Le monde dystopique d’Oz, ou les avanies du domaine public sans copyleft

La semaine dernière est sorti sur les écrans le film Le Monde Fantastique d’Oz (Oz, The Great and Powerful en anglais), réalisé par Sam Raimi et produit par les studios Disney. L’arrière-plan juridique dans lequel la création de ce film s’est déroulé mérite que l’on s’y attarde, car Disney a dû traverser un véritable parcours du combattant pour parvenir à faire sortir ce film en évitant les poursuites en justice.

Le roman original de L. Franck Baum, paru pour la première fois en 1899, est pourtant dans le domaine public, mais le célèbre film de 1939 avec Judy Garland reste quant à lui protégé. Les droits appartiennent à la Warner Bros. qui défend encore férocement ses titres de propriété sur la véritable poule aux oeufs d’or que constitue l’univers du Magicien d’Oz (le film le plus regardé de toute l’histoire du cinéma d’après la Bibliothèque du Congrès).

La superbe mention de copyright de la première édition du Magicien d'Oz de 1899. On remarque que L. Franck Baum a partagé son copyright avec l'illustrateur W. W. Denslow. Domaine public. Source : Internet Archive
La superbe mention de copyright de la première édition du Magicien d’Oz de 1899. On remarque que L. Franck Baum a partagé son copyright avec l’illustrateur W. W. Denslow. Domaine public. Source : Internet Archive

Le domaine public garantit normalement la possibilité de réutiliser et d’adapter une oeuvre sans entrave, y compris en vue d’une exploitation commerciale. Mais l’exemple du magicien d’Oz montre que la réalité est bien plus complexe, dans la mesure où des droits peuvent facilement renaître sur le domaine public, assurant à des tiers de nouveaux titres de propriété exclusive. On en vient même à se dire que le domaine public serait mieux protégé si un mécanisme proche de celui du copyleft lui était appliqué, afin d’empêcher que les oeuvres ne soient saisies par de nouvelles enclosures.

L’enveloppe utilisée par L. Franck Baum pour enregistrer le copyright sur une comédie musicale tirée de son roman Le magicien d’Oz (Bibliothèque du Congrès)

Oz et la magie noire du Copyright

Le problème avec le magicien d’Oz provient en réalité d’une affaire antérieure, qui avait opposé la Warner, titulaire des droits sur le film de 1939, à une entreprise ayant réalisé des T-shirts à l’effigie des personnages de l’univers d’Oz. Les juges ont alors rendu une décision complexe qui a admis que les droits de la Warner avaient été violés, sur la base d’une « protection des personnages » (character protection), quand bien même le roman original était dans le domaine public.

La justice américaine a en effet estimé que les personnages dans le film possédaient des « caractères spécifiques et largement identifiables« , détachables des figures présentées dans le livre. Leur raisonnement consistait à dire qu’il était désormais impossible de se représenter un personnage comme Dorothy sans penser à l’interprétation de Judy Garland, comme si une « couche mémorielle » s’était ajoutée en surimpression sur l’oeuvre originelle.

Les Tshirts de la discorde, proches en effet des personnages du film de 1939.

Réagissant à cette décision, le site Techdirt avait immédiatement compris qu’elle comportait quelque chose de redoutable pour le domaine public. Car une telle conception signifiait d’une certaine façon que les réutilisations d’une oeuvre du domaine public étaient désormais susceptibles de « rétroagir » sur l’oeuvre original et d’en limiter la disponibilité. Cette crainte était confirmée par un juriste américain commentant la décision :

Tous les réalisateurs qui voudront créer une nouvelle adaptation d’une oeuvre littéraire – même si elle appartient au domaine public – devront prendre garde à ne pas utiliser des éléments copyrightés attachés à des personnages apparus dans des adaptations filmographiques antérieures à la leur. Bien entendu, quand il s’agira d’une interprétation par des acteurs de personnages fictifs, ce sera plus facile à dire qu’à faire…

S’agissant du magicien d’Oz, outre l’interprétation des acteurs, il existe des différences importantes introduites dans le film de 1939 par rapport au roman de L. Franck Baum. Dorothy par exemple porte des chaussures de rubis, alors que le roman parle de chaussures d’argent. Cette modification avait été apportée afin de tirer le meilleur parti du procédé Technicolor utilisé pour le film. De la même façon, la Sorcière de l’Ouest interprétée par Margaret Hamilton dans le film avait la peau verte pour ressortir à l’écran, alors que ce détail n’est pas mentionné dans le livre. Une route de briques rouges a également été ajoutée dans le film, alors que dans le roman, il n’existe qu’une route de briques jaunes (Yellow Brick Road) que Dorothy et ses amis suivent au cours de leur voyage. Toutes ces différences propres au film de 1939, ainsi bien entendu que les chansons comme Over The Rainbow, restent encore pleinement protégées par le droit d’auteur et il n’était pas possible pour Disney de les réemployer pour son propre film.

Les fameux souliers de rubis de Dorothy dans le film de 1939 (Par Dbking. CC-BY. Source : Wikimedia Commons).

Ces multiples difficultés créaient un véritable casse-tête légal qui ont conduit Disney à faire des choix artistiques radicaux pour éviter les foudres judiciaires de la Warner.

Comment les juristes ont écrit le scénario du Monde fantastique d’Oz…

Quand on parcourt certains articles écrits à propos des déboires rencontrés par Disney, on est frappé de voir à quel point les contraintes légales ont pesé sur les choix artistiques pour ce film. En 2011, on pouvait lire que le design du smartphone Samsung Galaxy SIII avait été entièrement conçu par des juristes pour éviter les poursuites d’Apple. Le Monde Magnifique d’Oz est sans doute un film qui a été autant élaboré par des avocats que par des scénaristes, et il y a quelque chose d’assez dérangeant à se dire que nous vivons dans un monde où une telle aberration est possible…

Page manuscrite du script d’une comédie musicale tirée par L. Franck Baum de son roman en 1903 (Bibliothèque du Congrès).

Il est clair que Disney aurait préféré proposer sa propre adaptation du roman de Baum (Disney s’est en même fait souffler les droits en 1937 par la Metro-Goldwin-Meyer, qui a pu réaliser le film de 1939, pour les revendre ensuite à la Warner). Mais devant les difficultés légales, Disney a préféré jouer la carte de la sécurité en réalisant une prequel de l’histoire décrite dans le Magicien d’Oz. Un tel choix lui évitait notamment de reprendre des personnages à hauts risques, comme Dorothy. L’histoire est ainsi centrée sur le personnage même du magicien d’Oz, qui apparaît très peu dans le roman et par conséquence, dans la comédie musicale. Bien entendu, il fallait néanmoins que les équipes de Disney se raccrochent à l’univers du monde d’Oz, mais en introduisant des différences sensibles par rapport à la vision donnée par le film de 1939.

Illustration de l’édition du Magicien d’Oz de 1900. Domaine public. Source : Wikimedia Commons.

Les avocats de Disney sont lourdement intervenus durant la production et ils ont par exemple insisté pour que les fameux singes ailés soient modifiés afin de ressembler davantage à des babouins aux dents acérées. Une attention particulière a été portée  à l’apparence des Munchkins, des nains décrits dans le roman comme arborant d’étranges coiffures bouclées. Les avocats de Disney ont estimé après le tournage que la coupe qu’ont leur avait donné était trop proche de celle du film de 1939 et il a fallu que les équipes de Sam Raimi les modifie image par image en retouche numérique lors de la post-production.

Mais le summum du délire a été atteint à propos de la couleur de peau de la Sorcière de l’Ouest.  Howard Berger, le maquilleur attaché au film a dû déployer des trésors d’ingéniosité pour arriver à une teinte validée par les avocats de Disney. Le résultat s’appelle paraît-il le « Théostein », en référence au nom de la sorcière et à… Frankenstein ! D’autres éléments du costume de ce personnage interprété par Mila Kunis ont visiblement fait l’objet de longues discussions légales, comme la forme de son chapeau ou son bustier…

La nouvelle sorcière de l’Ouest et l’ancienne : fifty shades… of green !

Malédiction du droit des marques

Le droit d’auteur n’est pas le seul problème auquel Disney a dû faire face pour ce film. La Warner défend avec beaucoup d’agressivité les nombreuses marques qu’elle a déposées au fil du temps sur l’univers d’Oz. La firme est déjà intervenue par le passé pour interdire l’usage de désignations comme « Wizard of Azz », « Wicked of Oz », ou « Flying Monkeys Vine », susceptibles de lui faire de l’ombre.

En octobre dernier, Warner a tenté un coup de poker tordu envers Disney en essayant de déposer comme marque les termes « The Great and Powerful Oz« . Elle espérait parvenir à le faire avant que Disney n’ait réussi à protéger le titre de son film, pour pouvoir vendre à sa guise des produits dérivés en empêchant son concurrent de le faire… Mais c’était déjà une semaine trop tard, car Disney avait déjà pris ses précautions en déposant une demande auprès de l’office des marques des Etats-Unis.

Pour Disney, voilà la vraie poule aux oeufs d’or, et vraisemblablement ce qui a poussé la firme à produire ce film, malgré les difficultés.

Ce n’est pas la première fois que l’on constate que le droit des marques peut sérieusement interférer avec le domaine public, en étant détourné de son but à des fins de copyfraud. Les personnages de Tarzan, de Sherlock Holmes ou encore récemment de Zorro ont ainsi fait l’objet de revendications de la part d’ayants droits sur la base du droit des marques pour tenter de récupérer un contrôle sur des oeuvres, une fois celles-ci entrées dans le domaine public.

Faire évoluer le domaine public en un domaine commun ?

Au vu de cet exemple du Magicien d’Oz, le site Techdirt estime que le domaine public s’est transformé en un véritable champ de mines, tant les obstacles sont nombreux pour ceux qui veulent y puiser pour créer à leur tour. Quelque part, il est ironique que ce soit une firme comme Disney qui soit « victime » de ces entraves, vu qu’il s’agit certainement d’un des plus grands voleurs de propriété intellectuelle au monde, qui a bâti son empire sur le domaine public, en puisant dans le fonds commun des contes et légendes, tout en le démolissant par ailleurs par son lobbying en faveur de l’allongement de la durée des droits (le funeste Mickey Mouse Act).

Mais cette affaire soulève des questions troublantes sur le statut juridique du domaine public lui-même. Le domaine public doit normalement servir à constituer la culture en un Bien Commun de l’Humanité, mais comment serait-ce possible s’il devient si simple de reposer des enclosures sur ce qui devrait rester disponible pour tous ? Dans l’ouvrage « Libres Savoirs : les biens communs de la connaissance« , il y a un article écrit par Madhavi Sunder et Anupam Chander, nous mettant en garde contre une conception « romantique » du domaine public, que son ouverture même laisse à la merci de toutes les formes de réappropriation. Les auteurs le déplorent à propos des savoir traditionnels des pays du Sud, qui se sont fait piller sans vergogne par les nations industrialisées, à défaut d’être correctement protégés. Mais la même question se pose pour le patrimoine culturel, lorsque l’on voit les comportements de prédateurs de firmes comme Warner ou Disney.

Imaginons un instant que l’oeuvre de L. Frank Baum soit placée sous un régime juridique de copyleft, avec une condition de partage à l’identique (Share Alike). Cette lutte délétère entre Warner et Disney deviendrait sans objet et même les chaussures de rubis de Dorothy ou la peau verte de la Sorcière de l’Ouest seraient alors librement réutilisables, à condition de ne pas chercher à supprimer cette liberté offerte à tous.

Dans le projet de loi pour le domaine public que j’ai proposé, j’ai déjà commencé à m’attaquer au problème des enclosures, en essayant d’introduire des mécanismes visant à neutraliser la possibilité de faire renaître des droits sur le domaine public. Peut-être faut-il aller plus loin et proposer un dispositif de protection plus puissant inspiré du copyleft ? Dans le même ordre d’idée, un penseur important des biens communs, David Bollier, pense de son côté que l’on devrait appliquer un copyleft pour protéger les semences et les gènes, qui font eux-aussi l’objet de tentatives gravissimes d’appropriation.

Ce serait alors faire évoluer le domaine public vers un domaine commun.

PS : sur Internet Archive, on trouve la première édition du Magicien d’Oz, superbement illustrée et diffusée dans le respect son appartenance au domaine public. Merci @PoivertGBF pour me l’avoir signalée !


32 réflexions sur “Le monde dystopique d’Oz, ou les avanies du domaine public sans copyleft

  1. Savourons néanmoins, les déboire de Disney avec les loi du copyright !

    Disney reste quand même un des acteurs majeurs de la défense du copyright à tout prix, et c’est bien grâce aux « lois Disney » que le copyright a été prolongé à 70 ans.

    1. Oui, c’est vrai qu’il y a à une sorte d’effet boomerang assez réjouissant.

      Mais n’oublions pas non plus qu’une firme comme Disney peut très bien se payer les armées d’avocats pour surmonter ces difficultés, alors que ce n’est pas à la portée d’entreprises plus modestes ou des simples créateurs individuels.

      Au final, à ce jeu, c’est encore Disney qui gagne…

  2. Les faits cités ici dans cet excellent billet nous prouvent que ce n’est malheureusement pas l’art et la créativité qui dirigent les business prétendument artistiques, mais l’argent.

    Nous vivons une époque formidable, où même sortir un téléphone avec des coins arrondis amène au tribunal, où l’avancée technologique et les créations artistiques sont freinées par l’abus des lois censées initialement les protéger. Le tout par la force d’une petite poignée de personnes sans scrupules à qui l’on a donné du pouvoir.

    En plus d’être déplorable et pathétique, c’est avant tout extrêmement triste.

  3. C’est amusant de voir Disney se debattre avec son propre champ de mines, mais il est encore plus deplorable de constater que l’argent lui permet de s’en sortir assez simplement. Cette possibilite de faire renaitre des droits sur le domaine public est une aberration juridique qui, comme la possibilite donnee au legislateur d’etendre regulierement la duree des droits, tend a lui oter une grande partie de son sens.

    Maintenant, Il faut voir que « nous », citoyens, avons laisse les legislateurs s’amuser bien trop longtemps, sans les placer devant leurs responsabilites et en reconduisant leurs mandats malgre toutes leurs actions.

    Le pire est qu’ils ecoutent en acquiescant benoitement les discours des lobbies pretendant que cela « encourage la creation » malgre les preuves nombreuses que ces exces (voire carrement abus) de « droits d’auteur » (et derives) conduisent plutot a la restreindre. Que ce soit par aveuglement ou par interet, cette attitude nuit au plus grand nombre pour ne servir qu’une minorite qui, preuve en est donnee annee apres annee, est bien moins en crise qu’il ne le laisse entendre.

  4. J’avais d’ailleurs une question à propos de ce concept domaine public-copyleft. Que se passe-t-il lorsque les œuvres sous licence copyleft aujourd’hui passeront dans le domaine public ? Je sais bien que ce sera dans très longtemps, mais par exemple comment saura-t-on quand une page Wikipedia s’élève dans le domaine public ? Lorsque le premier contributeur décède (et 70 ans après) ou lorsque tous sont décédés et 70 ans après ? De même, qu’adviendra-t-il des logiciels libres volontairement sous copyleft fort ? Peut-on d’ailleurs dire que certains logiciels propriétaires devraient s’élever dans le domaine public après une telle durée ? J’espère vivement que la loi aura changé pour que je puisse voir ce que ça donnera de mon vivant !

    1. J’aurais tendance à dire que chaque version d’un article wikipédia est un cas spécifique :
      – Si un seul contributeur, on reste dans un cadre classique, l’entrée dans le domaine public se fait 70 ans après sa mort
      – Si plusieurs contributeurs, œuvre collective et l’entrée dans le DP se fera 70 ans après la mise en ligne de la version. Ce document https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=R%C3%A9seau_%C3%A9lectrique&oldid=90992942 sera par exemple dans le DP dans 70 ans, sans les modifications à venir. Chaque version de l’article entrera dans le DP à une date différente.

      Ce raisonnement est peut être erroné sur le plan juridique mais on me corrigera je n’en doute pas :)

      1. Bonjour,

        Excellente question et bon début de réponse.

        On peut dire que les articles de Wikipédia se développent un peu comme des troncs d’arbre, avec des « couches » successives qui se rajoutent sur une oeuvre initiale (la première contribution). Il faut donc raisonner couche par couche, car chaque nouvelle contribution constitue une oeuvre dérivée par rapport à l’étant antérieur de l’article.

        Pour un même article, il va donc arriver un moment (dans un futur assez lointain, plus d’un siècle, si les lois en vigueur ne changent pas)où les premières contributions à un article vont commencer à entrer dans le domaine public (alors que les suivantes seront toujours protégées). La licence CC-BY-SA « sautera » alors (perdra sa validité) et le régime juridique de ces versions d’articles sera celui du domaine public.

        Le problème, c’est qu’il sera redoutablement difficile de déterminer le moment où cela arrivera. Car pour calculer la durée des droits, il faut connaître la date de décès des auteurs. Or pour Wikipédia, on compte beaucoup de contributions sous pseudonyme. La loi française dit alors qu’on doit prendre en compte la date de publication pour faire courir le délai de 70 ans, sauf si l’auteur dévoile son identitité (hypothèse peu plausible pour Wikipédia).

        Pour ceux qui écrivent sous leur véritable nom, il sera sans doute très complexe de déterminer les dates de morts.

        Ajoutons ensuite la difficulté de déterminer la loi applicable, car la durée des droits varie selon les pays. On pourrait penser qu’il faut prendre pour référence la loi du pays dont les auteurs sont ressortissants, mais c’est beaucoup plus complexe que cela. On doit plutôt prendre la loi du pays de publication, mais quel est-il pour un bojet en ligne comme Wikipédia.

        Toutes ces difficultés font que Wikipédia va avoir beaucoup de mal à entrer dans le domaine public (et elle risque même de devenir une oeuvre partiellement orpheline au fil du temps).

        Ce n’est pas trop grave, parce qu’à défaut de certitudes, je pense qu’on continuera à appliquer la CC-BY-SA, qui est le régime juridique qui lui sied le mieux.

        On peut même se demander s’il y a un intérêt à ce que Wikipédia entre un jour dans le domaine public, car la CC-BY-SA la protège des enclosures et des réappropriations. Le domaine public peut la fragiliser.

        Bref question passionnante, qui mérite bien un billet complet !

        Sylvain, je mettrai une nuance par rapport à ton commentaire. Le régime de l’oeuvre collective n’est pas applicable à Wikipédia, car il suppose une direction générale exercée par une personne physique ou morale, ainsi que des contributions qui se fondent dans un ensemble, dans lequel on ne peut les individualiser. Ce n’est pas le cas avec Wikipédia : pas de direction et possibilité d’attribuer très exactement chaque contribution aux différents auteurs, grâce à l’historique des articles.

        Donc pas d’oeuvre collective, mais une succession d’oeuvres dérivées, accumulées en couches.La durée des droits de principe est donc bien Vie de l’auteur + 70 ans (si on se place dans le cadre français).

        Calima

        PS @amic : raisonnement similaire applicable aux logiciels libres, sauf dans l’hypothèse où ils sont créés par des salariés d’entreprises, auxquels cas les droits appartiennent ab initio à ces dernières. Durée des droits = date de publication + 70 ans. Mais si des contributions d’individus se rajoutent, elles seront soumises à Vie de l’auteur + 70 ans. Bref, c’est redoutablement complexe…

        Et bien entendu, les logiciels propriétaires entreront un jour dans le domaine public eux aussi (70 ans après leur publication, on a une chance de voir ça pour certains et ça va être jouissif !)

  5. Pourquoi Disney n a pas rencontré tant de problèmes dans les années quatre-vingt avec oz un monde extraordinaire…. qui fit d ailleurs un bide retentissant…

    1. Bonjour et merci pour cette très intéressante question. Je n’ai pas eu la place d’aborder ce point dans le pays.

      En réalité, Disney a toujours essayé de batailler pour faire quelque chose avec le Magicien d’Oz, après que les droits lui ai filé entre les doigts en 1939, au bénéfice de MGM.

      Comme les droits sur le Magicien d’Oz avaient déjà été cédés par L. Franck Baum, Disney s’est rabattu en 1954 sur les 13 autres romans écrits par l’auteur, qui se situe dans l’univers d’OZ : http://en.wikipedia.org/wiki/Oz_the_Great_and_Powerful#Disney.27s_history_with_Oz

      C’est à partir de ces droits-là que Disney a tenté des productions autour de Oz, en série télé ou en film, donc celle que vous citez. Dans les années 80, les difficultés juridiques étaient moindres.

      C’est surtout ce jugement, rendu à propos des T-shirts, qui a beaucoup fragilisé le domaine public.

      Merci pour la question !

  6. Bonsoir,

    J’ai du mal à saisir la différence que vous faites entre domaine public et domaine commun, pourriez-vous m’éclairer ? Les biens intellectuels qui cessent d’être protégés, au terme d’un certain délai, deviennent des biens publics purs (utilisation non-rivale et non-exclusive) mais en aucun cas des biens publics impurs/des biens communs (utilisation potentiellement rivale et non-exclusive) au sens de l’analyse économique. En fait, le concept même de « biens communs » est à mes yeux problématique en ce que le premier terme désigne « toute chose susceptible d’appropriation » (Dictionnaire Cornu) tandis que le second terme renvoie au régime des res communes qui, en Droit romain, sous-tend l’indisponibilité de ladite chose. Il serait sûrement préférable de parler de « choses communes », d’un point de vue juridique.

    La solution au problème de la ré-appropriation des données du domaine public réside peut être dans l’adoption d’une licence CC0 doublée d’une clause de Partage à l’identique (SA), laquelle s’étendrait aux créations dérivées. Néanmoins, cela demeurerait imparfait dans la mesure où le Droit national ne permet pas à l’auteur de se séparer de ses droits moraux sur son oeuvre…

    Merci de me communiquer votre opinion sur le sujet. ;)

    1. La définition des biens communs à laquelle vous vous référez est celle de la théorie économique classique (distinction entre biens publics, biens communs, biens « club », biens privés »). Mais le corpus théorique sur les biens communs est plus riche que ce type d’analyse. Quand j’emploie la notion de biens communs, je me réfère aux travaux d’Elinor Östrom et à ceux de l’école de Bloomington : http://en.wikipedia.org/wiki/Elinor_Ostrom, dont l’approche n’est pas uniquement juridique.

      La notion de res communes du droit romain n’est pas non plus exactement superposable avec celle de biens communs au sens moderne.

      Dans cet article, je m’interroge sur le statut des oeuvres du domaine public au sens de la propriété intellectuelle. Ces oeuvres peuvent être réutilisées sans restriction (hormis ce qui relève du droit moral). L’exemple du magicien d’Oz montre que cela peut être problématique, dans la mesure où une oeuvre dérivée peut finir par rétroagir sur l’oeuvre d’origine et en empêcher la libre réutilisation. On aboutit alors à un phénomène de réappropriation exclusive, ce que nous nommons une « enclosure ». Comment faire en sorte que les oeuvres du domaine public ne subissent pas ce genre d’atteinte ?

      On sait que les clauses de partage à scientifique des licences libres (copyleft) peuvent jouer ce rôle protecteur. Mais alors, il ne s’agit plus vraiment de domaine public… On est ici confrontés à une difficulté qui n’est pas simple à résoudre (et ne peut à mon sens pas l’être avec de simples licences contractuelles). Il faudrait que dans la loi elle-même, un régime du domaine public soit introduit qui prévienne le retour des enclosures. C’est ce que j’ai essayé d’esquisser ici : https://scinfolex.com/2012/10/27/i-have-a-dream-une-loi-pour-le-domaine-public-en-france/

      Concernant le fait que l’auteur ne puisse se « séparer » de ses droits moraux, c’est une question qui se discute, y compris dans le cadre du droit français. La loi dit que le droit moral est « inaliénable ». Mais je soutiens que lorsque par le biais d’un instrument comme la CC0, un auteur annonce publiquement son intention de renoncer à l’égard de tous (erga omnes) de son droit moral, il ne s’agit pas justement d’une « aliénation », terme qui suppose que le droit soit cédé à un tiers identifié à titre exclusif. Le renoncement et l’aliénation sont deux choses différentes. J’ai essayé d’expliquer cette position ici : https://scinfolex.com/2013/07/17/reconnaitre-le-domaine-public-volontaire-sans-fragiliser-lauteur-dans-les-contrats-dedition-reponse-a-la-sgdl/

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