Le partage non-marchand ne doit pas faire l’objet d’une compensation et c’est la Hadopi qui le dit !

La Hadopi a lancé depuis le mois de juillet des travaux sur la faisabilité d’une rémunération proportionnelle du partage (RPP), à propos desquels j’avais déjà eu l’occasion de m’exprimer. L’approche retenue me paraissait particulièrement dangereuse et biaisée dans la mesure où elle semblait revenir à nier le fait que certains échanges en ligne d’oeuvres protégées s’exerçaient dans une sphère non-marchande, alors que celle-ci  doit être reconnue et constituer le périmètre d’une démarche de légalisation de ces pratiques, comme le préconise notamment La Quadrature du Net.

Hadopi Remixed. Par Luis Volant. CC-BY-SA.

Cette semaine, la Hadopi a annoncé que ces travaux allaient se poursuivre en coopération avec l’INRIA concernant les aspects économiques et avec l’Institut de Recherche en Droit Privé de l’Université de Nantes pour la partie juridique. La Hadopi a publié à cette occasion une note de cadrage qui précise le dispositif qu’elle envisage pour cette rémunération proportionnelle du partage, et qui modifie même assez sensiblement les orientations initiales dévoilées en juillet. J’irai jusqu’à dire que ce document recèle même une surprise de taille, puisque la Hadopi valide une des positions essentielles des groupes qui militent depuis des années pour la reconnaissance du partage et la fin de la répression : le partage des oeuvres en ligne, lorsqu’il s’effectue dans un cadre non-marchand, ne doit faire l’objet d’aucune compensation au profit des titulaires de droits et il doit être légalisé.

Ce n’est pas la première fois à vrai dire que la Hadopi rejoint dans ses travaux les positions des militants de la légalisation. A deux reprises, en 2011 et en 2012, dans des études sur les pratiques des internautes, la Hadopi était arrivée au constat que ceux qui téléchargent illégalement sont également ceux qui dépensent le plus pour des biens ou des activités culturelles. Un tel résultat est capital, car il démontre que l’idée selon laquelle le partage cause un préjudice aux industries culturelles et  à l’ensemble de l’écosystème de la création est tout simplement fausse, alors qu’elle constitue le fondement de la politique aveugle et absurde de répression mise en oeuvre depuis des années. Une étude de la London School of Economics vient d’ailleurs récemment de le confirmer à nouveau en ce qui concerne la musique : non seulement le partage ne détruit pas les industries créatives, mais au contraire, il peut encourager la consommation de biens culturels.

La fameuse étude de la Hadopi qui confirme que les « pirates » sont aussi les plus gros consommateurs de culture… A la rigueur, ce sont ceux qui ne téléchargent pas qu’il faudrait punir ! ;-)

Pour autant, ce que propose la Hadopi n’est pas exempt de défauts, loin s’en faut ! Notamment, sa rémunération proportionnelle du partage revient en effet à un système de légalisation des échanges marchands, sans autorisation des ayants droit, reposant sur une taxation des intermédiaires intéressés financièrement dans les pratiques d’échanges et d’accès aux oeuvres. Cela veut donc dire que la Hadopi propose un système dans lequel un MegaUpload deviendrait légal, à condition qu’il s’acquitte d’une redevance versée aux titulaires de droits… Les propositions de la Quadrature visent au contraire à légaliser le partage uniquement dans le cercle délimité des échanges non-marchands entre individus, afin de favoriser le retour à des pratiques décentralisées.

Néanmoins, même si ces propositions restent difficilement acceptables en l’état, il faudra se souvenir que la Hadopi elle-même, tout comme SavoirsCom1, la Quadrature du net ou même le Parti Pirate, a admis que le partage non-marchand ne devait faire l’objet d’aucune compensation et être légalisé ! C’est un beau testament qu’elle nous laisse pour les débats futurs, avant sa disparition…

Hadopi au pays du partage 

Dans sa note de cadrage, la Hadopi commence par admettre que « le partage est consubstantiel à Internet » et elle le définit dans les termes suivants :

le mot « partage » s’entend comme l’ensemble des usages couvrant toutes les formes de mise à disposition et d’accès à une oeuvre ou un objet auquel est attaché un droit d’auteur ou un droit voisin, sans l’autorisation des titulaires desdits droits, sur un réseau de communications électroniques et qui sont réalisés à des fins non lucratives par toute personne physique connectée à ce réseau.

Une telle définition me convient tout à fait. Par contre, elle poursuit avec des propositions qui, à la première lecture, m’ont parues complètement inacceptables :

Un postulat est alors de considérer que l’exploitation des oeuvres sur les réseaux est irrémédiablement affectée par le développement des usages de partage et qu’une solution doit dès lors être recherchée pour que le droit d’auteur et la rémunération des créateurs tiennent compte de cette situation, de fait, persistante et exponentielle, dans l’intérêt commun de la création et du public.

Le principe général du dispositif est de créer une rémunération compensatoire à ces usages en contrepartie de laquelle ils deviendraient licites, réinscrivant de ce fait les titulaires des droits dans la chaîne de valeur alimentée par leurs oeuvres, tout en permettant et le développement d’offres commerciales à forte valeur ajoutée et les innovations.

Certes pour la première fois, la Hadopi parle explicitement de légaliser le partage (ce qui n’était pas clair dans la précédente étape de son étude), mais elle retombe également dans les vieilles lunes des lobbies des industries culturelles. Elle avoue en effet elle-même partir d’un postulat : celui selon lequel le partage constitue un préjudice pour les industries créatives, qui appelle une compensation, alors même que cela est démentie par les études économiques que j’ai rappelées plus haut (dont certaines émanent de la Hadopi elles-mêmes…).

Je m’apprêtais donc à tirer à boulets rouges sur cette note de cadrage, mais la suite détonne avec ce postulat de départ, notamment en ce qui concerne la sphère non-marchande du partage. 

Le partage non-marchand ne doit pas être compensé

Plus loin, la Hadopi expose en effet les principes de fonctionnement de la rémunération proportionnelle du partage qu’elle envisage. Cette rémunération serait due par les intermédiaires réalisant des gains à l’occasion des échanges (On pense à des sites de Direct Download ou de streaming payants ; des sites comme T411 monétisant le ratio imposé entre individus ; pourquoi pas aussi YouTube et ses recettes publicitaires, etc).

Mais ensuite, la Hadopi précise que ce dispositif reposerait sur un « seuil » au-dessous duquel la rémunération ne serait pas due :

Dans le cas minoritaire des usages n’entrainant aucun gain, la rémunération due est égale à 0.

Il existe par ailleurs un seuil en deçà duquel, la rémunération est supposée égale à 0. Cela recouvre les cas usages n’entrainant que de très faibles gains et les intermédiaires dont l’implication dans la chaîne de consommation est marginale (coefficient très faible).

Pour autant, le bénéfice de la contrepartie (licéité de l’usage) reste acquis pour les utilisateurs et les outils auxquels ils recourent.

Il est donc bien admis que les échanges entre individus s’effectuant dans un cadre strictement non-marchand seraient légalisés, sans aucune rémunération à verser C’est donc bien que le partage non-marchand n’a pas être compensé. Et la Hadopi va même plus loin puisqu’elle admet que de faibles gains puissent être réalisés (certaines plateformes en ont besoin, ne serait-ce que pour couvrir les coûts liés à l’entretien des serveurs ou des listes, si l’on songe par exemple à un annuaire de liens).

A la lecture de la précédente note de la Hadopi, on avait l’impression qu’elle entendait démonter l’idée qu’une sphère non-marchande de partage puisse exister et c’est ce qui m’avait fait réagir. Mais sa nouvelle note reconnaît bien la possibilité d’existence d’une telle sphère autonome, même si elle prend le soin d’ajouter qu’elle est « minoritaire ». Il faut néanmoins saluer cette évolution et encore une fois relever la convergence avec le point de vue de ceux qui militent en faveur de la légalisation depuis longtemps.

Faut-il pour autant légaliser le partage marchand ? 

Néanmoins, on sent bien à la lecture de la note que le partage non-marchand n’est pas ce qui intéresse vraiment la Hadopi. Son système repose en effet sur la taxation des intermédiaires réalisant des gains financiers en fournissant des moyens de partage et d’accès aux oeuvres protégées. Le but réel de la Haute autorité est de rediriger des flux financiers vers les industries culturelles. Au lieu de prôner une mesure comme la licence globale, où la redevance était acquittée par les internautes via un surcoût à l’abonnement Internet, la Hadopi préfère chercher à mettre à contribution des plateformes. Il est vrai que l’idée est furieusement à la mode en ce moment, que ce soit du côté de la Rue de Valois ou du CSA qui devrait logiquement succéder à la Hadopi…

On peut sérieusement se poser la question de savoir si cette idée de légaliser le partage marchand sans autorisation des ayants droit (en plus du partage non-marchand) est légitime et quels effets elle aurait sur l’écosystème global. Certes, elle entérine un déplacement graduel qui s’est opéré dans les usages, puisqu’une partie des internautes qui utilisaient des systèmes de P2P pour échanger des fichiers se sont repliés au fil du temps vers des formules de streaming ou de DirectDownLoad, souvent payantes sous forme d’abonnement et/ou monétisées via de la publicité.

Mais ce basculement a été provoqué en partie à cause de la répression qui a frappé le téléchargement en P2P et dont la Hadopi est elle-même l’instrument. Elle a donc beau jeu de déclarer « partir des usages constatés », alors qu’elle a elle-même eu une responsabilité dans la modification de ces usages !

Depuis longtemps, ce que soutiennent les tenants de la légalisation du partage, c’est que la légalisation des échanges dans un périmètre non-marchand aura l’effet inverse : ne craignant plus la répression, les internautes se détourneront des formules centralisées et payantes de partage pour revenir à des formes d’échanges décentralisées, et notamment le Pair-à-Pair. D’une certaine manière, si le système de RPP de la Hadopi venait à être mis en place, elle risquerait de tuer mécaniquement sa « poule aux oeufs d’or ». Les fameux intermédiaires techniques qu’elle vise avec sa RPP verraient sans doute leur fréquentation baisser, au profit des pratiques qu’elle s’échine à qualifier de « minoritaires ».

Mais le vrai risque de l’approche de la Hadopi est ailleurs et il vient de la réaction prévisible des industries culturelles. Si un tel système de rémunération lié au partage marchand était mis en place, elles auraient alors objectivement intérêt à ce que les formules centralisées d’échanges soient privilégiées par les individus. Leur aversion pour la gratuité est telle qu’elles lutteraient sans doute farouchement pour que la définition de la sphère non-marchande soit la plus réduite possible. Dans le cadre du droit français, elles ont à leur disposition un arsenal juridique redoutable pour arriver à de telles fins, auquel elles ont déjà recouru avec succès pour laminer la copie privée.

C’est la raison pour laquelle je persiste à penser qu’il est hautement préférable de ne légaliser les échanges que dans la sphère non-marchande. La loi n’a pas à voler au secours de plateformes commerciales, comme MegaUpload a pu l’être en son temps ou YouTube aujourd’hui. A eux de trouver des accords contractuels avec les titulaires de droits par leurs propres moyens. Car l’objectif, autant que la légalisation et la fin de la répression, est de faire à nouveau basculer les pratiques vers des formes décentralisées. L’actualité est là en ce moment pour nous rappeler à quel point c’est important pour l’avenir d’internet et celui de nos libertés…

Désaccords et différences avec le modèle de la contribution créative

La rémunération proportionnelle de la Hadopi partage un trait essentiel avec le modèle de la licence globale, qui avait été proposé pour légaliser le partage : celui de constituer la compensation d’un préjudice subi. La Hadopi suggère également des fondements juridiques pour mettre en oeuvre sa RPP qui sont les mêmes que ceux de la licence globale :

Les options envisagées dans la recherche d’un tel dispositif pourront couvrir notamment les exceptions au droit d’auteur, existantes, élargies ou à venir, ainsi que la gestion collective des droits.

La Quadrature du net, de son côté, propose à partir des travaux de Philippe Aigrain, un modèle différent de financement de la création sous la forme d’une contribution créative, dont chaque foyer devrait s’acquitter sous la forme d’un surcoût à l’abonnement Internet. Son fondement ne serait pas une exception ou un mécanisme obligatoire de gestion collective, mais l’épuisement du droit d’auteur. Sa justification n’est pas de compenser un préjudice subi du fait du partage, mais de récompenser les créateurs pour la production d’oeuvres venant enrichir les Communs culturels partageables. Elle est strictement limitée à la sphère non-marchande et n’étant pas assise sur une exception au droit d’auteur, elle n’a pas à être répartie selon les mécanismes traditionnels de la gestion collective. On peut envisager de mettre sur pied de nouvelles institutions chargées de la répartir entre les créateurs, plus transparentes que les actuelles sociétés de gestion et fonctionnant sur la base de principes évitant la concentration de la rémunération sur un petit nombre de titulaires au détriment de la masse des créateurs.

Par ailleurs, et c’est un point majeur, dont j’ai parlé à de nombreuses reprises, la contribution créative pourrait bénéficier à tous les créateurs d’oeuvres de l’esprit, pas seulement les professionnels des industries culturelles, mais aussi les amateurs. C’est un point dont la Hadopi ne parle à aucun moment dans ses propositions, alors qu’il est central dans notre vision. La contribution créative n’est pas la compensation d’un préjudice, c’est une façon pour la société d’investir dans le terreau des pratiques amateurs (j’emprunte cette belle formule à Silvère Mercier), pour développer les capacités créatives des individus et leur permettre d’y consacrer le temps libre nécessaire.

***

Ces différences restent essentielles et elles font que je ne peux soutenir la formule de rémunération proportionnelle du partage proposée par la Hadopi. Je lui reconnaîtrais néanmoins le mérite d’avoir su faire évoluer son modèle de manière à admettre l’existence, même limitée, d’une sphère non-marchande autonome du partage. C’est un aspect important de conciliation de nos points de vue. Par ailleurs, admettre que ces échanges non-marchands n’ont pas à faire l’objet d’une compensation est une avancée décisive, à laquelle nous ne manquerons pas de nous référer dans les débats à venir.


11 réflexions sur “Le partage non-marchand ne doit pas faire l’objet d’une compensation et c’est la Hadopi qui le dit !

  1. Bonjour,

    Vous affirmez que si les internautes ne craignent plus la répression, ils se détourneront des formules centralisées et payantes de partage pour revenir à des formes d’échanges décentralisées, et notamment le Pair-à-Pair.

    La légalisation du partage non marchand devant s’appliquer au Pair à Pair, n’êtes donc-vous finalement entrain de soutenir que la légalisation des échanges non marchands va finalement mettre un terme au partage marchand en dépit du fait qu’actuellement le partage peut encourager la consommation de biens culturels ?

    1. Mal exprimée : n’êtes donc-vous finalement entrain de soutenir que la légalisation des échanges non marchands va finalement mettre un terme à la sphère marchande en dépit du fait qu’actuellement les échanges non marchand peuvent actuellement encourager la consommation de biens culturels ?

      1. Non parce qu’on ne parle pas des mêmes échanges marchands.

        Ce que constatent les études sur les comportements des consommateurs, c’est que le partage illégal de fichiers (non-marchand comme marchand) conduit à une augmentation de la consommation des biens culturels, mais cela joue sur des éléments comme les achats de biens physiques, la fréquentation des cinémas et des concerts, voire sur la consommation d’offre légale numérique.

        Si les échanges non-marchands seulement étaient légalisés, il y aurait sans doute un report des internautes vers ses formes de partage décentralisés et gratuits, au détriment des formes centralisées et payantes (ou financées par la pub).

        Mais l’effet de levier sur les autres formes de consommation des biens culturels resterait la même.

        Je ne soutiens donc pas que la légalisation des échanges marchands mettrait un terme à la sphère marchande de la culture, bien au contraire…

        Est-ce clair ?

  2. Merci pour cette analyse. On voit bien que finalement, l’enjeu est celui d’un rééquilibrage d’un secteur économique par rapport à un autre. On est dans une bonne vieille concurrence entre des groupes d’acteurs, pour faire simple les industries culturelles contre le web… Au fond tout le monde se fout complètement des pratiques illégales de M. tout le monde qu’il copie et diffuse ou qu’il transforme ce qu’il copie. L’aveu de la Hadopi est finalement celui-ci, ils n’ont pas osé poser le problème de départ en termes de concurrence, influencés par le choc culturel vécu par les industries culturelles et les politiques qui les ont suivi. Ils ont attaqué les usages avant de devoir les accepter. Les temps s’apaisent de ce point de vue, le choc se digère et l’économie prend le dessus toujours pas la politique.

    Nul doutes que dans un tel raisonnement le risque que tu pointes est réel : réduire à portion congrue le secteur non-marchand, avec l’épée de damoclès permanente de sa redéfinition avec la même logique: un réseau P2P non marchand qui connaitrait un succès trop important serait tenté de lever des fonds et tenté par un développement capitaliste en mode start-up, il finirait par être taxé. Il subirai dans tous les cas une observation et une pression intense de ses concurrents taxés pour demander aux politiques qu’il le devienne!

    Pour ma part je ne crois pas à un basculement en sens inverse des pratiques vers le non-centralisé. Pour avoir utilisé emule puis torrent, dans les deux cas on a du partage en p2p mais dans le premier cas on peut chercher des sources dans le logiciel avec le moteur de recherche intégré qui a fait le succès d’emule, et dans l’autre il faut la plupart du temps aller chercher à la main les fichiers torrent, ce qui implique une centralisation du trafic et des logiques de portails… Avec des acteurs dominants comme Megaupload. Ainsi ce n’est pas l’aspect plus pratique qui a provoqué selon moi le basculement mais bien la rapidité d’obtention des fichiers et c’est ce qui motive aussi les gens pour le streaming. C’est enfin ce qui est vendu depuis toujours par les FAI. Or le streaming est aujourd’hui dominant. Il faudrait inventer un streaming en P2P!

    il faudrait comme ce n’est pas le cas pour le domaine public aujourd’hui que le partage non-marchand ne soit pas une sorte de petite chose minoritaire mais qu’il soit défini positivement dans la loi. Il faudrait aussi définir à partir de quand les petits gains pour couvrir les serveurs sont acceptables, c’est une grosse faille!

    En réalité ce que dit la Hadopi c’est : il y a des échanges non-marchands illégaux des échanges un peu lucratifs illégaux et des échanges très lucratifs illégaux. (Je pense au passage que pour clarifier ton billet tu devrais parler de légalisation des échanges lucratifs illégaux à la place de légalisation des échanges marchands)

    C’est là que je me dis qu’il y encore une convergence à penser entre le web et l’ESS… que dirait un tel système d’une entreprise bel et bien marchande et à lucrativité limitée, au code source libre et avec réinvestissement de la majeure partie des bénéfices dans le projet? Ajoutons y comme le propose le projet de Loi Hamon pour l’ESS en cours de discussion une limitation de la différence entre le salaire le plus élevé et le plus bas et on a un définition de ce que pourrait être un secteur marchand à lucrativité faible. On obtient une définition positive et organique sans miser sur le retour hypothétique d’une technologie. Réinventons un partage marchand non-lucratif en p2p!

    Le choc culturel s’amenuise, mais le « minoritaire » qu’ils considèrent aujourd’hui prend très mal la mesure des usages et des effets de réseaux. Tiens et si demain avec une telle mesure on organisait un réseau international d’échanges de disques durs? Des copies-parties-avec-partage!

    Les internautes auront toujours une longueur d’avance, la question qu’on doit se poser pour moi est comment on essaie de minorer le risque d’un système où les uns sont en pression permanente par rapport aux autres… pour moi ça passe par une reconnaissance précise de plusieurs vitesses marchandes et lucratives.

    j’ajoute enfin que les pratiques culturelles amateurs portées par la proposition de la contribution créative me semble toujours une magnifique idée politique, complètement occultée alors qu’elle représente l’investissment le plus fair-play car il peut bénéficier à tous les industriels au choix des auteurs qui souhaitent entrer dans un système marchand… Mais ne soyons pas naïfs, l’époque n’est pas à des hommes politiques capables de promouvoir de telles idées, c’est bien dommage mais c’est comme ça.

    1. Merci Silvère pour ce commentaire très riche, où il y aurait beaucoup de choses à discuter.

      On sent bien qu’encore une fois, tout tourne autour de la manière dont on trace une ligne entre le marchand et le non-marchand, sachant que la chose est difficile et complexe.

      Tu me suggères ceci :

      En réalité ce que dit la Hadopi c’est : il y a des échanges non-marchands illégaux des échanges un peu lucratifs illégaux et des échanges très lucratifs illégaux. (Je pense au passage que pour clarifier ton billet tu devrais parler de légalisation des échanges lucratifs illégaux à la place de légalisation des échanges marchands)

      Le problème, c’est que ça n’est pas si clair que ça dans l’étude de la Hadopi. Ils parlent bien seulement de plateformes « générant des gains » et pas des profits. Ils restent donc dans une approche où ils ne font pas la distinction entre le commercial et le lucratif. Or on peut très bien être l’un sans l’autre. Par exemple Wikipédia récolte beaucoup d’argent via les dons, mais ce n’est pas une entreprise lucrative, vu qu’ils réinvestissent tout dans l’entretien de la plateforme et le développement de la communauté.

      Par exemple, The Pirate Bay pose une vraie question. Ils génèrent de l’argent (et sans doute pas mal) via la publicité, mais ces sommes servent à l’entretien des serveurs (qui coûte cher vu leur trafic). Du point de vue de la Hadopi, le montant de ces sommes les sortirait de la sphère non-marchande. Et de notre point de vue ? Un acteur comme TPB doit-il ou non rentrer dans les échanges non-marchands légalisés ? C’est une question délicate à trancher. Normalement oui, vu qu’ils n’hébergent pas les fichiers eux-mêmes. Mais ça peut se discuter.

      Ton idée de se tourner vers une définition légale de la lucrativité limitée en suivant l’exemple de l’ESS est sans doute très intéressante. Car on se donne des garanties que des sites qui pourraient jouer un rôle d’intermédiaires dans le partage puissent s’organiser sous une forme entrepreunariale, en se donnant des garanties contre des dérives potentielles. C’est une piste à creuser.

      Là où j’aurais un désaccord avec toi, c’est sur la question du retour à des pratiques décentralisées. Tu dis ne pas y croire. Mais la question n’est pas d’y croire ou non. Et c’est là que la question du partage rejoint celle de la surveillance, révélée par l’affaire Snowden/NSA. La décentralisation apparaît comme une question de survie d’Internet tout entier et de nos libertés. Les dommages causés par la surveillance sont sans doute irrémédiables, pour qu’on puisse à nouveau faire confiance à une approche centralisée. Mais s’il n’y a pas de fortes incitations, notamment légales, pour que les individus se tournent vers des services décentralisés, en effet, je doute que l’on puisse inverser la tendance.

      Sachant qu’il reste aussi beaucoup à inventer et qu’il ne faut pas opposer trop brutalement centralisation et décentralisation. On le voit avec l’exemple de BitTorrent que tu cites, qui est un entre deux. Et j’aime beaucoup ton idée de streaming en P2P !

      Beaucoup de choses à discuter en tout cas.

  3. Je ne comprends pas pourquoi nos députés ne légalisent pas ici et maintenant le Partage Non-Marchand puisqu’il existe sur le Net depuis des années ! Ne serait-il pas génial que chacun puisse créer son serveur de Torrents avec les films, e-books et musiques qu’il aime pour les partager gratuitement avec ses amis et sa famille. On ne demande rien de plus. On pourrait enfin partager la culture, que l’on soit riche ou pauvre. En plus, on arrêterait de stigmatiser la jeunesse avec le piratage. Le partage gratuit serait enfin légal sur Internet.

  4. Amusant comme tout le monde semble avoir oublier que pour partager, c’est à dire faire connaitre, une œuvre, il suffit de transmettre sa référence, ou titre.
    Mais bon les veulasseries geekounettes ont leurs exigences, c’est vrai aussi (sans parler d’une certaine maladie chez les informaticiens en ce qui concerne les références).
    Résumé de situation :
    http://iiscn.wordpress.com/2013/10/16/contenu-sur-le-net-piratage-offre-legale-resume/

  5. J’aime beaucoup le rappel que vous faites: les « echanges minoritaires » (voir le passage « Dans le cas minoritaire des usages n’entrainant aucun gain, la rémunération due est égale à 0 ») sont minoritaires principalement a cause de l’action de la HADOPI. Et ne le seront probablement pas longtemps si ce mode de partage est legalise. :p

    « On peut sérieusement se poser la question de savoir si cette idée de légaliser le partage marchand sans autorisation des ayants droit (en plus du partage non-marchand) est légitime et quels effets elle aurait sur l’écosystème global. »
    Ici, j’aurais tendance a dire que la question devrait se poser en d’autres termes, mais que le concept en lui-meme ne me gene pas. Les stations de radio ont fonctionne sur un modele similaire (bien que non-identique, forcement) avec une certaine liberte de diffusion et des licences aux tarifs fixes par reglementations. (Ce qui evitait des conflits desequilibres sur la disponibilite des catalogues.)

    Si l’on pouvait enfin commencer a discuter sans evoquer a la moindre occasion l’idee non prouvee d’un « prejudice », nous pourrions probablement aboutir a un systeme proche et legitime.
    Et surtout que les ayant-droits arretent de hurler a la mort a chaque nouvelle technologie. Elle l’ont fait pour la radio et la tele (des sons et/ou videos diffusees gratuitement a tous), les enregistreurs a cassettes audio/video (n’importe qui peut enregistrer n’importe quoi), le CD, puis le DVD (idem, avec pas ou tres peu de perte de qualite), et maintenant Internet (avec une energie renouvellee a chaque nouveau concept de site ou de protocole d’echange). Et ces « industries du copyright » sont toujours la, apres avoir ete « assassinees » six ou sept fois selon leurs dires.
    Je pourrais presque m’etonner que les politiciens leur accordent une quelconque credibilite… si j’oubliais a quel point ces industries ont les poches pleines (grace a qui, d’ailleurs?) et avec quelle habilete elles parlent a certaines peurs communes entre ces deux groupes. (Internet fait perdre un quasi-monopole de la parole publique que les media et les politiciens se partagaient avant Internet.)

  6. Correction :
    Il est assez amusant de considérer à quel point tout le monde semble avoir oublier que pour partager, –c’est à dire faire connaitre–, une œuvre, il suffit de transmettre sa référence, ou titre.
    Pourtant le web ça fonctionne, non ?

    Mais bon certaines veuleries geekounettes et bousillages de dictionnaire divers ont aussi il est vrai leurs exigences (sans parler d’une certaine maladie chez les informaticiens en ce qui concerne les références).

    Et le résultat de tout cela est aussi de ne pas comprendre que ce qui est nécessaire actuellement est avant tout un nouveau rôle autour des bibliothèques personnelles (refs sur profils, pas du « cloud »), et séparation très claires des rôles.
    Résumé de situation :
    http://iiscn.wordpress.com/2013/10/16/contenu-sur-le-net-piratage-offre-legale-resume/

    A moins que l’on préfère que tout cela se termine en deux ou trois monstres avec perte complète de confidentialité sur les bibliothèques personnelles, ou vaste mélasse à la moraline du tout piratage.

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