Obtention végétale : le droit d’auteur pourrait en prendre de la graine !

Connaissez-vous le C.O.V. ou Certificat d’Obtention Végétale ?

Il s’agit d’un mécanisme, prévu par le Code de la Propriété Intellectuelle, qui vise à protéger les créations des producteurs de nouvelle variétés végétales. Il constitue une branche à part entière (c’est le cas de le dire !) de la propriété intellectuelle, mais se distingue du droit d’auteur ou du brevet par des originalités marquées (voyez ce schéma).

J’avais entendu parler du COV, il y a un certain temps déjà, mais c’est en creusant un peu la question que je me suis rendu compte qu’il y avait là un système très inspirant, dont le droit d’auteur devrait peut-être… prendre de la graine !

Pour protéger les fruits de la connaissance, le Certificat d'Obtention Végétale développe une approche particulièrement fertile, dont le droit d'auteur ferait peut-être bien de s'inspirer (Apples on Tree. Par fauxto digit. CC-BY. Source : Flickr)

Une manière originale de protéger les fruits… de la connaissance !

En effet, au coeur du COV, on trouve l’idée d’un équilibre à instaurer entre la récompense de l’innovation d’un côté et la nécessité de maintenir un libre accès aux ressources de l’autre. Cet équilibre entre la protection et l’usage, on sait qu’il est de plus en plus précaire dans les autres domaine de la propriété intellectuelle, comme le droit d’auteur ou le brevet, avec des conséquences néfastes pour l’accès à la connaissance (j’avais essayé d’en parler ici).

L’intérêt du COV par rapport à d’autres mécanismes de protection, c’est qu’au lieu de partir d’une approche « Tous droits réservés », il prévoit d’emblée que certains d’usages des variétés protégées doivent demeurer libres.

Pour obtenir le bénéfice d’un COV, le créateur d’une variété doit en faire la demande auprès du Comité pour la Protection des Obtentions Végétales, qui pourra le lui délivrer à  la condition que la variété présente un certain nombre de caractéristiques, dont la nouveauté (un peu comme en matière de brevet). Si c’est le cas, le certificat lui garantit pour une période limitée de 25 à 30 ans selon les espèces :

un droit exclusif à produire, à introduire sur le territoire où la loi est applicable, à vendre ou offrir à la vente tout ou partie de la plante, ou tous éléments de reproduction ou de multiplication végétative de la variété considérée et des variétés qui en sont issues lorsque leur reproduction exige l’emploi répété de la variété initiale (voyez ici).

Cette protection permet de rétribuer le travail de l’obtenteur en lui assurant que toute personne reproduisant sa plante pour la commercialiser s’acquitte d’une redevance, qui sera généralement intégrée dans le prix de vente.

Mais ce droit exclusif n’est pas absolu et il n’empêche pas une large variété d’usages.

  • Les acquéreurs de semences ou de plantes conservent la possibilité de les utiliser librement et de les multiplier à des fins non commerciales, ou dans un cadre privé ou familial (jardiniers amateurs)
  • N’importe qui peut utiliser librement et gratuitement une variété protégée pour en créer une autre ;
  • Il est possible d’utiliser librement la variété protégée dans le cadre de recherches, à des fins expérimentales, sans production ;
  • Enfin, les agriculteurs conservent la possibilité de conserver une partie des semences produites lors d’une récolte pour les replanter l’année suivante (semences de ferme), moyennant le paiement d’une redevance annuelle.

Ces libertés permettent de concilier les intérêts entre plusieurs acteurs : le producteur de variétés qui souhaitent tirer un bénéfice de son innovation ;  ses concurrents qui pourront à leur tour innover en s’appuyant sur cette création ;  les agriculteurs, les chercheurs, mais aussi les simples amateurs de jardinage.

De manière plus profonde, le COV reconnaît le fait que même si un apport intellectuel a été nécessaire pour créer, cette nouveauté s’enracine (sans jeu de mots !) dans un patrimoine (le capital génétique des espèces) qui ne doit pas pouvoir faire l’objet d’une appropriation exclusive trop forte, pour la raison qu’il constitue un bien commun dont l’accès doit demeurer ouvert.

Dans d’autres pays, notamment aux Etats-Unis, le système est différent et  c’est par le biais du brevet que l’on protège les obtentions végétales. Il en résulte de fortes conséquences en matière d’accès à la connaissance, dans la mesure où le brevet ne reconnaît aucune des libertés consacrées par le COV (voyez le tableau en bas de cette page qui compare les deux systèmes). COV et brevet peuvent aussi cohabiter dans la mesure où les gènes introduit dans les plantes par manipulation génétique peuvent être brevetés. On sait aussi que la firme Monsanto par exemple, avec son gène Terminator qui rend stérile les plantes génétiquement modifiées qu’elle produit, vise directement à remettre en cause la liberté de réutiliser les semences, pourtant garantie par le COV (une sorte de DRM génétique).

Le COV s'enracine dans l'idée que la création végétale émerge toujours d'un fond préexistant. Mais n'est-ce pas le cas de toute création ? (Exposed gnarly roots in fall river park. Par Martin Labar. CC-BY-NC. Source : Flickr)

Variété végétale, variété culturelle : même combat ?

Malgré ces fragilités, il me semble que le COV pourrait servir avantageusement de source d’inspiration pour le droit d’auteur. Rêvons un peu et imaginons qu’un législateur malicieux (ou inspiré ?) décide un jour d’étendre l’application du COV aux œuvres de l’esprit. Que se produirait-il ?

1) La protection du droit d’auteur ne serait plus automatique acquise dès la création des œuvres, mais elle nécessiterait une procédure d’enregistrement, à la charge du créateur. J’ai déjà eu l’occasion de dire que ce système d’enregistrement me paraîtrait hautement préférable à la protection automatique qui s’applique actuellement. Il est légitime que le bénéfice d’un droit soit la contrepartie de l’accomplissement de devoirs. Actuellement, toute la charge procédurale pèse sur les utilisateurs qui doivent s’acquitter de démarches complexes, parfois inextricables, pour recueillir le consentement des titulaires de droits. Cette charge devrait être mieux répartie et peser également sur ceux qui retirent bénéfice du système. Lawrence Lessig, le père des licences Creative Commons, avait également défendue l’idée de créer un Registre mondial auprès duquel les créateurs pourraient enregistrer leurs œuvres, de façon à lutter contre le problème des oeuvres orphelines. Il est certain qu’aucune obtention végétale ne peut être orpheline et que l’on sait aisément retrouver les titulaires de certificats, grâce à la procédure volontaire de demande.

2) La protection du droit d’auteur ne durerait que pour une période raisonnable, de 25 à 30 ans. Il est inutile de rappeler à quel point l’extension continuelle de la durée des droits menace l’équilibre du système de la propriété littéraire et artistique. Jetez par exemple un oeil sur ce schéma qui montre ce que les lois ont infligé comme dommages au fil du temps au domaine public. Le patrimoine génétique reste un bien commun parce que son appropriation est réellement temporaire. Avec le patrimoine culturel, l’appropriation dure si longtemps que nous serons tous morts depuis longtemps lorsque les créations d’aujourd’hui deviendront des biens communs.

3) Le COV, comme le droit d’auteur, reconnaît l’existence d’un droit à l’usage privé du matériel protégé, mais il va plus loin. Il est possible de reproduire des semences pour son jardin tout comme il est possible de réaliser des copies privées des oeuvres que l’on s’est légalement procurées. Mais le COV consacre plus largement ce droit, dans la mesure où il permet aussi aux agriculteurs de réutiliser une partie des semences d’une année pour replanter leurs champs. C’est accepter qu’une sorte de « copie privée » puisse exister malgré l’usage commercial. On n’est pas loin alors du fair use (usage équitable) américain, qui, contrairement à nos exceptions françaises, peut s’appliquer valablement dans certains cas, même lorsqu’il y  a usage commercial d’une oeuvre protégée.

4) Si le COV s’appliquait aux œuvres de l’esprit, il existerait enfin dans notre système une vraie exception au profit de la recherche. Depuis la loi DADVSI de 2006, il existe en France une exception pédagogique et de recherche, mais celle-ci est très limitée et effroyablement complexe à appliquer (voyez plutôt). Le COV consacre de son côté un véritable droit à étudier les espèces protégées . Au nom du droit fondamental d’accès à la connaissance, il devrait en être de même pour les oeuvres de l’esprit. Notons également que le COV permet l’usage à des fins de recherche gratuitement, au nom de l’intérêt général, alors que le machin pédagogique de la Loi DADVSI coûte chaque année plusieurs millions d’euros à l’Etat (et donc à nous tous !)

5) Last but not least, en appliquant le COV aux oeuvres de l’esprit, on consacrerait enfin un droit à la réutilisation créative, qui fait si cruellement défaut dans le système actuel. Malgré le droit exclusif reconnu au créateur d’une nouvelle variété, il reste possible pour quiconque d’utiliser la plante pour en produire une nouvelle. Le bénéficiaire du certificat peut s’opposer à ce qu’on commercialise son invention sans le rémunérer, mais il ne peut empêcher qu’un autre s’appuie sur sa création pour innover à son tour et produire du neuf. Le droit d ‘auteur français ne permet pas cela, ou alors seulement dans les limites étriquées de la courte citation. Pourtant, le besoin est très fort de donner une assise légale à la réutilisation créative des contenus, au remix, au mashup et à toutes les pratiques amateurs qui fleurissent en ligne. Le droit d’auteur devrait apprendre à distinguer le plagiat de la réutilisation créative et reconnaître que la seconde relève d’un droit fondamental de créer qui ne peut être anéanti par aucune exclusivité. Cela éviterait de voir se produire des absurdités comme celle-ci ou celle-là, véritables attentats à la créativité. C’est tout l’enjeu du statut juridique des User Generated Content qui se cache derrière cette question. Ici encore, le COV se rapproche du fair use américain, qui accorde lui aussi droit de cité à « l’usage transformatif ».

Voilà un champ de blé… rêvons un peu !

Vous me direz qu’il existe déjà des licences libres qui favorisent justement ce type de réutilisations. Certes, mais ce que montre le COV, c’est que l’idée d’un équilibre entre les droits d’un créateur et ceux de l’utilisateur, dotés d’une égale dignité, existe déjà dans notre code et qu’elle pourrait se propager çà d’autres domaines de la propriété intellectuelle.

On lit souvent que le COV a été mis en place pour tenir compte de la spécificité du vivant, mais son esprit pourrait s’appliquer tout autant aux biens culturels. Tout comme les créations végétales, les œuvres de l’esprit naissent en effet à partir d’un fonds commun préexistant d’idées et de concepts, qui constituent un bien commun dont l’appropriation exclusive devrait être étroitement bornée. Le créateur d’une nouvelle espèce végétale ne bénéficie que d’une protection limitée, car il n’est pas le seul à avoir œuvré. La nature aussi a concouru à la création. Il en est de même pour les œuvres de l’esprit : l’inventivité de l’auteur joue un rôle fondamental, mais elle ne doit pas faire oublier que l’intelligence collective est aussi toujours à l’œuvre, et c’est particulièrement vrai lorsque la création s’effectue sur Internet.

Pour s’en convaincre, je vous invite à relire ce magnifique passage des Majorats littéraires de P.J. Proudhon :

Voilà un champ de blé : pouvez-vous me dire l’épi qui est sorti le premier de terre, et prétendez-vous que les autres qui sont venus à la suite ne doivent leur naissance qu’à son initiative ? Tel est à peu près le rôle de ces créateurs, comme on les nomme, dont on voudrait faire le genre humain redevancier.(…) En fait de littérature et d’art, on peut dire que l’effort du génie est de rendre l’idéal conçu par la masse. Produire, même dans ce sens restreint est chose méritoire assurément, et quand la production est réussie, elle est digne de récompense. Mais ne déshéritons pas pour cela l’Humanité de son domaine : ce serait faire de la Science, de la Littérature et de l’Art un guet-apens à la Raison et à la Liberté.

Rêvons un peu que l’esprit d’équilibre du COV puisse s’appliquer un jour à toutes les créations !

Champ de blé. Par Osbern. CC-BY-NC. Source : Flickr

PS : si vous avez aimé ces rêveries végétales, vous apprécierez peut-être celles-ci : Un droit d’auteur pour les animaux, pas si bête ? Il me restera ensuite à parler des minéraux !



11 réflexions sur “Obtention végétale : le droit d’auteur pourrait en prendre de la graine !

  1. Bonjour

    Supposons un instant que ces règles soient appliquées

    « 1) La protection du droit d’auteur ne serait plus automatique acquise dès la création des œuvres »

    Je dépose ce texte de Sylex avant Sylex, parce que je suis plus au courant des faits et des procédures de dépôt… et j’interdis à Sylex de l’utiliser dorénavant sans me payer.

    Idem, je dépose ma traduction avant Sylex et j’interdis à Sylex de traduire son texte dans la ou les langues traduites, sauf à me rémunérer pour MON texte.

    Je veux faire taire Sylex, je dépose une copie de son texte et je crie au litige.
    Le temps que l’affaire soit jugée, en appel, et que Sylex puisse prouver sa bonne foi, il est enterré.

    Si la protection du droit d’auteur est acquise en automatique dès la création des oeuvres, c’est pour empêcher ces manoeuvres aussi déloyales qu’ignobles.

    Car dans le cas d’un dépôt de l’oeuvre, c’est alors à l’auteur de se battre pour attester sa paternité et montrer qu’il a été spolié. Peut-il seulement prouver qu’il est le créateur original de son oeuvre ?

    A remarquer que c’est toujours à l’auteur de se battre pour montrer qu’il a été spolié, malgré la soi-disant protection automatique.

    Etre auteur et devoir payer (car il s’agira obligatoirement de ça) pour protéger la moindre de ses oeuvres, voilà une belle incitation à créer.

    Sauf à être volé.
    Avec interdiction de pouvoir réutiliser ses propres textes !!!
    Oui, ses propres textes.

    Il faut aussi rappeler que certains brevets industriels ne sont déposés « que » pour bloquer la concurrence. C’est une tactique industrielle assez courante que d’émettre un brevet et de le laisser dormir, afin de bloquer toutes recherches dans le domaine. Simplement en menaçant les contrevenants d’un procès.

    Maintenant, supposons quand même qu’on puisse déposer nos textes, donc le fruit de notre travail… cela voudrait dire qu’il faut créer un deuxième Web pour tous ceux qui veulent protéger leur texte. Le Web normal pour le publier, un deuxième Web pour protéger nos oeuvres… afin de ne pas être volé et surtout d’être interdit d’utiliser ses propres mots !!!

    Deux Web alors que la place ne suffit déjà plus pour un seul Web…

    La solution de protéger un texte à peine publié paraît quand même la plus sensée.
    Et la plus simple d’usage. (avec intelligence, chacun est libre d’indiquer ou non la type de droit qu’il désire pour chacun de ses textes)

    Désolé de le dire, mais nous ne vivons pas dans un Mickey World où tout le monde respecte le travail d’autrui. Où tout le monde il est gentil avec le sourire bienveillant de Daisy.

    Si Balzac s’est battu pour le droit d’auteur contre les imprimeurs étrangers, c’est bien parce que certains publiaient ses livres, non seulement à l’étranger, mais venaient aussi vendre leur production en dessous des tarifs pratiqués en France, l’empêchant de vivre du fruit de son travail.

    Normal, quand on ne paye pas l’auteur, on peut toujours vendre en dessous du coût des honnêtes gens.

    « Il est certain qu’aucune obtention végétale ne peut être orpheline et que l’on sait aisément retrouver les titulaires de certificats, grâce à la procédure volontaire de demande. »

    Faux.
    Que fais-tu de toutes celles actuelles, de tous les végétaux existants ?

    Il suffit de voir à quelle vitesse Monsanto et Compagnie du même brevettent à tour de bras les plantes naturelles (à débouché thérapeutique), pour s’apercevoir que les plantes orphelines ! (sic) ont bon dos.

    Elles étaient dans le domaine public, librement accessibles, on les brevette.
    Bizarre. Pourquoi joue-t-on de brevet sur des plantes que tout le monde peut avoir dans son jardin ou dans son verger. Et que certains anciens savaient utiliser à bon escient.

    Sauf pour les interdire (pendant 25-30 ans !!!), où comment faire disparaître la biodiversité.
    Ou encore comment faire disparaître ceux qui savent les utiliser, et qui n’auront plus le droit de les vendre, faute de violer les brevets ! (brevets occidentaux au passage)

    A ce niveau, une loi devrait apparaître. Tout brevet non utilisé pendant deux ans ne peut plus être opposé à quiconque.

    On ne devrait pas non plus pouvoir breveter une plante qui n’appartient pas au biotope de son pays. Ceci afin de ne pas spolier les pays moins en avance technologique.

    « 2) La protection du droit d’auteur ne durerait que pour une période raisonnable, de 25 à 30 ans. Il est inutile de rappeler à quel point l’extension continuelle de la durée des droits menace l’équilibre du système de la propriété littéraire et artistique. Jetez par exemple un oeil sur ce schéma qui montre ce que les lois ont infligé comme dommages au fil du temps au domaine public. Le patrimoine génétique reste un bien commun parce que son appropriation est réellement temporaire. Avec le patrimoine culturel, l’appropriation dure si longtemps que nous serons tous morts depuis longtemps lorsque les créations d’aujourd’hui deviendront des biens communs. »

    Sylex, tu peux vraiment dire ça sans sourciller ?

    Avec le patrimoine culturel, l’appropriation (sic) dure si longtemps (resic) que nous serons tous morts…

    Sans blague.
    Mais de quelle « appropriation » parlons-nous ?

    Du partage des informations, des idées véhiculées par l’oeuvre… ou bien de la possession elle-même de l’oeuvre qui doit/devrait appartenir au bien commun.

    Je dois être un peu niais sur le coup, mais il me semblait qu’une idée lue/vue/entendue m’appartenait aussitôt.
    Que je pouvais la réutiliser illico… et que réutiliser une copie conforme de l’oeuvre d’un autre, ne pouvait être fait sans citer le véritable auteur. (que l’oeuvre soit dans le domaine public ou non)… ce qui interdit l’appropriation telle que tu l’entends !

    Dois-je attendre 25-30 ans pour contester les mots utilisés ici ???
    Par chance non ! :-)

    Ce qui est vrai, et bloquant, dans le monde des brevets industriels n’existe pas dans le monde culturel. Une oeuvre divulguée appartient aussitôt à tous. On peut la citer, on peut s’y référer, sans rien payer. On peut s’en inspirer, l’encenser ou la critiquer, même la descendre en flamme dans une contre-oeuvre sans aucune contrepartie financière à l’auteur du texte original.

    On peut même copier, et je dis bien copier-coller, la forme et la structure d’une idée culturelle, sans être accusé de contrefaçon.

    C’est dire jusqu’où peut aller l’appropriation d’une oeuvre culturelle.
    Pas demain, pas dans 25-30 ans.
    Tout de suite !!!

    Maintenant, je vais regarder le copier-coller de cette durée 25-30 ans. (qui me semble plaqué un peu vite ici)

    A quoi correspond 25-30 ans dans le monde industriel ? Si ce n’est à la vie probable d’un bien, avant que tout le monde ne s’en lasse.

    Quelque part, c’est logique de ne pas dépasser 25-30 ans si plus personne n’utilise un bien de consommation. Et s’il est encore très utilisé, on peut supposer que la recherche nécessaire à ce bien est amortie. De même, dans ce cas de grande utilisation, on peut craindre un monopole nuisible à la bonne marche de la société elle-même.

    Est-ce le cas pour une oeuvre culturelle ?

    Quelle est la durée de vie d’une oeuvre culturelle à diffusion importante (livre, film, ou musique) ?

    Disons qu’un clou chassant l’autre, la durée de vie moyenne doit être d’un an.
    Peut-être deux ou trois dans le meilleur des cas pour les plus retardataires.

    Si on en croit les statistiques en librairie, la durée d’exposition d’un livre est de deux mois.
    Et les premiers pilons ont lieu après un an.

    Oui, contrairement à la croyance, la majorité des livres se vend mal.
    D’ailleurs les contrats d’éditeur s’installent de plus en plus sur une durée de dix ans. Ce qui est significatif en soi sur l’espérance de vie d’un livre.

    Alors 25-30 ans… c’est réservé à une petite exception des oeuvres.

    Donc, pourquoi 25-30 ans, plutôt que 5 ou 10 ans ?

    Premier point intéressant.

    Qui m’intrigue sur un autre.

    Supposons que vous économisiez (achetiez à crédit) durant 20 ans de votre vie pour acheter un bout de terrain et que vous construisez une maison de vos mains (oeuvre d’art)… n’est-il pas normal que votre famille, ou vous-même profitiez du fruit de votre travail ?

    Mais pour combien de temps… 25-30 ans ? Ou le reste de votre vie ?

    Idem pour un entrepreneur ou un patron qui se tue à la tâche pour monter sa société, son entreprise. N’est-il pas normal que sa famille en profite ?

    Bien sûr que si.

    C’est normal partout, sauf soudain pour l’auteur.

    Si un auteur publie un livre à 20 ans, on lui octroie généreusement
    20 + 25-30 = 50 ans.

    S’il le publie à 40 ans, âge classique, on lui retire ses droits à 40 + 25-30 ans… 65-70 ans.
    Excellent ! juste au moment où il sera trop vieux pour se défendre ou continuer à écrire.
    Il pourra ainsi confirmer la carrière de tous ces nombreux auteurs qui ont fini ou finissent dans la misère, malades et oubliés du public. (le revers de la vie d’auteur)

    Sachant qu’un auteur a du mal à joindre les deux bouts de 20 à 40 ans (le temps de se former et de commencer à vraiment gagner de l’argent pour son art), il aura, en plus, la joie d’avoir une retraite amputée ou plus de retraite du tout.
    Pour le plus grand et seul plaisir des consommateurs !

    YOUPI !!! :-)

    Une proposition vraiment ahurissante.

    Déjà qu’un auteur doit travailler pour vivre, et passer ses nuits et ses week-ends sur son oeuvre… pendant que les autres s’amusent.
    Voilà que, pour la louer un temps (et il faut voir combien de clopinettes !), ladite oeuvre devrait être donnée au public… gratuitement.

    Mais de quel droit ?

    Est-ce qu’à la mort des patrons ou de vos parents, tout revient au public après 25-30 ans ?
    La réponse est NON. Touche pas à mon bien familial !

    Et tout soudain, on se demande : mais, bon sang, où est la réflexion sur les conséquences d’un 25-30 ans pour les auteurs ?

    Ah oui, on a comparé la vie d’une société à celle d’un auteur humain, sans en mesurer les conséquences. Une société, qui perd les droits sur un auteur ou sur une plante parmi plusieurs milliers, n’en finit pas pour autant dans la misère… elle est supposée en avoir plusieurs sous son aile et la moyenne des droits aidant, elle peut survivre.

    Un auteur ?

    Et les descendants d’un auteur ?
    (quand il y en a…)

    Je ne parle pas ici des 5 % qui brillent, rapidement pour certains, mais des 95 % qui passent un an de travail ou plus pour toucher 1000 ou 2000 euros de droits d’auteur.

    Une auteur de SF a calculé le retour sur investissement de ses heures de travail comparé à sa rémunération. Il est de 17 centimes d’euros par heure de travail.

    Pas 17 euros… 17 CENTIMES de l’heure !

    Et on voudrait, en plus, lui spolier son oeuvre après 25-30 ans.

    Cool.

    Voilà un véritable encouragement pour les auteurs, et pour la création. Slurp ! :-)Þ

    « 3) Le COV, comme le droit d’auteur, reconnaît l’existence d’un droit à l’usage privé du matériel protégé, mais il va plus loin. Il est possible de reproduire des semences pour son jardin tout comme il est possible de réaliser des copies privées des oeuvres que l’on s’est légalement procurées.  »

    « légalement procurées. » Sic !
    Comment peut-on prouver la légalité ou l’illégalité d’une copie privée ?

    Dans la loi, il n’y a pas de notion sur la légalité ou l’illégalité de la copie privée.

    <>

    Où est-il question de légalité ou d’illégalité des copies ou reproduction ???
    Ces mots ne sont pas écrits dans la loi !

    Je sais que les juges tentent désespérément de trouver une faute pour condamner les internautes qui téléchargent massivement. Mais la loi est claire, il n’y a rien d’indiqué sur la légalité ou l’illégalité d’une oeuvre dans le droit à la copie privée.

    De plus, si on se penche sur la légalité ou l’illégalité.
    Qu’un internaute télécharge et consomme une source illégale (que ce soit par streaming ou en copie directe) ou bien qu’il stocke les données, où est la différence ?

    Là, on pourrait condamner celui qui conserve et non celui qui consomme ?
    Bizarre.

    Et au fait, qui doit prouver que la source est légale ou illégale ?
    Qu’est-ce qu’une source légale ou illégale ?

    Si je copie une oeuvre acquise en bibliothèque, je suis bien face à une copie légale. De même si je rippe un CD du commerce, CD que j’ai payé, pour envoyer les MP3 sur mon baladeur.

    Et maintenant, que se passe-t-il si un de mes amis (cercle familial) récupère ces données ?
    Les copies faites à partir de sources légales deviendraient soudain illégales ?

    Même s’il est inscrit à la bibliothèque, même si je lui prête/cède/revends mes CD ?
    Oui la question de la légalité/illégalité d’une oeuvre m’interpelle.

    Car, si on se penchait un peu sur ceux qui stockent tout sur n’importe quoi, de manière soi-disant légale ? Et qui en font le business.

    On peut repérer un internaute lambda, mais on se révèle soudain incapable de repérer la/les sources illégales qui abreuvent des millions de gens ?
    Alors qu’elle le fait, qu’elles le font en violation directe des droits d’auteurs.
    Même lorsqu’ils ne se cachent pas, type Pirate Bay.
    C’est bizarre, extrêmement bizarre.

    Mais revenons à notre mouton favori : le droit d’auteur juste et équilibré pour tous.

    S’il existe vraiment un tel équilibre. :-)

    Mais le COV consacre plus largement ce droit, dans la mesure où il permet aussi aux agriculteurs de réutiliser une partie des semences d’une année pour replanter leurs champs. C’est accepter qu’une sorte de « copie privée » puisse exister malgré l’usage commercial. On n’est pas loin alors du fair use (usage équitable) américain, qui, contrairement à nos exceptions françaises, peut s’appliquer valablement dans certains cas, même lorsqu’il y a usage commercial d’une oeuvre protégée.

    Très amusante situation, car, jusqu’à présent les agriculteurs normaux utilisaient effectivement une partie de leur récolte pour replanter.

    Le COV passe et on leur « permet » d’appliquer ce que tout agriculteur pratiquait depuis des millénaires.
    Soit utiliser la partie nécessaire à la plantation de la prochaine récolte et vendre le surplus.

    Le plus dramatique, c’est qu’on ne voit pas le risque évident de confier toutes les semences à quelques sociétés. Monopole, fausse manipulation, nécessité d’utiliser exclusivement les pesticides/désherbants de ces sociétés, et bientôt les engrais de ces sociétés.

    Je saute le point 4, il me semble qu’il se rejoint avec le 5… sauf pour la gabegie évidente de la Loi DADVSI, qui n’est pas là pour défendre les auteurs, mais les tenants des droits d’auteurs.
    Ce qui n’est pas du tout la même chose.

    5) Last but not least, en appliquant le COV aux oeuvres de l’esprit, on consacrerait enfin un droit à la réutilisation créative, qui fait si cruellement défaut dans le système actuel. Malgré le droit exclusif reconnu au créateur d’une nouvelle variété, il reste possible pour quiconque d’utiliser la plante pour en produire une nouvelle.

    Alors recodons cette dernière phrase avec l’auteur et le livre.

    Malgré le droit exclusif reconnu à l’auteur d’un livre, il reste possible pour quiconque d’utiliser l’esprit de ce livre pour en produire un nouveau.

    Ah bon, ce n’est pas possible avec le droit actuel ?

    Mais je continue :
    Le bénéficiaire du certificat peut s’opposer à ce qu’on commercialise son invention sans le rémunérer, mais il ne peut empêcher qu’un autre s’appuie sur sa création pour innover à son tour et produire du neuf.

    « produire du neuf ».
    Je ne vois pas de différence majeure.

    Sachant qu’un auteur se sert de ses lectures antérieures pour produire une oeuvre originale et neuve, on est bien dans ce cas-là.

    Le droit d‘auteur français ne permet pas cela, ou alors seulement dans les limites étriquées de la courte citation. Pourtant, le besoin est très fort de donner une assise légale à la réutilisation créative des contenus, au remix, au mashup et à toutes les pratiques amateurs qui fleurissent en ligne.

    Ah voilà où le bâts blesse.

    Il ne s’agit pas de créer du neuf, mais de remixer. De réutiliser le travail d’un autre sans originalité à part disposition différente ou réarrangement de paroles.
    Bref, d’utiliser le couper-copier-coller !

    Cela veut-il dire que les nouvelles générations sont incapables d’actes créatifs ?

    Je croyais, toujours naïf, que plus haut la limitation du droit d’auteur à 25-30 ans était là pour « récompenser l’innovation » et augmenter la créativité.

    Voilà donc le vrai noeud du problème : pouvoir réutiliser plus vite le travail des anciens, au détriment de la création du neuf !

    Mais au fait, comment les créateurs ont-ils réussi ce tour de force jusqu’à aujourd’hui ?

    Comment font les auteurs actuels ?

    Ah oui, ils créent.
    Ils créent vraiment du neuf.
    Ou s’obligent à copier intelligemment.

    Tiens.
    Et si, finalement, – par contre-pied à ce que tu proposes – ces brevets et le droit d’auteur assuraient vraiment la création de neuf plutôt que le recyclage perpétuel de l’ancien.

    Un ancien qu’on voudrait de plus en plus proche.
    Recycler hier pour faire croire qu’on est les créateurs de demain… quel avenir ! Quel bonheur !

    A espérer qu’à force de recycler de plus en plus vite, le champ de blé ne ressemble à ça

    ou ça

    Quand on n’arrose plus, ni ne respecte le travail du paysan, le grain de blé meurt et ne produit plus rien.

    Petit exemple : http://www.koreus.com/video/alerte-babylone

    Bien cordialement
    Bernard Majour

    P.S. : ceci dit, j’apprécie quand même beaucoup ta démarche. Même si, tu le remarqueras dans les exemples que tu as utilisés, ce ne sont pas les auteurs qui bloquent les situations, mais les sociétés qui détiennent les droits. L’auteur est flatté, la société est fâchée ou obligée d’intervenir pour complaire à ses « actionnaires ».

    Alors, réduire le droit d’auteur, ou le droit des sociétés à détenir/représenter les droits d’auteur ?

    1. Bonsoir,

      Je pensais que les plantes avaient plutôt des vertus calmantes, mais ce billet vous a visiblement mis en ébullition. Pas facile de répondre à un commentaire aussi long que celui-ci, surtout qu’il y a beaucoup de points sur lesquels je suis vraiment en désaccord avec vous. Je vais tâcher de cibler les passages qui me paraissent essentiels.

      « 1) La protection du droit d’auteur ne serait plus automatique acquise dès la création des œuvres »

      Le risque que vous évoquez – que quelqu’un dépose votre texte avant vous et vous « chipe » les droits – me paraît assez théorique. Il suffirait d’apporter la preuve de l’antériorité de la parution de l’oeuvre pour montrer que celui qui dépose ne pouvait pas le faire. De plus, ce système d’enregistrement préalable a existé aux Etats-Unis pendant très longtemps et je n’ai jamais lu nulle part que les créateurs se faisaient ainsi voler leurs droits durant cette période.

      Que la charge de la procédure pèse de manière plus équilibrée sur les auteurs, plutôt que sur les seuls utilisateurs, ne me choque absolument pas, et si les auteurs devaient payer pour procéder à l’enregistrement, je n’en pousserai pas plus les hauts cris.

      Cette focalisation sur la peur d’être volé finit par me fatiguer. J’ai écrit d’ailleurs un billet là-dessus pour expliquer ma position. Je vous recommande également de lire cet article qui montre que dans tout acte de création, au fond, il y a une part de vol, car on ne créée jamais à partir de rien et on emprunte toujours à d’autres. Et celui-ci encore qui explique que la guerre contre la culture du copier/coller est perdue d’avance.

      Pour ce qui est des oeuvres orphelines, il est certain qu’une procédure d’enregistrement volontaire règlerait définitivement le problème. On pourrait ainsi garder trace des auteurs et conserver le lien avec leurs oeuvres. Je verrai d’ailleurs très bien la Bibliothèque nationale accomplir cette tâche. Elle pourrait ainsi produire des métadonnées sur l’oeuvre et garnir son catalogue.

      « 2) La protection du droit d’auteur ne durerait que pour une période raisonnable, de 25 à 30 ans.

      Je serais moins enthousiaste que vous sur ce que l’on peut faire d’une oeuvre protégée. Le droit de citation à la française est extrêmement réduit. Il ne fonctionne que pour les textes et les images animées, mais pas pour les images et la musique. Il est conditionné au fait que vous intégriez la citation dans une oeuvre citante et que vous visiez certains buts (critique, pédagogie, polémique, information…). Si vous aimez une phrase d’un roman et que vous voulez la mettre en exergue sur votre site web, en théorie, vous ne pouvez pas, parce que vous en poursuivez aucun des buts définis par la loi. Quant à reprendre les idées et concepts sous-jacents à une oeuvre, c’est possible, mais périlleux, car bien malin qui peut dire où commence dans chaque cas la reprise de la mise en forme. Vous risquez de finir par devoir demander à un juge.

      Et cela pendant des décennies et des décennies ! Je viens justement d’apprendre qu’aux Etats-Unis, on songeait encore à allonger la durée des droits de 20 ans. C’est un coup classique à présent des lobbies des industries culturelles. Comment ne pas voir une véritable négation du domaine public dans ce système et surtout une atteinte très grave au droit d’accès à la connaissance. Je me demande un peu qui de nous deux vit le plus dans le monde de Mickey !

      J’ai parlé d’une durée de 25 ou 30 ans parce que c’est la durée du C.O.V. Elle me semble raisonnable et je ne suis absolument pas choqué à l’idée que les droits d »un auteur puisse ne pas bénéficier à sa progéniture. C’est même plutôt l’inverse qui me choque profondément ! Quand on mesure le coup social de la durée excessive des droits, je trouve que le dommage infligé à la société est disproportionné par rapport à la protection des intérêts particuliers des héritiers. A ce sujet, je vous renvoie cette fois au récent livre d’Emmanuel Pierrat Familles, je vous hais. Les héritiers d’auteurs qui montre à quel point certains ayants droit peuvent se livrer à de très graves abus dans la façon d’exercer les droits à la place des véritables créateurs.

      Autre chose avec laquelle je suis en profond désaccord avec vous : vous prenez l’exemple d’un terrain et d’une maison que l’on lègue à ses enfants pour exiger qu’on puisse leur transmettre pareillement les droits d’auteur. C’est une erreur de perspective (hélas très répandue) : la propriété matérielle des biens physiques est d’une nature complètement différente de celles des oeuvres de l’esprit. Certains estiment d’ailleurs que l’on ne devrait pas parler de « propriété intellectuelle » et que ce terme à lui seul induit en erreur sur la nature de ce droit. C’est encore plus vrai lorsque les oeuvres sont numériques, puisqu’on passe alors du domaine de la rareté à celui de l’abondance et que la justification même du droit de propriété est fortement affaiblie.

      « 3) Le COV, comme le droit d’auteur, reconnaît l’existence d’un droit à l’usage privé du matériel protégé, mais il va plus loin. Il est possible de reproduire des semences pour son jardin tout comme il est possible de réaliser des copies privées des oeuvres que l’on s’est légalement procurées. »

      Sur ce point, je vous l’accorde, la loi ne dit rien sur le fait que l’on doive se procurer légalement les oeuvres pour pouvoir en faire des copies privées (et c’est plutôt une bonne chose). Il y a cependant un fort débat sur cette question en doctrine et la jurisprudence n’a pas tranché.

      5) Last but not least, en appliquant le COV aux oeuvres de l’esprit, on consacrerait enfin un droit à la réutilisation créative, qui fait si cruellement défaut dans le système actuel. Malgré le droit exclusif reconnu au créateur d’une nouvelle variété, il reste possible pour quiconque d’utiliser la plante pour en produire une nouvelle.

      Là, je ne vous suis plus du tout. Vous avez une conception bien négative du remix. Allez voir ce mash-up par exemple : un mélange entre les Foo fighters et la chanson « Les sardines » de Patrick Sébastien. Oui, c’est potache ; c’est juste du copier/coller en un sens, mais personnellement, je trouve ça assez créatif. Mais pour le droit d’auteur, faire cela, c’est se livrer à un terrible acte de contrefaçon, qui mérite 3 ans de prison et 300 000 euros d’amende. Et même sans aller jusque là, au nom du droit d’auteur, on peut demander la suppression de ce genre de remix, comme cela a été le cas pour toutes les parodies de la Chute, qui se sont vues éliminées du jour au lendemain de YouTube. Tant que l’on aura pas introduit un droit à la réutilisation créative, sous une forme ou sous une autre, le droit d’auteur restera profondément incompatible avec l’esprit de notre époque.

      Une dernière chose : vous avez une conception de l’auteur trop limitée, trop centrée sur le romancier, l’auteur professionnel qui vit de son oeuvre, alors que ce cas reste marginal. Aujourd’hui (et il faut s’en féliciter), les auteurs sont légion. Je suis auteur sur ce blog ; vous l’êtes aussi en laissant ce roboratif commentaire ; nous sommes ainsi des millions à écrire en ligne et à « oeuvrer ». Cependant, nous ne le faisons pas dans l’esprit du droit d’auteur classique. Beaucoup créent des oeuvres pour qu’elles circulent, qu’elles soient partagées, voire modifiées, réutilisées, transformées, recyclées.

      Appliquer automatiquement le droit d’auteur à cette part de la création, cela devient impossible. Il faut trouver un autre modèle. Les licences libres apportent déjà une respiration, mais il viendra un moment où il faudra procéder à un changement plus radical du système dans son ensemble, vers plus de souplesse et de fluidité.

      Il m’avait semblé que le modèle du C.O.V. pouvait nous donner des pistes pour penser un peu autrement.

      Car c’est cela le vrai problème : l’effet le plus puissant et le plus grave du droit d’auteur, c’est de constituer un paradigme et de nous empêcher de penser la nouveauté.

      Comme j’aime à le dire, le pire des DRM est le DRM mental.

      C’est pour cela qu’il me plaît de penser à la limite et de tordre un peu les concepts pour voir ce que cela donne. Mais nous ne sommes pas obligés d’être d’accord.

      PS : je suis désolé, mais je ne pourrai pas répondre à nouveau à un commentaire aussi long. Ce n’est pas que je n’apprécie pas de le faire, mais mon temps est hélas compté. Si cela vous dit un de ces jours, il faudra plutôt aller prendre un verre pour discuter de toutes ces questions. Sentez vous libre de répondre à nouveau si vous le souhaitez, mais je n’interviendrai certainement pas aussi longuement.

  2. Hoho, merci de corriger Sylex en SIlex dans la réponse précédente.

    La faute aux étincelles du Silex ! :-)
    B. Majour

  3. Juste pour préciser quelques détails:
    « Enfin, les agriculteurs conservent la possibilité de conserver une partie des semences produites lors d’une récolte pour les replanter l’année suivante (semences de ferme), moyennant le paiement d’une redevance annuelle. »

    C’est hélas variable et pas de porté générale. Il existe un liste de culture pour lesquelles l’agriculteur a le droit de garder et produire lui même ses semences (moyennant le paiement d’un CVO): heureusement, ce sont les plus importantes en surface (blé, colza…). Certains espèces ne rentrent pas encore dans cette catégorie (moutarde…) Par ailleurs, des moyens ont été trouvé pour contourner ce droit, il s’agit des plantes hybrides (qui n’ont rien à voir avec les OGM). La semence obtenue à la récolte n’a pas d’intérêt même si elle est fertile.
    Sinon, contrairement à B Majour, je pense que le principe général de l’obtention végétale serait intéressant à répandre et que trop de protection tue plus l’innovation et assèche la créativité. A ce titre, je vous conseille la visualisation de cette conférence sur le droit d’auteur dans l’industrie de la mode (je pensais avoir vu le lien sur Silex):

    PS pour Silex: le gêne terminator n’existe pas et n’a jamais existé. C’est un concept inventé par une université racheté dans un paquet de brevet par Monsanto.

    1. Merci pour ces précisions fort instructives !

      Vous l’aurez compris, je me suis risqué dans ce billet sur un terrain qui m’est peu familier et je suis loin de maîtriser encore toutes les subtilités du Certificat d’Obtention Végétale. J’avoue que je ne suis pas non plus un expert en matière de propriété industrielle et de brevets, bien que je trouve la question de la brevetabilité du vivant fascinante.

      Merci également de citer cette très bonne conférence TED sur la manière dont le secteur de la mode parvient à être très créatif et innovant, sans recourir aux mécanismes de protection du Copyright. Je voulais le citer dans le corps du billet et aussi parler un peu du cas de la cuisine (les recettes ne peuvent être copyrightées), mais mon billet était déjà trop long pour que je m’aventure aussi loin.

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