceci pose à nouveaux au moins deux soucis. Un d’ordre pratique: des mécanismes organisationnels ad hoc doivent être mis en place pour mesurer les contributions, ce qui rendrait moins fluide la réutilisation commerciale des productions de la Coop des Communs ou de l’institution en question. Un autre d’ordre éthique: mesurer les contributions, quoi que nécessaire pour éviter des logiques « passager clandestin », irait dans le sens contraire du précepte qui, à mon avis (à discuter), devrait être un principe recteur des commun(iste)s en matière d’équilibre entre contribution et usage d’une ressource commune, « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ».

    Au plaisir de poursuivre cette discussion entre tous.

    Amicalement,

    Bruno Carballa

    1. Bonjour Bruno,

      Tu soulèves là une question complexe, à laquelle il n’est pas simple d’apporter une réponse définitive.

      La « réciprocité en acte », c’est-à-dire celle qui passe par une contribution aux Communs, nécessite en effet de définir ce qu’est une contribution qui donnera droit à des droits d’usage élargis sur les ressources.

      Pour moi, il n’y a aucune manière de définir « en général » ce qu’est une contribution à un Commun. Chaque Commun est le seul à pouvoir légitimement déterminer ce qu’est une contribution significative à son fonctionnement, à partir de ses règles propres de fonctionnement. Toute tentative de définir « de l’extérieur » ce qu’est une contribution à un Commun est en fait une violation du principe même du Commun.

      C’est d’ailleurs pour cela que je suis toujours extrêmement méfiant vis-à-vis de tous les « fantasmes » très en vogue en ce moment autour de la BlockChain qui présentent comme une solution miracle le fait de « tokéniser » les contributions pour mieux les évaluer. J’y vois en fait surtout une forme de dérive libertarienne qui entendrait supprimer le rôle de l’institution dans le fonctionnement des Communs. Or je reste fidèle de mon côté à la vision d’Ostrom qui montre que les Communs sont avant toute chose des institutions et doivent fonctionner en tant que tels.

      C’est ce qui me rend aussi méfiant par principe envers l’idée d’une « mesure » des contributions pour de nombreuses raisons. Est-on bien certain que la mesure soit un moyen d’éviter les passagers clandestins ? Pour la Coop des Communs, on pourrait dire que la « mesure » de la contribution sera d’assister à trois réunions de travail dans l’année ou de rendre trois textes. Mais je peux tout à fait être présent à une réunion de travail sans contribuer réellement ou écrire des textes sans intérêt. Faudra-t-il aussi fixer un nombre de signes minimum pour les textes ? Et ensuite mesurer leur « facteur d’impact » par je ne sais quel artifice comptable pour être capable de dire que tel texte vaut plus qu’un autre ?

      A l’échelle d’un groupe comme la Coop des Communs, il vaut mieux en appeler à l’appréciation de chacun des groupes de travail qui seront capables, collectivement et par la discussion, de fixer une liste de leurs contributeurs actifs chaque année. Et je crains même qu’introduire des mesures au sein de ces groupes ne conduisent à perturber gravement leur fonctionnement et à changer les motivations des acteurs qui y contribuent…

      C’est pour cela que pour moi, l’appréciation de la « réciprocité en acte » est inséparable d’une « réciprocité institutionnelle » et l’évaluation des contributions devrait davantage suivre une logique délibérative que « comptable ». J’ai trop lu Alain Supiot et ce qu’il dit de la « gouvernance par les nombres » pour redouter ce qui arriverait si on l’injecte dans les Communs. Certains disent d’ailleurs que Wikipédia se désintégrera le jour où l’on introduira en son sein une compatibilité des contributions…

      A un niveau plus général, je suis d’ailleurs plus favorable pour les licences à réciprocité au critère « organique », car il a le mérite de nous dispenser d’évaluer les contributions à la pièce pour prendre plutôt en considération les statuts des acteurs économiques, lesquels renvoient à des principes régulateurs des comportements.

      Après si le système de Coopyright venait à déboucher sur un réseau d’acteurs utilisant cette licence, chacun resterait libre d’apprécier la « réciprocité en acte » sur la base d’une mesure des contributions. Rien ne l’interdit et cela resterait compatible avec d’autres groupes qui apprécieraient les contributions sur d’autres bases.

      Mais il faudra en ce qui me concerne faire preuve de beaucoup de convictions pour me convaincre qu’une mesure des contributions est un bon système pour la gestion des Communs…

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