Bibliothèques, musées : exemples de bonnes pratiques en matière de diffusion du domaine public

J’ai reçu ces derniers temps plusieurs demandes de conseil concernant la manière de rédiger les conditions d’utilisation d’une bibliothèque numérique de manière à respecter l’intégrité du domaine public en cas de diffusion d’oeuvres numérisées.

J’ai proposé une série de suggestions en vue d’introduire une loi pour le domaine public en France, mais il n’est bien entendu par nécessaire d’attendre qu’une telle réforme soit conduite pour agir au niveau de chaque établissement culturel, afin de protéger le domaine public et de favoriser la réutilisation des oeuvres. C’est même sans doute la chose la plus utile à faire dans l’immédiat, afin de préparer le terrain, si un jour une telle loi venait à être discutée.

Cette magnifique nature morte est librement réutilisable depuis le site du Rijksmuseum d’Amsterdam, qui utilise la licence CC0 pour la diffuser (Stilleven met vruchten, oesters en een porseleinen kom, Abraham Mignon, 1660. Riksmuseum. CC0).

Beaucoup de professionnels ont néanmoins le sentiment que ces questions juridiques sont très complexes et ne savent pas quelles types de conditions d’utilisation adopter pour diffuser les contenus qu’ils proposent à leurs publics via leur site internet en respectant le domaine public.

Le plus simple et le plus sûr consiste à se tourner vers une licence déjà mise en place et de l’adopter pour sa propre bibliothèque numérique. Il y a plusieurs solutions envisageables et je vous propose ici d’examiner trois exemples de mises en œuvre par des musées ou des bibliothèques :

1) Usage de la Public Domain Mark à la Bibliothèque Sainte Geneviève ;

2) Usage de la Licence Ouverte Etalab à la Bibliothèque numérique du Limousin ;

3) Usage de la licence CC0 au Rijksmusuem d’Amsterdam.

Ces trois licences, chacune avec leurs propres variantes, peuvent être considérées comme des bonnes pratiques en manière de diffusion du domaine public dans la mesure où :

– Elles sont assises sur des fondements juridiques valables ;

– Elles respectent l’intégrité du domaine public numérisé et évitent de tomber dans le copyfraud ;

– Elles indiquent avec clarté ce que les utilisateurs peuvent faire des contenus numérisés en cas de réutilisation.

Ces trois instruments ont néanmoins des effets ou des portées légèrement différentes et il appartient à chaque établissement de faire son choix, en fonction de ses besoins propres.

J’espère que ce billet s’avérer utile pour les professionnels qui se posent ce genre de questions. N’hésitez pas à poser des questions en commentaires si vous souhaitez des précisions supplémentaires.

I Public Domain Mark

La Public Domain Mark est un instrument de signalisation, créé par Creative Commons, pour « étiqueter » le domaine public en ligne. Elle a été conçue spécifiquement pour permettre aux institutions culturelles d’indiquer clairement à leurs usagers qu’une œuvre qu’elles diffusent appartient au domaine public. La marque du domaine public certifie ce statut juridique et permet donc aux internautes de réutiliser les œuvres numérisées librement, y compris à des fins commerciales.

Il ne s’agit pas à proprement d’une licence, puisque l’établissement n’est pas titulaire des droits sur l’oeuvre numérisée. Les droits patrimoniaux sont éteints du fait du passage de l’oeuvre dans le domaine public et c’est ce que la Public Domain Mark indique.

Concernant le droit moral, la Public Domain Mark a été conçue pour s’adapter aux différentes législations dans le monde. Elle indique explicitement que dans certaines juridictions le droit moral peut subsister au-delà de l’entrée des oeuvres dans le domaine public (ce qui est le cas en France). Les utilisateurs sont donc tenus de respecter les obligations découlant du droit moral, notamment le fait de citer le nom de l’auteur (paternité).

J’avais consacré un billet à la Public Domain Mark en décembre 2011, où je signalais qu’elle commençait à être adoptée en France, par exemple pour la diffusion des Carnets Géologiques de Philippe Glangleaud à l’Université de Clermont Ferrand ou sur la plateforme MediHAL du CNRS, où elle est proposée comme une option aux chercheurs.

Il existe un autre exemple d’usage important en France. Comme le signale ici Mathieu Andro, la Bibliothèque Sainte Geneviève diffuse sur Internet Archive ses collections numérisées sous Public Domain Mark depuis février 2010. On peut y retrouver des incunables, des livres de voyage nordique et des livres rares du 19ème siècle, tous librement réutilisables. Comme on le voit ci-dessous, les ouvrages sont disponibles au format PDF, mais aussi en ePub, pour plus de confort de lecture sur les supports mobiles.

La Public Domain Mark constitue sans doute le moyen le plus clair d’indiquer qu’une oeuvre appartient au domaine public et de le diffuser « à l’état pur ». Sa seule limite réside dans le fait qu’elle n’est applicable qu’aux oeuvres en elles-mêmes et non au métadonnées associées. Par ailleurs, elle ne concerne que le champ du droit d’auteur, alors qu’il existe d’autres formes de droits qui peuvent saisir une oeuvre numérisée et restreindre sa diffusion (droit des bases de données, droit des informations publiques, etc).

Cela ne constitue pas une raison pour ne pas utiliser la Public Domain mark, mais il existe néanmoins d’autres moyens de diffuser le domaine public numérisé.

II La licence ouverte Etalab

La Licence Ouverte/Open Licence est un instrument contractuel, mis au point par la mission Etalab, pour encadrer la diffusion des données publiques sur le portail data.gouv.fr. Elle n’est pas assise sur le droit d’auteur, mais sur la loi du 17 juillet 1978 relative à la réutilisation des informations publiques.

Son utilisation repose sur l’idée qu’à l’occasion de leur numérisation, les oeuvres du domaine public sont transformées en informations publiques, pour lesquelles la loi a instauré un droit à la réutilisation que les administrations peuvent encadrer. La Licence Ouverte constitue une manière de faciliter la réutilisation des données, en compatibilité avec les principes de l’Open Data.

De fait, la licence ouverte permet la libre réutilisation des informations publiques, y compris à des fins commerciales, à la condition de citer leur source (paternité appliquée aux données). Elle est donc légèrement plus contraignante que la Public Domain Mark, dans la mesure où le réutilisateur est tenue d’indiquer sur quel site il a récupéré l’oeuvre numérisée, mais il peut s’acquitter de cette obligation par un lien hypertexte.

J’avais consacré un billet à la licence ouverte en mars 2012, lorsque la Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg a choisi de l’adopter pour la diffusion des images du domaine public qu’elle diffuse sur son site. Depuis, on peut citer au moins un second établissement qui a choisi de l’utiliser de cette façon : la Bibliothèque numérique du Limousin.

le Graduel de Fontevraud. Vers 12501260. Atelier de Nicolas Lombard. Provenance : Bibliothèque francophone multimedia (cote : MS 2), Limoges. Source : Bibliothèque numérique du Limousin. Licence Ouverte.

Bien que conçue spécifiquement pour le portail data.gouv.fr, l’usage de la Licence Ouverte n’est pas réservée aux administrations d’Etat. Elle peut tout à fait être employée par des établissements relevant de la tutelle du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (comme la BNUS) ou de collectivités territoriales (comme la Bibliothèque numérique du Limousin).

Sur le plan des principes, si l’on voulait vraiment être « puriste », cette licence a pour effet de rajouter une légère couche de droits sur le domaine public, puisqu’elle oblige à citer la source du document. Il convient cependant à mon sens d’être raisonnable, car cette obligation ne saurait être considérée comme une atteinte réelle à l’intégrité du domaine public, surtout quand on la compare avec les pratiques de copyfraud éhontées qui ont cours dans un grand nombre d’établissements où le domaine public termine frappé d’un « Copyright : tous droits réservés » !

La Licence Ouverte a également un avantage : elle est applicable aussi aux oeuvres numérisées qu’aux métadonnées qui les accompagnent. Ainsi en plaçant ses dernières également sous Licence ouverte, on aboutit à un régime homogène et ouvert à la fois pur les oeuvres et pour les métadonnées associées, ce qui facilite les choses pour les utilisateurs. C’est le choix qui a été fait par la BNUS par exemple.

III  Creative Commons Zéro (CC0)

Creative Commons Zéro (CC0) est un autre instrument développé par Creative Commons pour permettre aux titulaires de droits sur un objet de renoncer à leurs prérogatives pour le verser volontairement au domaine public et en autoriser la réutilisation sans aucune restriction.

CC0 n’a pas été conçu à l’origine pour la diffusion d’oeuvres numérisées qui appartiendraient déjà au domaine public. Il s’agissait plutôt de donner un moyen aux créateurs pour placer leurs oeuvres par anticipation dans le domaine public de leur vivant, sans attendre l’expiration des droits. C’est ce que vient de faire par exemple l’auteur Pouhiou pour son roman #Smartarded, publié chez Framabook sous CC0 (une première en France).

Néanmoins, les institutions culturelles peuvent aussi se tourner vers cet instrument pour la diffusion du domaine public numérisé, comme vient de le démontrer de fort belle manière le Rijksmuseum d’Amsterdam.

Ce dernier vient en effet de lancer un espace sur son site, intitulé le Rijksstudio, sur lequel il propose plus de 125 000 chef-d’œuvre numérisés, en incitant explicitement les visiteurs à les réutiliser à leur propres fins. Pour enclencher le mouvement, le Musée s’est mis en partenariat avec plusieurs créateurs pour remixer les oeuvres de manière surprenante et décalée, sur des scooters, des cravates ou des tatouages ! Les résultats sont somptueux et cette expérience ouvre des portes insoupçonnées en matière de médiation numérique et d’appropriation des contenus par les utilisateurs.

Techniquement, c’est par le biais de l’outil Creative Commons Zéro que le Rijksmuseum indique à ses usagers qu’ils peuvent réutiliser les oeuvres numérisées sans restriction. Ici, l’institution n’impose aucune obligation, y compris celle de citer la source du document.

Dans les mentions que je reproduis ci-dessous, qui accompagnent le fameux tableau de Rembrandt « La Ronde de Nuit« , on peut lire « CopyrightPublic Domain » et le lien renvoie vers Creative Commons Zéro.

La ronde de nuit. Rembrandt. Rijksmuseum. Domaine public.

Lorsque j’ai vu ce dispositif pour la première fois, mon premier mouvement a été de rester un peu dubitatif, car le musée n’étant pas titulaire des droits par définition sur une œuvre du domaine public, j’avais un peu de mal à voir comment CC0 pouvait être utilisé ainsi.

Mais à la réflexion, cette utilisation est tout à fait possible et elle est même très intéressante. En effet, comme je me suis efforcé de le montrer dans les propositions que j’ai faites pour la loi sur le domaine public, il existe beaucoup de manière de recouvrir le domaine public numérisé par de nouvelles couches de droits qui vont entraver sa réutilisation : droits des base de données, droit des informations publiques, droit de la domanialité publique, clauses contractuelles, etc.

Avec une licence CC0, une institution culturelle indique non seulement qu’elle n’applique pas un nouveau copyight sur l’oeuvre du domaine public (copyfraud proprement dit), mais aussi qu’elle renonce à utiliser d’autres droits issus d’autres terrains juridiques annexes. Le fichier numérique est donc bien librement réutilisable, sans entrave et l’instrument CC0 permet de le garantir à l’utilisateur.

Autre avantage : CC0 peut également être employé pour diffuser les métadonnées et c’est ce qu’a choisi de faire le Rijksmuseum. Celles-ci sont en effet disponibles via une API (Application Programming Interface) qui est placée sous CC0.

On peut donc ainsi par ce biais conduire à la fois une politique d’Open Content et d’Open Data, en proposant un régime juridique unifié à ses usagers.

Ajoutons que CC0 est également le statut recommandé par Europeana pour les métadonnées des institutions partenaires.

***

Paradoxalement, d’un point de vue juridique, il est toujours plus simple de fermer que d’ouvrir. Appliquer un « copyright : tous droits réservés », cela peut paraître une solution de facilité (bien qu’en réalité, dans de nombreuses hypothèses, une telle mention est sans valeur juridique…). Mais il existe à présent des instruments sûrs et balisés, disponibles pour les institutions culturelles pour diffuser le domaine public, sans entraver sa réutilisation, dans un cadre juridique clair et lisible pour leurs usagers.

Souvent négligée, l’ouverture juridique est une étape importante pour développer une politique de médiation numérique ambitieuse autour des contenus numérisés et tisser de nouvelles relations avec les utilisateurs et l’écosystème global du Web.

Les exemples cités ci-dessus en attestent et j’espère qu’ils pourront inspirer d’autres établissements.


55 réflexions sur “Bibliothèques, musées : exemples de bonnes pratiques en matière de diffusion du domaine public

  1. Bonjour Lionel,
    merci pour ces différentes pistes, ça donne des idées, je poursuis de mon côté mes réflexions sur ces questions, et je relis ce document du ministère de la culture : http://www.culture.gouv.fr/culture/mrt/numerisation/fr/dll/juridi.html#07 qui justifie la mise en place de droits liés à la diffusion d’une œuvre par le fait que « la reproduction et son usage seraient regardés comme des cas d’utilisation privative du domaine public ».

    Que penses-tu de cet argument ?

    Merci

    1. Bonjour,

      La question que tu soulèves ici est complexe et j’en ai parlé dans le billet consacré à la loi pour le domaine public en France, au point 16 : https://scinfolex.wordpress.com/2012/10/27/i-have-a-dream-une-loi-pour-le-domaine-public-en-france/

      Il existe en fait deux domaines publics en France : celui de la propriété intellectuelle (les oeuvres pour lesquelles les droits patrimoniaux sont éteints, 70 ans après la mort de l’auteur) et celui du droit administratif (les biens que les personnes publiques possèdent et affectent à une mission de service public).

      LA question qui se pose ici est- de savoir si on peut limiter l’usage d’une oeuvre appartenant au domaine public (droit d’auteur) en s’appuyant sur le fait qu’elle appartient au domaine public au sens du droit administratif (tu suis ?).

      Le Conseil d’Etat vient récemment de considérer qu’un musée peut refuser à une entreprise de venir photographier des tableaux au motif qu’il s’agirait d’une utilisation privative du domaine public http://actu.dalloz-etudiant.fr/a-la-une/article/gestion-du-domaine-public-communal-et-liberte-du-commerce-et-de-lindustrie//h/38784210f1e3e67649d2069d0ec98832.html

      Néanmoins, une partie des professeurs de droit estime que ce » raisonnement n’est pas applicable aux fichiers correspondant à ds oeuvres numérisées. Voir par exemple cet article paru au BBF : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2009-01-0038-005

      En l’état actuel du droit, nous ne savons donc pas ce que dirait un juge s’il était saisi d’une telle question. Ce qui est écrit sur le site du Ministère ne représente qu’une opinion.

      En tout état de cause, ce n’est pas parce qu’on bénéficie d’un droit que l’on est obligé de l’exercer. Une institution culturelle peut tout à fait diffuser des oeuvres numérisées du domaine public sans poser de restrictions (tout comme elle peut en faire de même à propos du droit des bases de données).

      Pour cela, les trois solutions que je signale dans ce billet son utilisable.

      Voilà ce que je peux répondre à ta question. Désolé pour la complexité, mais c’est un point de droit assez corsé…

      D’où la réforme que je propose dans la loi pour le domaine public en France, qui consisterait à empêcher ces interférences entre ces deux formes de domaine public et à faire primer celui de la propriété intellectuelle.

  2. Question de puriste :)

    Est-ce que le fait d’utiliser une CC0 ou une Etalab pour la numérisation d’une oeuvre dans le domaine public ne revient pas à dire « oui, je possède l’exclusivité des droits patrimoniaux sur cette numérisation et je pourrais choisir de mettre en droits réservés, mais je choisis de libérer au maximum tout en acceptant que d’autres fassent le choix de ne pas libérer  » ?

    Dans ma pratique (versement de photos sur Commons), j’utilise trois choses :
    * La Public Domain Mark pour ce qui relève du domaine public (exemple : photo d’un tableau)
    * La CC0 pour ce qui ne relève pas du domaine public mais devrait le relever pour moi (exemple : photo « standard » d’une statue)
    * La CC-by pour ce qui relève du droit d’auteur classique et que ça me convient (exemple : photo de personnes)
    [ J’ai tout à fait conscience qu’il n’y a en fait pas franchement de grosses différences entre ces trois licences d’un point de vue pratique :)]

    Un bémole : je n’aime pas l’idée que la paternité soit une obligation légalisée, c’est-à-dire reposant sur la loi ou sur un contrat. En tant qu’étudiante-chercheuse, je pense que l’obligation de citer l’auteur d’une oeuvre (et/ou le musée de conservation de l’oeuvre) devrait être une obligation morale, reposant sur l’honnêteté intellectuelle.

    1. J’ai eu moi aussi un peu les mêmes réticences de puriste, alors je comprends très bien tes questions ;-)

      Pour la licence ouverte Etalab, il est clair qu’elle sous-entend que les fichiers relèvent de la loi du 17 juillet 1978 et que l’administration pourrait conditionner l’usage de manière plus fermée (en faisant payer les réutilisations commerciales par exemple). Cependant, il ne s’agit pas d’un « droit exclusif » au sens du droit d’auteur. C’est plutôt une possibilité de poser des conditions à un droit à la réutilisation des données dont disposent les citoyens par la loi.

      Cela dit, cela implique d’accepter une forme d’atteinte à l’intégrité du domaine public, qui est recouvert par une couche de droit des informations publiques. Je suis bien d’accord qu’intellectuellement, ce n’est pas très satisfaisant. Cela dit, en l’absence de jurisprudence, on ne sait pas dans quelle mesure une telle prétention des administrations ne serait pas valide.

      Et pratiquement, cela laisse l’usage très ouvert (compatible notamment avec un versement dans Wikimedia Commons). Donc cela me paraît un compromis acceptable et je n’ai pas envie tirer sur une ambulance (surtout qu’il y a tellement pire en France…).

      Pour CC0 par contre, je pense que cela a un intérêt pour la diffusion du domaine public. On peut l’interpréter comme voulant dire : « théoriquement, j’ai un droit sur les oeuvres du domaine public que je diffuse, mais je l’abandonne ». Dès lors en effet, CC0 paraît contestable, car elle suppose de reconnaître l’existence d’un tel droit.

      Mais cela peut aussi vouloir dire : « les oeuvres sont dans le domaine public, elles y restent sous forme numérique, mais par ailleurs j’abandonne tous les autres droits que j’aurais pu utiliser pour en restreindre la réutilisation : droit des bases de données, droit des informations publiques, domanialité publique, clauses contractuelles, etc ».

      Là, il me semble que cela a un vrai intérêt, car comme j’ai essayé de l’expliquer dans mon billet « Loi pour le domaine public en France », l’intégrité du domaine public peut être atteinte par des couches de droits issues de différents terrains juridiques. Seule la licence CC0 garantit absolument qu’aucune de ces couches n’est présente.

      Pour ce qui est du respect de la paternité, effectivement, cela devrait plutôt relever de la bonne pratique que de l’obligation juridique. Mais là encore, je pense qu’il faut se montrer pragmatique. Nous partons de très très loin en France. Ceux qui font des pas dans le bon sens doivent être encouragés et il me semble que nous aurions beaucoup à perdre à rester dans le « purisme ».

  3. La limite de l’exercice est celle de la possibilité réelle de réutilisation de ces données si généreusement placées sous licences « ouvertes » : dans les exemples cités, il semble qu’aucun de ces organismes, à l’exception notable du Rijksmuseum, ne mette en ligne des images en haute définition, qui sont les seules utiles pour un examen scientifique et pour une publication papier. Vous voulez des images ? On va vous en donner, sous licence libre : de la bouillie de bon gros pixels, de ces fichiers basse déf’ qui font plaisir aux ados et aux blogueurs, ces machins mal scannés dont raffolent les gogos (pardonnez-moi, messieurs-dames, de vous parler un peu rudement, mais publier c’est un métier et manifestement pas le vôtre… c’est un problème auquel je me heurte en permanence dans l’exercice de ma profession !) mais dont personne de sérieux ne pourra jamais rien faire.

    Autrement dit, il y a quand même une énorme hypocrisie dans tout ça, puisqu’en pratique ça revient à donner accès à des données dont personne ne pourra jamais rien faire de sérieux – sauf, je le répète, le Rijksmuseum qui joue franc-jeu et permet une réelle réutilisation des données qu’il met en ligne.

    1. Il est clair que la question des formats et de la qualité des documents est importante.

      Mais considérez que dans la grande majorité des cas, les contenus des institutions culturelles sont verrouillés juridiquement et leur réutilisation impossible.

      Aussi, je vous encourage à voir le verre à moitié plein et même si je suis le premier partisan de la critique énergique, j’ai plutôt envie d’encourager ces établissements, plutôt que de les critiquer. Les institutions culturelles qui agissent pour l’ouverture se comptent sur les doigts de la main…

      Par ailleurs, je ne partage pas du tout votre jugement méprisant pour les « gogos », comme vous dites. Les internautes (que vus ramenez à des ados et des blogueurs) sont infiniment plus nombreux que les professionnels que vous représentez. Et pour avoir fait de la médiation numérique autour de contenus patrimoniaux numérisés, j’ai appris que c’était surtout avec eux qu’il était intéressant de rentrer en symbiose.

      Et comme vous le dites, le Rijskmuseum offre un exemple d’ouverture complète.

      Je vous incite donc à modérer vos propos et à ne pas tirer sur une ambulance.

      Sinon, vous irez demandez vos fichiers haute déf’ et vous les paierez.

    2. Les bibliothèques numérisent généralement leurs documents avec des résolutions situées entre 300 et 600 dpi pour d’éventuelles réimpressions de type Print on Demand ou pour l’archivage pérenne. Par contre, elles ne peuvent diffuser des images qu’entre 72 dpi et 150 dpi pour des raisons de débits sur le web qui feraient que le passage d’une page à une autre serait bien trop lent, en particulier, dans certaines zones géographiques que les bibliothèques numériques ont aussi pour vocation de couvrir.
      Cela étant, si on considère que la résolution d’un écran est généralement de 72 dpi, c’est largement suffisant. Bien évidemment, lire un livre sur un écran n’est pas chose aisée, c’est la raison pour laquelle les documents peuvent aussi être téléchargés aux formats EPUB et Kindle afin d’être lus sur des tablettes.
      Dans le cas des livres, cette résolution est suffisante pour permettre une réutilisation du texte. Dans le cas de tableaux comme ceux exposés par le Rijksmuseum, ce ne serait effectivement pas le cas, mais ce n’est pas absolument comparable avec des textes.

  4. @calimaq. Le problème est qu’on sort à peine de la situation précédente, puisque les fichiers utilisables ne sont pas librement accessibles.Alors des progrès oui, mais l’image du verre à moitié plein ne tient pas. Par ailleurs, pardonnez-moi mes expressions « méprisantes », mais je viens de passer une semaine à expliquer à l’un de vos collègues que non, ce qu’il met sur son blog n’est pas utilisable en imprimerie, et que oui c’est de la daube (jpeguisé à mort de surcroît, mais lui me dit que « ça ne se voit pas » puisqu’il ne le voit pas…) et que non je ne suis pas un imbécile, ni un ignorant, ni un incompétent. Et que oui, son éditeur va devoir payer le prix fort pour une repro haute déf’, parce que non, je ne peux pas faire un copier-coller depuis le web de son illustration au format ridicule.

    Ouf, ça y est, je me suis défoulé (mais j’avoue que le jargon entortillé du commentaire qui suit le vôtre, celui de Mathieu Andro, n’a pas particulièrement aidé à me mettre de bonne humeur…). Tout ça était pour dire qu’il faut être vigilant et ne pas prendre la proie pour l’ombre : les données soi-disant libérées ne le sont pas toujours pour tout le monde.

    Et avec tout ça, je n’ai pas dit le bien que je pense de votre blog… Alors bon, je le dis : c’est une source irremplaçable d’informations et de réflexions. Donc merci !

    1. Si ma réponse vous a mis de mauvaise humeur, j’en suis désolé. Je ne cherchais qu’à apporter des éléments d’information, pas à vous contrarier. Les fichiers haute résolution ne peuvent être diffusés sur le web car ils sont trop lourds, mais ils existent et vous pouvez les utiliser pour vos projets éditoriaux. Néanmoins s’il s’agit de livres numérisés, c’est plutôt le texte qui est susceptible d’être réutilisé afin de créer des EPUB, faire du text mining ou des statistiques, non les images.

  5. Le Rijksmuseum n’a pas l’air de fonctionner comme vous le dites : on peut en effet télécharger une haute def pour un usage personnel, mais par contre pas pour un usage professionnel ou commercial. Si, par exemple, je veux utiliser « Ronde de nuit » dans un livre, il faut que je demande un devis au musée. Cela ne me semble pas conforme à l’approche CC0… Qu’en pensez-vous ?

    Sur la page https://www.rijksmuseum.nl/en/photoservice :
    To order images for professional or commercial purposes, as well as images currently not available on our website, please fill out the form below. Once you have placed your order, we will contact you.

    1. J’ai en fait l’impression que le Rijksmuseum fait une distinction entre les fichiers de diffusion qui sont en CC0 et les fichiers haute définition, pour lesquels il maintient la distinction usage personnel/usage commercial.

      C’est effectivement une limite forte à l’ouverture des contenus du domaine public, difficilement compatible avec l’approche en CC0.

      J’essaie de me renseigner pour voir exactement ce qu’il en est.

      Merci pour ce commentaire.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.